CombienRapporte La Chasse En France, Marie Drucker François Baroin, ŰȘÙŰłÙŠŰ± Ű­Ù„Ù… Ű§Ù„Ù…ÙŠŰȘ ÙŠŰŻŰ§ÙˆÙŠ Ű§Ù„Ű­ÙŠ, Renault Espace 5 Coffre, Simulateur Valeur Locative Cadastrale, Filtre Favoris Snapchat, Comment Calculer La Surface Taxable D'un Abri De Jardin, Mathieu Urologue Ă©pinal, Ark: Crystal Isles Wyvern Egg Locations, Film Streaming : Western Clint Eastwood Gratuit En Français
Questions et commentaires Ci-joint les questions les plus frĂ©quentes, vous pouvez poser les vĂŽtres dans l’espace commentaire un peu plus bas. Hypertension Diastolique. Pression systolique. Pourquoi ma pression diastolique est haute ? La tension diastolique est la pression artĂ©rielle sanguine au maximum du relĂąchement du cƓur et des artĂšres. Le cƓur propulse le sang dans nos artĂšres, au moment de la propulsion la tension artĂ©rielle augmente, cette tension au maximum est la tension systolique, puis il y a relĂąchement du cƓur et la pression diminue, le relĂąchement maximal est la tension artĂ©rielle diastolique. Si cette pression diastolique est supĂ©rieure Ă  90 et que la pression systolique est autour de 120, nous parlons alors d’une tension artĂ©rielle pincĂ©e. Cette tension pincĂ©e indique que les artĂšres n’arrivent pas Ă  se relĂącher. C’est souvent une indication d’athĂ©rosclĂ©rose. La paroi des artĂšres est Ă©paissie et durcie. Il est alors recommandĂ© de jeĂ»ner rĂ©guliĂšrement, idĂ©alement 1 jour sur deux ou un jour sur trois et de pratiquer une activitĂ© physique rĂ©guliĂšre pour produire l’Atrial Natrurietic peptide qui est vasodilatateur dilate les vaisseaux sanguin. La production d’hormone adiponectine va elle aussi augmenter pendant le jeĂ»ne. De nombreuses Ă©tudes ont dĂ©montrĂ© les propriĂ©tĂ©s antiathĂ©rogĂ©niques contre les plaques d’athĂ©rome et anti-inflammatoires de l’adiponectine via ses effets sur d’autres cytokines comme le TNF-alpha ou la CRP. L’adiponectine inhibe la constitution de la plaque d’athĂ©rome et de l’athĂ©rosclĂ©rose. On peut aussi aider la diminution des plaques d’athĂ©rome avec du gui bourgeon et de l’olivier bourgeon. Il faudra maintenir ce type de traitement sur plusieurs mois, vois plusieurs annĂ©es pour obtenir des rĂ©sultats et les prĂ©server. En cas d’urgence il faut prendre ou garder les mĂ©dicaments allopathiques. La pression diastolique haute peut aussi rĂ©vĂ©ler une maladie rĂ©nale ou un excĂšs de production de cortisol. Il faudra faire les examens nĂ©cessaires prĂ©conisĂ©s par votre mĂ©decin traitant afin de connaĂźtre les rĂ©sultats du diagnostic athĂ©rosclĂ©rose, ou maladie rĂ©nale. Comment faire baisser la pression artĂ©rielle rapidement ? Si la tension artĂ©rielle dĂ©passe 18 de maxima, il faut avoir recours d’urgence aux mĂ©dicaments allopathiques. Consulter en urgence un mĂ©decin ou cardiologue. Puis sur le long cours il est bon de commencer par revoir son alimentation. Mettre en place une alimentation hypotensive. Voir ici pour l’alimentation hypotensive Traitement naturel de l’hypertension. Puis amĂ©liorer son hygiĂšne de vie globale, tester ici votre hygiĂšne de vie et voir ce qui peut ĂȘtre amĂ©liorĂ©, viser un score de 80%. Quel est mon score en terme d’hygiĂšne de vie ? Enlever tous les aliments contenant des graisses polyinsaturĂ©es, d’aprĂšs le docteur Chriss Knobb, les maladies cardiovasulaires telles que nous connaissons aujourd’hui n’existaient pas avant l’arrivĂ©e des huiles polyinsaturĂ©es dans notre alimentation. Elles sont omniprĂ©sentes dans tous les aliments fabriquĂ©s par l’industrie agroalimentaire, mĂȘme dans les aliments bio. Pour le mĂ©decin Chriss Knobb elles sont responsables Ă  80 % de nos problĂšmes cardiovasculaires. Voir ici huiles polyinsaturĂ©es. Mettre en place le jeĂ»ne hydrique intermittent, commencer par rĂ©duire le nombre de repas, rĂ©duire les quantitĂ©s, puis passer Ă  un seul et unique repas complet par jour et un repas de fruits crus aqueux Ă  17h30. Puis, si possible, passer Ă  un jeĂ»ne un jour sur deux ou tous les trois jours. Lorsque votre poids et que votre tension artĂ©rielle baissent demander alors Ă  refaire un bilan avec votre cardiologue ou mĂ©decin traitant afin de rĂ©duire ou enlever les mĂ©dicaments allopathiques. Nous avons remarquĂ© que la tension artĂ©rielle est souvent en lien avec un seuil en poids. DĂšs que le seuil est dĂ©passĂ© la tension artĂ©rielle augmente. Il vous faudra suivre votre tension vous-mĂȘme et prendre la mesure de la pression vous-mĂȘme tous les matins. IdĂ©alement noter dans un tableau la date et la tension et observer l’évolution. Il est bon de prendre la mesure de la pression trois fois et de faire une moyenne des trois mesures. Vous pourrez ainsi observer si votre cƓur est rĂ©gulier et stable ou si votre cƓur est irrĂ©gulier. La mesure de la pression doit se faire dans le calme et le silence. Observer Ă©galement l’influence de votre alimentation sur votre tension. Il est frĂ©quent qu’une journĂ©e oĂč on boit du cafĂ© et oĂč on prend de l’alcool la tension monte trĂšs rapidement. Vous pouvez aussi dĂ©cider de faire un jeĂ»ne hydrique ou une diĂšte sur plusieurs jours pour faire baisser la tension artĂ©rielle. En moyenne il faut 15 jours de jeĂ»ne hydrique pour retrouver une tension artĂ©rielle normale. Parfois c’est plus rapide parfois plus long, tout dĂ©pend du degrĂ© d’intoxination et de la vitalitĂ© des organes foie, reins, cƓur. On observe que les injections ARN Covid, provoquent une augmentation de la tension. Probablement Ă  cause des mĂ©taux lourds contenus dans les injections. Il faudra dans ce cas ĂȘtre prudent et plus progressif dans la mise en place de jeĂ»ne hydrique. Qu’est-ce qui peut provoquer l’hypertension ? L’Hta est liĂ©e Ă  un dĂ©rĂšglement hormonal d’un cĂŽtĂ© et parfois la formation de plaques d’athĂ©romes dans les artĂšres de l’autre. Les deux conjuguĂ©s peuvent ĂȘtre source d’ Hta sĂ©vĂšre. Certaines hormones en trop grand nombre sont vasoconstrictrices contraction des vaisseaux. Ce dĂ©rĂšglement est souvent la consĂ©quence d’une intoxination des organes le foie, les reins, les poumons et d’un manque de sollicitation du cƓur activitĂ© physique rĂ©guliĂšre. L’excĂšs de table, le vin, le cafĂ©, la consommation de tabac, le grignotage, la mal digestion, les huiles polyinsaturĂ©es
 peuvent-ĂȘtre les principaux responsables. A noter que certains aliments naturels tels que la rĂ©glisse, le chardon-marie, le cassis bourgeon, la gelĂ©e royale, l’huile essentielle de pin peuvent ĂȘtre cause d’hypertension artĂ©rielle. L’Hta peut aussi ĂȘtre liĂ©e par une situation de stress qui induit un stress des organes. Les mĂȘmes organes qui sont intoxinĂ©s par des excĂšs de table peuvent ĂȘtre intoxinĂ©s par des Ă©motions refoulĂ©es. Nommer et reconnaĂźtre les Ă©motions aide Ă  mieux accueillir une situation de stress. On peut expĂ©rimenter des mĂ©thodes de relaxation pour apprendre Ă  dĂ©compresser plusieurs fois par jour. Quelles sont les symptĂŽmes de l’hypertension ? Hypertension et vertiges. Maux de tĂȘte hypertension. Hypertension et fatigue. Les symptĂŽmes les plus frĂ©quents peuvent-ĂȘtre Saignement du nez, hĂ©morroĂŻdes qui saignent. C’est un signe que le corps expulse la pression sanguine par des voies naturelles, le nez et l’anus. La rĂ©action est souvent d’empĂȘcher ces saignements alors qu’en rĂ©alitĂ© il faut les encourager, il est prĂ©fĂ©rable que les vaisseaux Ă©clatent au nez ou Ă  l’anus que dans le cerveau. Il est frĂ©quent d’observer un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral ou un infarctus du myocarde suite Ă  la ligature des hĂ©morroĂŻdes ou l’assĂšchement des vaisseaux dans le nez. Maux de tĂȘte Vertiges, perte d’équilibre, sensation d’ivresse Papillons dans les yeux, trouble de la vision Bourdonnement dans les oreilles Fatigue Si vous avez des symptĂŽmes d’hypertension, il est recommandĂ© de vĂ©rifier votre tension. Si elle est au-dessus de 15 de maxima avec symptĂŽmes alors il faut consulter. Si elle est en dessous de 17 de maxima et sans symptĂŽme alors il suffit de jeĂ»ner quelques jours jusqu’à ce que la tension diminue. 18 de tension est-ce dangereux ? Mieux vaut prĂ©venir que guĂ©rir. Oui si vous avez 18 de tension artĂ©rielle et plus il faut consulter ou prendre des hypotenseurs. Puis vous pouvez jeĂ»ner un jour sur deux, mettre en place une alimentation hypotensive, continuer de prendre la mesure de votre pression tous les jours. Lorsque vos changements d’hygiĂšne de vie montrent une baisse de votre tension, alors vous pouvez consulter votre mĂ©decin traitant pour progressivement diminuer puis enlever les mĂ©dicaments tout en vĂ©rifiant votre tension de maniĂšre quotidienne. Voir Ă©galement Comment jeĂ»ner Comment jeĂ»ner ? 10 conseils pour rĂ©ussir son jeĂ»ne Faire un jeĂ»ne. Nos cures de jeĂ»ne Cure de jeĂ»ne Enseignement en ligne du jeĂ»ne JeĂ»ner chez soi.
Jebascule souvent entre l’espoir et le rĂ©alisme de ce qui m’attend. La mĂ©decine n’avance pas assez vite. Heureusement qu’il y a des tĂȘtes fortes comme le Dr Shwartz pour faire avancer les choses. Heureusement qu’il y a de la tendresse et de l’amour autour de nous. Au bout de la route, c’est tout ce qui compte.
1 Salam'alaykom Combien coĂ»te pour faire une hijama? Comment savoir si la personne est bonne et fait bien son soin? Chokran d'avance 2 generalement c'est gratuit et tu donne ce que tu veux en general 20 euro et tu paie ton kit 15 euro vers la bouche a oreille t un homme? 3 Merci pour tes rĂ©ponses Non je suis une femme en genĂ©ral une photo de profil avec une fleur c'est une femme ;- ou sinon les personne qui font hijama elle font quoi formation ou comme mĂ©tier??? j'ai peur de tomber sur une personne sans expĂ©rience ou sans formation...! 4 Merci pour tes rĂ©ponses Non je suis une femme en genĂ©ral une photo de profil avec une fleur c'est une femme ;- ou sinon les personne qui font hijama elle font quoi formation ou comme mĂ©tier??? j'ai peur de tomber sur une personne sans expĂ©rience ou sans formation...! jai pas fait attention a ta photo de profil dsl bin hijama y a des soeurs qui savent faire en ayant appris sur le tas moi je le fais chez un frere sa femme ausis le fait il est bien ta pas de trace qui reste au bout de 2 semaine ca part faut pas tomber sur un charcutier Soomy 5 Je sais pas si je suis HS mais je connais qqn qui l'a fait chez une personne qui pratique la mĂ©decine chinoise Ă  domicile, La personne que je connais a fait de l'acupuncture et des saignĂ©es Hijama elle se sent bcp mieux elle ma dit avoir payĂ© 40 euros fais signe si tu veux plus d'info 6 Je sais pas si je suis HS mais je connais qqn qui l'a fait chez une personne qui pratique la mĂ©decine chinoise Ă  domicile, La personne que je connais a fait de l'acupuncture et des saignĂ©es Hijama elle se sent bcp mieux elle ma dit avoir payĂ© 40 euros fais signe si tu veux plus d'info tu as deux sorte de hijama celle ou le sang sort et celle ou juste tu met la ventouse la meilleure est clairmerent celle ou le mauvais sang sort c'est pour ca faut pas tomber sur un boucher car il doit inciser delicatement pour ne laisser aucune trace Soomy 7 tu as deux sorte de hijama celle ou le sang sort et celle ou juste tu met la ventouse la meilleure est clairmerent celle ou le mauvais sang sort c'est pour ca faut pas tomber sur un boucher car il doit inciser delicatement pour ne laisser aucune trace la personne que je connais a fait avec des ventouses... elle se dit satisfaite perso moi ca me ferait flipper lol 8 la personne que je connais a fait avec des ventouses... elle se dit satisfaite perso moi ca me ferait flipper lol non rien de flippant wallah moi je l'ai fait avec incision tu sens rien je l'ai fait ds le dos y a des pote sur la tete le genou etc et les anges ont recommandĂ© au prophete aleyhi salam que sa oumma pratique la hijama 9 Soumiyah 40€ Hijama c'est chĂšre Non! Si vous connaissez un personne qui a fait une formation... qui fait hijama pour Femmes sur Bruxelles belgique MP Merci Soomy 10 Soumiyah 40€ Hijama c'est chĂšre Non! Si vous connaissez un personne qui a fait une formation... qui fait hijama pour Femmes sur Bruxelles belgique MP Merci Je rectifie c'est 30 euros Et la personne m'a dit qu'elle la fait avec des ventouses avec une aiguille dedans donc ça a fait sortir du sang J'ai le numĂ©ro de tel si vous voulez et c'est Ă  noisy le sec C'est une femme qui le fait 11 Je rectifie c'est 30 euros Et la personne m'a dit qu'elle la fait avec des ventouses avec une aiguille dedans donc ça a fait sortir du sang J'ai le numĂ©ro de tel si vous voulez et c'est Ă  noisy le sec C'est une femme qui le fait maintenant elle veut une en belgique lol 12 Je rectifie c'est 30 euros Et la personne m'a dit qu'elle la fait avec des ventouses avec une aiguille dedans donc ça a fait sortir du sang J'ai le numĂ©ro de tel si vous voulez et c'est Ă  noisy le sec C'est une femme qui le fait salam alaykum je connais pas ce truc, c'est quoi le but de se faire saignĂ©e ?? stp " le mauvais sang " ? 13 salam alaykum je connais pas ce truc, c'est quoi le but de se faire saignĂ©e ?? stp " le mauvais sang " ? w aleykoum salam c bien contre le sihr et maladie par exemple cholesterol ou bien arthrose etc 14 salam wa rahmatoullah. sa depend pour le prix sa peu aller de 15 a 30 euros. moi jme les fai tou seul avec produit etc.. et el hamdoulilah ya pas de probleme 15 w aleykoum salam c bien contre le sihr et maladie par exemple cholesterol ou bien arthrose etc salam alaykum ca doit faire mal.... merci car je connaissais pas du tout et ca s'appelle " hijama " , des saignĂ©es ?. 16 la hijama sert a absorbĂ© le mauvais sang et il peu avoir du sihr a extraire du sang, il y a plein de hadith sur le la hijama c fortement recommandĂ©, le faire au moins une fois dans l'annĂ©e, vous vous sentirez lĂ©ger, souple machallah h_meo lien France Palestine 17 C'est de l'ignorance... Si ce n'est pas pratiquĂ© dans un hĂŽpital pour baisser la tension sanguine. En claire faire baisser la pression artĂ©rielle qui la raison de de bien des maux.. mais cette tension n'est qu'une consĂ©quence d'autre chose. Ouvrez un bouquin de mĂ©decine sur l'anatomie du systĂšme circulatoire Sanguin.. vous comprendrez un peu mieux ces pratiques 18 Ă©coute c toi qui est ignorant, avant de faire la saignĂ©e on est deja renseignĂ© sur cette pratique auprĂ©s de personnes de confiance et qui ont deja fait la hijama, tu va pas mapprendre quelque chose moi qui Ă©tait auxiliaire ambulancier au niveau de la tension artĂ©rielle c sans risque pour une personne qui a fait la formation et qui le pratique de le voir les femmes allaient voir les femmes et les hommes essayaient de renseigner auprĂ©s de l'imam de votre ville. lah i chafi mouslimin ajmahin 19 C'est de l'ignorance... Si ce n'est pas pratiquĂ© dans un hĂŽpital pour baisser la sanguine. En claire faire baisser la pression artĂ©rielle qui la raison de de bien des maux.. mais cette tension n'est qu'une consĂ©quence d'autre chose. Ouvrez un bouquin de mĂ©decine sur l'anatomie du systĂšme circulatoire Sanguin.. vous comprendrez un peu mieux ces pratiques ...il faut tester avant de juger. h_meo lien France Palestine 20 ...il faut tester avant de juger. Je teste pas.. Si un besoin mon mĂ©decin me recommandera le traitement adaptĂ© ... S'inventer des maladies, symptĂŽmes et traitement sans formations sĂ©rieuse c'est de l'ignorance.. 21 tu as deux sorte de hijama celle ou le sang sort et celle ou juste tu met la ventouse la meilleure est clairmerent celle ou le mauvais sang sort c'est pour ca faut pas tomber sur un boucher car il doit inciser delicatement pour ne laisser aucune trace comment tu peux te faire le tri entre le mauvais et le bon sang, quand c'est le mĂȘme liquide qui circule dans les vaisseaux et le coeur? la saignĂ©e = La phlĂ©botomie Ă©tait pratiquĂ©e avant la naissance de l'Islam, elle a Ă©tĂ© prĂ©conisĂ© par Hippocrate et elle indiquĂ©e dans certaines cas seulement et lĂ  il faut passer par un mĂ©decin et faire des examens pour poser un diagnostic. s'il faut pratiquer la saignĂ©e juste parce qu'on a trouvĂ© un hadith ça n'a aucun intĂ©rĂȘt. c'est exactement comme si tu te blesses accidentellement. mais prĂ©s tout, on a le droit de se blesser volontairement sauf s'il s'agit d'une tentative de suicide, et lĂ  tu risques de te retrouver dans un hopital psychiatrique contre ta volontĂ© 22 Salam comment tu peux te faire le tri entre le mauvais et le bon sang, quand c'est le mĂȘme liquide qui circule dans les vaisseaux et le coeur? la saignĂ©e = La phlĂ©botomie Ă©tait pratiquĂ©e avant la naissance de l'Islam, elle a Ă©tĂ© prĂ©conisĂ© par Hippocrate et elle indiquĂ©e dans certaines cas seulement et lĂ  il faut passer par un mĂ©decin et faire des examens pour poser un diagnostic. s'il faut pratiquer la saignĂ©e juste parce qu'on a trouvĂ© un hadith ça n'a aucun intĂ©rĂȘt. c'est exactement comme si tu te blesses accidentellement. mais prĂ©s tout, on a le droit de se blesser volontairement sauf s'il s'agit d'une tentative de suicide, et lĂ  tu risques de te retrouver dans un hopital psychiatrique contre ta volontĂ© Fais-en une et tu verras comme le tri se fait... Salam. 23 Salam Fais-en une et tu verras comme le tri se fait... Salam. je me blesse assez souvent, mon sang est renouvelĂ© assez rĂ©guliĂšrement je ne doute pas des bienfaits de la phlĂ©botomie mais pour ça il faut qu'elle soit indiquĂ©e par mon mĂ©decin avec des examens qui confirme cet indication. et s'il faut le faire, il faut qu'elle soit pratiquĂ©e dans les rĂšgles de l'art avec des instruments stĂ©riles. par contre parler du mauvais sang qui sort, ce n'est pas le terme appropriĂ©. d'ailleurs la question ne se pose mĂȘme pas parce que il n’existe pas un mĂ©lange constituĂ© de mauvais et bon sang. 24 Salam je me blesse assez souvent, mon sang est renouvelĂ© assez rĂ©guliĂšrement je ne doute pas des bienfaits de la phlĂ©botomie mais pour ça il faut qu'elle soit indiquĂ©e par mon mĂ©decin avec des examens qui confirme cet indication. et s'il faut le faire, il faut qu'elle soit pratiquĂ©e dans les rĂšgles de l'art avec des instruments stĂ©riles. par contre parler du mauvais sang qui sort, ce n'est pas le terme appropriĂ©. d'ailleurs la question ne se pose mĂȘme pas parce que il n’existe pas un mĂ©lange constituĂ© de mauvais et bon sang. Fais-en une. Tu comprendras. Salam. 25 Salam'alaykom Combien coĂ»te pour faire une hijama? Comment savoir si la personne est bonne et fait bien son soin? Chokran d'avance Bonjour, Le meilleur moyen de savoir si tu peux avoir confiance en cette personne est de lui poser des questions Puisque tu souhaites que cette personne rĂ©alise un acte mĂ©dical sur toi, je te conseillerais de lui poser des questions pour ĂȘtre sĂ»re que cette personne aie quelques connaissances mĂ©dicales utiles. Le genre de question que je lui poserais si j'Ă©tais Ă  ta place 1 "OĂč avez-vous appris ?" 2 "Depuis combien de temps vous pratiquez ?" 3 Des questions pour savoir quelle est l'intĂ©rĂȘt de cette approche plutĂŽt qu'une approche mĂ©dicamenteuse. 4 Des questions un peu technique sur la stĂ©rilisation et la cicatrisation surtout gaffe Ă  la transmission du SIDA/hĂ©patites et autres saloperies!!! 5 Des questions sur le volume de sang et la durĂ©e de l'intervention pourquoi autant et pas plus ? Ce sont des bonnes questions pour diffĂ©rencier les charlatans de ceux qui ont Ă©tudiĂ© la question et s'intĂ©ressent sĂ©rieusement Ă  leurs patients. PS es-tu sĂ»re que c'est de cela que tu as vraiment besoin ? Les saignĂ©es peuvent parfois aggraver l'Ă©tat d'un malade ou faire croire Ă  celui-ci qu'il va aller mieux alors que son Ă©tat se dĂ©tĂ©riore pendant ce temps-lĂ ... 26 Salam Fais-en une. Tu comprendras. Salam. une petite alors? avec une aiguille, ça marche? par contre c'est quelqu'un veut n7ajem lih bla sabone , je suis volontiers DerniĂšre Ă©dition 24 AoĂ»t 2014 Nalinux It's not a bug, it's a feature. 27 A quoi on reconnait du "bon" et du "mauvais" sang ? Y a t il eu des Ă©tudes prouvant que cette mĂ©thode donne des rĂ©sultats diffĂ©rents d un placebo ? En gros qu est ce qui prouve que ça n est pas de la simple superstition ? Drianke Ű§Ù„Ù„Ù‡Ù… Ű„ÙŰȘŰ­ Ù„Ù†Ű§ ŰŁŰšÙˆŰ§Űš Ű§Ù„ŰźÙŠŰ± ÙˆŰŁŰ±ŰČÙ‚Ù†Ű§ من Ű­ÙŠŰȘ Ù„Ű§ Ù†Ű­ŰȘ۳ۚ 28 wa aleykoum selam c'est la saignĂ©e tout simplement, mĂ©decine ancestrale pratiquĂ©e partout dans ce monde que ce soit l'Asie, l'Europe, l'Afrique....c'est connu mais on le pratique plus chez nous depuis longtemps sauf chez les rebouteux peut-ĂȘtre... on soignait les maux par la saignĂ©e ainsi que les maux occultes... salam alaykum je connais pas ce truc, c'est quoi le but de se faire saignĂ©e ?? stp " le mauvais sang " ? Drianke Ű§Ù„Ù„Ù‡Ù… Ű„ÙŰȘŰ­ Ù„Ù†Ű§ ŰŁŰšÙˆŰ§Űš Ű§Ù„ŰźÙŠŰ± ÙˆŰŁŰ±ŰČÙ‚Ù†Ű§ من Ű­ÙŠŰȘ Ù„Ű§ Ù†Ű­ŰȘ۳ۚ 29 traduit on est francophone ici doukkala air line.... u par contre c'est quelqu'un veut n7ajem lih bla sabone , je suis volontiers Drianke Ű§Ù„Ù„Ù‡Ù… Ű„ÙŰȘŰ­ Ù„Ù†Ű§ ŰŁŰšÙˆŰ§Űš Ű§Ù„ŰźÙŠŰ± ÙˆŰŁŰ±ŰČÙ‚Ù†Ű§ من Ű­ÙŠŰȘ Ù„Ű§ Ù†Ű­ŰȘ۳ۚ 30 Tu ne dois pas savoir ce qu'est l'arthrose je pense....le sang on s'en fiche dans cette pathologie en fait on a besoin plutĂŽt d'huile car ça rouille... w aleykoum salam c bien contre le sihr et maladie par exemple cholesterol ou bien arthrose etc Drianke Ű§Ù„Ù„Ù‡Ù… Ű„ÙŰȘŰ­ Ù„Ù†Ű§ ŰŁŰšÙˆŰ§Űš Ű§Ù„ŰźÙŠŰ± ÙˆŰŁŰ±ŰČÙ‚Ù†Ű§ من Ű­ÙŠŰȘ Ù„Ű§ Ù†Ű­ŰȘ۳ۚ 31 wa aleykoum selam tu as connu les ampoules chez nous on pratique ça? ça fait pas plus mal...ou les cataplasmes de moutarde pour les bronches....c'est une pratique de mĂ©decine ancestrale connue...avant pas sure qu'il avait des petites lames pour les incisions celĂ  devait ĂȘtre au silex ... salam alaykum ca doit faire mal.... merci car je connaissais pas du tout et ca s'appelle " hijama " , des saignĂ©es ?. Drianke Ű§Ù„Ù„Ù‡Ù… Ű„ÙŰȘŰ­ Ù„Ù†Ű§ ŰŁŰšÙˆŰ§Űš Ű§Ù„ŰźÙŠŰ± ÙˆŰŁŰ±ŰČÙ‚Ù†Ű§ من Ű­ÙŠŰȘ Ù„Ű§ Ù†Ű­ŰȘ۳ۚ 32 La saignĂ©e est prĂ©conisĂ©e quand on a trop de fer par exemple, tu sais trĂšs bien que celĂ  existe de puis mathuzalem faut arrĂȘter de parler de superstition...quand c'est un sujet ou y'a l'islam alors on est des tarĂ©s quand on regarde l'histoire du monde et de la mĂ©decine on est loin d'ĂȘtre des kons justement du fait d'ĂȘtre des musulmans! A ton avis le don de sang c'est quoi si ce n'est qu'une saignĂ©e? A quoi on reconnait du "bon" et du "mauvais" sang ? Y a t il eu des Ă©tudes prouvant que cette mĂ©thode donne des rĂ©sultats diffĂ©rents d un placebo ? En gros qu est ce qui prouve que ça n est pas de la simple superstition ? 33 Tu ne dois pas savoir ce qu'est l'arthrose je pense....le sang on s'en fiche dans cette pathologie en fait on a besoin plutĂŽt d'huile car ça rouille... tu serais etonnĂ© du "pouvoir de la hijama" Nalinux It's not a bug, it's a feature. 34 La saignĂ©e est prĂ©conisĂ©e quand on a trop de fer par exemple, tu sais trĂšs bien que celĂ  existe de puis mathuzalem faut arrĂȘter de parler de superstition...quand c'est un sujet ou y'a l'islam alors on est des tarĂ©s quand on regarde l'histoire du monde et de la mĂ©decine on est loin d'ĂȘtre des kons justement du fait d'ĂȘtre des musulmans! A ton avis le don de sang c'est quoi si ce n'est qu'une saignĂ©e? Le don du sang c est pour le donner a d autres, c est pas pour sa santĂ© personnelle. Ça n a absolument aucun rapport, et tu le sais trĂšs bien. Si la saignĂ©e est prĂ©conisĂ©e lorsqu il y a trop de fer, comment est dĂ©terminĂ© ce trop plein de fer par celui qui la pratique ? C est pas une histoire de musulmans ou pas. Comme tu le dit, c est une pratique ancienne, avant mĂȘme l Islam. De plus, elle Ă©tait aussi pratiquĂ©e en Europe catholique. La danse de la pluie aussi est une pratique ancienne. Est elle efficace ? C est pas parce que un truc est ancien que il est nĂ©cessairement faux, mais pas nĂ©cessairement vrai non plus. Si c est efficace, ca doit se prouver. Ou sont les preuves ? Comment diffĂ©rencier du bon et du mauvais sang, sans faire d analyses en laboratoire ? Qu est ce qui prouve que ca n est pas de la simple superstition et un effet placebo ? 35 A quoi on reconnait du "bon" et du "mauvais" sang ? Y a t il eu des Ă©tudes prouvant que cette mĂ©thode donne des rĂ©sultats diffĂ©rents d un placebo ? En gros qu est ce qui prouve que ça n est pas de la simple superstition ? la hijama a guerrit pas mal de personne et ce n'est pas du a l'effet placebo de toute façon il est clairement prouvĂ© que les toxines par ex peuvent causĂ© pas mal de probleme notament l'obeisitĂ© etc la hijama permet d'epurer ce sang et degager les toxines maintenant si tu es musulmans sache que Anas Ibn MĂąlik qu’Allah l’agrĂ©e rapporte que le Messager d’Allah salla Allahou alayhi wa salam a dit Pendant mon Voyage Nocturne, je ne suis pas passĂ© devant un groupe sans qu’ils ne me disent Ô Muhammad ! Ordonne Ă  ta communautĂ© de pratiquer Al-HijĂąmah. »
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Cesconseils permettent de potentialiser les effets de la Hijama, mais aussi de favoriser votre confort pendant tout le dĂ©roulement du soin. En gĂ©nĂ©ral, il est souhaitable de manger lĂ©ger le jour mĂȘme du rendez-vous et d’arrĂȘter de manger 3 Ă  4 heures avant l’heure du rendez-vous si vous avez des problĂšmes d’estoma ou au ventre.

Une grossesse aprĂšs 50 ans ? La mĂ©nopause se diagnostique gĂ©nĂ©ralement comme ceci Si la femme n’est pas sous contraceptif hormonal la mĂ©nopause commence aprĂšs une annĂ©e sans rĂšgles amĂ©norrhĂ©e aprĂšs 50 ans et deux annĂ©es sans rĂšgles avant 50 ans. Si elle prend une contraception hormonale, le mĂ©decin prescrit un dosage de la FSH l’hormone folliculostimulante et de l’oestradiol ƓstrogĂšne Ă  un intervalle de temps prĂ©cis aprĂšs l’arrĂȘt de la contraception pour dĂ©terminer si la femme est mĂ©nopausĂ©e. Dans le cas de la mĂ©nopause, on observe une diminution du taux d’oestradiol et une augmentation du taux de FSH. Bien que la fertilitĂ© diminue rapidement dĂšs la fin de la trentaine, cela ne signifie pas qu’une grossesse soit impossible aux alentours de 50 ans. Les ovaires peuvent encore libĂ©rer un ovule de temps Ă  autre, de maniĂšre trĂšs irrĂ©guliĂšre. Cependant, si une femme a passĂ© le cap de la mĂ©nopause et dĂ©sire ĂȘtre enceinte, elle devra nĂ©cessairement subir un traitement mĂ©dical. D’une part, elle recevra des hormones qui vont prĂ©parer son utĂ©rus Ă  accueillir un Ɠuf fĂ©condĂ©. D’autre part, comme la fĂ©condation ne peut avoir lieu naturellement puisque le corps ne produit plus d’ovocytes, la patiente recevra l’Ɠuf fĂ©condĂ© in vitro. Ce dernier rĂ©sulte de la rencontre d’un ovule soit le sien, congelĂ©, soit celui d’une autre femme et d’un spermatozoĂŻde. La grossesse dĂ©marrera aprĂšs l’implantation de l’Ɠuf. Ce type de grossesse est attentivement suivie par l’équipe mĂ©dicale en raison de l’ñge de la future mĂšre. Bien que ces cas soient thĂ©oriquement possibles, ils restent trĂšs rares et soumis Ă  la lĂ©gislation de chaque pays. De plus, l’assurance maladie ne les rembourse pas au-delĂ  d’un certain Ăąge. Enfin, ils font souvent l’objet de dĂ©bats de sociĂ©tĂ©. Mais l’espĂ©rance de vie augmente et le rapport Ă  la vieillesse change. Dans quelques annĂ©es, les femmes enceintes Ă  la cinquantaine ne feront peut-ĂȘtre plus la une des journaux !

FertilitĂ©nutrition : roaccutane fertilitĂ© femme. 000 citoyens peuvent ĂȘtre taries au bĂ©bĂ©, et hommes, on se produit gĂ©nĂ©ralement plusieurs signes naturels Ă  partir de la booster fertilitĂ© femme 40 ans pubertĂ© Ă  l’imc indice de retrouver ce sujet pour mettre les effets tonifiants et qui augmente avec enthousiasme Ă  des mottes.
FORMATION SHIATSU COMMISSION 36,50€COMME D AUTRES MEDECINES ALTERNATIVES, LE SHIATSU EST UNE METHODE DE SOIN GLOBAL. CETTE THERAPIE ANCESTRALE COMBINE DES CONCEPTS DE LA MEDECINE TRADITIONNELLE CHINOISE MTC FORMATION SHIATSU TÉLÉCHARGER EN SAVOIR PLUSVotre Formation Certifiante Souhaitez-vous profiter d'une promotion exclusive pour cette formation ? Oui! Je souhaite obtenir cette formation Soigner efficacement grĂące au massage shiatsu De nos jours, nombreux sont ceux qui souffrent de douleurs chroniques, de problĂšmes de santĂ© divers, de stress et de troubles Ă©motionnels. La mĂ©decine conventionnelle fait de son mieux pour traiter ces symptĂŽmes, sans pour autant soigner le corps dans son ensemble. Peu Ă  peu, ces manifestations physiques ou psychologiques finissent par nuire au bonheur et au bien-ĂȘtre de l’individu. La solution rĂ©side donc ailleurs, dans une approche de soin plus naturelle et holistique. Le shiatsu est l’une d’elles. Le shiatsu regroupe des techniques utilisĂ©es en acupuncture, en yoga stretching, en massages thaĂŻ, suĂ©dois, classique
 Sa particularitĂ© est d’ajouter la dimension de l’esprit Ă  l’approche physique ce qui en fait l’une des thĂ©rapies naturelles les plus efficaces. Une thĂ©rapie ancestrale Comme d’autres mĂ©decines alternatives, le shiatsu est une mĂ©thode de soin global. Cette thĂ©rapie ancestrale combine des concepts de la mĂ©decine traditionnelle chinoise MTC et des techniques manuelles japonaises. Elle est destinĂ©e Ă  soutenir le corps dans son processus naturel de guĂ©rison. Ce systĂšme de soin complet peut servir en traitement symptomatique, mais aussi prĂ©ventif. Il peut ĂȘtre employĂ© Ă  tout moment de la vie sauf en cas d’urgence vitale. Comme l’acupuncture, le shiatsu stimule l’énergie vitale du corps le qi ou chi. La personne prend conscience de son corps et de son esprit, comme d’un ensemble indissociable. En comprenant ses zones de tension ou de faiblesse sur le plan physique ou Ă©motionnel, la guĂ©rison peut alors se produire. Toucher pour soigner dĂ©couvrez le massage Shiatsu La pratique du shiatsu peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une forme de massage. Ce forme de massage est dispensĂ© Ă  travers les vĂȘtements, et intĂšgre des points de pression et des postures simples. Le shiatsu travaille ainsi le corps physique, les muscles, les articulations, le sang... De plus en plus populaire en France, cette mĂ©thode de soin ne cesse de se dĂ©velopper, et la demande pour les praticiens en massage shiatsu ne cesse de croĂźtre. Une voie ouverte sur la santĂ© et le bien-ĂȘtre Cette formation est destinĂ©e Ă  vous former Ă  la pratique du shiatsu. En onze modules, vous dĂ©couvrirez la thĂ©orie et la pratique grĂące Ă  de nombreux exercices. Nous mettons Ă  votre disposition des supports PDF tĂ©lĂ©chargeables, mais aussi des fichiers MP3, des visuels et des vidĂ©os. Ils faciliteront votre apprentissage de la thĂ©orie, mais aussi de la pratique. Vous Ă©tudierez Ă  votre rythme, en pratiquant chez vous ou en dĂ©placement, en fonction de votre emploi du temps, de votre rythme de vie et de votre temps libre. À l’issue des onze modules, un examen final validera votre certification de praticien en massage shiatsu. En vous lançant dans ce mĂ©tier passionnant et enrichissant de praticien en massage shiatsu, vous amĂ©liorerez Ă©galement votre propre santĂ© en nourrissant votre corps et votre esprit de nouvelles connaissances. Et quelle satisfaction vous aurez de voir tant de gens se transformer grĂące Ă  vous ! Voici le programme dĂ©taillĂ© de la formation Cliquez sur chaque module pour en dĂ©couvrir le contenu MODULE 1 – LES BASES DE LA TRADITION SHIATSU Ce premier module dĂ©finit le mĂ©tier de praticien shiatsu et pose les bases de la pratique. Dans ce module, vous dĂ©couvrirez ‱ l’histoire du shiatsu ; ‱ les bases de l’approche par la mĂ©decine traditionnelle chinoise ; ‱ la science du qi et de l’énergie ; ‱ la thĂ©orie du yin et du yang ; ‱ la technique Ă  deux mains ; ‱ les mĂ©ridiens ; ‱ les cinq Ă©lĂ©ments ; ‱ le cycle de production mutuelle et le cycle de restriction mutuelle ; ‱ l’équilibre entre production et restriction ; ‱ le fonctionnement du shiatsu ; ‱ le travail sur le qi ; ‱ les bienfaits du shiatsu sur la santĂ©. MODULE 2 –PRÉPARATION DU PRATICIEN Dans ce module, vous dĂ©couvrirez comment se prĂ©pare le praticien avant de donner un traitement shiatsu. Cette prĂ©paration s’articule autour de deux aspects la prĂ©paration mentale et la prĂ©paration physique axĂ©e sur le corps. Ce module abordera ‱ l’exercice de respiration consciente ; ‱ l’exercice d’observation consciente ; ‱ l’exercice de prise de conscience du ciel et de la terre ; ‱ les postures lors de la pratique ; ‱ les exercices pour les mains, les doigts et les poignets ; ‱ l’exercice de respiration par le ventre ; ‱ l’exercice de respiration ventre assis ; ‱ la relaxation musculaire progressive ; ‱ la mĂ©ditation scan du corps » ; ‱ comment prendre soin de son alimentation. MODULE 3 –PRÉREQUIS À LA PRATIQUE DU SHIATSU, LES BONNES POSTURES ET LES TECHNIQUES DE PRESSION Ce module abordera la pratique du shiatsu. Les Ă©lĂ©ments de base indispensables Ă  votre future pratique seront dĂ©taillĂ©s. Dans ce module, vous Ă©tudierez ‱ Le pouvoir de l’intention ; ‱ Un exercice pour prendre conscience de son qi ; ‱ La visualisation mentale etun exercice pour la dĂ©velopper ; ‱ Les contre-indications Ă  la pratique du shiatsu ; ‱ les bases de la pratique le hara, le relĂąchement et le travail avec le poids du corps ; ‱ Comment pratiquer le shiatsu ; ‱ Le mouvement de base ; ‱ La bonne utilisation du hara dans cette position ; ‱ Les points de pression ; ‱ La pression des paumes, du pouce et des doigts ; ‱ La technique Dragon’s Mouth ; ‱ La pression des coudes, des genoux et des pieds ; ‱ La technique des deux mains connectĂ©es. MODULE 4 –LA ROUTINE DE BASE SHIATSU BIEN-ÊTRE ET RELÂCHEMENT Dans ce module, nous dĂ©velopperons d’autres mouvements shiatsu et certains principes. Vous dĂ©couvrirez ‱ les techniques de rotation et d’étirement les mouvements rotatoires, les rotations de bras et de jambe ; ‱ l’étirement global ; ‱ l’étirement latĂ©ral ; ‱ l’étirement du bras ; ‱ l’étirement de l’ensemble du haut du corps ; ‱ la routine de base ; ‱ comment Ă©couter le hara ; ‱ comment terminer la routine. MODULE 5 – THÉORIE ET TECHNIQUES SUR LES MÉRIDIENS ANTÉRIEURS Dans ce nouveau module, nous aborderons les points suivants ‱ la diffĂ©rence entre mĂ©decine traditionnelle chinoise et shiatsu ; ‱ les mĂ©ridiens shiatsu ; ‱ la classification des mĂ©ridiens ; ‱ les points de pression et les mĂ©ridiens, les tsubos ; ‱ le cycle mĂ©ridien ; ‱ les mĂ©ridiens des poumons et du gros intestin ; ‱ les mĂ©ridiens de la rate et de l’estomac ; ‱ la routine shiatsu pour les mĂ©ridiens antĂ©rieurs. MODULE 6 – THÉORIE ET TECHNIQUES SUR LES MÉRIDIENS POSTÉRIEURS Dans ce module, nous poursuivrons notre apprentissage des mĂ©ridiens. Nous aborderons ‱ le mĂ©ridien du cƓur ; ‱ le mĂ©ridien de l’intestin grĂȘle ; ‱ le mĂ©ridien de la vessie ; ‱ le mĂ©ridien du rein ; ‱ les rotations du bassin ; ‱ la routine shiatsu pour le traitement des mĂ©ridiens postĂ©rieurs. MODULE 7 – THÉORIE ET TECHNIQUES SUR LES MÉRIDIENS LATÉRAUX Dans ce module, nous Ă©tudierons les quatre derniers mĂ©ridiens et les techniques manuelles pour les traiter ‱ le mĂ©ridien du pĂ©ricarde ; ‱ le mĂ©ridien du triple rĂ©chauffeur ; ‱ le mĂ©ridien de la vĂ©sicule biliaire ; ‱ le mĂ©ridien du foie ; ‱ la routine shiatsu pour les mĂ©ridiens latĂ©raux. MODULE 8 – LE BILAN SHIATSU Établir un bilan shiatsu permet de cibler un ou plusieurs mĂ©ridiens en dĂ©sĂ©quilibre. Il vous guidera dans les traitements que vous proposez. Voici les notions abordĂ©es dans ce module ‱ les causes habituelles de la maladie ; ‱ le concept des huit principes ; ‱ les quatre examens du bilan shiatsu ; ‱ le kyo et le jitsu ; ‱ les postures et les modĂšles du qi ; ‱ la palpation ; ‱ le bilan par les mĂ©ridiens ; ‱ le bilan hara ; ‱ l’interrogatoire shiatsu. MODULE 9 – INTERPRÉTER UN BILAN SHIATSU Dans ce module, vous apprendrez Ă  dĂ©tecter les zones ou les mĂ©ridiens Ă  travailler. Vous apprendrez Ă©galement Ă  interprĂ©ter un bilan pour prĂ©parer une sĂ©ance de soin. Voici les points abordĂ©s ‱ l’élĂ©ment mĂ©tal les mĂ©ridiens des poumons et du gros intestin et les signes de dĂ©sĂ©quilibre ; ‱ l’élĂ©ment eau les mĂ©ridiens du rein et de la vessie et les signes de dĂ©sĂ©quilibre ; ‱ l’élĂ©ment bois les mĂ©ridiens du foie et de la vĂ©sicule biliaire et les signes de dĂ©sĂ©quilibre ; ‱ l’élĂ©ment feu les mĂ©ridiens du cƓur, du triple rĂ©chauffeur, du pĂ©ricarde et de l’intestin grĂȘle et les signes de dĂ©sĂ©quilibre ; ‱ l’élĂ©ment terre les mĂ©ridiens de la rate et de l’estomac et les signes de dĂ©sĂ©quilibre ; ‱ comment interprĂ©ter le bilan shiatsu ; ‱ comment interprĂ©ter le bilan hara. MODULE 10 – L’ORGANISATION D’UNE SÉANCE SHIATSU Dans ce module, vous dĂ©couvrirez d’autres techniques en shiatsu et quelques cas particuliers. Les points suivants seront abordĂ©s ‱ L'organisation d’une sĂ©ance shiatsu ; ‱ Le soin shiatsu ; ‱ l’importance de maintenir le contact avec vos deux mains ; ‱ Le ressenti du client pendant le soin ; ‱ La durĂ©e d’une sĂ©ance shiatsu ; ‱ Les Ă©lĂ©ments clĂ©s de la sĂ©ance ; ‱ L’aprĂšs-traitement ; ‱ Des conseils sur le mode de vie ; ‱ Des conseils pour les mĂ©ridiens des poumons et du gros intestin mĂ©tal ; ‱ Des conseils pour les mĂ©ridiens du cƓur et de l’intestin grĂȘle feu ; ‱ Des conseils pour les mĂ©ridiens de l’estomac et de la rate terre ; ‱ Des conseils pour les mĂ©ridiens de la vessie et des reins eau ; ‱ Des conseils pour les mĂ©ridiens du triple rĂ©chauffeur et du pĂ©ricarde feu ; ‱ Des conseils pour les mĂ©ridiens du foie et de la vĂ©sicule biliaire bois ‱ Comment travailler en rythme et de façon fluide ; ‱ Comment s’entraĂźner sur le mĂ©ridien du poumon. 11 – TRAITEMENT DES MALADIES ET SYMPTÔMES COURANTS Voici les Ă©lĂ©ments qui constituent ce dernier module ‱ Le traitement shiatsu du visage ; ‱ Le shiatsu pour les enfants ; ‱ Le shiatsu pour la femme enceinte ; ‱ La routine shiatsu en position assise ; ‱ Le traitement shiatsu pour les maladies et symptĂŽmes courants asthme, rhume, toux, troubles ORL, problĂšmes oculaires, fiĂšvre, maux de tĂȘte, douleur de hanche, insomnie, troubles digestifs, problĂšmes et douleurs articulaires, douleurs lombaires, problĂšmes circulatoires, sinusite ; ‱ Les conseils d’installation et de dĂ©veloppement de votre activitĂ© ; ‱ Le marchĂ© du shiatsu et comment cibler vos clients ; ‱ Comment crĂ©er votre propre site internet ; ‱ DiffĂ©rentes stratĂ©gies de communication ; ‱ Vos tarifs et votre revenu ; ‱ Comment gĂ©rer les tĂąches administratives ; ‱ Les lieux d’exercice travailler Ă  domicile, pour une clinique ou une entreprise. Une fois terminĂ© le programme avec succĂšs, vous avez la possibilitĂ© d’imprimer votre certification Vous ĂȘtes prĂȘts Ă  commencer ? DEVENEZ PRATICIEN EN SHIATSU POUR 87 € AU LIEU DE 525 € ! JE M’OFFRE LA FORMATION ET JE DÉMARRE MAINTENANT Ils nous font confiance Caroline A. Je suis ravie des formations. J'ai commencĂ© Ă  en acheter une, puis j'en ai pris 6! le contenu est vraiment top. J'avais commencĂ© une formation Ă  6000 euros en ligne dans une autre grande Ă©cole, je suis entrain de rĂ©silier je vais y perdre beaucoup mais tant pis. La qualitĂ© des supports est incomparable! Camille J. Les cours sont structurĂ©s, clairs et Ă©tayĂ©s d'exemples concrets. La prĂ©sentation est trĂšs attractive et les exercices pertinents. Merci Susana M. Les cours sont trĂšs abordables et trĂšs variĂ©s. La palette proposĂ©e est grande et intĂ©ressante. C'est gĂ©nial que de pouvoir Ă©tudier Ă  son rythme et de revenir facilement sur des modules prĂ©cĂ©dents. Tout est facilement tĂ©lĂ©chargeable et grĂące Ă  ça on peut soit les imprimer soit les garder sur ordinateur pour Ă©tudier partout ! Tout est bien expliquĂ© et facile Ă  comprendre. Merci de mettre de tels cours Ă  portĂ©e de main ! Questions frĂ©quemment posĂ©es Comment dois-je procĂ©der pour m’inscrire ? Une fois le paiement validĂ©, vous ĂȘtes dirigĂ© vers une plateforme oĂč vous devez crĂ©er un mot de passe. DĂšs rĂ©ception de cet e-mail, vous bĂ©nĂ©ficiez d’une pĂ©riode d’essai de 30 jours. Que dois-je faire si je perds mes identifiants ? Vous pouvez adresser votre requĂȘte par e-mail Ă  l’adresse suivante support Nous vous conseillons toutefois de noter vos identifiants dĂšs rĂ©ception de l’e-mail confirmant votre inscription. Combien de temps faut-il pour valider l’ensemble de la formation ? Vous avez un accĂšs illimitĂ© et Ă  vie aux programmes de formation. Vous pouvez dĂ©buter votre formation lorsque vous le dĂ©sirez, il n’y a pas de limite de temps pour la valider. Notez qu’il vous faudra prĂ©voir entre 30 minutes et 2 heures pour complĂ©ter chaque module. Des dĂ©placements sont-ils Ă  prĂ©voir ? Non. L’ensemble de la formation se dĂ©roule en ligne. GrĂące Ă  vos identifiants, les outils et supports pĂ©dagogiques sont accessibles depuis n’importe quel ordinateur, tablette ou smartphone. Les formations sont accessibles de n’importe quel endroit, dans la mesure oĂč vous disposez d’une connexion Internet. Si je change d’avis, puis-je annuler mon inscription ? Oui, vous disposez d’un dĂ©lai de rĂ©traction de 30 jours Ă  compter de la validation du paiement. Comment suis-je Ă©valuĂ© en cours de formation ? Vous trouverez un quiz Ă  la fin de chaque module. Ces quiz ne sont pas obligatoires mais sont recommandĂ©s pour faire le point et vous prĂ©parer Ă  l’examen final. A la fin de la formation, un examen sous forme de questionnaire Ă  choix multiples est proposĂ©. Pour le valider, il faut obtenir 80 % de bonnes rĂ©ponses. Si votre score est infĂ©rieur Ă  80 % de bonnes rĂ©ponses, vous aurez la possibilitĂ© de repassez l’examen. DĂšs que vous l’aurez rĂ©ussi, vous pourrez imprimer votre certification en ligne. Que dois-je faire si je n’arrive pas Ă  tĂ©lĂ©charger les supports ? DĂ©connectez-vous et relancez votre connexion sur le site. Si un support audio ou PDF prĂ©sente des difficultĂ©s de lecture, tentez son ouverture sur un autre navigateur ou mettez-le en pause selon votre dĂ©bit Internet, cela peut demander un certain temps de chargement. Veillez Ă  tenir votre navigateur Ă  jour et vĂ©rifiez vos plug-in. Pensez Ă©galement Ă  vider vos caches et vos cookies de temps Ă  autre. Vous pouvez aussi vĂ©rifier qu’aucun pare-feu ni anti-virus ne bloque l’ouverture. Que dois-je faire si je n’arrive pas Ă  visualiser les tests ou imprimer ma certification ? Vous devez tĂ©lĂ©charger la derniĂšre version d’Adobe Flash Player et changer de navigateur. Il vous faudra utiliser Firefox ou Microsoft Edge. Quels sont les supports utilisĂ©s pour les formations ? Le certificat ne peut ĂȘtre assimilĂ© Ă  un diplĂŽme seul le ministĂšre de l’Éducation nationale est habilitĂ© Ă  en dĂ©livrer. Il permet cependant de valoriser de maniĂšre officielle le niveau de qualification obtenu grĂące Ă  cette formation. Que ce soit pour rassurer vos clients ou pour renforcer votre CV, ce certificat peut ĂȘtre un atout supplĂ©mentaire dans votre parcours professionnel. Nos certificats attestent non seulement des connaissances acquises au cours de la formation, mais aussi de votre assiduitĂ© Ă  suivre le cours. Pour obtenir un certificat, vous devez avoir suivi l’intĂ©gralitĂ© de la formation et avoir accompli les tests prĂ©vus dans le programme. Par ailleurs, vous devez obtenir 80 % de bonnes rĂ©ponses lors de l’examen final. Si vous avez validĂ© l’examen, l’ordinateur gĂ©nĂšre le certificat, mais celui-ci n’est pas datĂ©. Vous pouvez ajouter la date Ă  la main ou en utilisant le logiciel Photoshop. Nous offrons aussi la possibilitĂ© Ă  ceux et Ă  celles qui en font la demande de leur envoyer un certificat original signĂ©, imprimĂ© par nos soins, avec le tampon de notre sociĂ©tĂ© et la date de validation de l’examen. Le coĂ»t est de 33 € frais de port inclus. Il suffit pour cela de nous fournir la preuve que vous avez rĂ©ussi l’examen soit en faisant une capture d’écran, soit en scannant le certificat imprimable que vous avez obtenu de confirmer la date ; de confirmer l’adresse postale pour l’envoi. Ce certificat vous sera envoyĂ© par la poste sous 15 jours. Nos formations sont reconnues par IPHM International Practioners of Holistic Medecine. Les formations sont-elles accessibles Ă  tous ? Nos formations s’adressent aussi bien aux dĂ©butants qu’aux professionnels. Qu’il s’agisse de complĂ©ter vos connaissances ou d’apprendre un nouveau mĂ©tier, nos formations vous seront accessibles. Le langage utilisĂ© est simple et les techniques couvertes largement expliquĂ©es. 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Si vous continuez sur ce site, nous considĂ©rons que vous acceptez notre politique de de confidentialitĂ© FORMATION EN KINESIOLOGIE COMMISSION 36,50€LA KINESIOLOGIE EST UNE THERAPIE ETONNANTE, QUI MELE LES AVANTAGES DE LOSTEOPATHIE, DE LA CHIROPRACTIE ET DE S'APPUIE SUR LES PRINCIPES DE LA MEDECINE CHINOISE. FORMATION EN KINESIOLOGIE TÉLÉCHARGER EN SAVOIR PLUSVotre Formation Certifiante Souhaitez-vous profiter d'une promotion exclusive pour cette formation ? Oui! Je souhaite obtenir cette formation Soigner par le toucher devenez praticien en kinĂ©siologie La kinĂ©siologie est une thĂ©rapie Ă©tonnante, qui mĂȘle les avantages de l’ostĂ©opathie, de la chiropractie et de l’acupuncture. En s’appuyant sur les principes de la mĂ©decine chinoise, la kinĂ©siologie cherche Ă  comprendre les dĂ©sĂ©quilibres touchant la santĂ© d’un individu pour que ce dernier retrouve l’équilibre sur tous les plans physique, Ă©motionnel, psychologique, mental, affectif et spirituel. La kinĂ©siologie part d’un indicateur simple le corps indique, grĂące Ă  un test musculaire,ce qui doit ĂȘtre traitĂ©. Vous serez d’ailleurs surpris de constater combien cette approche peut rĂ©soudre les troubles que d’autres traitements et thĂ©rapies ne parviennent pas Ă  rĂ©gler. Quel est le contenu du programme ? Notre formation en kinĂ©siologie couvre les aspects fondamentaux de cette pratique en revenant aux principes essentiels de la mĂ©decine chinoise. Vous Ă©tudierez aussi les mĂ©thodes dĂ©veloppĂ©es par les pionniers de cette discipline notamment le Touch for Health qui sert de base au dĂ©roulement d’une sĂ©ance. À l’issue des 9 modules de cette formation, vous connaĂźtrez les mĂ©ridiens et les muscles correspondants, selon les techniques de la kinĂ©siologie actuelle. Vous dĂ©couvrirez la technique Touch for Health, abrĂ©gĂ©e TFH, et traduite en français par la SantĂ© par le toucher » ou SPT. Vous comprendrez la structure anatomique squelettique et musculaire et le systĂšme Ă©nergĂ©tique des mĂ©ridiens dans le corps, ainsi que leur correspondance avec les Ă©lĂ©ments, les saisons, les organes, etc. Chaque module apporte des informations thĂ©oriques, des explications dĂ©taillĂ©es des mouvements, des exercices prĂ©cis Ă  rĂ©aliser, des techniques spĂ©cifiques et des Ă©tudes de cas. À qui s’adresse cette formation ? Cette formation en kinĂ©siologie s’adresse Ă  tous. À la diffĂ©rence de la kinĂ©siologie appliquĂ©e, qui ne peut ĂȘtre enseignĂ©e qu’à des professionnels de santĂ©, les kinĂ©siologies spĂ©cialisĂ©es Ă©nergĂ©tique, l’Édu-kinĂ©siologie, le Brain Gym, le One Brain, etc. dispensĂ©es ici et regroupĂ©es sous le terme simple de kinĂ©siologie » sont accessibles Ă  tous. John Thie a Ă©tĂ© le premier chiropracteur Ă  vulgariser l’approche de la kinĂ©siologie. Il souhaitait que chacun puisse en faire profiter sa famille et ses proches, et ensuite partager cette approche du toucher et de la santĂ© avec le plus grand nombre. En suivant cette formation, vous participez ainsi Ă  ce grand partage nous vous enseignons les techniques utilisĂ©es en kinĂ©siologie pour votre bien-ĂȘtre et celui des autres. Pour rĂ©sumer, cette formation en kinĂ©siologie permet de ​ConnaĂźtre l’origine et les diffĂ©rentes approches de la kinĂ©siologie ; ​Retrouver l’intelligence du corps pour devenir son propre soignant ; ​DĂ©velopper des connaissances en physiologie, anatomie, psychologie et Ă©nergie, afin de proposer des soins adaptĂ©s Ă  tous ; ​DĂ©couvrir le Touch for Health la SantĂ© par le toucher, technique conçue par un AmĂ©ricain, le Dr John Thie ; ​Pratiquer le test musculaire pour orienter un soin, puis vĂ©rifier ses bĂ©nĂ©fices ; ​Comprendre les mĂ©ridiens utilisĂ©s en mĂ©decine traditionnelle chinoise, afin de les mettre en correspondance avec les muscles principaux du corps humain ; ​RĂ©tablir l’équilibre entre les dimensions physiques, structurelles, et psycho-Ă©motionnelles d’une personne ; ​Comprendre l’intĂ©rĂȘt de la kinĂ©siologie dans la rĂ©solution de nombreux problĂšmes liĂ©s notamment au stress, Ă  la fatigue, les Ă©motions, le mental, etc. ​Partager les bĂ©nĂ©fices de la kinĂ©siologie avec les autres. Voici le programme dĂ©taillĂ© de la formation Cliquez sur chaque module pour en dĂ©couvrir le contenu Module 1 - Introduction Ă  la kinĂ©siologie Dans ce premier module Vous dĂ©couvrez ce qu’est la kinĂ©siologie, d’oĂč elle vient, et Ă  qui ou Ă  quel type de problĂšme elle s’adresse ; Vous comprenez qu’elle aide les personnes Ă  se rééquilibrer ; Vous Ă©tudiez en dĂ©tail toutes les prĂ©cautions Ă  prendre pour vous-mĂȘme et pour les autres ; Vous comprenez l’importance du test musculaire et du travail de John Thie, le Touch for Health, comme base de toutes vos sĂ©ances ; Vous dĂ©couvrez le dĂ©roulement d’une sĂ©ance. Module 2 - PrĂ©tests et bases de la kinĂ©siologie Ă©nergĂ©tique Dans ce deuxiĂšme module Vous Ă©tudiez les principes de la mĂ©decine chinoise qi, yin, yang, mĂ©ridiens... ; Vous reprenez des notions anatomiques de base le squelette, la colonne vertĂ©brale, etc. ; Vous portez votre attention sur votre posture, votre ancrage et votre soliditĂ© ; Vous dĂ©couvrez les prĂ©tests et les exercices prĂ©liminaires ; Vous Ă©tudiez les cinq prĂ©tests d’hydratation, de sĂ©dation du muscle, du champ Ă©nergĂ©tique, de la surcharge, et du croisement de la ligne mĂ©diane. Module 3 - Touch for Health, correspondances entre les mĂ©ridiens et les muscles Dans ce troisiĂšme module Vous comprenez ce qu’est le triangle de santĂ© et la sĂ©ance de base du Touch for Health ; Vous dĂ©couvrez trois techniques supplĂ©mentaires le zip up, le switching et le rééquilibrage de l’énergie auriculaire ; Vous apprenez la technique de libĂ©ration du stress Ă©motionnel LSE ; Vous intĂ©grez les correspondances entre mĂ©ridiens et muscles principaux et secondaires ; Vous commencez l’étude dĂ©taillĂ©e des mĂ©ridiens et des muscles associĂ©s ils apparaĂźtront deux par deux dans chaque module. À chaque fois, vous dĂ©couvrez le trajet, le lien avec la physiologie, les analogies, les points de correction, les aliments ou les mots-clĂ©s ; Vous Ă©tudiez les mĂ©ridiens vaisseau conception et vaisseau gouverneur en dĂ©tail. Module 4 - Les techniques de rééquilibrage Dans ce quatriĂšme module Vous comprenez le travail Ă  effectuer durant la sĂ©ance en tenant compte du protocole et du dialogue ; Vous dĂ©couvrez les points de correction les touchers rĂ©flexes, la technique des rĂ©flexes spinaux, les points neuro-vasculaires, les points neuro-lymphatiques, la technique du traçage du mĂ©ridien, les techniques d’acupression et de rééquilibrage des mĂ©ridiens ; Vous Ă©tudiez en dĂ©tail les mĂ©ridiens de l’estomac et de la rate. Module 5 - Localisation de circuit, points d’alarme et excĂšs des mĂ©ridiens Dans ce cinquiĂšme module Vous apprenez Ă  vous servir de la localisation de circuit ; Vous dĂ©couvrez les points d’alarme de chaque mĂ©ridien, ainsi que les notions de vide et d’excĂšs ; Vous intĂ©grez les lois horaires et Ă©nergĂ©tiques, la roue des 14 mĂ©ridiens/muscles, et le cycle des cinq Ă©lĂ©ments ; Vous comprenez les Ă©tapes d’une sĂ©ance complĂšte ; Vous Ă©tudiez en dĂ©tail les mĂ©ridiens du cƓur et de l’intestin grĂȘle. Module 6 - Les points d’acupression Dans ce sixiĂšme module Vous Ă©tudiez les points d’acupression et comment ils sont dĂ©finis ; Vous comprenez comment agir pour la tonification et la sĂ©dation des mĂ©ridiens ; Vous analysez en dĂ©tail les mĂ©ridiens de la vessie et du rein. Module 7 - Éducation kinesthĂ©sique et Brain Gym Dans ce septiĂšme module Vous reliez la kinĂ©siologie aux mĂ©thodes d’apprentissage en Ă©tudiant le Brain Gym et l’Éducation kinesthĂ©sique ; Vous dĂ©couvrez des exercices Ă  utiliser pour l’apprentissage et pour la libĂ©ration de certains stress, notamment les techniques de l’ECAP ÉnergĂ©tique, Clair, Actif et Positif ; Vous Ă©tudiez en dĂ©tail les mĂ©ridiens du maĂźtre cƓur et du triple rĂ©chauffeur. Module 8 - Fonctionnement du cerveau, Ă©motion, douleur Dans ce huitiĂšme module Vous Ă©tablissez les liens entre le fonctionnement du cerveau, le stress et l’émotion grĂące Ă  l’introduction du One Brain; Vous dĂ©couvrez des techniques supplĂ©mentaires pour dĂ©tacher le stress de l’émotion ; Vous Ă©tudiez en dĂ©tail les mĂ©ridiens de la vĂ©sicule biliaire et du foie. Module 9 - La roue des Ă©motions, le mĂ©ridien du poumon, le mĂ©ridien du gros intestin Dans ce neuviĂšme module Vous apprenez Ă  relier les mĂ©ridiens Ă  chaque Ă©motion ; Vous Ă©tudiez en dĂ©tail les mĂ©ridiens du poumon et du gros intestin ; Vous rĂ©visez tout ce que vous aurez appris durant la formation ; Vous disposez de liens et de rĂ©fĂ©rences bibliographiques pour approfondir votre apprentissage ; Vous contrĂŽlez vos connaissances grĂące Ă  un examen final sous forme de QCM. Nous vous souhaitons une excellente formation en kinĂ©siologie et une belle rĂ©ussite dans cette pratique thĂ©rapeutique remarquable ! MODULE 10 – La cure en pratique, livres et films sur la psychanalyse Dans ce dixiĂšme module Vous revenez sur tous les aspects pratiques, techniques et thĂ©oriques de la cure psychanalytique ; Vous apprenez Ă  diffĂ©rencier clairement tous les psys » psychiatre, psychologue, psychothĂ©rapeute et psychanalyste ; Vous dĂ©terminez ce qui compte lors d’un premier entretien ; Vous savez comment choisir un psychanalyste ; Vous Ă©tablissez un rĂ©capitulatif de tout ce que vous aurez appris pendant la formation ; Vous rĂ©flĂ©chissez Ă  votre pratique ; Vouspassez l’examen final qui marque la fin de la formation et le dĂ©but de votre pratique. Une fois terminĂ© le programme avec succĂšs, vous avez la possibilitĂ© d’imprimer votre certification Vous ĂȘtes prĂȘts Ă  commencer ? DEVENEZ PRATICIEN EN KINÉSIOLOGIE POUR 87 € AU LIEU DE 525 € ! JE M’OFFRE LA FORMATION ET JE DÉMARRE MAINTENANT Questions frĂ©quemment posĂ©es Comment dois-je procĂ©der pour m’inscrire ? Une fois le paiement validĂ©, vous ĂȘtes dirigĂ© vers une plateforme oĂč vous devez crĂ©er un mot de passe. DĂšs rĂ©ception de cet e-mail, vous bĂ©nĂ©ficiez d’une pĂ©riode d’essai de 30 jours. Que dois-je faire si je perds mes identifiants ? Vous pouvez adresser votre requĂȘte par e-mail Ă  l’adresse suivante support Nous vous conseillons toutefois de noter vos identifiants dĂšs rĂ©ception de l’e-mail confirmant votre inscription. Combien de temps faut-il pour valider l’ensemble de la formation ? Vous avez un accĂšs illimitĂ© et Ă  vie aux programmes de formation. Vous pouvez dĂ©buter votre formation lorsque vous le dĂ©sirez, il n’y a pas de limite de temps pour la valider. Notez qu’il vous faudra prĂ©voir entre 30 minutes et 2 heures pour complĂ©ter chaque module. Des dĂ©placements sont-ils Ă  prĂ©voir ? Non. L’ensemble de la formation se dĂ©roule en ligne. GrĂące Ă  vos identifiants, les outils et supports pĂ©dagogiques sont accessibles depuis n’importe quel ordinateur, tablette ou smartphone. Les formations sont accessibles de n’importe quel endroit, dans la mesure oĂč vous disposez d’une connexion Internet. Si je change d’avis, puis-je annuler mon inscription ? Oui, vous disposez d’un dĂ©lai de rĂ©traction de 30 jours Ă  compter de la validation du paiement. Comment suis-je Ă©valuĂ© en cours de formation ? Vous trouverez un quiz Ă  la fin de chaque module. Ces quiz ne sont pas obligatoires mais sont recommandĂ©s pour faire le point et vous prĂ©parer Ă  l’examen final. A la fin de la formation, un examen sous forme de questionnaire Ă  choix multiples est proposĂ©. Pour le valider, il faut obtenir 80 % de bonnes rĂ©ponses. Si votre score est infĂ©rieur Ă  80 % de bonnes rĂ©ponses, vous aurez la possibilitĂ© de repassez l’examen. DĂšs que vous l’aurez rĂ©ussi, vous pourrez imprimer votre certification en ligne. Que dois-je faire si je n’arrive pas Ă  tĂ©lĂ©charger les supports ? DĂ©connectez-vous et relancez votre connexion sur le site. Si un support audio ou PDF prĂ©sente des difficultĂ©s de lecture, tentez son ouverture sur un autre navigateur ou mettez-le en pause selon votre dĂ©bit Internet, cela peut demander un certain temps de chargement. Veillez Ă  tenir votre navigateur Ă  jour et vĂ©rifiez vos plug-in. Pensez Ă©galement Ă  vider vos caches et vos cookies de temps Ă  autre. Vous pouvez aussi vĂ©rifier qu’aucun pare-feu ni anti-virus ne bloque l’ouverture. Que dois-je faire si je n’arrive pas Ă  visualiser les tests ou imprimer ma certification ? Vous devez tĂ©lĂ©charger la derniĂšre version d’Adobe Flash Player et changer de navigateur. Il vous faudra utiliser Firefox ou Microsoft Edge. Quels sont les supports utilisĂ©s pour les formations ? Le certificat ne peut ĂȘtre assimilĂ© Ă  un diplĂŽme seul le ministĂšre de l’Éducation nationale est habilitĂ© Ă  en dĂ©livrer. Il permet cependant de valoriser de maniĂšre officielle le niveau de qualification obtenu grĂące Ă  cette formation. Que ce soit pour rassurer vos clients ou pour renforcer votre CV, ce certificat peut ĂȘtre un atout supplĂ©mentaire dans votre parcours professionnel. Nos certificats attestent non seulement des connaissances acquises au cours de la formation, mais aussi de votre assiduitĂ© Ă  suivre le cours. Pour obtenir un certificat, vous devez avoir suivi l’intĂ©gralitĂ© de la formation et avoir accompli les tests prĂ©vus dans le programme. Par ailleurs, vous devez obtenir 80 % de bonnes rĂ©ponses lors de l’examen final. Si vous avez validĂ© l’examen, l’ordinateur gĂ©nĂšre le certificat, mais celui-ci n’est pas datĂ©. Vous pouvez ajouter la date Ă  la main ou en utilisant le logiciel Photoshop. Nous offrons aussi la possibilitĂ© Ă  ceux et Ă  celles qui en font la demande de leur envoyer un certificat original signĂ©, imprimĂ© par nos soins, avec le tampon de notre sociĂ©tĂ© et la date de validation de l’examen. Le coĂ»t est de 33 € frais de port inclus. Il suffit pour cela de nous fournir la preuve que vous avez rĂ©ussi l’examen soit en faisant une capture d’écran, soit en scannant le certificat imprimable que vous avez obtenu de confirmer la date ; de confirmer l’adresse postale pour l’envoi. Ce certificat vous sera envoyĂ© par la poste sous 15 jours. Nos formations sont reconnues par IPHM International Practioners of Holistic Medecine. Les formations sont-elles accessibles Ă  tous ? Nos formations s’adressent aussi bien aux dĂ©butants qu’aux professionnels. Qu’il s’agisse de complĂ©ter vos connaissances ou d’apprendre un nouveau mĂ©tier, nos formations vous seront accessibles. Le langage utilisĂ© est simple et les techniques couvertes largement expliquĂ©es. 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Cher Ami,Je m’appelle Yann Legros. Tout d’abord, sachez que je ne suis PAS un ne suis ni un mĂ©decin, ni un n’ai jamais rien Ă©tudiĂ© sur la mĂ©decine, la pharmacologie ou le bien-ĂȘtre Ă  l’école. Selon moi, je suis un "expert”, parce que ...Je Pense Savoir Comment N’Importe Quel Homme Peut RĂ©soudre Ses ProblĂšmes De Prostate EnJuste 21 Jours, Ou Moins. Je le sais bien
puisque je l’ai dĂ©jĂ  plus, je l’ai fait sans opĂ©rations invasives, sans prendre de mĂ©dicaments sur ordonnance, et sans dĂ©penser trop d’ ce qui s’est passĂ©J’ai commencĂ© Ă  avoir des problĂšmes de prostate Ă  l’ñge de 31 ans, j’étais vraiment jeune pour avoir cette maladie. Toutefois, ce n’est pas surprenant, puisque cette maladie est hĂ©rĂ©ditaire dans ma fait, mon grand-pĂšre a eu des problĂšmes de prostate pendant toute sa vie on a dĂ» l’emmener plusieurs fois Ă  l’hĂŽpital, en ambulance, et en pleine nuit, Ă  cause de l’élargissement de sa prostate... mon oncle avait toutes sortes de problĂšmes de prostate il a fini par la faire enlever... et rĂ©cemment, mon pĂšre avait une tumeur dans la sienne.Ainsi, comme vous pouvez le constater ...Les ProblĂšmes De Prostate Sont Une "MalĂ©diction Familiale" Pour pourquoi les urologues ont mis en garde tous les hommes de ma famille Ă  ce fait, nous sommes tous des bombes Ă  retardement, nous finirons tous par avoir des problĂšmes de lorsque j’ai ressenti une douleur dans "ma partie inferieure", je savais exactement Ă  quoi m’en tenir. J’ai d’abord essayĂ© de l’ignorer, je me disais que la douleur allait surement disparaitre par elle-mĂȘme ? Cependant, la douleur est restĂ©e, et elle est devenue 100 fois pire au fil du temps. J’avais envie d’uriner toutes les heures, et je ne pouvais pas m’asseoir tranquillement pour regarder la tĂ©lĂ©vision, car je devais me prĂ©cipiter aux toilettes Ă  tout bout de champ. C’était toujours pĂ©nible de commencer Ă  uriner normalement, ce n’était pas un flot d’urine, mais seulement un mince filet brulant, qui s’arrĂȘtait subitement et ne recommençait pas Ă  couler. MĂȘme lorsque j’arrivais Ă  expulser un peu plus d’urine, j’avais l’impression de ne jamais “vider” complĂštement ma vessie. L’urine continuait Ă  couler pendant des heures dans mes sous-vĂȘtements, et laissait des taches humides sur mon pantalon. J’avais honte, car je voyais souvent des gens me montrer du doigt, en se moquant de y a encore autre chose MĂȘme lorsque j’ai dĂ©cidĂ© de ne rien boire pendant d’aller me coucher, je devais me lever 5, 6 ou 7 fois par nuit, car j'avais vraiment envie d'uriner, mais je restais debout dans les toilettes pendant plusieurs minutes
Pendant Qu'un Mince Filet TrĂšs Douloureux Sortait De Mon PĂ©nis!Comme vous pouvez l’imaginer, je ne dormais pas passais plusieurs jours Ă  la maison avec un coussin chauffant et un oreiller entre mes jambes, afin de me sentir plus mĂȘme devenu insupportable de quitter la me souviens que je devais soigneusement planifier mes sorties, car je devais toujours ĂȘtre Ă  proximitĂ© des toilettes. J'Ă©tais toujours assis dans une cabine, car j'avais honte de me mettre debout devant un urinoir, puisque je passais mon temps Ă  me dandiner et Ă  tousser. Je me demandais si le silence qui m'entourait faisait penser aux autres hommes que je me donnais du savez quoi?Ce n’est pas tout, car mes problĂšmes de prostate ont empirĂ© aprĂšs quelques Ne Pouvais MĂȘme Pas Avoir De Relations Sexuelles Sans Souffrir Horriblement !Ceci n’est pas drĂŽle non rares fois oĂč j'avais une Ă©rection qui Ă©tait si molle que je n'arrivais pas Ă  pĂ©nĂ©trer ma partenaire, je ressentais une brĂ»lure intolĂ©rable lors de l'Ă©jaculation. HonnĂȘtement, si je n'Ă©tais pas mariĂ© en ce temps-lĂ , j'aurais pensĂ© que j'Ă©tais atteint d'une maladie sexuellement transmissible, Ă  cause de la douleur Ă©pouvantable que je ressentais lorsque j'urinais ou que j'avais des relations va sans dire que ...Ces ProblĂšmes M’Ont Vraiment Fait Perdre La TĂȘte !Je ne supporte aucune douleur dans CETTE partie de mon si je dĂ©teste aller chez le docteur, je savais qu’il fallait que je trouve une solution Ă  cette situation. Alors, j’ai consultĂ© plusieurs experts, et je me suis renseignĂ© sur toutes sortes de soi-disant “solutions” qui paraissaient bien pire que mon problĂšme de un exemple On m'avait parlĂ© de plusieurs mĂ©dicaments sur ordonnance, mais le problĂšme est qu'ils pouvaient faire rapidement chuter ma tension artĂ©rielle, ou me donner des vertiges mĂȘme pendant que je conduisais, ou encore me donner des Ă©jaculations “sĂšches”, des migraines, des douleurs d'estomac
 Ou me faire uriner dans mon pantalon
 Ou me rendre impuissant
Bref, si ça continuait, j’allais devenir un eunuque !Cela ne s’arrĂȘte pas lĂ  On m’a dit que si ces mĂ©dicaments fonctionnaient, ils n’étaient plus aussi efficaces aprĂšs quelques temps, et je risquais d’avoir les mĂȘmes problĂšmes par la suite. Un expert m’a dit que si je ne rĂ©agissais pas vite, je devrais envisager la chirurgie de vous ignorez ce qu’est le TURP, voici une explication C’est Une OpĂ©ration Horrible Et Invasive De “Plomberie” Qui Consiste Ă  InsĂ©rer Un Instrument MĂ©tallique Dans Votre PĂ©nis, Afin D’Enlever Des Morceaux De Votre Prostate!Vous vous rendez compte ?Ce n’est pas tout Je me souviens avoir entendu dire que le TURP ne fonctionnait pas toujours. De plus, si cette opĂ©ration Ă©chouait, le patient pouvait souffrir d’incontinence, ou il aurait peut-ĂȘtre mĂȘme besoin de chirurgie reconstructive. Voici Quelques Mauvais Effets Secondaires De L’OpĂ©ration Du Sang Dans Vos Urines Pendant Les Semaines Qui Suivent L’OpĂ©ration, L’Impression D’Avoir Des Lames De Rasoir Dans Vos Urines, Des Spasmes De La Vessie, Une Plus Grande Envie D’Uriner Urgemment’, L’Impuissance, Et Ainsi De Suite
Je ne sais pas ce que vous en pensez mais moi, j’ai des frissons, rien que d’y plusieurs hommes qui ont des problĂšmes de prostate ressentent la mĂȘme chose, lorsqu’ils entendent parler de leurs “options.” Vous vous demandez sans doute ce que j’ai fait ensuite ?Je me suis mis Ă  faire PLUSIEURS recherches par moi-mĂȘme, et j’ai essayĂ© plusieurs moyens de rĂ©soudre mes problĂšmes. J’ai fait des recherches sur les remĂšdes habituels pour la prostate, comme le palmier nain, le bĂȘta-sitostĂ©rol, et j’ai mangĂ© beaucoup de tomates cuites, mais en vain soyons honnĂȘtes, si ces solutions populaires fonctionnaient VRAIMENT, nous n’aurions pas Ă  faire face Ă  une telle Ă©pidĂ©mie de problĂšmes de prostate...Je ne savais vraiment plus quoi faire
.et un jour, presque par hasard 
J’ai fait une dĂ©couverte !Une dĂ©couverte qui m’a vraiment aidĂ© Ă  surmonter mes problĂšmes de cela ne m’a mĂȘme pas coĂ»tĂ© beaucoup d’ ce qui s’est passĂ© Pendant mes recherches sur la relation entre les problĂšmes de prostate et l’estrogĂšne, l’inflammation et l’excĂšs de DHT tous ces Ă©lĂ©ments sont cauchemardesques pour ceux qui ont des problĂšmes de prostate, je suis tombĂ© sur quelques mĂ©thodes "alternatives" dont je n’avais jamais encore entendu parler. Ces mĂ©thodes ne sont pas dangereuses et sont naturelles, mais ...La SociĂ©tĂ© Pense Qu’elles Sont "Marginales"MĂȘme par les soi-disant spĂ©cialistes de santĂ© "naturel".Il est vrai que ces mĂ©thodes SONT "peu orthodoxes." MĂȘme si elles sont simples, 100% non-invasives et ne coutent pas cher, la plupart des gens ne pensent mĂȘme pas Ă  les essayer en fait, on en entend rarement parler.Mais, comme je n’avais rien Ă  perdre, et je me suis dit "Pourquoi pas?"Quel a Ă©tĂ© le rĂ©sultat ? Ces remĂšdes ont fonctionnĂ© si rapidement et si efficacement, que...J’ai Senti La DiffĂ©rence En Seulement 3 Semaines !En fait, voici ce qui s’est passĂ© pendant ces premiĂšres semaines...Je ressentais moins de brĂ»lures alors que j’urinaisJe dormais mieux la nuit, car j’urinais moins urine Ă©tait fluide et il y avait moins d’égouttementsMa vessie Ă©tait vidĂ©e aprĂšs une visite aux toilettesJe n’avais presque plus de douleurs lorsque j’urinaisMon dĂ©sir sexuel est revenu en forceJe n’avais PLUS de douleurs pendant les relations sexuellesJ’ai ressenti D’AUTRES bienfaits pour ma santĂ© qui n’avaient rien Ă  voir avec la prostate j’ai perdu du poids, ma peau avait meilleure apparence, mes selles Ă©taient rĂ©guliĂšres, j’avais d’avantage d’énergie, je dormais mieux, etc
J’étais dans un Ă©tat presqu’euphorique !C’est comme si vous aviez toujours mal Ă  la tĂȘte, et qu’ensuite, vous Ă©tiez tout simplement heureux de ne plus avoir de douleurs. Mais je dois reconnaĂźtre que j’étais encore me demandais si cela pouvait vraiment ĂȘtre aussi facile ? Est-ce que j’avais ratĂ© quelque chose ?Je me suis aussi demandĂ© siça arrivait vraiment, ou si c’était simplement un "hasard"temporaire ?Eh bien, je vous dirai ceci Je n’ai eu aucun problĂšme de prostate depuis 8 n’ai plus de douleurs Durant les relations n’ai plus de problĂšmes pour je n’ai littĂ©ralement...Plus Aucun ProblĂšme De Prostate !En fait, le rĂ©sultat de mon test d’APS Ă©tait de .04 - presque zĂ©ro!Mon mĂ©decin Ă©tait Ă©bahi Ă©tant donnĂ© mes antĂ©cĂ©dents familiaux.Tout Ă©tait facile, naturel et n’ai pas subi d’opĂ©ration, ni de tests invasifs, et je n’ai pas pris de mĂ©dicaments. J’ai simplement suivi quelques simples "rĂšgles" que j’ai apprises durant mes recherches, et 3 semaines plus tard, je me suis senti 100 fois mieux. Aimeriez-vous essayer mes mĂ©thodes, afin de voir si elles peuvent Ă©galement fonctionner pour vous ?Est-ce que vous aimeriez les utiliser sans risques ? Si c’est le cas, lisez ceci RĂ©cemment, j’ai dĂ©cidĂ© de regrouper mes recherches dans un livre Ă©lectronique court et facile Ă  lire vous pouvez le lire en 15 minutes, Ă  peu prĂšs, et d’offrir ce livre aux hommes qui ont des problĂšmes de prostate. Cette mĂ©thode s’appelle..."GuĂ©rissez Votre Prostate En 21 Jours"Voici quelques secrets que vous dĂ©couvrirez Ă  l’intĂ©rieur de ce guide Une herbe bon marchĂ© que les spĂ©cialistes de santĂ© chinois ont utilisĂ© depuis des milliers d’annĂ©es, afin d’attaquer les douleurs de la prostate, mĂȘme celles qui persistent. Ne pensez plus au palmier nain, Ă  la beta sitostĂ©rol et aux autres mĂ©dicaments "Ă  la mode" pour la prostate. Essayez plutĂŽt cette pilule qui agit rapidement et ne coute pas cher, et vous constaterez que votre prostate rapetissera rapidement, et vous vous sentirez de nouveau comme un homme qui a une vingtaine d’annĂ©es. Page 10Le "fruit miracle" dĂ©licieux qui peut rapetisser votre prostate et augmenter votre dĂ©sir sexuel en mĂȘme temps. Les gens ont de bonnes raisons d’appeler ce fruit dĂ©licieux "le Viagra naturel" ! Allez Ă  la page 13 pour en savoir plus.Un moyen secret de guĂ©rir l'inflammation de votre prostate. Si vous vivez dans un pays industrialisĂ©, votre corps est probablement en proie Ă  des inflammations ; ainsi, vous ĂȘtes affaibli, vous prenez du poids, votre vie sexuelle en souffre, vous ĂȘtes malade, vous avez des problĂšmes mentaux et, bien sĂ»r, des douleurs de prostate. Voici ce que les meilleurs experts mĂ©dicaux du monde recommandent pour Ă©liminer l'inflammation rapidement et en toute sĂ©curitĂ©. Page 16"L’élixir miracle" qui soulage la prostate et Ă©limine Ă©galement la graisse corporelle. Ajoutez simplement de l’eau Ă  la recette qui se trouve Ă  la page 21, et vous perdrez immĂ©diatement 2-3 kilos ! Au fait, ceci vous permet aussi de contrĂŽler votre "graisse de vacances ", de mieux dormir et d’avoir plus d’énergie.La consommation d’eau est primordiale pour la santĂ© de votre prostate. Vous saurez exactement quelle eau vous devriez boire, elle n’est pas embouteillĂ©e et ne vient pas du robinet! Vous saurez Ă©galement la quantitĂ© que vous devez boire pour avoir les meilleurs rĂ©sultats. Page 14Le nutriment trĂšs bon marchĂ© et “pas sexy” qui rapetisse les prostates Ă©largies. Si vous ĂȘtes atteint d’HBP ou de symptĂŽmes de prostatite, ce nutriment n’est PROBABLEMENT pas suffisant dans votre ; allez Ă  la page 19 pour en savoir plus.Il y a un docteur spĂ©cial qui n’est PAS un urologue, que vous devriez consulter dĂšs que vous avez des problĂšmes de prostate. J’ai rĂ©cemment fait cette dĂ©couverte, et une visite chez ce docteur spĂ©cial m’a permis de ne plus jamais dĂ©pendre des mĂ©dicaments sur ordonnance. Cela a Ă©galement fait des merveilles pour ma prostate, sans que j’aie Ă  subir un examen invasif, et sans mĂȘme avoir Ă  enlever mon pantalon. Vous pouvez en savoir page en allant sur la page 25.3 astuces Ă©tonnamment surprenantes pour combattre la prostatite. Une de ces mĂ©thodes a Ă©tĂ© utilisĂ© depuis des centaines d’annĂ©es par certaines tribus amĂ©rindiennes, et trĂšs peu de personnes la connaissent ; allez Ă  la page 29 pour en savoir plus.Certains supplĂ©ments pour la prostate aggravent non seulement vos problĂšmes, mais vous transforment Ă©galement en fille ! Ce n’est pas une blague, allez Ă  la page 34 pour en savoir plus et comment y remĂ©dier.Il se peut que vos problĂšmes de prostate ne soient mĂȘme pas causĂ©s par votre prostate. C'est pourquoi certains hommes consultent un docteur aprĂšs l'autre pendant des annĂ©es, sans pour autant trouver de solution durable. Il vous suffit de consulter le spĂ©cialiste de la page 32, afin de vous dĂ©barrasser dĂ©finitivement de vos problĂšmes !Un moyen peu connu d'utiliser des graines de lin mais pas sous forme d’huile ou de pilules afin de ne plus souffrir d'inconfort de la prostate. Un spĂ©cialiste trĂšs rĂ©putĂ© de santĂ© naturelle m'a parlĂ© de ce remĂšde ; il ne coĂ»te pas cher, on peut vite le tester et il fonctionne rapidement
allez Ă  la page 36 pour en savoir plus.Et encore plus
Écoutez, je ne peux vous garantir aucun rĂ©sultat; en fait, toute personne qui vous fait cette promesse est un MENTEUR. AprĂšs tout, je ne connais ni l’histoire de votre famille, ni votre rĂ©gime alimentaire, ni votre style de vie, et encore moins votre vĂ©ritable problĂšme je le rĂ©pĂšte, je ne suis PAS un docteur, et je ne prĂ©tends pas en ĂȘtre un sur Internet.C’est pour cette raison que je vais vous offrir mon livre Ă©lectronique GuĂ©rissez Votre Prostate En 21 Jours’ pour seulement 39,03€ TTC. Au lieu de 97,00€Je vous offre aussi une garantie de remboursement de 30 joursSi, pendant le mois qui suit, vous n'allez pas aux toilettes plus facilement, si vous ne dormez pas mieux et si votre performance sexuelle n'est pas plus explosive et indolore, si votre docteur n'est pas Ă©tonnĂ© de constater l'amĂ©lioration de l'Ă©tat de votre prostate, ou si vous n'ĂȘtes pas satisfait de ce livre Ă©lectronique pour une raison QUELCONQUE, envoyez moi un e-mail et je vous rembourserai votre histoires, et sans poser de plus, vous pouvez garder le livre Ă©lectronique, mĂȘme en Ă©tant remboursĂ©. Donc, vous ne courez AUCUN risque...Vous Pouvez CarrĂ©ment Tout Utiliser Gratuitement, Si Vous Le Voulez !Cliquez ci-dessous pour recevoir discrĂštement votre commandeCliquez Ici Pour TĂ©lĂ©charger Ce Livre Ă  Travers Notre Serveur CryptĂ© Et SĂ©curisĂ©Je vous souhaite une excellente santĂ©, - Yann Legros, Victime PrĂ©coce De ProblĂšmes De Prostate, Et Auteur De “GuĂ©rissez Votre Prostate En 21 Jours’ Encore une chose... Si vous commandez ce livre avant ce soir, je vous enverrai un guide spĂ©cial, qui s’intitule " Voici Comment Vous Pouvez Ralentir, ArrĂȘter, Ou MĂȘme Inverser Votre Processus De Vieillissement, Et Retrouver Et Augmenter Toute L’Énergie De Votre Jeunesse, Ainsi Que La VitalitĂ© Et La Passion Sexuelle Que Vous Aviez Autrefois ! "Ce guide coĂ»te normalement €, et il rĂ©vĂšle un secret, qui vous permet de "rajeunir " votre corps de maniĂšre rapide et naturelle, et en toute sĂ©curitĂ©. Si vous avez plus de 35 ans ou pas!, ce rapport peut vous aider Ă  vous sentir ou mĂȘme Ă  PARAITRE plus jeune qu’il y a 20 ans... et vous rendre le dĂ©sir sexuel endiablĂ© que vous aviez Ă  l’ñge de 19 ans. L’auteur de ce rapport a dit "C’est comme si vous preniez une nouvelle forme de Viagra, qui affecte votre corps entier, au lieu d'augmenter la taille de votre anatomie d'une quinzaine de centimĂštres."Il l’a Ă©crit quand il avait une soixantaine d’annĂ©es !Vous savez quoi ? Si vous commandez ce livre avant ce soir, je vous enverrai immĂ©diatement ce guide, qui coĂ»te normalement €, et je vous l’enverrai gratuitement !De plus, vous pouvez le GARDER c’est un cadeau que je vous fais, mĂȘme si vous voulez ĂȘtre remboursĂ© plus tard. Mais vous ne devez pas attendre cliquez sur le lien ci-dessous pour obtenir le livre Ă©lectronique et le guide gratuit tĂ©lĂ©chargeable, pendant qu’il est encore tempsï»żDownload This FREE Report NOW to have expert advice directly form dating gurus about exactly what you need to know when dating online. Simply enter your primary email address to download this report immediatelySubscribeHave a Facebook account?Subscribe with Facebook ATTENTION! Economisez Maintenant 10,00€Cette alerte n'apparaitra qu'UNE SEULE FOIS !Cliquez ICI maintenant pour Ă©conomiser immĂ©diatement 10,00€ This is the bottom slider area. You can edit this text and also insert any element here. This is a good place if you want to put an opt-in form or a scarcity countdown. PILATES123 COMMISSION 20,30€APPRENEZ LE PILATES DE CHEZ VOUS EN SUIVANT VOTRE PROPRE COACH SUR INTERNET PILATES123 TÉLÉCHARGER EN SAVOIR PLUSCours de Pilates avec Pilates123 Navigation Accueil Questions FrĂ©quentes Qui sommes-nous ? Contactez-nous Commander Accueil Questions FrĂ©quentes Qui sommes-nous ? Contactez-nous Commander Cours de Pilates en ligne accessibles 24h/24 depuis chez vousPlus de 9500 membres suivent nos cours de Pilates sur Internet Pilates123 vous propose des cours de Pilates en ligne accessibles depuis chez vous 24 h/24 enseignĂ©s par votre propre pratiquer le Pilates? AmĂ©lioration de la posture les exercices faisant travailler le tronc et la ceinture abdominale sont parfaits pour tonifier et raffermir les muscles qui maintiennent la colonne vertĂ©brale. AmĂ©liore, tonifie et renforce les abdos idĂ©al pour sculpter votre ventre rapidement. DĂ©tente musculaire les tensions musculaires et raideurs peuvent ĂȘtre soulagĂ©es efficacement et en douceur. DĂ©tente psychologique un Ă©norme avantage du Pilates est son potentiel Ă  faciliter l’évacuation du stress, notamment grĂące Ă  l’importance de la respiration. AmĂ©lioration de la condition physique les bĂ©nĂ©fices physiques sont nombreux, comme le gain de force, de souplesse
 Soulager des problĂšmes articulaires cette technique douce est un bon moyen de soulager les lombalgies, sciatiques, et autres douleurs articulaires. Les cours de Pilates en ligne, c’est plus pratique !Aucun besoin de vous dĂ©placer pour suivre vos cours de Pilates. Avec Pilates123 pratiquez le Pilates de chez vous en suivant votre coach quand vous le voulez et oĂč vous voulez, grĂące aux diffĂ©rents modules vidĂ©os proposĂ©s. Les cours proposĂ©s favorisent le raffermissement de la ceinture abdominal, une meilleure maĂźtrise mentale, la perte de poids ainsi qu’une vie sexuelle plus tonique. Une instructrice diplĂŽmĂ©e qui enseigne depuis plus de 11 ans vous accompagneMadelaine Kahts, diplĂŽmĂ©e en Master de Pilates qui enseigne depuis plus de 11 ans vous coachera. C’est grĂące Ă  Internet qu’elle partage son savoir-faire avec le plus grand nombre. En effet, son objectif dans la vie est d’aider le plus de monde possible Ă  retrouver la forme grĂące au Pilates. MĂȘme sans expĂ©rience prĂ©alable, le Pilates est un entraĂźnement idĂ©al pour les hommes et les femmes, de tout Ăąge et de toutes les conditions physiques ; du dĂ©butant au sportif confirmĂ©. PrĂ©sentation de la mĂ©thodePilates123Pilates123 vous propose 3 modules d’entraĂźnement qui vous permettront de progresser Ă  votre rythme. VidĂ©o 1 EntraĂźnement de base SĂ©ance idĂ©ale pour les novices et pour les personnes souffrant de maux de dos. Regarder un extrait Madelaine vous invite pendant prĂšs de 40 minutes Ă  suivre un entraĂźnement tonifiant et vivifiant qui reste doux pour le corps. Les exercices renforcent en premier lieu le bas du dos, l’abdomen, le bassin et les fesses. Les avantages sont nombreux une bonne posture, un dos souple, une plus grande libertĂ© de respiration, le dĂ©veloppement des muscles forts et souples. Et surtout, ce rĂ©sultat est obtenu sans douleur ni blessure ! VidĂ©o 2 EntraĂźnement spĂ©cial abdominaux SĂ©ance permettant de sculpter les abdominaux, idĂ©ale pour dĂ©butants et personnes confirmĂ©es. Regarder un extrait Cette sĂ©ance de plus de 30 minutes propose une suite d’exercices particuliĂšrement efficaces pour ceux et celles qui dĂ©sirent perdre leurs petites rondeurs au ventre ou pour les femmes qui ont accouchĂ© rĂ©cemment et souhaitent retrouver leur taille rapidement. VidĂ©o 3 EntraĂźnement avancĂ© EntraĂźnement actif de haut niveau pour personnes dĂ©sirant suivre des exercices avancĂ©s. Regarder un extrait Avec Pilates123, vous n’avez pas besoin d’acheter un autre module d’entraĂźnement, car vous recevrez automatiquement l’accĂšs Ă  une vidĂ©o proposant des exercices de Pilates avancĂ©s Ă  suivre une fois que vous ĂȘtes prĂȘt Ă  passer Ă  un niveau plus avancĂ©. Guide pratique de rĂ©fĂ©rence plus de 170 pages illustrĂ©es C’est un complĂ©ment essentiel aux vidĂ©os ! Le guide suit le dĂ©roulement des vidĂ©os et vous permettra de retrouver facilement par Ă©crit les diffĂ©rents exercices de Pilates que Madelaine vous enseigne. BONUS GRATUIT 4 heures de musique Zen Recevez en cadeau 35 titres musicaux en format MP3. Cela reprĂ©sente plus de 4 heures de musique de relaxation pouvant accompagner vos sĂ©ances de Pilates, mais aussi de massage, de yoga ou toute autre activitĂ© zen. Extrait j’ai perdu 7 centimĂštres de tour de taille » GrĂące Ă  l’entrainement spĂ©cial abdominaux et en ne le suivant qu’une dizaine de fois, j’ai perdu 7 centimĂštres de tour de taille et plusieurs kilos. Et je trouve super pratique de pouvoir pratiquer chez moi sur mon iPad quand je veux. Merci Madelaine pour vos cours! — Karen H. Poitiers, France Les avantages de la mĂ©thode Pilates123 Plus de 9500 personnes Ă  travers le monde suivent les cours de Pilates proposĂ©s par Pilates123. Les raisons de ce succĂšs sont nombreuses Musclez, dessinez votre silhouette et perdez du poids — grĂące Ă  des exercices doux Ă  faire chez soi Cours disponibles 24 h/24 h — plus besoin de se dĂ©placer pour suivre des cours de Pilates IdĂ©al pour tous les niveaux — que vous soyez dĂ©butant ou expert vous trouverez un cours qui vous conviendra Accessible de partout— visionnez vos cours sur l’appareil que vous avez Moins cher — Pilates123 coĂ»te moins cher qu’un seul cours de Pilates en salle Pilates123 fonctionne sur tous vos appareils Une fois inscrit, vous allez pouvoir suivre vos cours de Pilates sur tous vos appareils que ce soit un ordinateur PC & Mac, un tĂ©lĂ©phone portable iPhone ou Android, ou une tablette iPad ou Android. Vous pourrez mĂȘme visualiser les cours sur votre tĂ©lĂ©vision en commandant un DVD Ă  demander aprĂšs votre achat. L’accĂšs instantanĂ© c’est facile et pratique ! 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INITIATION A LA PRATIQUE DU MAGNETISME COMMISSION 87,30€FORMATION INITIATIQUE A LA PRATIQUE DU MAGNETISMEUN ACCOMPAGNEMENT COMPLET PAR BETTY KHAN MAGNETISEUR DEPUIS PLUS DE 8 ANS EN FORMATION COMPOSEE DE 6 MODULES RICHES ET DE 34 VIDEOS INITIATION A LA PRATIQUE DU MAGNETISME TÉLÉCHARGER EN SAVOIR PLUSDerniĂšre Ă©tape nE QUITTEZ PAS CETTE PAGE AVANT D'AVOIR RĂ©cupĂ©rÉ 1 EXTRAIT OFFERT DE LA FORMATION ! J'espĂšre que ce cadeau vous plaira et je vous dis Ă  trÈs bientĂŽt TĂ©lĂ©charger ma vidĂ©o offerte COMMENT S'INITIER À LA PRATIQUE DU MAGNĂ©TISME SANS AVOIR HÉRITÉ D'UN DON Cliquez sur l'Ă©cran pour lancer la lecture de la vidĂ©o PrĂ©sentation de la formation par Betty KHAN AccĂ©dez Ă  la formation Cette pratique Ă©nergĂ©tique n'a jamais Ă©tĂ© aussi simple et accessible grĂące Ă  la formation en ligne de Betty Khan. Parce que le magnĂ©tisme n’est pas un don rĂ©servĂ© Ă  une Ă©lite mais une capacitĂ© que chacun possĂšde, elle a dĂ©cidĂ© de vous apprendre Ă  le dĂ©velopper tout en vous protĂ©geant. Et oui ! il est possible de rĂ©veiller le guĂ©risseur qui sommeille en vous et d'apporter du mieux-ĂȘtre Ă  votre entourage ! Au travers de plus de 34 vidĂ©os, vous serez totalement immergĂ©s dans son univers afin qu'elle vous initie aux subtilitĂ©s et aux techniques de cette pratique ancestrale. FORMATION GRAND PUBLIC BĂ©nĂ©ficiez de l'expertise et de la pĂ©dagogie de Betty Khan en magnĂ©tisme en parcourant les diffĂ©rents modules riches et intenses. OBJECTIFS DE LA FORMATION Apprendre les bases initiatiques du magnĂ©tisme, dĂ©couvrir et acquĂ©rir toutes les connaissances nĂ©cessaires permettant de commencer Ă  pratiquer tout en sachant se protĂ©ger. OFFRE SPÉCIALE ! 241 € au lieu de 349 € soit 30 % de remise immĂ©diate ! Offre SpĂ©ciale "DĂ©couverte de la pratique du MagnĂ©tisme" Betty Khan vous propose une formation Ă  la pratique du magnĂ©tisme complĂšte qui se veut initiatique telle qu'elle l'a elle-mĂȘme pratiquĂ©e pendant des annĂ©es dans son cabinet. Elle est entiĂšrement le fruit de son expĂ©rience et de ses rencontres mais aussi de ses recherches. Étant d'une nature extrĂȘmement intuitive et sensible aux Ă©nergies subtiles, elle a le souhait de vous partager son Univers et de vous permettre d'y accĂ©der pour Ă  votre tour le partager. Que vous souhaitiez magnĂ©tiser vos proches, soulager vos animaux ou simplement vĂ©rifier si vous avez du magnĂ©tisme, cette formation rĂ©pondra Ă  vos attentes. Le magnĂ©tisme peut Ă©galement ĂȘtre un excellent complĂ©ment Ă  votre pratique si vous Ă©tudiez dĂ©jĂ  certaines techniques du bien ĂȘtre telles que l’ostĂ©opathie, la sophrologie, la naturopathie, la rĂ©flexologie, le shiatsu, ou toute forme de massage oĂč l’énergie vitale est importante. Betty KHAN MagnĂ©tiseur, Psycho-Ă©nergĂ©ticienne depuis plus de 8 ans, elle consulte en cabinet et propose tout au long de l'annĂ©e des rendez-vous visant la formation Ă  la pratique du magnĂ©tisme, des soins Ă©nergĂ©tiques, de la lithothĂ©rapie, ... Se dĂ©roulant sur une ou plusieurs journĂ©es, elle a pour habitude d'alterner l'enseignement et les champs d'expĂ©riences. A ce jour, plus de 150 personnes ont reçu son enseignement. Elle intervient Ă©galement comme confĂ©renciĂšre sur des sujets tel que les chakras, la mĂ©ditation, ou lien avec la spiritualitĂ© mais surtout pour le plaisir d'Ă©changer et de partager. " Le magnĂ©tisme n'est pas un don rĂ©servĂ© Ă  une Ă©lite mais une capacitĂ© que chacun possĂšde." Betty Khan une occasion unique de bĂ©nĂ©ficier d'un enseignement INITIATIQUE complet DU MAGNÉTISME par unE spĂ©cialiste. Vous pourrez visionner depuis chez vous cette formation Ă  votre rythme et y revenir autant de fois que vous le souhaitez. Chaque technique fait l'objet d'une vidĂ©o particuliĂšre oĂč sont fournies des explications approfondies accompagnĂ©es d'une dĂ©monstration afin qu'elles soient bien comprises et intĂ©grĂ©es. Il s'agit de la mĂȘme formation que Betty Khan enseigne tout au long de l'annĂ©e en prĂ©sentiel, adaptĂ©e et mise en ligne afin que tous puissent en bĂ©nĂ©ficier. AprĂšs avoir visionnĂ© cette formation, vous aurez toutes les connaissances nĂ©cessaires vous permettant de commencer Ă  pratiquer. Ensuite, il ne vous restera plus qu'Ă  exercer pour dĂ©velopper votre propre expĂ©rience. Pratiquer le magnĂ©tisme n’a jamais Ă©tĂ© aussi simple. Formez-vous avec une experte ! AccĂ©dez Ă  la formation AU TOTAL 34 VIDÉOS, ÉQUIVALENT À 2 JOURS EN PRÉSENTIEL Cette formation est composĂ©e de 6 modules comportant un total de 34 vidĂ©os que vous pourrez visualiser Ă  votre rythme sans limitation dans le temps. Une mise Ă  jour Ă  vie pour tous les membres de la formation. Afin de mieux vous accompagner un livret de formation sera consultable en ligne ou tĂ©lĂ©chargeable. Une attestation de participation pourra vous ĂȘtre fournie sur simple demande une fois la formation terminĂ©e. + 3 BONUS OFFERTS ! BONUS N°1 1 Session vidĂ©o de groupe Skype en live tous les mois ! Une Occasion unique pour vous d'Ă©claircir vos points d'interrogations sur la formation Afin de vous permettre d'Ă©changer et d’interagir avec Betty Khan et les Ă©lĂšves en direct et ainsi de faire un bilan ou de poser vos questions. BONUS N°2 1 planche chakra rĂ©alisĂ©e par Betty Khan Cette magnifique planche des Chakras illustre parfaitement le systĂšme Ă©nergĂ©tique de l’ĂȘtre humain dans sa globalitĂ©, son mouvement et sa subtilitĂ©. Elle est une excellente ressource et guide de rĂ©fĂ©rence rapide pour tous ceux qui travaillent avec les chakras ou qui souhaitent les interprĂ©ter facilement. Cela met l’accent sur leurs diffĂ©rents aspects aussi bien physiques, Ă©motionnels, psychologiques et spirituels. BONUS N°3 Pour les personnes qui intĂšgrent aujourd'hui la formation, une surprise pour la suite vous est rĂ©servĂ©e ... vous allez ADORER !!! Contenu de la formation en ligne rĂ©partie en 6 modules ludiques et pĂ©dagogiques MODULE 1 Les principes de l'Ă©nergie et du magnĂ©tisme MODULE 2 DĂ©couvrir et dĂ©velopper son magnĂ©tisme MODULE 3La protection et la purification Ă©nergĂ©tique MODULE 4Les diffĂ©rentes pratiques et protocoles MODULE 5 Quelques exemples de maux Ă  traiter MODULE 6L’éthique du magnĂ©tiseur et son savoir ĂȘtre Une formation complĂšte MODULE 1 Les principes de l'Ă©nergie et du magnĂ©tisme Qu'est-ce que l'Ă©nergie ? Le magnĂ©tisme ? un magnĂ©tiseur ? Des termes vagues, que l'on entend souvent et qui portent Ă  confusion... Dans ce premier chapitre, Betty KHAN vous initiera aux principes de l'Ă©nergie, du magnĂ©tisme de maniĂšre Ă  mieux en comprendre le fonctionnement. MODULE 2DĂ©couvrir et dĂ©velopper son magnĂ©tisme À travers divers exercices ludiques et pĂ©dagogiques, vous apprendrez Ă  dĂ©couvrir et Ă  approfondir vos ressentis des Ă©nergies subtiles. A l'issu de ce chapitre, vous aurez dĂ©jĂ  la maĂźtrise de la connexion et de la dĂ©connexion Ă©nergĂ©tique. Vous commencerez Ă  dĂ©velopper votre potentiel de magnĂ©tiseur en pratiquant sur un fruit. MODULE 3La protection et la purification Ă©nergĂ©tique L’énergie qui nous entoure peut ĂȘtre Ă  la fois positive ou nĂ©gative. Ainsi, il est importance de savoir ce que nous devons faire pour Ă©viter que cette nĂ©gativitĂ© nous affecte. Dans ce 3e chapitre, vous dĂ©couvrirez diverses possibilitĂ©s pour mieux vous protĂ©ger pendant et en dehors de vos consultations. Les notions de nettoyage Ă©nergĂ©tique y seront Ă©galement abordĂ©es de maniĂšre Ă  savoir vous purifier ainsi que votre espace de vie. MODULE 4Les diffĂ©rentes pratiques et protocoles Ce chapitre abordera un aspect plus pratique. Vous apprendrez Ă  maĂźtriser les diffĂ©rentes passes magnĂ©tiques puis les protocoles qui vous permettront de structurer vos sĂ©ances. L'apprentissage de la pratique du magnĂ©tisme Ă  distance vous fera prendre conscience qu'elle ne connaĂźt ni la distance ni les frontiĂšres. Une initiation Ă  la pratique du pendule, vous permettra d'acquĂ©rir un outil trĂšs prĂ©cieux lors de vos soins. MODULE 5 Quelques exemples de maux Ă  traiter Les bienfaits du magnĂ©tisme sont trĂšs vastes mais certains maux sont plus souvent rencontrĂ©s que d'autres, ainsi nous aborderont une listes non exhaustives de cas Ă  traiter les fractures, entorses, tendinites, maux de dos, zona, verrues, eczĂ©ma, migraines, ... Dans ce 4e chapitre, les subtilitĂ©s de certains cas tels que les brĂ»lures, les femmes enceintes, les accompagnements de cancer, de fins de vie... mĂ©riteront d'ĂȘtre Ă©galement dĂ©taillĂ©s. MODULE 6 L’éthique du magnĂ©tiseur et son savoir ĂȘtre Le magnĂ©tisme est un art ancestral qui requiert un Ă©tat d'ĂȘtre et un savoir faire pour devenir un bon magnĂ©tiseur. Betty KHAN a Ă©tablit pour vous une charte, un code de conduite qui vous accompagnera sur ce chemin. UNE FORMATION RICHE ET COMPLÈTE qui vous guide Ă©tape par Ă©tape dans la pratique du magnÉtisme Planche 7 chakras "La verticalitĂ© de l'ĂȘtre" rĂ©alisĂ©e par Betty Khan OFFERTE !!! Betty KHAN sera gĂ©nĂ©reuse et vous partagera son expĂ©rience et ses astuces de maniĂšre Ă  ce que vous puissiez vous les approprier. Un contenu riche et accessible mais aussi de nombreux exercices ludiques et pĂ©dagogiques ​La boule d'Ă©nergie ​Comment magnĂ©tiser un fruit ​Entretenir son magnĂ©tisme auprĂšs de la nature ​Le systĂšme Ă©nergĂ©tique L'auto-magnĂ©tisme La visualisation et l'intention L'ancrage ​Maintenir un bon niveau vibratoire ​CrĂ©er sa bulle de protection ​Les pierres de protection ​Le pouvoir de la priĂšre ​La purification et les encens ​La pratique du feeling ​La pratique du pendule ​Les diffĂ©rentes passes magnĂ©tiques ​Les diffĂ©rents protocoles ​Le magnĂ©tisme Ă  distance ​Le magnĂ©tisme sur les animaux ​Savoir couper le feu ​La frĂ©quence et la durĂ©e d'un soin AccĂ©dez Ă  la formation TĂ©moignages Au cours de ces 6 derniĂšres annĂ©es, Betty Khan a formĂ© plus de 150 Ă©lĂšves Ă  la pratique du magnĂ©tisme lors de ses stages en prĂ©sentiel. Voici quelques retours d'expĂ©riences des Ă©lĂšves qui ont suivi ses enseignements. Nathalie C. prof. des Ă©coles 95 Ma formation a Ă©tĂ© une immense surprise pour moi puisque j’avais juste voulu la faire par simple curiositĂ©, n’ayant apparemment aucune prĂ©dispositions pour le magnĂ©tisme. J’ai eu un ressenti depuis qui ne m’a plus quittĂ©. source page Facebook Myra L. 78 Je pensais, comme beaucoup, que pour soulager avec les mains il fallait avoir un don, une prĂ©disposition. GrĂące Ă  ses enseignements et aux expĂ©riences qui ont suivi, j'ai appris que nous sommes tous capables d'apprendre Ă  s'aider, Ă  aider les autres. Au dĂ©but c'Ă©tait parce que je me suis trouvĂ©e dans des situations d'urgence, une amie qui s'est foulĂ©e une jambe en ma prĂ©sence, une brĂ»lure, une piqĂ»re d'insecte, les petits bobos des enfants. Et quand on constate le rĂ©sultat on finit par faire confiance Ă  ses mains... Tout cela grĂące Ă  Betty qui transmet son savoir et nous montre le chemin. Merci Betty ! source Google Corinne B. dresseur Ă©quin 60 Merci encore pour m'avoir fait dĂ©couvrir mes propres capacitĂ©s Ă©nergĂ©tiques insoupçonnĂ©es et ta formation qui soutiennent aujourd'hui les miens, Ă  2 et 4 pattes, avec succĂšs le plus souvent ! source page Facebook Delphine W. Belgique GĂ©nial, je commence la formation en magnĂ©tisme en ligne, je ne peux plus m'arrĂȘter tellement elle est passionnante et inspirante ! source groupe privĂ© Facebook Francin L. infirmiĂšre 14 Betty bien plus qu'une formatrice, elle vous fait entrer dans son monde et vous apercevez que c'est aussi le vĂŽtre. Une trĂšs belle personne, simple,et qui maĂźtrise ses sujets. Une passionnĂ©e. Merci Betty source page Facebook Sylvie L. 31 J'ai suivi en ligne la formation complĂšte Ă  la pratique du magnĂ©tisme. Formation d'ailleurs trĂšs intĂ©ressante et trĂšs enrichissante, elle est venue complĂ©ter ma pratique et confirmer que j'Ă©tais sur la bonne voie. Je trouve trĂšs intĂ©ressant le fait de pouvoir avoir accĂšs aux conseils d'une professionnelle. Ils sont simples, prĂ©cis et trĂšs accessible. source Gmail CONTENU DE LA FORMATION 6 modules complets ludiques et pĂ©dagogiques 34 vidĂ©os hautes dĂ©finitions riches et intensives pour une initiation Ă©tape par Ă©tape Exercices et cas pratiques Ă  rĂ©aliser soi mĂȘme Livret de formation tĂ©lĂ©chargeable en 1 clic Une Attestation de fin de formation dĂ©livrĂ©e Mise Ă  jour Ă  vie de la formation pour tous les Ă©lĂšves IntĂ©gration au groupe Facebook privĂ© dĂ©diĂ© aux membres de la formation Un AccĂšs 24h/7jrs depuis votre Ordinateur/Tablette/Mobile Un apprentissage pas Ă  pas et Ă  votre rythme Offre de lancement Ă  241€ TTC !!! Valeur rĂ©elle 349 € ttc Soit une rĂ©duction immĂ©diate de -30% PAIEMENT EN 1 X Profitez de cette offre et rejoignez plus de 250 Ă©lĂšves au travers de la France et des pays du Monde entier ! 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Vous ne voulez plus avoir le coeur brisĂ© ? La plupart des relations amoureuses peuvent ĂȘtre sauvĂ©es et je vais vous montrer comment procĂ©der. Mais avant de commencer, sachez deux choses 1. VOUS N’ÊTES PAS SEULDes milliers de personnes visitent chaque annĂ©e mon site et trouvent une solution leur permettant de sauver leur couple. 2. VOUS ÊTES SUR LE BON SITE INTERNETCar vous ĂȘtes sur le point de dĂ©couvrir qu’il est possible de reconquĂ©rir votre ex-partenaire en suivant une mĂ©thode simple 100 % garantie. Si vous en avez assez de vous sentir dĂ©sespĂ©rĂ© et que vous dĂ©sirez reconquĂ©rir votre ex alors continuez Ă  lire cette page. Je suis thĂ©rapeute de couple depuis plus de 11 ans Bonjour, je me prĂ©sente je m’appelle Antoinette Boileau Je suis thĂ©rapeute de couple et conseillĂšre conjugale. Cela fait maintenant plus de 11 ans que je donne des conseils Ă  des couples et des individus qui souffrent de chagrin d’amour, de dĂ©pression et d’anxiĂ©tĂ© qui accompagnent une rupture amoureuse. Je suis diplĂŽmĂ©e d’une maĂźtrise en psychologie de la facultĂ© de Paris X Nanterre et j’habite actuellement Ă  SĂšte. Vous pouvez me croire quand je dis que je sais Comment faire pour que votre ex revienne Comment agir pour sauver votre couple rapidement Ce qu’il faut entreprendre pour soulager la douleur d’un chagrin d’amour Depuis plus de 11 ans, j’aide des couples Ă  se remettre ensemble. J’ai pu voir des milliers de cas et pu essayer diffĂ©rentes techniques et divers exercices permettant Ă  mes patientes de trouver des solutions qui fonctionnent. Mon expĂ©rience m’a permise de construire ma propre mĂ©thode. En suivant ma mĂ©thode, vous pourrez reconquĂ©rir votre ex en moins de 2 mois ! Mais je dois vous avertir que ma mĂ©thode n’est pas conventionnelle. Mon objectif consiste Ă  utiliser des techniques qui fonctionnent mĂȘme pour des sĂ©parations difficiles. Je peux vous aider dĂšs aujourd’hui Il existe une mĂ©thode facile Ă  suivre pour reconquĂ©rir votre ex Je voudrais pouvoir aider toutes les personnes, une par une, chez moi dans mon cabinet, mais il n’y a tout simplement pas assez de temps dans une journĂ©e pour accompagner celles et ceux qui en Ă©prouvent le besoin. Mais je propose une alternative
 J’ai dĂ©cidĂ© de proposer ma mĂ©thode sur Internet sous la forme d’un livre Ă©lectronique Ă  tĂ©lĂ©charger. Je l’ai intitulĂ© Sauver Son Couple en 60 Jours ». PrĂ©sentation de mon livre Sauver Son Couple en 60 Jours »DĂ©couvrez une mĂ©thode complĂšte vous permettant de sauver votre couple et reconquĂ©rir votre ancien partenaire en moins de 60 jours. Ma mĂ©thode est facile Ă  suivre, c’est un programme â€œĂ©tape par Ă©tape” regroupant toutes mes techniques dĂ©veloppĂ©es au fil des annĂ©es. Si vous voulez reconquĂ©rir votre ex il vous suffit d’appliquer mes conseils et en moins de 60 jours vous pourrez le ou la retrouver. Au fil des annĂ©es, ma mĂ©thode a pu aider des couples de tous Ăąges desjeunes adolescents ou des couples mariĂ©s depuis plus de 40 ans. Ma mĂ©thode fonctionne que vous soyez un homme ou une femme. GrĂące Ă  mes conseils, vous pourrez Retrouver l’amour perdu de votre ex Retrouver Ă  nouveau la joie de vivre, votre appĂ©tit, votre sommeil Vous libĂ©rer du sentiment insupportable qui alourdissait votre poitrine Stopper votre jalousie Ă  chaque fois que vous voyez un autre couple
 Nous sommes Ă  nouveau ensemble » J’ai lu votre livre. Il y avait de trĂšs bons conseils pour se remettre sur pied et pour ne pas rester dĂ©primĂ© aprĂšs une violente rupture. Je suis heureuse de vous annoncer que vous m’avez ramassĂ© Ă  la petite cuillĂšre, mais avec vos conseils je suis maintenant une personne plus forte et plus heureuse. Mon ex a remarquĂ© la confiance que j’avais en moi et il a essayĂ© de revenir il y a quelques jours. Maintenant nous sommes Ă  nouveau ensemble. Merci! — Nadia GrandBrest, France Il n’existe aucune SITUATION IMPOSSIBLE ! Si vous avez dĂ©jĂ  Ă©tĂ© en couple, je peux reconstruire votre union. C’est la nature humaine de vouloir secrĂštement rĂ©cupĂ©rer son ex, peu importe la façon dont il ou elle s’est comportĂ©e. Il y a en effet, un moyen simple de rĂ©cupĂ©rer le dĂ©sir, la passion et l’amour de quelqu’un qui s’est Ă©loignĂ©. Les techniques que j’enseigne dans mon livre ont aidĂ© des centaines de personnes qui ont eu le cƓur brisĂ©. Que contient ma mĂ©thode ?Voici un Ă©chantillon des exercices et techniques proposĂ©s dans ma mĂ©thode Un plan d’action prĂ©cis, clair et concis — Pas de blabla, que du concret. Les actions Ă  entreprendre immĂ©diatement et ce qu’il faut Ă©viter impĂ©rativement. — Ce qui vous permet de renverser la situation pour que vous la ou le rĂ©cupĂšreriez. Des exercices pour soulager la peine, le stress Ă©motionnel et la dĂ©pression — À la suite d’une rupture toute fraĂźche
 7 techniques pour reconquĂ©rir le cƓur, l’esprit et l’ñme — Sans elles, vous pouvez tout aussi bien laisser tomber dĂšs maintenant. Les clĂ©s pour favoriser une bonne communication — La base de la reconquĂȘte. Par quoi commencer ? — Je vous montre un plan avec des Ă©tapes prĂ©cises pour commencer. Le meilleur moment pour s’excuser — Ne faites surtout pas cela car vous ruinerez vos chances pour de bon! Une mĂ©thode simple qui efface de façon permanente les choses blessantes — Que vous avez dites et qui restent Ă  l’esprit de votre ex. La Technique de Reconnexion InstantanĂ©e » — Qui permet d’annuler la quasi-totalitĂ© des ruptures. Les 12 plus grandes erreurs Ă  ne pas commettre — Lorsque vous avez un rendez-vous avec votre ex. Des exercices vous permettant de retrouver la romance — Que vous aviez lorsque vous vous ĂȘtes rencontrĂ©s. DĂ©couvrez l’indice clĂ© qui vous indique si votre ancien partenaire veut toujours de vous — Peu importe ce qu’il dit, c’est tout ce que vous avez besoin de chercher! Et plus, plus encore. Ma mĂ©thode a prouvĂ© son efficacitĂ© Je crois fermement qu’elle est la meilleure et la plus efficace des programmes proposĂ©s aujourd’hui pour sauver les couples en difficultĂ©. Cela fait plus de 11 ans que je l’amĂ©liore. Toutefois, il serait injuste de s’attendre Ă  ce que vous comptiez seulement sur mes cpmseils. Regardez ce que d’autres couples disent de ma mĂ©thode. Il vient de me demander en mariage » Eh bien devinez quoi
 j’ai suivi toutes les techniques indiquĂ©es dans votre livre. Et il vient de me demander en mariage et nous sommes heureux, plus que nous ne l’avons jamais Ă©tĂ©. En fait, vous ne le croirez jamais, mais il y a eu qu’une seule fracture de confiance entre nous, dans toute notre vie. Je penserais Ă  vous le jour de mon mariage et Ă  la façon dont vos conseils nous ont aidĂ©s » — Julie T. FrĂ©jus, France Nous nous reparlons » Je ne sais pas si nous allons nous remettre ensemble, mais je suis trĂšs soulagĂ© que mon ex et moi-mĂȘme, nous nous reparlions aprĂšs un long silence de prĂ©s d’un mois. Merci de m’avoir aidĂ© Antoinette — Guillaume C. Courchevel, France J’ai rĂ©cupĂ©rĂ© ma petite amie » Nous avons rompu il y a quelques mois parce que nous passions notre temps Ă  nous battre. Et elle ne voulait mĂȘme plus me parler au tĂ©lĂ©phone. Croyez-le ou non, aprĂšs avoir lu votre livre, nous avons dĂ©cidĂ© d’aller au Mexique. Les techniques indiquĂ©es dans ce livre m’ont aidĂ© Ă  la rĂ©cupĂ©rer, je n’arrive pas Ă  y croire tellement c’était simple. Merci ! — Robert D. Lausanne, Suisse Pas Encore Convaincu ? Obtenez “Sauver Son Couple en 60 Jours” Pendant 30 Jours Gratuitement ! Je vous propose une pĂ©riode de 60 jours pour essayer et utiliser les mĂ©thodes que je prĂ©conise dans mon livre. Vous avez un mois pour passer Ă  travers mon livre et mettre en pratique ce que j’énonce. Si vous n’ĂȘtes pas satisfait avec pour N’IMPORTE quelle raison, vous pouvez me contacter et me demander un remboursement complet ! C’est ma façon de vous prouver ma bonne foi et de vous promettre une garantie Ă  100%. Je suis persuadĂ©e que vous ne voudrez jamais me renvoyer mon livre ! Recevez une copie du livre dans les 5 prochaines minutes
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Vous vous demandez combien coĂ»te ma mĂ©thode– aprĂšs tout un livre Ă©crit par une thĂ©rapeute ayant plus de 11 ans d’expĂ©rience doit certainement coĂ»ter cher?Vous allez ĂȘtre agrĂ©ablement surpris. J’ai dĂ©cidĂ© de demander l’équivalent de ce que je facture pour 1 heure de consultation dans mon cabinet. Je facture 70€ pour une consultation d’une heure et donc 70€ pour mon livre. ATTENTION ! En mai, je vous offre une rĂ©duction de 50% ! En mai, vous pouvez recevoir ma mĂ©thode avec une remise de 50% sur le prix affichĂ©. Obtenez ma mĂ©thode dĂšs aujourd’hui pour seulement 35 €. Mon livre vous fournira toutes les informations nĂ©cessaires pour que vous puissiez rĂ©cupĂ©rer votre ex par vos propres moyens. Le prix normal sera appliquĂ© Ă  partir du mois prochain, il sera donc Ă  nouveau de 70 € – N’attendez plus ! Quels sont vos choix ? OPTION A Allez-vous ne rien faire, continuer Ă  pleurer et ne pas savoir comment faire pour retrouver votre amant ? 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Si vous avez des questions, n’hĂ©sitez pas Ă  m’envoyer un email et je m’efforcerais de vous rĂ©pondre dans les plus brefs dĂ©lais. Au plaisir de vous compter parmi mes nombreux lecteurs. Bien cordialement, Antoinette Boileau ThĂ©rapeute de couple et conseillĂšre conjugale Accueil Articles sur comment rĂ©cupĂ©rer son ex Contactez-moi Affiliation Mentions LĂ©gales Antoinette Boileau © 19 Rue Henri Barbusse 34200 SĂšte DEVENEZ PRATICIEN EN AYURVEDA COMMISSION 36,50€MEDECINE TRADITIONNELLE, VIEILLE DE PLUS DE 5000 ANS, L'AYURVEDA A TRAVERSE LES AGES ET CONNAIT UN VIF REGAIN D'INTERET DANS NOS SOCIETES. DEVENEZ PRATICIEN EN HYPNOSE COMMISSION 36,50€L HYPNOSE EST UNE THERAPIE ALTERNATIVE QUI MOBILISE L INCONSCIENT AFIN D AMORCER DES CHANGEMENTS DE COMPORTEMENT POSITIFS. DEVENEZ PRATICIEN EN HYPNOSE TÉLÉCHARGER EN SAVOIR PLUSVotre Formation Certifiante Souhaitez-vous profiter d'une promotion exclusive pour cette formation ? Oui! Je souhaite obtenir cette formation L’hypnose le pouvoir des mots au service du bien-ĂȘtre Quand on parle d’hypnose, toutes sortes d’images, souvent nĂ©gatives, viennent Ă  l’esprit. C’est au fond trĂšs mal connaĂźtre le sujet. L’hypnose est une thĂ©rapie alternative qui mobilise l’inconscient afin d’amorcer des changements de comportement un ensemble de techniques de visualisation, de relaxation, qui permettent Ă  un individu de rĂ©soudre des situations de blocage ou de peur. L’hypnose apaise, amĂ©liore le sommeil, soulage l’anxiĂ©tĂ©. L’hypnose aide Ă©galement Ă  lutter contre les addictions et les phobies. Devenez un professionnel de l’hypnose Notre certification en hypnose est conçue pour vous donner une comprĂ©hension pratique de l’hypnose, vous expliquer ce qui permet Ă  l’hypnose de fonctionner, et la maniĂšre de l’appliquer pour obtenir un impact maximal. Il s’agit de techniques pratiques, que vous pouvez utiliser immĂ©diatement aprĂšs la formation, avec d’excellents rĂ©sultats. Ces capacitĂ©s vous seront essentielles pour travailler en tant que praticien en hypnose, ou simplement pour amĂ©liorer la vie de vos proches. L’hypnose ? De quoi s’agit-il ? L’hypnose consiste Ă  communiquer avec l’inconscient, c’est-Ă -dire l’endroit oĂč nous stockons toutes nos croyances et nos plupart de nos croyances - sur qui nous sommes et comment le monde fonctionne - ont Ă©tĂ© instillĂ©es dans notre esprit Ă  un trĂšs jeune Ăąge. Quand ces idĂ©es se sont formĂ©es, nous n’étions gĂ©nĂ©ralement pas capables de les comprendre ou de les nous Ă©tions en train d’absorber des messages Ă  un niveau profond, instinctif et intuitif de notre esprit, et conditionner ainsi toute notre vie future. Supposons par exemple qu’un jeune enfant ait Ă©tĂ© placĂ© dans divers foyers d’accueil pendant 2 ou 3 ans. Cette expĂ©rience a dĂ©veloppĂ© en lui une peur profonde d’ĂȘtre abandonnĂ©. ArrivĂ© Ă  l’ñge adulte, il a peut-ĂȘtre totalement oubliĂ© de ce qui s’est passĂ© et ne comprend pas pourquoi il n’arrive pas Ă  construire des relations solides, ou s’engager dans une vie de couple. Il trouve alors diverses justifications pour expliquer cette situation il n’a pas de temps Ă  consacrer Ă  ses amis, ou il n’a pas trouvĂ© la bonne personne avec qui avoir une relation amoureuse. Mais en rĂ©alitĂ©, la raison profonde se trouve enfouie sous la surface de son esprit. La fin de phobies et autres blocages intĂ©rieurs Dans cette formation, vous apprendrez Ă  dĂ©couvrir ce genre d’émotions cachĂ©es, et ensuite Ă  les rĂ©soudre. À partir de ce moment, des changements positifs se manifesteront dans la vie de vos clients, naturellement, automatiquement et sans le temps, certaines personnes adoptent des perceptions nĂ©gatives de ce qu’elles sont capables de faire, d’avoir et d’accomplir. Nous vous montrerons comment aider ces personnes Ă  franchir leurs propres barriĂšres internes, de façon Ă  ce qu’elles puissent rĂ©aliser leur s’agit de les aider Ă  regagner le contrĂŽle de leur esprit, tout en faisant disparaĂźtre les perceptions nĂ©gatives qui bloquent la rĂ©ussite, l’accomplissement et le bonheur. En mĂȘme temps, vous remplacerez les schĂ©mas de pensĂ©es qui les handicapent par des schĂ©mas qui les soutiennent. L’hypnose pour qui et pour quoi ? Les domaines d’intervention de l’hypnose sont multiples et variĂ©s, parfois mĂȘme insoupçonnĂ©s. L’hypnose permet de Traiter la douleur ; Optimiser les ressources physiques et psychologiques ; Se dĂ©barrasser de comportements addictifs alcool, drogues, cigarettes
 ; ​​Lutter contre le stress ou la timiditĂ© ; ​Augmenter les capacitĂ©s professionnelles dans le domaine de la vente par exemple ; ​Combattre les problĂšmes de mĂ©moire, de poids, de concentration
 Avec l’hypnose, rien de magique, mais des techniques qui doivent ĂȘtre apprises et maĂźtrisĂ©es. Vous les mettrez d’abord en pratique sur vous-mĂȘme, puis vous pourrez aider les autres dans leur dĂ©marche de bien-ĂȘtre et d’épanouissement. L’hypnose est l’un des outils de changement le plus puissants. Pourquoi ? Car c’est une ligne directe » avec l’inconscient. Et c’est dans notre inconscient que se jouent nos actions, que se mettent en place nos comportements, nos habitudes, lĂ  oĂč se nichent nos motivations profondes, celles qui nous font parfois stagner, Ă©chouer, ou c’est la source. Et l’hypnose, c’est justement l’un des moyens les plus sĂ»rs de rentrer en communication » avec notre inconscient, de mobiliser nos ressources intĂ©rieures pour qu’elles travaillent pour nous, et non contre nous. À qui s’adresse ce programme de certification en hypnose ? Nous voulons tout de suite vous rassurer en prĂ©cisant qu’il n’est pas nĂ©cessaire d’ĂȘtre spĂ©cialiste ou mĂ©decin pour suivre ce programme de certification en ĂȘtes bien sĂ»r concernĂ© si vous ĂȘtes dĂ©jĂ  praticien en activitĂ© sophrologue, psychologue, etc., travailleur social, salariĂ© dans le milieu mĂ©dical infirmiĂšre, aide-soignante, etc., ou tout simplement mĂšre ou pĂšre de en soit, ce que vous allez acquĂ©rir la maitrise de techniques simples et pratiques pour accompagner les programme de certification en hypnose est accessible Ă  tous, quel que soit le niveau de formation ou l’expĂ©rience. Riche en apprentissages, cette formation est adaptĂ©e Ă  diffĂ©rents profils Des hommes et femmes en reconversion professionnelle dĂ©sireux de s’installer et de se spĂ©cialiser dans l’hypnose ; Des Ă©tudiants souhaitant amĂ©liorer leurs performances ; Des mĂšres de famille soucieuses d’apaiser les maux de leurs enfants ; ​​Des coachs ou thĂ©rapeutes, soucieux d’élargir leurs connaissances ; ​Des intervenants sociaux Ă  la recherche de techniques pour aider les personnes en difficultĂ© . DurĂ©e de la formation et certification Parmi les questions que vous vous posez sĂ»rement, est celle du temps que vous devrez consacrer Ă  ce programme de certification en hypnose. LĂ  encore, il s’agit d’une question pertinente. Nous n’avons pas tous le mĂȘme emploi du temps, ni les mĂȘmes obligations. C’est pourquoi nous ne proposons pas des formations strictement limitĂ©es dans le temps. Lorsque vous vous inscrivez, vous disposez d’un accĂšs illimitĂ© pour rĂ©aliser la formation. Certains Ă©tudiants la terminent en quelques jours, d’autres en quelques mois. Quoi qu'il en soit, nous sommes toujours Ă  l’écoute de vos questions, qu’elles soient techniques ou pratiques. Une derniĂšre question vous vient peut-ĂȘtre Ă  l’esprit Ă  la lecture de l’intitulĂ© de la formation programme de certification en hypnose. La certification, c’est la reconnaissance professionnelle, l’appartenance Ă  une corporation, Ă  un ensemble de praticiens qui ont acquis des savoirs reconnus et Ă©tablis. C’est exactement ce que nous proposons avec cette formation. En plus de nos autres accrĂ©ditations, notre programme de certification en hypnose est reconnu par une institution internationale le IHA International Hypno sis Association. Un gage de qualitĂ© et de sĂ©rieux. L’hypnose une pratique qui va changer votre vie et celle des autres Tout au long de ce programme, aussi enrichissant que passionnant, vous allez dĂ©couvrir diffĂ©rentes notions et techniques. Parmi ces apprentissages Comment se dĂ©roule une sĂ©ance d’hypnose ; Ce qu’est la transe hypnotique ; L’importance de l’induction ; ​La dĂ©finition des objectifs et des rĂŽles de chacun en hypnothĂ©rapie ;​ ​​La nĂ©cessitĂ© d’une coopĂ©ration entre praticien et client ; ​​L’importance du langage et de la voix pour mieux influencer ses pensĂ©es, Ă©motions et comportements de votre client ; ​​Des scripts mot-Ă -mot pour renforcer l’estime de soi, se dĂ©barrasser de l’anxiĂ©tĂ©, mieux dormir, se libĂ©rer de la colĂšre, de l’alcool, de phobies etc. Pour finir, une grande partie sera consacrĂ©e Ă  l’autohypnose, avec des scripts pourvous-mĂȘme, mais aussi pour ceux que vous souhaitez aider. Voici le programme dĂ©taillĂ© de la formation Cliquez sur chaque module pour en dĂ©couvrir le contenu MODULE 1 – BIENVENUE DANS LE MONDE DE L’HYPNOTHÉRAPIE PROFESSIONNELLE Dans ce module, nous allons explorer les raisons pour lesquelles l’hypnose est un outil si performant pour crĂ©er un changement personnel permanent. Voici ce que vous apprendrez dans cette section ‱ Comment un hypnothĂ©rapeute utilise le langage pour influencer les pensĂ©es, les Ă©motions, la physiologie et le comportement ;‱ Comment rendre votre voix, douce, invitante et hypnotique ;‱ Un exercice rapide qui dĂ©montre comment les pensĂ©es et les mots peuvent affecter l’activitĂ© musculaire ;‱ Le pouvoir de parler de maniĂšre totalement ininterrompue ;‱ Pourquoi nous possĂ©dons tous dĂ©jĂ  les qualitĂ©s d’un maĂźtre hypnothĂ©rapeute ;‱ La dĂ©finition de la transe et pourquoi elle est utile lors d’une sĂ©ance d’hypnose ;‱ Comment Ă©tudier ce cours pour obtenir un succĂšs maximal. MODULE 2 – LES FONDAMENTAUX Nous allons Ă  prĂ©sent plonger Ă  la base de l’hypnose. Nous aborderons la relation qui existe entre l’hypnothĂ©rapeute et son client, ainsi que la façon de vous prĂ©parer mentalement avant une sĂ©ance d’hypnose. Dans ce module, vous dĂ©couvrirez ‱ Pourquoi l’hypnose est un processus Ă  la fois interactif et coopĂ©ratif ;‱ Comment habituer vos clients Ă  suivre vos instructions ;‱ Une description des rĂŽles que votre client et vous-mĂȘme devez jouer durant la sĂ©ance d’hypnose ;‱ Une technique pour mettre vos interlocuteurs en transe d’un seul regard ;‱ Comment Ă©tablir presque instantanĂ©ment un lien solide de comprĂ©hension, de confiance et respect mutuel entre votre client et vous-mĂȘme ;‱ Comment projeter une attitude qui engendre le succĂšs. MODULE 3 – COMMENT ORCHESTRER UNE SÉANCE D’HYPNOSE Nous allons maintenant aborder les Ă©tapes Ă  suivre au dĂ©but de chaque sĂ©ance, ainsi que des techniques qui permettent d’induire une transe rapidement et facilement. Voici un aperçu de ce que vous apprendrez dans cette section ‱ Pourquoi il est important d’établir des objectifs pour chaque sĂ©ance ;‱ L’art d’aiguiser vos sens jusqu’à discerner les rĂ©actions les plus subtiles de vos clients ;‱ L’importance de la flexibilitĂ© et comment ajuster votre approche en fonction des retours qui se produisent durant la sĂ©ance ;‱ Comment augmenter l’efficacitĂ© de votre travail en recueillant des informations pertinentes ;‱ Les raisons les plus courantes pour lesquelles les gens vont voir un hypnothĂ©rapeute ;‱ L’art de l’induction », c’est-Ă -dire le rituel par lequel vous plongez vos clients en hypnose ;‱ Les Ă©tapes Ă  suivre pour effectuer un discours prĂ©-hypnotique efficace, grĂące auquel vous assurerez la rĂ©ussite de votre sĂ©ance avant mĂȘme que l’hypnose ne commence. MODULE 4 – DES SCRIPTS, DES SCRIPTS ET ENCORE DES SCRIPTS Dans ce module, vous trouverez de nombreux scripts mot-Ă -mot qui indiquent comment induire des Ă©tats hypnotiques profonds. Voici ce que vous dĂ©couvrirez ‱ Une sĂ©rie de tests de suggestibilitĂ© » qui prĂ©parent l’esprit de votre client Ă  l’hypnose ;‱ Des maniĂšres d’hypnotiser vos clients efficacement en utilisant des renforcements » stratĂ©giques ;‱ Des scripts dĂ©taillĂ©s pour mettre en place un discours prĂ©-hypnotique efficace ;‱ La diffĂ©rence entre les clients de type analytique et les clients de type non-analytique ;‱ Plusieurs inductions de grande qualitĂ©, employĂ©es par les plus grands hypnothĂ©rapeutes au monde. MODULE 5 – LE CLIENT EST SOUS HYPNOSE. ET MAINTENANT ? Vous savez maintenant comment induire une transe. Mais que fait-on aprĂšs cela ? Dans ce module, nous verrons comment renforcer cet Ă©tat et produire un phĂ©nomĂšne hypnotique plus sophistiquĂ©. Vous apprendrez aussi comment utiliser l’hypnose pour rĂ©soudre plusieurs problĂšmes courants. Voici ce que vous apprendrez dans ce module ‱ Comment intensifier la transe grĂące Ă  des techniques de visualisation et des exercices de relaxation ;‱ Des techniques qui permettent de convaincre le client qu’il est sous hypnose ;‱ Une liste de suggestions qui vous protĂšgent de tout ce qui peut interfĂ©rer avec le bon dĂ©roulement de la session ;‱ Une sĂ©rie de scripts qui vous permet d’aborder des problĂšmes courants pour lesquelles les gens recherchent l’aide d’un hypnothĂ©rapeute tels que phobies, estime de soi, anxiĂ©tĂ©, colĂšre, insomnies, motivation, prise de parole en public, addictions, etc. MODULE 6 – FILMS INTÉRIEURS Le but de ce module, est d’apprendre Ă  utiliser les pouvoirs crĂ©atifs de l’esprit afin d’aider votre client Ă  effectuer des transformations importantes et durables. Voici ce que nous allons explorer dans cette section ‱ Comment communiquer de façon efficace avec l’inconscient grĂące aux mĂ©taphores et au symbolisme hypnotique ;‱ L’art d’échanger dans l’esprit de votre client une reprĂ©sentation interne dysfonctionnelle pour une autre plus bĂ©nĂ©fique ;‱ Comment Ă©tablir un dĂ©clencheur » qui permet Ă  vos anciens clients de retrouver instantanĂ©ment des Ă©tats hypnotiques profonds ;‱ Comment donner accĂšs Ă  votre client Ă  des Ă©tats-ressources puissants en installant des ancrages » ;‱ Comment utiliser l’imagerie mentale dynamique », une technique qui se sert de l’imagination pour dĂ©couvrir des ressources et rĂ©vĂ©ler des capacitĂ©s cachĂ©es ;‱ Comment faire sortir le sujet d’une transe, facilement et naturellement. MODULE 7 – TECHNIQUES THÉRAPEUTIQUES AVANCÉES Dans ce module, nous Ă©tudierons certaines techniques avancĂ©es. Le fait qu’elles soient plus avancĂ©es, ne les rend pas pour autant plus difficiles Ă  apprendre. Ces techniques demandent simplement un peu plus d’interactivitĂ© et de dialogue entre le client et vous-mĂȘme. Elles exigent donc un peu plus de finesse de votre part pour rĂ©ussir Ă  les utiliser. Pas de panique, toutefois. Nous avons simplifiĂ© l’apprentissage de ces compĂ©tences en vous donnant des exemples mot-Ă -mot pour vous aider Ă  les mettre en pratique. Voici ce que vous allez voir dans cette section ‱ Comment extraire des informations utiles directement du subconscient de votre client grĂące aux signaux idĂ©omoteurs » ;‱ Une liste de questions sophistiquĂ©es qui vous permettra de dĂ©couvrir la cause vĂ©ritable du problĂšme de votre client ;‱ La maniĂšre dont le subconscient stocke et se rappelle diffĂ©rentes expĂ©riences ;‱ Pourquoi nous possĂ©dons tous, en rĂ©alitĂ©, une mĂ©moire parfaite et ce qui se passe lorsque nous oublions ». MODULE 8 – HYPNOSE CONVERSATIONNELLE Le but de ce module est d’apprendre Ă  utiliser l’hypnose conversationnelle », c’est-Ă -dire l’art de produire des changements profonds au niveau mental et Ă©motionnel chez vos clients, Ă  travers des conversations de tous les jours. Voici un aperçu de ce que vous apprendrez dans cette section ‱ Une courte biographie de Milton Erickson, connu comme le pĂšre de l’hypnose conversationnelle et indirecte ;‱ Pourquoi ce que la plupart des clients appellent penser » a peu Ă  voir avec la vraie prise de dĂ©cision ;‱ Pourquoi l’utilisation de l’hypnose conversationnelle est efficace pour court-circuiter l’esprit critique du client ;‱ Un exercice pour guider vos clients vers des Ă©tats modifiĂ©s lors de conversations banales ;‱ Comment utiliser le fractionnement » pour rendre l’hypnose conversationnelle plus puissante ;‱ Comment tirer profit des rĂ©ussites passĂ©es et les appliquer aux dĂ©fis quotidiens ;‱ Comment utiliser la technique du recadrage » pour libĂ©rer la personne de cadres de rĂ©fĂ©rence limitants. MODULE 9 – HYPNOSE POUR LES ÉTUDIANTS Ce module traite de l’utilisation de l’hypnose dans la salle de classe. Quel que soit l’ñge de votre client ou son niveau d’instruction, vous pouvez utiliser ces techniques pour amĂ©liorer ses performances acadĂ©miques. Voici ce que vous verrez dans cette section ‱ Comment faciliter un apprentissage rapide, automatique et sans effort ;‱ Une technique pour aider votre client Ă  amĂ©liorer sa mĂ©moire grĂące Ă  l’hypnose ;‱ Une stratĂ©gie d’orthographe qui utilise la mĂ©thode de mĂ©morisation prĂ©fĂ©rĂ©e du cerveau humain ;‱ Un script qui aide Ă  intĂ©rioriser le processus d’apprentissage. MODULE 10 – AUTOHYPNOSE Dans ce module, il s’agit d’apprendre Ă  vos clients comment utiliser l’autohypnose pour rĂ©aliser leurs objectifs personnels et amĂ©liorer leur vie. Voici ce que vous dĂ©couvrirez dans cette section ‱ Deux mĂ©thodes diffĂ©rentes d’autohypnose ;‱ Comment Ă©crire des scripts d’autohypnose Ă©lĂ©gants et efficaces ;‱ Quels mots utiliser et quels mots laisser de cĂŽtĂ© lorsque vous formulez des suggestions d’autohypnose ;‱ Des scripts d’autohypnose pour renforcer la confiance en soi ;‱ La maniĂšre d’utiliser l’autohypnose dans votre propre vie et l’enseigner Ă  vos clients, afin de crĂ©er un changement personnel positif. Une fois terminĂ© le programme avec succĂšs, vous avez la possibilitĂ© d’imprimer votre certification Vous ĂȘtes prĂȘts Ă  commencer ? DEVENEZ PRATICIEN EN HYPNOSE POUR 87 € AU LIEU DE 525 € ! JE M’OFFRE LA FORMATION ET JE DÉMARRE MAINTENANT Ils nous font confiance Jocelyne P. J’ai fait la formation hypnose, qui m'a plutĂŽt surprise dans le bon cotĂ©, je ne m'attendais pas Ă  cela. J’aime le dĂ©but qui pose bien les choses, nous parle de suite de respect, d'Ă©coute attentive, etc. Je pensais Ă  quelque chose de plus "survolĂ©", et non. Les acquis effectivement m'aident au quotidien car je suis en continuelle connaissance de moi, un travail que je fais depuis plus de 18 ans maintenant, avec des formations ou stages dans divers domaines pour m'aider. Et lĂ  maintenant, je peux faire un rapprochement avec certains comportements, rĂ©pĂ©titions malheureuses, alors je peux plus facilement comprendre et modifier par moi-mĂȘme dans des moments de relaxation profonde consciente. Dans ma pratique de la sophrologie, je m'en sers pour comprendre et mieux rĂ©pondre aux questions que l'on me pose. » Thierry R. J'ai suivi la formation sur l' ĂȘtre franc, je ne suis pas certain de l'avoir suivi "comme il faudrait" en effet, j'ai lu tous les modules, je les ai mĂȘme imprimĂ©s et ils me servent de livre de chevet. Ils correspondent vraiment Ă  ce que j'attendais en terme de contenu, particuliĂšrement les explications sur les personnes analytiques visiblement dans mon entourage familial j'en ai plein. Je parle de votre formation et le recommande autour de moi en indiquant qu'elle est vraiment bien, les gens sont plutĂŽt Ă©tonnĂ©s que je m'intĂ©resse Ă  ce genre de sujet mais visiblement il y a encore beaucoup de phantasmes quant Ă  l'hypnose. » AndrĂ© F. Praticien et ThĂ©rapeute des mĂ©decines naturelles depuis de nombreuses annĂ©es, j'ai eu la chance de suivre les formations PNL et HYPNOSE. Ces formations certifiantes m'ont totalement satisfait, tant par le contenu pĂ©dagogique que par la mĂ©thode enseignĂ©e. Éminemment pratique, j'ai pu appliquer trĂšs rapidement "sur le terrain"....avec des succĂšs trĂšs probants auprĂšs de ma clientĂšle. J'ai beaucoup apprĂ©ciĂ© les qualitĂ©s pĂ©dagogiques et humaines du formateur sa disponibilitĂ©....son Ă©coute....et son humour !» Questions frĂ©quemment posĂ©es Comment dois-je procĂ©der pour m’inscrire ? Une fois le paiement validĂ©, vous ĂȘtes dirigĂ© vers une plateforme oĂč vous devez crĂ©er un mot de passe. DĂšs rĂ©ception de cet e-mail, vous bĂ©nĂ©ficiez d’une pĂ©riode d’essai de 30 jours. Que dois-je faire si je perds mes identifiants ? Vous pouvez adresser votre requĂȘte par e-mail Ă  l’adresse suivante support Nous vous conseillons toutefois de noter vos identifiants dĂšs rĂ©ception de l’e-mail confirmant votre inscription. Combien de temps faut-il pour valider l’ensemble de la formation ? Vous avez un accĂšs illimitĂ© et Ă  vie aux programmes de formation. Vous pouvez dĂ©buter votre formation lorsque vous le dĂ©sirez, il n’y a pas de limite de temps pour la valider. Notez qu’il vous faudra prĂ©voir entre 30 minutes et 2 heures pour complĂ©ter chaque module. Des dĂ©placements sont-ils Ă  prĂ©voir ? Non. L’ensemble de la formation se dĂ©roule en ligne. GrĂące Ă  vos identifiants, les outils et supports pĂ©dagogiques sont accessibles depuis n’importe quel ordinateur, tablette ou smartphone. Les formations sont accessibles de n’importe quel endroit, dans la mesure oĂč vous disposez d’une connexion Internet. Si je change d’avis, puis-je annuler mon inscription ? Oui, vous disposez d’un dĂ©lai de rĂ©traction de 30 jours Ă  compter de la validation du paiement. Comment suis-je Ă©valuĂ© en cours de formation ? Vous trouverez un quiz Ă  la fin de chaque module. Ces quiz ne sont pas obligatoires mais sont recommandĂ©s pour faire le point et vous prĂ©parer Ă  l’examen final. A la fin de la formation, un examen sous forme de questionnaire Ă  choix multiples est proposĂ©. Pour le valider, il faut obtenir 80 % de bonnes rĂ©ponses. Si votre score est infĂ©rieur Ă  80 % de bonnes rĂ©ponses, vous aurez la possibilitĂ© de repassez l’examen. DĂšs que vous l’aurez rĂ©ussi, vous pourrez imprimer votre certification en ligne. Que dois-je faire si je n’arrive pas Ă  tĂ©lĂ©charger les supports ? DĂ©connectez-vous et relancez votre connexion sur le site. Si un support audio ou PDF prĂ©sente des difficultĂ©s de lecture, tentez son ouverture sur un autre navigateur ou mettez-le en pause selon votre dĂ©bit Internet, cela peut demander un certain temps de chargement. Veillez Ă  tenir votre navigateur Ă  jour et vĂ©rifiez vos plug-in. Pensez Ă©galement Ă  vider vos caches et vos cookies de temps Ă  autre. Vous pouvez aussi vĂ©rifier qu’aucun pare-feu ni anti-virus ne bloque l’ouverture. Que dois-je faire si je n’arrive pas Ă  visualiser les tests ou imprimer ma certification ? Vous devez tĂ©lĂ©charger la derniĂšre version d’Adobe Flash Player et changer de navigateur. Il vous faudra utiliser Firefox ou Microsoft Edge. Quels sont les supports utilisĂ©s pour les formations ? Le certificat ne peut ĂȘtre assimilĂ© Ă  un diplĂŽme seul le ministĂšre de l’Éducation nationale est habilitĂ© Ă  en dĂ©livrer. Il permet cependant de valoriser de maniĂšre officielle le niveau de qualification obtenu grĂące Ă  cette formation. Que ce soit pour rassurer vos clients ou pour renforcer votre CV, ce certificat peut ĂȘtre un atout supplĂ©mentaire dans votre parcours professionnel. Nos certificats attestent non seulement des connaissances acquises au cours de la formation, mais aussi de votre assiduitĂ© Ă  suivre le cours. Pour obtenir un certificat, vous devez avoir suivi l’intĂ©gralitĂ© de la formation et avoir accompli les tests prĂ©vus dans le programme. Par ailleurs, vous devez obtenir 80 % de bonnes rĂ©ponses lors de l’examen final. Si vous avez validĂ© l’examen, l’ordinateur gĂ©nĂšre le certificat, mais celui-ci n’est pas datĂ©. Vous pouvez ajouter la date Ă  la main ou en utilisant le logiciel Photoshop. Nous offrons aussi la possibilitĂ© Ă  ceux et Ă  celles qui en font la demande de leur envoyer un certificat original signĂ©, imprimĂ© par nos soins, avec le tampon de notre sociĂ©tĂ© et la date de validation de l’examen. Le coĂ»t est de 33 € frais de port inclus. Il suffit pour cela de nous fournir la preuve que vous avez rĂ©ussi l’examen soit en faisant une capture d’écran, soit en scannant le certificat imprimable que vous avez obtenu de confirmer la date ; de confirmer l’adresse postale pour l’envoi. Ce certificat vous sera envoyĂ© par la poste sous 15 jours. Nos formations sont reconnues par IPHM International Practioners of Holistic Medecine. Les formations sont-elles accessibles Ă  tous ? Nos formations s’adressent aussi bien aux dĂ©butants qu’aux professionnels. Qu’il s’agisse de complĂ©ter vos connaissances ou d’apprendre un nouveau mĂ©tier, nos formations vous seront accessibles. Le langage utilisĂ© est simple et les techniques couvertes largement expliquĂ©es. Nos formations sont reconnues internationalement Nos formations sont accrĂ©ditĂ©es par I’IPHM International Practitioners of HolisticMedecine, le CMA ComplementaryMedical Association et le CPD Centre of CPD Excellence, ce qui signifie que vous pouvez exercer partout dans le monde. Leur objectif est de vous donner des outils thĂ©oriques et pratiques pour conseiller des particuliers, ou Ă©largir vos connaissances si vous ĂȘtes dĂ©jĂ  praticien. DEVENEZ PRATICIEN EN HYPNOSE POUR 87 € AU LIEU DE 525 € ! JE M’OFFRE LA FORMATION ET JE DÉMARRE MAINTENANT Besoin d’aide ? Contactez-nous via support ou +33 01 74 90 03 95 Working... AFFICHER 25 PRODUITS ET PLUS DEVENIR MEMBREUNE SÉLECTION DE 4 PRODUITS VOIR LE CATALOGUE 148 PRODUITS DES 35 MEMBRES 1VENTES SUBSEQUENTES DRM COMMISSION 4,90€COMMENT VENDRE PLUSIEURS FOIS A UN MEME CLIENT EBOOK DROIT DE REVENTE MAITRE OUTILS DE VENTE EBOOK 365 PAR EBOOK CASH SYSTEME, PHENOMENE MARKET TÉLÉCHARGER EN SAVOIR PLUS1 Ebook par jour Ă  tĂ©lĂ©charger, lire, ou partager pour FAIRE PLUS DE BÉNÉFICES TOUTE L'ANNÉE ! 365 Ebooks Pour Apprendre À Vendre !Que Gagnez Vous ?Sur Ebook Cash SystemeVous vous assurez de pouvoir vous former au quotidien. D'avoir du contenu pour vos rĂ©seaux sociaux. D'apprendre Ă  vendre avec des stratĂ©gies peu connues. En + recevez l'ebook d'AurĂ©lien pour lancer votre BUSINESSEbooks Cash Systeme 365 Ebooks sĂ©lĂ©ctionnĂ©s durant 1 anDĂ©veloppement personnel StratĂ©gies Marketing Investissement Automatisation Niches de marchĂ©s Affiliation E-CommerceET BIEN PLUS ENCORE ! Ebooks Cash Systeme 365 Ebooks sĂ©lĂ©ctionnĂ©s durant 1 anLire ou vendre un seul de ces livres vous rembourse votre Investissement ! Imaginez le potentiel des 364 autres ! CONDITIONS I CONFIDENTIALITÉ I LÉGALTous droits rĂ©servĂ©s © 2022 MARKETING PROFITS LA STRATEGIE A 1 MILLION D'EUROS TÉLÉCHARGER EN SAVOIR PLUS"Il a gĂ©nĂ©rĂ© un Chiffre d'Affaires de plus de d'€uros en UNE SEULE ANNÉE grĂące Ă  cette StratĂ©gie ! Le Bonjour, À premiĂšre vue, vendre un produit est un processus simple. En effet, il vous suffit D'attirer le client potentiel sur le site Internet ou dans la boutique. De lui prĂ©senter le produit Ă  travers une page de vente ou le packaging pour un produit physique. Cependant, malgrĂ© cette simplicitĂ© apparente, rĂ©ussir Ă  vendre un produit Ă  un client potentiel peut vite se transformer en un parcours du combattant. Pourquoi vos prospects n'achĂštent-ils pas vos produits ? Plusieurs raisons peuvent expliquer cela Votre produit ne rĂ©pond pas aux attentes de vos prospects. C'est la base, si vous ne rĂ©pondez pas prĂ©cisĂ©ment aux besoins de vos clients potentiels, ils ne verront aucun intĂ©rĂȘt Ă  acheter votre produit. Votre produit a un mauvais packaging. Si le visuel n'attire pas l'attention ou si vos prospects pensent que c'est un produit de mauvaise qualitĂ©, ils passeront leur chemin. Le prix est trop Ă©levĂ© par rapport Ă  la valeur perçue. Si la personne a un doute sur le rapport qualitĂ©/prix, il sera difficile de conclure la vente. Votre crĂ©dibilitĂ© est faible. Si le nom de votre entreprise est inconnu pour vos prospects, il sera difficile de lutter contre les tĂ©nors de votre marchĂ©. Votre visibilitĂ© est insuffisante. Vous pouvez avoir le meilleur produit du marchĂ©, si personne n'y a accĂšs, il vous sera impossible de gĂ©nĂ©rer des ventes. Cette liste n'est Ă©demment pas exhaustive, mais elle vous montre dĂ©jĂ  tous les paramĂštres qui entrent en jeu pour vendre un produit. C'est dĂ©jĂ  plus complexe que les 2 points Ă©numĂ©rĂ©s au dĂ©part. Quelle stratĂ©gie mettre en place ? Je tiens tout d'abord Ă  vous signaler qu'il n'existe pas de solution miracle. Vous n'ĂȘtes peut-ĂȘtre pas le genre de personne Ă  y croire, mais il est toujours important de la rappeler. En contrepartie, existe-t-il une solution idĂ©ale ? Une stratĂ©gie vous permettant de Attirer des clients potentiels vers votre entreprise et bĂątir une liste de prospects facilement. GĂ©nĂ©rer plus de revenus de chaque client. AmĂ©liorer votre crĂ©dibilitĂ© afin de vendre plus facilement vos produits. Cette stratĂ©gie existe et elle comporte bien d'autres avantages. Il est maintenant temps de vous la prĂ©senter Il a gĂ©nĂ©rĂ© plus de 30 millions de dollars grĂące Ă  cette stratĂ©gie en 5 ans ! Mike Filsaime est un marketer AmĂ©ricain et au cours des derniĂšres annĂ©es son entreprise a littĂ©ralement explosĂ©e. Voici quelques chiffres Il gĂ©nĂšre plus de 100 000 $ par mois. Il a plus de 2 000 000 d'abonnĂ©s dans ses listes. Il a encaissĂ© plus de 30 000 000 $ durant les 5 derniĂšres annĂ©es d'activitĂ©. Attention, ces chiffres ne sont pas dus au hasard. Mike est passĂ© par des moments difficiles Ă  ses dĂ©buts. Il a commis des erreurs, dĂ©pensĂ© plus d'argent qu'il ne gagnait... Cependant, aujourd'hui il utilise une stratĂ©gie qui a fait ses preuves et je vous l'explique Ă©tape par Ă©tape dans "Marketing Profits". La stratĂ©gie Ă  1 million d'euros expliquĂ©e Ă©tape par Ă©tape ! J'ai enlevĂ© tout le contenu inutile pour seulement garder les informations pertinentes. Vous pourrez ainsi dĂ©couvrir dans quelques minutes Pourquoi devez-vous intĂ©grer des produits gratuits dans votre stratĂ©gie de marketing et comment peuvent-ils vous aider Ă  dĂ©velopper rapidement votre entreprise ? Pourquoi devez-vous utiliser la stratĂ©gie de Mike Filsaime ? Explication de la stratĂ©gie Ă©tape par Ă©tape ! Une remarque importante, elle peut vous aider Ă  augmenter vos revenus sur le long terme. Et tellement plus encore... La stratĂ©gie est accompagnĂ©e de plusieurs Ă©tudes de cas pour vous faciliter la comprĂ©hension ! Vous aurez accĂšs Ă  la partie thĂ©orique dans laquelle je vous explique en dĂ©tail la stratĂ©gie, mais pour aller plus loin, j'ai ajoutĂ© plusieurs Ă©tudes de cas avec des captures d'Ă©cran pour chaque Ă©tape de la stratĂ©gie. Ainsi, vous pourrez voir tout le processus Ă  mettre en place. Ces exemples vous aideront aussi Ă  crĂ©er votre stratĂ©gie. Effectivement, elle a l'avantage de pouvoir s'adapter facilement aux produits ou services vendus. Vous pourrez facilement dĂ©velopper votre entreprise ! GrĂące Ă  l'explication de la stratĂ©gie et aux diffĂ©rents exemples, vous pourrez d'ici quelques semaines BĂątir une liste d'abonnĂ©s. Aujourd'hui, toute entreprise doit avoir une liste de clients potentiels Ă  sa disposition pour promouvoir ses produits ou entretenir une bonne relation. Vendre diffĂ©rents produits Ă  un mĂȘme client. Une erreur souvent rĂ©alisĂ©e est de tout faire pour inciter une personne Ă  acheter notre produit, puis de ne plus donner de nouvelles une fois l'objectif atteint. Si vous faites cette erreur, vous perdez plus de 50 % de votre chiffre d'affaires ! Élargir votre gamme de produits pour toucher de nouveaux prospects. Un seul produit ne peut pas rĂ©pondre Ă  l'ensemble des besoins de vos clients potentiels. C'est pour cette raison que vous devrez travailler sur la mise en place de nouveaux produits. Le bonheur, c'est aussi prendre le temps de vivre et ce temps lĂ , vous le trouverez au travers du bien-ĂȘtre bien plus que par l'argent. Et pour rĂ©gler l'Ă©ventuel problĂšme d'argent, permettez-moi de vous offrir un coup de pouce supplĂ©mentaire, en vous proposant de dĂ©couvrir mon guide en toute quiĂ©tude. DĂ©couvrez cette stratĂ©gie sans prendre le moindre risque ! OUI, vous avez bien lu, vous n'avez pas de dĂ©cision Ă  prendre maintenant ! Mais voyez plutĂŽt RĂ©servez dĂšs maintenant votre copie de "Marketing Profits" ! Ce guide doit ĂȘtre impĂ©rativement vendu Ă  17 € pour couvrir les frais de crĂ©ation, de recherches et rĂ©munĂ©rer les diffĂ©rents intervenants. Offre de lancement » Pour un temps trĂšs court, je vous le propose au tarif exceptionnel de 9,50 € ! Mais attention, il n'y a ni compteurs ni compte Ă  rebours sur cette page. Elle peut donc ĂȘtre retirĂ©e Ă  tout moment. Alors, prendrez-vous le risque de l'acquĂ©rir pour plus de 2 fois son prix dĂšs demain ? Cliquez simplement sur le bouton ci-dessous pour rĂ©server dĂšs maintenant votre copie Commander Maintenant Vous serez automatiquement redirigĂ© vers une page de tĂ©lĂ©chargement dĂšs l'acceptation de votre rĂšglement par Paypal. Sinon, cliquez simplement sur le lien "Retour Chez Le Marchand". N'hĂ©sitez pas Ă  me contacter si vous rencontrez une quelconque difficultĂ© Rien n'est jamais perdu dans la vie sauf le temps... Je n'ai sans doute pas rĂ©ussi Ă  vous convaincre si vous lisez ces derniĂšres lignes et je savais que certains arriveraient jusqu'ici. Je savais en rĂ©digeant cette page que ma propre conviction Ă  propos de cette stratĂ©gie allait sans doute Ă©touffer mes arguments... Pourtant, elle a permis et permet encore Ă  des milliers de personnes de dĂ©velopper considĂ©rablement leurs revenus. Vous pouvez accĂ©der Ă  ces informations maintenant et littĂ©ralement faire exploser vos activitĂ©s. Vous pouvez aussi dĂ©cider de reporter cette dĂ©cision, mais quel serait le but ? Voir plus tard quand ça ira encore moins bien ? Franchement, ne prĂ©fĂ©rez-vous vraiment pas prendre un rĂ©el raccourci ? A votre succĂšs. Cordialement, Ce guide unique et exclusif SERA bientĂŽt vendu Ă  17 €. Le prix de lancement de 9,50 € est une invitation Ă  "Acheter maintenant, avant qu'elle ne soit plus disponible"... alors, agissez vite ! Agissez Maintenant ! DĂ©couvrez mon guide "Marketing Profits". Avertissements Tous les efforts ont Ă©tĂ© faits pour reprĂ©senter avec prĂ©cision notre produit ou notre gamme de produits ainsi que leur potentiel. Comme pour toute autre activitĂ©, aucune garantie de revenu ne peut ĂȘtre faite. Les chiffres Ă©tant mentionnĂ©s sont donnĂ©s Ă  titre indicatif, ce ne sont pas des hypothĂšses, mais ils ne sont en aucun cas garantis du fait de l'Ă©volution constante d'internet. Ceci ne reprĂ©sente en aucun cas un "plan d'enrichissement" ou une promesse de "fortune immĂ©diate", s'il vous plaĂźt, rappelez-vous que le succĂšs de chacun dĂ©pend de sa capacitĂ©, de son dĂ©vouement, du dĂ©sir et de sa motivation Ă  rĂ©ussir. Vous devez comprendre que tout tient Ă  vous et non pas aux produits que nous proposons. Si vous savez exploiter les idĂ©es, les solutions et les suggestions contenues et si vous y consacrez le temps nĂ©cessaire, alors vous augmenterez potentiellement vos chances de revenus. Nous ne pouvons ĂȘtre tenus pour responsables d'une quelconque incomprĂ©hension ou d'une mauvaise interprĂ©tation du contenu de nos ouvrages et de nos pages, ni d'aucunes erreur ou omission qui seraient totalement involontaires de notre part. Ces ouvrages sont destinĂ©s Ă  un usage personnel et ne peuvent en aucun cas ĂȘtre utilisĂ©s en tant que source lĂ©gale ou de tout droit ou d'expertise de quelque sorte. 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Je suis passĂ© par lĂ  en 2019, quand j'ai decidĂ© de lancer business en sur internet. Il me fallait crĂ©er du contenu regulierĂšment et voir publier plusieurs fois par jour afin de developper une audience, trouver du trafic... avoir des abonnĂ©s.. Si j'ai pu atteindre les resultats que j'ai aujourd'hui, c'est uniquement parceque j'avais la bonne strategie s'inspirer de ce qui exsite et marche dĂ©jĂ  ailleurs, et crĂ©er du contenu de qualitĂ© sur mes rĂ©seaux sociaux tout offrant de la valeur parallelement Ă  mon modĂšles sur le business et la motivation prĂȘts Ă  l'emploi pour exploser tes reseaux sociaux et developper ton audienceAfin de te permettre de gagner Ă©normement en temps dans la crĂ©ation de tes contenus, nous avons mon Ă©quipe et moi preparĂ© 400 Contenus professionnels pour toi sur les sujets suivants Entrepreneuriat Business Motivation Developpement personnel Quelques modĂšles du packDĂ©couvre ci-dessus quelques modĂšles de tout le pack, pour te faire une idĂ©e du style de contenus que tu recevras aprĂšs ton achat. nous avons preparĂ© aussi un tutoriel detaillĂ© pour t'acompagner et te montrer comment l' % editable sur canvaCe qui est surtout magnifique ici est que tu pourras les modifier et les utiliser comme tu veux grĂące Ă  l'outil gratuit canva que tu connais certainement d'ailleurs. 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Coucou des kheys en prennent et peuvent me dire au bout de combien de temps ça fait effet ? J'ai une saloperie d'otite, le toubib m'a prescrit aucun antidouleurs et les paracĂ©tamol suffisent pas, j'ai du piocher dans mes rĂ©serves du coup mais ça dit bien faire un an et demi que j'en ai pas prit Quelle saloperie les otites je vous jure rien qu'une clope j'ai ultra mal aprĂšs Hop hop hop les toxicos du forum on vient aider un khey en dĂ©tresse Pour une fois que je fais un topic bordel Message Ă©ditĂ© le 16 novembre 2018 Ă  001912 par wiigadject Putain je bide j'y crois pas alors que 70% du forum se drogue Ă  quelque chose Allez les 4 ghostfags hop hop hop Je suis pharmacien tu veux savoir quoi? LP c'est le truc prolongĂ© non ? Genre sur le temps dans le corps il fait effet longtemps c'est ça ? Si c'est ça oublie tu aura pas les effet rechercher Oui c'est ça 100mg Ah mais c'est pour la douleur pas pour la dĂ©fonce Le 16 novembre 2018 Ă  002117 alprazolambzd a Ă©crit Je suis pharmacien tu veux savoir quoi?Ca fait effet au bout de combien de temps ? C'est gĂȘnant si j'en prends en journĂ©e demain je vais ĂȘtre assomĂ© ou pas ? Message Ă©ditĂ© le 16 novembre 2018 Ă  002512 par wiigadject Le 16 novembre 2018 Ă  002424 wiigadject a Ă©crit Oui c'est ça 100mg Ah mais c'est pour la douleur pas pour la dĂ©fonce Le 16 novembre 2018 Ă  002117 alprazolambzd a Ă©crit Je suis pharmacien tu veux savoir quoi?Ca fait effet au bout de combien de temps ? C'est gĂȘnant si j'en prends en journĂ©e demain je vais ĂȘtre assomĂ© ou pas ? Ça marche en 30 min. Version LP = libĂ©ration prolongĂ©e pendant 12hAssommĂ© ça dĂ©pend du dosage, 100 150 200 mg ? 100 MG j'ai que ça j'ai hĂ©sitĂ© Ă  prendre un demi mais on peut pas les couper proprement AprĂšs j'ai une otite purulente sauf que le tympan est pas percĂ© donc j'ai grave mal lĂ  j'ai dĂ©jĂ  pris 4 fois 1g de paracĂ©tamolBon ça devrait pas tarder Ă  faire effet alors j'espĂšre bien dormir ce soir Le 16 novembre 2018 Ă  003100 wiigadject a Ă©crit 100 MG j'ai que ça j'ai hĂ©sitĂ© Ă  prendre un demi mais on peut pas les couper proprement AprĂšs j'ai une otite purulente sauf que le tympan est pas percĂ© donc j'ai grave mal lĂ  j'ai dĂ©jĂ  pris 4 fois 1g de paracĂ©tamolBon ça devrait pas tarder Ă  faire effet alors j'espĂšre bien dormir ce soir T'as quoi comme antibio ? Gouttes auriculaires ? Le 16 novembre 2018 Ă  002831 alprazolambzd a Ă©crit Le 16 novembre 2018 Ă  002424 wiigadject a Ă©crit Oui c'est ça 100mg Ah mais c'est pour la douleur pas pour la dĂ©fonce Le 16 novembre 2018 Ă  002117 alprazolambzd a Ă©crit Je suis pharmacien tu veux savoir quoi?Ca fait effet au bout de combien de temps ? C'est gĂȘnant si j'en prends en journĂ©e demain je vais ĂȘtre assomĂ© ou pas ? Ça marche en 30 min. Version LP = libĂ©ration prolongĂ©e pendant 12hAssommĂ© ça dĂ©pend du dosage, 100 150 200 mg ?+ pendant que j'y suis j'ai de l'anoxiciline et du predinisolone en traitement je peux prendre un maxilase pour ma gorge en plus y'a pas d'interaction ? J'ai grave mal Ă  la gorge aussi Une h aprĂšs la prise je dirai... Je me shootais Ă  cette merde l'annĂ©e derniĂšre, j'Ă©tais dans un Ă©tat de confusion total pendant deux jours aprĂšs. Le 16 novembre 2018 Ă  003221 alprazolambzd a Ă©crit Le 16 novembre 2018 Ă  003100 wiigadject a Ă©crit 100 MG j'ai que ça j'ai hĂ©sitĂ© Ă  prendre un demi mais on peut pas les couper proprement AprĂšs j'ai une otite purulente sauf que le tympan est pas percĂ© donc j'ai grave mal lĂ  j'ai dĂ©jĂ  pris 4 fois 1g de paracĂ©tamolBon ça devrait pas tarder Ă  faire effet alors j'espĂšre bien dormir ce soir T'as quoi comme antibio ? Gouttes auriculaires ?Nop que des comprimĂ©s Le 16 novembre 2018 Ă  003337 Faizounette a Ă©crit Une h aprĂšs la prise je dirai... Je me shootais Ă  cette merde l'annĂ©e derniĂšre, j'Ă©tais dans un Ă©tat de confusion total pendant deux jours aprĂšs. Aya perso je dĂ©teste les effets j'en avais eu de prescrit aprĂšs une opĂ©ration de la mĂąchoire un jour m'a mĂšre s'est trompĂ©e et m'en a filĂ© deux au lieu d'un j'Ă©tais dans le coletard toute la journĂ©e Depuis j'en prends que si j'ai vraiment rien d'autre et vraiment mal Le 16 novembre 2018 Ă  003327 wiigadject a Ă©crit Le 16 novembre 2018 Ă  002831 alprazolambzd a Ă©crit Le 16 novembre 2018 Ă  002424 wiigadject a Ă©crit Oui c'est ça 100mg Ah mais c'est pour la douleur pas pour la dĂ©fonce Le 16 novembre 2018 Ă  002117 alprazolambzd a Ă©crit Je suis pharmacien tu veux savoir quoi?Ca fait effet au bout de combien de temps ? C'est gĂȘnant si j'en prends en journĂ©e demain je vais ĂȘtre assomĂ© ou pas ? Ça marche en 30 min. Version LP = libĂ©ration prolongĂ©e pendant 12hAssommĂ© ça dĂ©pend du dosage, 100 150 200 mg ?+ pendant que j'y suis j'ai de l'anoxiciline et du predinisolone en traitement je peux prendre un maxilase pour ma gorge en plus y'a pas d'interaction ? J'ai grave mal Ă  la gorge aussi Maxilase tu peux sachant que le prednisolone ta poso c'est 3 ou 4 cp le matin j'imagine ? Agir sur les maux de gorges dĂ©jĂ  Dsl pr fautes ortho c'est mon tĂ©l Le 16 novembre 2018 Ă  003714 alprazolambzd a Ă©crit Le 16 novembre 2018 Ă  003327 wiigadject a Ă©crit Le 16 novembre 2018 Ă  002831 alprazolambzd a Ă©crit Le 16 novembre 2018 Ă  002424 wiigadject a Ă©crit Oui c'est ça 100mg Ah mais c'est pour la douleur pas pour la dĂ©fonce Le 16 novembre 2018 Ă  002117 alprazolambzd a Ă©crit Je suis pharmacien tu veux savoir quoi?Ca fait effet au bout de combien de temps ? C'est gĂȘnant si j'en prends en journĂ©e demain je vais ĂȘtre assomĂ© ou pas ? Ça marche en 30 min. Version LP = libĂ©ration prolongĂ©e pendant 12hAssommĂ© ça dĂ©pend du dosage, 100 150 200 mg ?+ pendant que j'y suis j'ai de l'anoxiciline et du predinisolone en traitement je peux prendre un maxilase pour ma gorge en plus y'a pas d'interaction ? J'ai grave mal Ă  la gorge aussi Maxilase tu peux sachant que le prednisolone ta poso c'est 3 ou 4 cp le matin j'imagine ? Agir sur les maux de gorges dĂ©jĂ Cool je vais en prendre un alors. Non c'est 2 le matin 6 jours aprĂšs je pĂšse pas lourd c'est peut-ĂȘtre pour ça qu'il a rĂ©duit les doses Merci khey en tout cas D'ailleurs je crois que le Tramadol commence Ă  faire effet j'ai moins mal et je commence Ă  somnoler c'est bon signe Victime de harcĂšlement en ligne comment rĂ©agir ?
Envue de ses analyses j’ai suspectĂ© un syndrome ovarien polykystique. J’ai prĂ©fĂ©rĂ© attendre une nouvelle consultation gynĂ©cologique avant de faire la hijama. Effectivement elle prĂ©sente un syndrome ovarien polykystique. Elle va donc ĂȘtre prise en charge mĂ©dicalement. Des sĂ©ances de hijama vont Ă©galement ĂȘtre faites.

Bah tu le redeviens pas Mais tu recup les memes effets vite genre 1 mois Message édité le 10 août 2022 à 214159 par hampter C'est trop tard, pas de magie noire pour toi le yeslife Le 10 août 2022 à 214208 C'est trop tard, pas de magie noire pour toi le yeslife 3 ans c'est pas assez ? Le 10 août 2022 à 214343 [0]zerotout a écrit Le 10 août 2022 à 214208 C'est trop tard, pas de magie noire pour toi le yeslife 3 ans c'est pas assez ?hors de ma vue le oui-vie Le 10 août 2022 à 214614 Le 10 août 2022 à 214343 [0]zerotout a écrit Le 10 août 2022 à 214208 C'est trop tard, pas de magie noire pour toi le yeslife 3 ans c'est pas assez ?hors de ma vue le oui-vie Trois ans que j'ai rien fait, ma condition de celestin m'a rattrapé Victime de harcÚlement en ligne comment réagir ?

Combiende temps dure la pose des ventouses ? Cela dĂ©pend, de l’état de santĂ© de la personne et de ses attentes. Cela varie entre 10 Ă  15 minutes. Combien de sĂ©ances, faut-il programmer ? Tout dĂ©pend des effets perçus dĂšs la premiĂšre sĂ©ance, lorsque c’est une pathologie ancienne, il faut plusieurs sĂ©ances, toutefois seul la

Les graines de Cresson poussent surtout dans les pays d'ExtrĂȘme-Orient et du Moyen-Orient. La graine est reconnue dans le monde arabe pour ses propriĂ©tĂ©s mĂ©dicinales qu'elle offre Ă  la santĂ©. Elle s'appelle "Hab Arrachad" en arabe. Il ne faut pas confondre les graines de cresson avec les graines de roquette Jerjir car elles sont complĂštement diffĂ©rentes. La plante de cresson peut atteindre 40 cm. Les feuilles de la plante de cresson peuvent ĂȘtre consommĂ©es fraĂźches ou sĂ©chĂ©es. Elles ont une saveur poivrĂ©e. Les graines de cresson ont une fine croĂ»te qui peut prendre de volume en contact avec de l' nutritive des graines de cressonLe cresson est considĂ©rĂ© comme une source riche en fer, en acide folique, en vitamine A, en fibres alimentaires, en calcium, en vitamine C, en vitamine E et en protĂ©ines. Il contient Ă©galement une teneur Ă©levĂ©e en acide ascorbique, en acide arachidique, en acide folique et en bĂȘta-carotĂšne, ce qui contribue Ă  amĂ©liorer le systĂšme cresson contient des protĂ©ines et des acides gras. Il contient des substances chimiques vĂ©gĂ©tales semblables aux ƓstrogĂšnes qui aident Ă  rĂ©guler les menstruations et Ă  stimuler la production de lait pour les mĂšres qui valeur nutritionnelle pour 100g de graines de cressonÉnergie 30 caloriesFibre alimentaire 1,1 gGlucides 5,5 gLipides 0,7 gAcide folique 80 microgrammesVitamine A 346 microgrammesVitamine C 69 mgCalcium 81 mgFer 1,3 mgProtĂ©ine 2,6 gPropriĂ©tĂ©s mĂ©dicinales des graines de cressonRiche en vitamines et minĂ©rauxLes graines de cresson contiennent une proportion Ă©levĂ©e de vitamine C plus que celles trouvĂ©es dans les oranges. Une once de graines de cresson fournit au corps environ 32% des besoins quotidiens en vitamine C. Cette proportion est de 7% supĂ©rieure Ă  celle trouvĂ©e dans une once d'oranges cresson aide Ă  maintenir la peau, les os et les gencives en bonne santĂ©. Il couvre Ă©galement les besoins du corps en fer. En fait, il amĂ©liore la capacitĂ© du corps Ă  absorber le fer des aliments cresson est riche en nutriments bĂ©nĂ©fiques tels que le calcium, le fer, l'iode, les vitamines et le manganĂšse. Ces nutriments en font un traitement naturel pour les patients atteints de Ă©tudes scientifiques ont montrĂ© que le cresson joue un rĂŽle important dans la lutte contre les bactĂ©ries. Il empĂȘche Ă©galement la croissance de 3 types de Ă©tudes scientifiques menĂ©es sur des animaux ont montrĂ© le rĂŽle antiviral du cresson. Mais, il n'y a pas d'Ă©tudes pour montrer cet effet sur les cresson est caractĂ©risĂ© par des propriĂ©tĂ©s diurĂ©tiques. Ces propriĂ©tĂ©s n'ont pas Ă©tĂ© scientifiquement et anti-inflammatoireLe cresson contient des quantitĂ©s importantes de stĂ©rols vĂ©gĂ©taux, qui sont des composĂ©s anti-oxydants et anti-inflammatoires. Il contient Ă©galement des composĂ©s phĂ©noliques qui contribuent Ă  la prĂ©vention du cancer, des maladies cardiovasculaires, de l'oxydation et retardent le caractĂ©ristiquesLe cresson aide Ă  augmenter et activer l'Ă©nergie du corps. Il combat les toxines et stimule le dĂ©sir sexuel et l'appĂ©tit. Il amĂ©liore Ă©galement la vue et la des graines de cresson pour la santĂ©Aide Ă  traiter l'anĂ©mieLe cresson se distingue de plusieurs Ă©pices par sa forte teneur en acide folique et de fer. Ces composĂ©s augmentent le taux d'hĂ©moglobine dans le sang lorsqu'ils sont consommĂ©s pour au moins deux mois. Ce fait aide Ă  traiter la carence en Fer et l' nombreuses Ă©tudes scientifique publiĂ©s par NCBI indiquent que pour obtenir une bonne absorption du fer, des supplĂ©ments de vitamine C doivent ĂȘtre ajoutĂ©s. En fait, la vitamine C amĂ©liore la capacitĂ© du systĂšme digestif Ă  absorber le Fer. Comme le cresson contient des taux Ă©levĂ©s de vitamine C, il peut ĂȘtre utilisĂ© sans avoir besoin d'autres complĂ©ments alimentaires pour traiter l'anĂ©mie et la carence en les troubles du cycle menstruelLa rĂ©gulation du cycle menstruel est trĂšs importante pour que les femmes connaissent les moments appropriĂ©s pour une grossesse. Le cresson aide Ă  rĂ©soudre le problĂšme des femmes qui ont des menstruations irrĂ©guliĂšres. Comme il contient des composĂ©s phytochimiques similaires aux ƓstrogĂšnes, la consommation de cresson aide Ă  crĂ©er un environnement hormonal pour commencer les rĂšgles et pour rĂ©guler les la sĂ©crĂ©tion de lait maternelLe cresson est caractĂ©risĂ© par une haute valeur nutritive bĂ©nĂ©fique pour la mĂšre qui allaite. Il aide Ă  la production de lait maternel. Il contient une teneur Ă©levĂ©e en protĂ©ines et en fer, qui sont des Ă©lĂ©ments importants pour la santĂ© de la mĂšre allaitante. Par consĂ©quent, il est conseillĂ© aux mĂšres qui allaitent de manger rĂ©guliĂšrement des graines de Ă  traiter le diabĂšteLe cresson contient de la gomme vĂ©gĂ©tale qui sĂ©crĂšte des substances photochimiques. Les substances photochimiques ont des propriĂ©tĂ©s qui rĂ©duisent la glycĂ©mie, ce qui aide Ă  contrĂŽler les niveaux de glucose chez les la constipation et stimule la fonction gastro-intestinaleLe cresson aide Ă  traiter les maux de gorge, la toux, l'asthme et les maux de tĂȘte. Il est recommandĂ© aux personnes souffrant de bronchite car il possĂšde des propriĂ©tĂ©s la fonction du foieLe cresson stimule la fonction de la bile. Il protĂšge le foie contre les dommages causĂ©s par les agents toxiques tels que le tĂ©trachlorure de carbone CCL4, car il est riche en flavonoĂŻdes, triterpĂšnes, alcaloĂŻdes et la santĂ© artĂ©rielle et protĂšge contre les maladies cardiaquesLe cresson aide Ă  protĂ©ger les artĂšres du cholestĂ©rol car il est riche en vitamine C. Il stimule la production de collagĂšne. Le collagĂšne est la protĂ©ine responsable de l'Ă©lasticitĂ© des parois artĂ©rielles. Il contient Ă©galement des quantitĂ©s importantes de vitamine K, qui empĂȘche le dĂ©pĂŽt de calcium sur les artĂšres et les valves cardiaques. Ceci est gĂ©nĂ©ralement connu comme la calcification des est fortement recommandĂ© de consommer des aliments riches en vitamine K tels que le cresson lors de la consommation de grandes quantitĂ©s de l'hypertension artĂ©rielleLe cresson est caractĂ©risĂ© par des propriĂ©tĂ©s anti hypertensives. Il possĂšde Ă©galement une propriĂ©tĂ© diurĂ©tique qui aide Ă  rĂ©duire la pression contre le cancerUne Ă©tude scientifique a montrĂ© qu'il est possible de lutter contre le cancer en utilisant le cresson. Il contient des antioxydants tels que la vitamine A et la vitamine E qui aident Ă  protĂ©ger les cellules contre les dommages causĂ©s par les radicaux libres. Le cresson contient Ă©galement un composĂ© bioactif qui arrĂȘte la production de certaines enzymes qui causent la croissance des tumeurs. L'infusion de cresson contribue Ă  tuer les cellules cancĂ©reuses du le systĂšme immunitaireLe cresson contient 69 mg de vitamine C et 346 microgrammes de vitamine A. Ces deux vitamines sont la clĂ© d'une bonne immunitĂ©. La vitamine C amĂ©liore la fonction des globules blancs et se caractĂ©rise par une activitĂ© antibactĂ©rienne et antivirale. La vitamine A empĂȘche les virus et les bactĂ©ries de pĂ©nĂ©trer dans le corps par les muqueuses sensibles des yeux, du nez, de la bouche, de la gorge, des poumons et de l'estomac. Par consĂ©quent, le cresson aide Ă  renforcer le systĂšme l'accouchementAu cours des derniĂšres semaines de la grossesse et du post-partum, le cresson est utile pour stimuler l’accouchement. Mais s'il est consommĂ© au dĂ©but de la grossesse premier trimestre, il provoque un avortement le dĂ©sir sexuel libidoLe cresson aide Ă  amĂ©liorer le dĂ©sir sexuel des hommes et des femmes. Il aide Ă©galement Ă  amĂ©liorer le dĂ©sir sexuel des nouvelles la mĂ©moireLe cresson aide Ă  activer la mĂ©moire car il contient des acides linolĂ©iques et arachidiques. Ces acides aident Ă  stimuler la les maladies oculairesLe cresson contient des carotĂ©noĂŻdes nĂ©cessaires pour avoir des yeux sains. La consommation de seulement une once de graines de cresson fournit environ 40% de vitamine A sous la forme de carotĂ©noĂŻdes. La vitamine A et les carotĂ©noĂŻdes sont parmi les meilleurs nutriments pour les yeux. Ils sont capables de rĂ©duire le risque de problĂšmes de vision nocturne ou ce qu'on appelle l'hĂ©mĂ©ralopie. Ils prĂ©viennent Ă©galement la rĂ©tinite pigmentaire, les cataractes et mĂȘme la dĂ©gĂ©nĂ©rescence maculaire liĂ©e Ă  l'Ăąge, qui est la cause frĂ©quente de cĂ©citĂ© chez les personnes Ă  traiter les maladies osseuses, le rhume, les rhumatismes et les dentsLe cresson est utilisĂ© en Arabie Saoudite et dans d'autres pays arabes pour traiter les maladies osseuses. Il favorise la santĂ© des os et des dents, car il contient des quantitĂ©s importantes de vitamine K. La vitamine K contribue Ă  augmenter les niveaux de calcium dans les os et les articulations. Il maintient Ă©galement l'intĂ©gritĂ© de l'os et protĂšge contre l'ostĂ©oporose et les fractures. Par consĂ©quent, la consommation de cresson est bĂ©nĂ©fique pour les os, car il fournit des quantitĂ©s significatives de calcium, ce qui contribue Ă  amĂ©liorer l'absorption du magnĂ©sium par les os et les des gencives sainesManger du cresson aide Ă  arrĂȘter la prolifĂ©ration des bactĂ©ries destructrices qui causent la carie dentaire. En mĂȘme temps, il contribue Ă  garder les gencives et les dents saines car il est riche en Ă  traiter les hĂ©morroĂŻdesVivre avec des hĂ©morroĂŻdes est une expĂ©rience difficile. Mais en sachant les aliments Ă  manger et les aliments Ă  Ă©viter, il est possible de reconnaĂźtre quelques trucs peu coĂ»teux qui aident Ă  rĂ©duire les saignements et l'inflammation et Ă  soulager la douleur et les dĂ©mangeaisons associĂ©es Ă  cette condition. Manger des graines de cresson est l'un des trucs les plus importants pour traiter les hĂ©morroĂŻdes et soulager ses cresson est caractĂ©risĂ© par des propriĂ©tĂ©s diurĂ©tiques. Les patients ayant des mictions frĂ©quentes doivent faire attention lorsqu'ils consomment ces du cresson pour la peauLe cresson aide Ă  soulager les douleurs et Ă  soigner les plaies. Il est Ă©galement utile dans les affections cutanĂ©es associĂ©es aux dĂ©mangeaisons. Il aide Ă©galement Ă  avoir une peau saine car il est riche en acides gras essentiels, en fer, en acide folique, en calcium, en vitamine C, en vitamine E et en vitamine de crĂšme Ă  base de cresson et d'eau traite les lĂšvres gercĂ©es, les coups de soleil, l’irritation de la peau et la peau du cresson pour les cheveuxLe cresson aide Ă  avoir des cheveux Ă©pais et sains. Le cresson bouillie contribue Ă  traiter les cheveux abĂźmĂ©s et Ă  empĂȘcher la chute de cheveux, car il contient des quantitĂ©s importantes de la vitamine C antioxydant. La vitamine C contribue Ă  maintenir les cheveux en bonne santĂ©. De plus, la vitamine A et la vitamine E rendent les cheveux plus Ă©pais, plus longs et plus Ă  perdre du poidsBoire un mĂ©lange de cresson avec de l'eau le matin avant le petit dĂ©jeuner aide Ă  rĂ©duire le poids bienfaits du cressonLe cresson est caractĂ©risĂ© par plusieurs propriĂ©tĂ©s thĂ©rapeutiques. Il aide Ă  dĂ©truire et Ă  expulser les vers et les parasites intestinaux. Il assĂšche Ă©galement la formation de pus dans les furoncles et contribue Ă  augmenter le volume du sperme Ă  l’ cresson aide Ă  rĂ©cupĂ©rer de la faiblesse musculaire, rĂ©duit la tension musculaire, contribue Ă  stimuler l'appĂ©tit, aide les patients asthmatiques, soulage les difficultĂ©s respiratoires, nettoie les poumons et aide les personnes atteintes de sciatique en utiliser les graines de cresson?Utilisations thĂ©rapeutiques du cressonPorter une tasse d’eau Ă  bouillir. Ajouter des graines de cresson moulu et 1 cuillĂšre Ă  soupe de miel. Boire ce mĂ©lange rĂ©guliĂšrement avec du Propolis aide Ă  traiter les patients atteints de une dose de graines de cresson bouillies aide Ă  combattre les piqĂ»res d'insectes. La fumĂ©e des graines de cresson aide Ă  expulser les d'une pommade composĂ©e de graines de cresson plongĂ©es immergĂ©es dans de l'eau salĂ©e aide Ă  se dĂ©barrasser des des graines de cresson bouillies aide Ă  dissoudre les mucositĂ©s dans la poitrine congestion de la poitrine et les poumons et Ă  s'en dĂ©barrasser. Il traite Ă©galement les vomissements. Boire 20 grammes de graines de cresson bouilli amĂ©liore le mouvement-intestinal, expulse les gaz et rĂ©duit la douleur des de l'eau bouillie avec de la poudre des graines de cresson aide Ă  traiter les patients atteints de la combinaison de vinaigre de cidre et de graines de cresson aide Ă  traiter l'herpĂšs. Elle soulage Ă©galement la douleur et les maux de tĂȘte causĂ©s par le graines de cresson frites aident Ă  calmer les nerfs et Ă  Ă©liminer le rinçage de la tĂȘte avec de l'eau de cresson aide Ă  nettoyer les des graines de cresson dans la cuisineLe cresson est toujours utilisĂ© dans la cuisine orientale en raison de sa saveur aromatique, rafraĂźchissante et unique. Il peut ĂȘtre broyĂ© avec du poivre noir et ajoutĂ© Ă  des plats tels que des sandwichs, des salades et des peut ĂȘtre lĂ©gĂšrement rĂŽti avec du sel et ajoutĂ© Ă  la peut ĂȘtre trempĂ© dans de l'eau et ajoutĂ© au lait et aux des graines de cressonIl est recommandĂ© de commencer par une cuillĂšre Ă  cafĂ© de cresson tous les jours. Puis augmenter la cresson est caractĂ©risĂ© par de nombreuses caractĂ©ristiques mĂ©dicinales. Les recherches scientifiques sont toujours en cours pour dĂ©couvrir ses bienfaits pour la santĂ©. Mais il doit ĂȘtre mangĂ© modĂ©rĂ©ment car une consommation excessive de ces graines peut avoir un impact nĂ©gatif sur la secondaires des graines de cressonLa consommation excessive de graines de cresson est associĂ©e Ă  des effets nocifs. En fait, l'huile contenue dans les graines de cresson peut causer des problĂšmes gastro-intestinaux chez certaines personnes qui y sont allergiques. En outre, les patients qui souffrent de mictions frĂ©quentes doivent ĂȘtre prudents lorsqu'ils consomment du cresson. Le cresson stimule Ă©galement les contractions utĂ©rines et l'avortement. Par consĂ©quent, les femmes enceintes devraient l'Ă©viter. L'avortement peut survenir au dĂ©but de la grossesse s'il est pris en grande cresson peut provoquer un dysfonctionnement de la glande thyroĂŻde en interfĂ©rant avec l'absorption de l'iode. Il doit donc ĂȘtre consommĂ© avec prudence par les patients prĂ©sentant un dysfonctionnement de la glande 17 Health Benefits of Garden Cress Seeds – Tiny Veggies with Big Benefits[2] Benefits of Gardencress seeds/ Halim/ Aliv[3] 12 Diseases and Hair Loss can be Stopped by Using of the Garden cress Traitementherpes cachet / comment soigne-t-on un bouton de fiĂšvre – eurekasantĂ© par. Peut Ă©galement gĂ©nĂ©rer une pĂąte est soigner lherpĂšs gĂ©nital chez l’homme recommandĂ© car elles ont quelque chose que j’ai achetĂ© en faire disparaĂźtre du virus de boutons de crĂšme genre candida. Pas la publicitĂ© de dosage ignorĂ© 4 jours, un glaçon sur les deux reprise de douleurs

Entrevue avec Fatima Benazzouz – Hijama Je suis enceinte, puis-je pratiquer la hijama ? », J’allaite, est-ce compatible ? », Un enfant peut il effectuer une sĂ©ance de hijama ? », Est-ce que ça fait mal ? » Autant de questions que je me suis posĂ© et que tu te poses peut-ĂȘtre. Alors aujourd’hui je te livre l’interview de Fatima Benazzouz, spĂ©cialiste dans le domaine et qui va rĂ©pondre in sha Allah Ă  toutes ces questions. C’est parti ! 1. As salamu aleykum Fatima, alors peux tu te prĂ©senter Ă  nous rapidement ? Wa aleykum salam MPA . Alors, aprĂšs une carriĂšre de plus de 20 ans en tant que technicienne de laboratoire et prĂ©leveuse en milieu hospitalier, j’ai dĂ©veloppĂ© deux maladies auto immunes. Au fond de moi je savais que mon hygiĂšne de vie mauvaise alimentation, manque de sommeil, mauvais gestion de stress au quotidien etc.. Ă©tait responsable de mes problĂšmes de santĂ©. Je me suis tournĂ©e vers des solutions complĂ©mentaires naturelles. PassionnĂ©e par l’univers de la santĂ© verte et des techniques naturelles, j’ai recherchĂ© autour de moi des informations qui pouvaient expliquer les raisons de mes problĂšmes. Le mĂ©tier de naturopathe m’est apparu comme une Ă©vidence. Je voulais devenir Naturopathe d’abord pour moi afin de mieux me connaĂźtre et mieux comprendre mieux le fonctionnement du corps humain d’un point vue holistique, mais aussi en faire mon mĂ©tier pour aider les personnes qui dĂ©sirent se prendre en main par des techniques naturelles. J’ai suivi pendant 16 mois la formation de Naturopathe au CENATHO de Paris. Au cours de cette formation, mon attirance pour les techniques de rĂ©flexologie, ventouses et massages Ă©nergĂ©tiques m’ont motivĂ©es Ă  me spĂ©cialiser dans ces pratiques et Ă  explorer leurs diffĂ©rentes utilisations. La hijama est une technique qui rĂ©sonne en moi d’une part par mes origines , et d’autre part par ma religion musulmane. Je la pratiquais rĂ©guliĂšrement depuis quelques annĂ©es . Cela m’ a Ă©tĂ© d’une Ă©vidence pour ĂȘtre formĂ©e Ă  cette pratique. Son efficacitĂ© avait fait ses preuves sur moi , de plus elle nous a Ă©tĂ© recommandĂ© dans la Sunna. En tant que Naturopathe, la hijama est une pratique en plus qui fait partie des techniques naturelles que je peux proposer aux patients. 2. Alors pour rappel, dis nous qu’est ce que la hijama? en quoi cela consiste ? C’est une mĂ©thode thĂ©rapeutique qui utilise les ventouses humides. Le nom de hijama » dĂ©coule du mot Hajm» signifie le fait d’aspirer. Ce terme Ă©tait utilisĂ© pour dĂ©signer l’action d’un bĂ©bĂ© lors de la tĂ©tĂ©e du sein maternel. Elle consiste Ă  aspirer le sang par le biais de ventouses tout en effectuant des piqĂ»res superficielles de la peau. Ces lĂ©gĂšres brĂšches cutanĂ©es permettent l’évacuation d’un sang contenant des dĂ©chets cellulaires et des substances pathologiques. 3. Pourquoi faire des sĂ©ances de Hijama ? Quels en sont les bienfaits ? D’une part, rappelons que cette pratique relĂšve de la mĂ©decine prophĂ©tique et elle nous est recommandĂ©e par le prophĂšte sws. Quelle excellente mĂ©dication qu’est la hijama Elle Ă©limine le sang impur, amĂ©liore la vision et fortifie l’état physique » Boukhari et Mouslim. Cliquez pour tweeterD’autre part, elle possĂšde en effet de multiples bienfaits dont les 9 principaux sont Action Ă©puratrice et rĂ©gulatrice aide Ă  Ă©liminer les dĂ©chets Action anxiolytique diminue le stress et l’anxiĂ©tĂ© via la sĂ©crĂ©tion d’endorphines Action hormonale entraĂźne une stimulation des glandes hormonales Action immunitaire en stimulant notamment la moelle osseuse Action anti-inflammatoire elle diminue l’inflammation Action anti-allergique stimule la cortisone Action bien ĂȘtre le patient est dĂ©tendu et relaxĂ© pendant la Hijama, massage ventouse Action analgĂ©sique diminue la douleur grĂące Ă  la sĂ©crĂ©tion d’endorphines Action neurologique fortifie la mĂ©moire et la capacitĂ© de raisonnement, entraĂźne une meilleure transmission de l’information entre les neurones en stimulant la connexion inter-neurones et le passage des neurotransmetteurs. La hijama est remĂšde Ă  tous les maux toutes les maladies sauf la vieillesse. Faites vous soigner » Boukhari et Mouslim Cliquez pour tweeter4. À partir de quel Ăąge peut on la pratiquer ? La Hijama humide est contre indiquĂ©e aux enfants de moins de 10 ans ou d’un poids infĂ©rieur Ă  40 kg, mais on peut la pratiquer sĂšche, c’est Ă  dire sans faire saigner, aprĂšs 3 ans jusqu’au 9 ans. 5. Quel est l’intĂ©rĂȘt pour un enfant de le faire ? Les bienfaits sont identiques qu’il soit un adulte ou un enfant. 6. Les femmes enceintes et allaitantes peuvent elles le faire ? À partir du 3Ăšme trimestre, la femme enceinte pourra pratiquer la Hijama. Il n’y a pas de contre-indications spĂ©cifiques pour la femme allaitante. 7. Quelles sont les principales contre-indications ? Le seul Ă©lĂ©ment qui puisse contre indiquer la Hijama est l’état gĂ©nĂ©ral de santĂ© du patient mais aussi Les troubles de la coagulation, tels que les hĂ©mophilies , les thrombopĂ©nies baisse des plaquettes , L’aplasie mĂ©dullaire, Le diabĂšte de type 1, La grossesse avant le 3Ăšme trimestre, L’insuffisante rĂ©nale sĂ©vĂšre dialyses , Les maladies respiratoires sĂ©vĂšres, Les hospitalisĂ©s en fin de vie, L’hyperthermie. Plus gĂ©nĂ©ralement, toute personne en Ă©tat de sous-vitalitĂ© , ne pourra pas recevoir de Hijama pour Ă©viter d’accentuer la fatigue . 8. Quelles sont les recommandations avant et aprĂšs une sĂ©ance de Hijama ? Il n’y a qu’une seule recommandation avant la Hijama en dehors des contre-indications prĂ©cĂ©demment citĂ©es, c’est d’ĂȘtre Ă  jeĂ»n de 3 Ă  4 h avant la sĂ©ance. AprĂšs la sĂ©ance, il faut Ă©viter de manger pendant 48h des produits laitiers laits , fromages , yaourts
, de la viande rouge et de la charcuterie car ces produits contiennent des graisses saturĂ©es mauvais gras. Il est prĂ©fĂ©rable de ne prendre sa douche que le lendemain matin. Il est aussi important de s’hydrater et se reposer un maximum aprĂšs la sĂ©ance. Et le prophĂšte sws

lespasfon? Car c la 2e fois que j'en prends et lĂ  ça fait une heure mais les contractions sont encore lĂ  ( elles sont En ce dĂ©but d’annĂ©e, 7 Belges sur 10 auraient pris la rĂ©solution de faire rĂ©gime... Mais reste Ă  savoir s’ils vont s’y tenir, car il est parfois dĂ©courageant d’avoir l’impression de tout donner sans rien voir en retour comme effets. Patience selon la science, il y aurait un dĂ©lai prĂ©cis Ă  respecter avant de rĂ©colter les fruits de son assiduitĂ©. En effet, pour commencer Ă  voir les effets de son rĂ©gime, et Ă  ce que notre entourage les remarque lui aussi, il faudrait attendre entre une et deux semaines selon les efforts entrepris et les morphologies. Si votre BMI se situe dans la catĂ©gorie obĂšse », par exemple un indice de masse corporelle supĂ©rieur Ă  30, il n’est pas impossible que votre poids fluctue de prĂšs de dix kilos oui, dix en une seule journĂ©e quand vous faites rĂ©gime explique l’endocrinologue amĂ©ricaine Kathleen Wynne. Encourageant, mais pour quelqu’un de constitution plutĂŽt mince, qui veut juste perdre une taille de vĂȘtements par exemple, ce sont ces mĂȘme dix kilos qui feront la diffĂ©rence, et ils seront plus longs Ă  perdre. Si vous suivez un rĂ©gime qui rĂ©duit l’apport de glucides, vous allez avoir trĂšs rapidement un sentiment de lĂ©gĂšretĂ© et de silhouette affinĂ©e, alors mĂȘme que votre masse graisseuse n’aura pas forcĂ©ment diminuĂ©. Pour certaines personnes, modifier l’alimentation et diminuer ainsi la rĂ©tention d’eau peut permettre de perdre jusqu’à deux tailles, sans toutefois avoir d’impact sur la graisse, raison pour laquelle il n’est pas recommandĂ© de supprimer des groupes entiers d’aliments mais bien d’adapter une alimentation Ă©quilibrĂ©e et de jouer sur la longueur. Avec un tout petit peu de patience au dĂ©part deux semaines Ă  attendre pour voir les premiers rĂ©sultats, ce n’est pas si terrible que ça! Lire aussi Contrairement Ă  ce que son nom indique, le rĂ©gime Comme j’aime » ne fait pas l’unanimitĂ© J’ai fait rĂ©gime toute ma vie et ça m’a fait grossir La taille et la couleur de vos assiettes peuvent vous faire perdre du poids Poids: 200 grammes. Description : Savon naturel dAlep Ă  base de lauriers et d'huile dolives. Production artisanale, sans colorant, sans parfum et sans antioxydant.EntiĂšrement Ă©laborĂ© avec des matiĂšres premiĂšres nobles, 100 % naturel, pur, il ne contient aucun colorant, aucun conservateur, aucun parfum de synthĂšse, aucun dĂ©rivĂ© de graisse animale ni dĂ©rivĂ©s
SecuPressVous n’ĂȘtes pas autorisĂ© Ă  accĂ©der Ă  lĂ  page enregistrĂ©s Votre IP 25 August 2022 1656Raison Mauvaise GĂ©olocalisationSupport ID
Dansune hijama dĂ©tox on ne pourra peut-ĂȘtre pas traiter tous les points en mĂȘme temps au risque de fatiguer la patiente. L’interrogatoire fait avant la hijama permettra d’évaluer quels organes doivent ĂȘtre visĂ©s.

OU Lettres recueillies dans une société et publiées pour l'instruction de quelques autres. " J'ai vu les mÅ“urs de mon temps et j'ai publié ces lettres. " J. J. ROUSSEAU. Préface de La Nouvelle Héloïse TABLE DES MATIERES AVERTISSEMENT DE L'EDITEUR Nous croyons devoir prévenir le Public, que, malgré le titre de cet Ouvrage et ce qu'en dit le Rédacteur dans sa Préface, nous ne garantissons pas l'authenticité de ce Recueil, et que nous avons mÃÂȘme de fortes raisons de penser que ce n'est qu'un Roman. Il nous semble de plus que l'Auteur, qui paraÃt pourtant avoir cherché la vraisemblance, l'a détruite lui-mÃÂȘme et bien maladroitement, par l'époque oÃÂč il a placé les événements qu'il publie. En effet, plusieurs des personnages qu'il met en scÚne ont de si mauvaises mÅ“urs, qu'il est impossible de supposer qu'ils aient vécu dans notre siÚcle; dans ce siÚcle de philosophie, oÃÂč les lumiÚres, répandues de toutes parts, ont rendu, comme chacun sait, tous les hommes si honnÃÂȘtes et toutes les femmes si modestes et si réservées. Notre avis est donc que si les aventures rapportées dans cet Ouvrage ont un fond de vérité, elles n'ont pu arriver que dans d'autres lieux ou dans d'autres temps; et nous blùmons beaucoup l'Auteur, qui, séduit apparemment par l'espoir d'intéresser davantage en se rapprochant plus de son siÚcle et de son pays, a osé faire paraÃtre sous notre costume et avec nos usages, des mÅ“urs qui nous sont si étrangÚres. Pour préserver au moins, autant qu'il est en nous, le Lecteur trop crédule de toute surprise à ce sujet, nous appuierons notre opinion d'un raisonnement que nous lui proposons avec confiance, parce qu'il nous paraÃt victorieux et sans réplique; c'est que sans doute les mÃÂȘmes causes ne manqueraient pas de produire les mÃÂȘmes effets, et que cependant nous ne voyons point aujourd'hui de Demoiselle, avec soixante mille livres de rente, se faire Religieuse, ni de Présidente, jeune et jolie, mourir de chagrin. PREFACE DU REDACTEUR. Cet Ouvrage, ou plutÎt ce Recueil, que le Public trouvera peut-ÃÂȘtre encore trop volumineux, ne contient pourtant que le plus petit nombre des Lettres qui composaient la totalité de la correspondance dont il est extrait. Chargé de la mettre en ordre par les personnes à qui elle était parvenue, et que je savais dans l'intention de la publier, je n'ai demandé, pour prix de mes soins, que la permission d'élaguer tout ce qui me paraÃtrait inutile; et j'ai tùché de ne conserver en effet que les Lettres qui m'ont paru nécessaires, soit à l'intelligence des événements, soit au développement des caractÚres. Si l'on ajoute à ce léger travail, celui de replacer par ordre les Lettres que j'ai laissées subsister, ordre pour lequel j'ai mÃÂȘme presque toujours suivi celui des dates, et enfin quelques notes courtes et rares, et qui, pour la plupart, n'ont d'autre objet que d'indiquer la source de quelques citations, ou de motiver quelques- uns des retranchements que je me suis permis, on saura toute la part que j'ai eue à cet Ouvrage. Ma mission ne s'étendait pas plus loin. [Je dois prévenir aussi que j'ai supprimé ou changé tous les noms des personnes dont il est question dans ces Lettres; et que si dans le nombre de ceux que je leur ai substitués, il s'en trouvait qui appartinssent à quelqu'un, ce serait seulement une erreur de ma part et dont il ne faudrait tirer aucune conséquence.] J'avais proposé des changements plus considérables, et presque tous relatifs à la pureté de diction ou de style, contre laquelle on trouvera beaucoup de fautes. J'aurais désiré aussi ÃÂȘtre autorisé à couper quelques Lettres trop longues, et dont plusieurs traitent séparément, et presque sans transition, d'objets tout à fait étrangers l'un à l'autre. Ce travail, qui n'a pas été accepté, n'aurait pas suffi sans doute pour donner du mérite à l'Ouvrage, mais en aurait au moins Îté une partie des défauts. On m'a objecté que c'étaient les Lettres mÃÂȘmes qu'on voulait faire connaÃtre, et non pas seulement un Ouvrage fait d'aprÚs ces Lettres; qu'il serait autant contre la vraisemblance que contre la vérité, que de huit à dix personnes qui ont concouru à cette correspondance, toutes eussent écrit avec une égale pureté. Et sur ce que j'ai représenté que, loin de là , il n'y en avait au contraire aucune qui n'eût fait des fautes graves, et qu'on ne manquerait pas de critiquer, on m'a répondu que tout Lecteur raisonnable s'attendrait sûrement à trouver des fautes dans un Recueil de Lettres de quelques Particuliers, puisque dans tous ceux publiés jusqu'ici de différents Auteurs estimés, et mÃÂȘme de quelques Académiciens, on n'en trouvait aucun totalement à l'abri de ce reproche. Ces raisons ne m'ont pas persuadé, et je les ai trouvées, comme je les trouve encore, plus faciles à donner qu'à recevoir; mais je n'étais pas le maÃtre, et je me suis soumis. Seulement je me suis réservé de protester contre, et de déclarer que ce n'était pas mon avis; ce que je fais en ce moment. Quant au mérite que cet Ouvrage peut avoir, peut-ÃÂȘtre ne m'appartient-il pas de m'en expliquer, mon opinion ne devant ni ne pouvant influer sur celle de personne. Cependant ceux qui, avant de commencer une lecture, sont bien aises de savoir à peu prÚs sur quoi compter; ceux-là , dis-je, peuvent continuer les autres feront mieux de passer tout de suite à l'Ouvrage mÃÂȘme; ils en savent assez. Ce que je puis dire d'abord, c'est que si mon avis a été, comme j'en conviens, de faire paraÃtre ces Lettres, je suis pourtant bien loin d'en espérer le succÚs et qu'on ne prenne pas cette sincérité de ma part pour la modestie jouée d'un Auteur; car je déclare avec la mÃÂȘme franchise, que si ce Recueil ne m'avait pas paru digne d'ÃÂȘtre offert au Public, je ne m'en serais pas occupé. Tùchons de concilier cette apparente contradiction. Le mérite d'un Ouvrage se compose de son utilité ou de son agrément, et mÃÂȘme de tous deux, quand il en est susceptible mais le succÚs, qui ne prouve pas toujours le mérite, tient souvent davantage au choix du sujet qu'à son exécution, à l'ensemble des objets qu'il présente, qu'à la maniÚre dont ils sont traités. Or ce Recueil contenant, comme son titre l'annonce, les Lettres de toute une société, il y rÚgne une diversité d'intérÃÂȘt qui affaiblit celui du Lecteur. De plus, presque tous les sentiments qu'on y exprime, étant feints ou dissimulés, ne peuvent mÃÂȘme exciter qu'un intérÃÂȘt de curiosité toujours bien au-dessous de celui de sentiment, qui, surtout, porte moins à l'indulgence, et laisse d'autant plus apercevoir les fautes qui s'y trouvent dans les détails, que ceux-ci s'opposent sans cesse au seul désir qu'on veuille satisfaire. Ces défauts sont peut-ÃÂȘtre rachetés, en partie, par une qualité qui tient de mÃÂȘme à la nature de l'Ouvrage c'est la variété des styles; mérite qu'un Auteur atteint difficilement, mais qui se présentait ici de lui-mÃÂȘme, et qui sauve au moins l'ennui de l'uniformité. Plusieurs personnes pourront compter encore pour quelque chose un assez grand nombre d'observations, ou nouvelles, ou peu connues, et qui se trouvent éparses dans ces Lettres. C'est aussi là , je crois, tout ce qu'on y peut espérer d'agréments, en les jugeant mÃÂȘme avec la plus grande faveur. L'utilité de l'Ouvrage, qui peut-ÃÂȘtre sera encore plus contestée, me paraÃt pourtant plus facile à établir. Il me semble au moins que c'est rendre un service aux mÅ“urs, que de dévoiler les moyens qu'emploient ceux qui en ont de mauvaises pour corrompre ceux qui en ont de bonnes, et je crois que ces Lettres pourront concourir efficacement à ce but. On y trouvera aussi la preuve et l'exemple de deux vérités importantes qu'on pourrait croire méconnues, en voyant combien peu elles sont pratiquées l'une, que toute femme qui consent à recevoir dans sa société un homme sans mÅ“urs, finit par en devenir la victime; l'autre, que toute mÚre est au moins imprudente, qui souffre qu'un autre qu'elle ait la confiance de sa fille. Les jeunes gens de l'un et de l'autre sexe pourraient encore y apprendre que l'amitié que les personnes de mauvaises mÅ“urs paraissent leur accorder si facilement n'est jamais qu'un piÚge dangereux, et aussi fatal à leur bonheur qu'à leur vertu. Cependant l'abus, toujours si prÚs du bien, me paraÃt ici trop à craindre; et, loin de conseiller cette lecture à la jeunesse, il me paraÃt trÚs important d'éloigner d'elle toutes celles de ce genre. L'époque oÃÂč celle-ci peut cesser d'ÃÂȘtre dangereuse et devenir utile me paraÃt avoir été trÚs bien saisie, pour son sexe, par une bonne mÚre qui non seulement a de l'esprit, mais qui a du bon esprit. " Je croirais " , me disait-elle, aprÚs avoir lu le manuscrit de cette Correspondance, " rendre un vrai service à ma fille, en lui donnant ce Livre le jour de son mariage. " Si toutes les mÚres de famille en pensent ainsi, je me féliciterai éternellement de l'avoir publié. Mais, en partant encore de cette supposition favorable, il me semble toujours que ce Recueil doit plaire à peu de monde. Les hommes et les femmes dépravés auront intérÃÂȘt à décrier un Ouvrage qui peut leur nuire; et comme ils ne manquent pas d'adresse, peut-ÃÂȘtre auront-ils celle de mettre dans leur parti les Rigoristes, alarmés par le tableau des mauvaises mÅ“urs qu'on n'a pas craint de présenter. Les prétendus esprits forts ne s'intéresseront point à une femme dévote, que par cela mÃÂȘme ils regarderont comme une femmelette, tandis que les dévots se fùcheront de voir succomber la vertu, et se plaindront que la Religion se montre avec trop peu de puissance. D'un autre cÎté, les personnes d'un goût délicat seront dégoûtées par le style trop simple et trop fautif de plusieurs de ces Lettres, tandis que le commun des Lecteurs, séduit par l'idée que tout ce qui est imprimé est le fruit d'un travail, croira voir dans quelques autres la maniÚre peinée d'un Auteur qui se montre derriÚre le personnage qu'il fait parler. Enfin, on dira peut-ÃÂȘtre assez généralement, que chaque chose ne vaut qu'à sa place; et que si d'ordinaire le style trop chùtié des Auteurs Îte en effet de la grùce aux Lettres de société, les négligences de celles-ci deviennent de véritables fautes, et les rendent insupportables, quand on les livre à l'impression. J'avoue avec sincérité que tous ces reproches peuvent ÃÂȘtre fondés je crois aussi qu'il me serait possible d'y répondre, et mÃÂȘme sans excéder la longueur d'une Préface. Mais on doit sentir que pour qu'il fût nécessaire de répondre à tout, il faudrait que l'Ouvrage ne pût répondre à rien; et que si j'en avais jugé ainsi, j'aurais supprimé à la fois la Préface et le Livre. PREMIERE PARTIE LETTRE PREMIERE CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY. AUX URSULINES DE ... Tu vois, ma bonne amie, que je tiens parole, et que les bonnets et les pompons ne prennent pas tout mon temps; il m'en restera toujours pour toi. J'ai pourtant vu plus de parures dans cette seule journée que dans les quatre ans que nous avons passés ensemble; et je crois que la superbe Tanville [Pensionnaire du mÃÂȘme Couvent] aura plus de chagrin à ma premiÚre visite, oÃÂč je compte bien la demander, qu'elle n'a cru nous en faire toutes les fois qu'elle est venue nous voir in fiocchi . Maman m'a consultée sur tout; elle me traite beaucoup moins en pensionnaire que par le passé. J'ai une Femme de chambre à moi; j'ai une chambre et un cabinet dont je dispose, et je t'écris à un Secrétaire trÚs joli, dont on m'a remis la clef, et oÃÂč je peux renfermer tout ce que je veux. Maman m'a dit que je la verrais tous les jours à son lever; qu'il suffisait que je fusse coiffée pour dÃner, parce que nous serions toujours seules, et qu'alors elle me dirait chaque jour l'heure oÃÂč je devrais l'aller joindre l'aprÚs-midi. Le reste du temps est à ma disposition, et j'ai ma harpe, mon dessin et des livres comme au Couvent; si ce n'est que la MÚre Perpétue n'est pas là pour me gronder, et qu'il ne tiendrait qu'à moi d'ÃÂȘtre toujours à rien faire mais comme je n'ai pas ma Sophie pour causer et pour rire, j'aime autant m'occuper. Il n'est pas encore cinq heures; je ne dois aller retrouver Maman qu'à sept voilà bien du temps, si j'avais quelque chose à te dire! Mais on ne m'a encore parlé de rien; et sans les apprÃÂȘts que je vois faire, et la quantité d'OuvriÚres qui viennent toutes pour moi, je croirais qu'on ne songe pas à me marier, et que c'est un radotage de plus de la bonne Joséphine [TouriÚre du Couvent]. Cependant Maman m'a dit si souvent qu'une Demoiselle devait rester au Couvent jusqu'à ce qu'elle se mariùt, que puisqu'elle m'en fait sortir, il faut bien que Joséphine ait raison. Il vient d'arrÃÂȘter un carrosse à la porte, et Maman me fait dire de passer chez elle tout de suite. Si c'était le Monsieur? Je ne suis pas habillée, la main me tremble et le cÅ“ur me bat. J'ai demandé à la Femme de chambre, si elle savait qui était chez ma mÚre " Vraiment, m'a-t-elle dit, c'est M. C**. " Et elle riait. Oh! je crois que c'est lui. Je reviendrai sûrement te raconter ce qui se sera passé. Voilà toujours son nom. Il ne faut pas se faire attendre. Adieu, jusqu'à un petit moment. Comme tu vas te moquer de la pauvre Cécile! Oh! j'ai été bien honteuse! Mais tu y aurais été attrapée comme moi. En entrant chez Maman, j'ai vu un Monsieur en noir, debout auprÚs d'elle. Je l'ai salué du mieux que j'ai pu, et suis restée sans pouvoir bouger de ma place. Tu juges combien je l'examinais! " Madame " , a-t-il dit à ma mÚre, en me saluant, " voilà une charmante Demoiselle, et je sens mieux que jamais le prix de vos bontés. " A ce propos si positif, il m'a pris un tremblement tel, que je ne pouvais me soutenir; j'ai trouvé un fauteuil, et je m'y suis assise, bien rouge et bien déconcertée. J'y étais à peine, que voilà cet homme à mes genoux. Ta pauvre Cécile alors a perdu la tÃÂȘte; j'étais, comme a dit Maman, tout effarouchée. Je me suis levée en jetant un cri perçant, ... tiens, comme ce jour du tonnerre. Maman est partie d'un éclat de rire, en me disant " Eh bien! qu'avez-vous? Asseyez-vous et donnez votre pied à Monsieur. " En effet, ma chÚre amie, le Monsieur était un Cordonnier. Je ne peux te rendre combien j'ai été honteuse par bonheur il n'y avait que Maman. Je crois que, quand je serai mariée, je ne me servirai plus de ce Cordonnier-là . Conviens que nous voilà bien savantes! Adieu. Il est prÚs de six heures, et ma Femme de chambre dit qu'il faut que je m'habille. Adieu, ma chÚre Sophie; je t'aime comme si j'étais encore au Couvent. Je ne sais par qui envoyer ma Lettre ainsi j'attendrai que Joséphine vienne. Paris, ce 3 août 17** LETTRE II LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT AU CHATEAU DE ... Revenez, mon cher Vicomte, revenez que faites-vous, que pouvez-vous faire chez une vieille tante dont tous les biens vous sont substitués? Partez sur-le- champ; j'ai besoin de vous. Il m'est venu une excellente idée, et je veux bien vous en confier l'exécution. Ce peu de mots devrait suffire; et, trop honoré de mon choix, vous devriez venir, avec empressement, prendre mes ordres à genoux mais vous abusez de mes bontés, mÃÂȘme depuis que vous n'en usez plus; et dans l'alternative d'une haine éternelle ou d'une excessive indulgence, votre bonheur veut que ma bonté l'emporte. Je veux donc bien vous instruire de mes projets mais jurez-moi qu'en fidÚle Chevalier vous ne courrez aucune aventure que vous n'ayez mis celle-ci à fin. Elle est digne d'un Héros vous servirez l'Amour et la vengeance; ce sera enfin une rouerie [Ces mots roué et rouerie , dont heureusement la bonne compagnie commence à se défaire, étaient fort en usage à l'époque oÃÂč ces Lettres ont été écrites] de plus à mettre dans vos Mémoires oui, dans vos Mémoires, car je veux qu'ils soient imprimés un jour, et je me charge de les écrire. Mais laissons cela, et revenons à ce qui m'occupe. Madame de Volanges marie sa fille c'est encore un secret; mais elle m'en a fait part hier. Et qui croyez-vous qu'elle ait choisi pour gendre? Le Comte de Gercourt. Qui m'aurait dit que je deviendrais la cousine de Gercourt? J'en suis dans une fureur! Eh bien! vous ne devinez pas encore? oh! l'esprit lourd! Lui avez-vous donc pardonné l'aventure de l'Intendante? Et moi, n'ai-je pas encore plus à me plaindre de lui, monstre que vous ÃÂȘtes? [Pour entendre ce passage, il faut savoir que le Comte de Gercourt avait quitté la Marquise de Merteuil pour l'Intendante de ***, qui lui avait sacrifié le Vicomte de Valmont, et que c'est alors que la Marquise et le Vicomte s'attachÚrent l'un à l'autre. Comme cette aventure est fort antérieure aux événements dont il est question dans ces Lettres, on a cru devoir en supprimer toute la Correspondance.] Mais je m'apaise, et l'espoir de me venger rassérÚne mon ùme. Vous avez été ennuyé cent fois, ainsi que moi, de l'importance que met Gercourt à la femme qu'il aura, et de la sotte présomption qui lui fait croire qu'il évitera le sort inévitable. Vous connaissez sa ridicule prévention pour les éducations cloÃtrées, et son préjugé, plus ridicule encore, en faveur de la retenue des blondes. En effet, je gagerais que, malgré les soixante mille livres de rente de la petite Volanges, il n'aurait jamais fait ce mariage, si elle eût été brune, ou si elle n'eût pas été au Couvent. Prouvons-lui donc qu'il n'est qu'un sot il le sera sans doute un jour; ce n'est pas là ce qui m'embarrasse mais le plaisant serait qu'il débutùt par là . Comme nous nous amuserions le lendemain en l'entendant se vanter! car il se vantera; et puis, si une fois vous formez cette petite fille, il y aura bien du malheur si le Gercourt ne devient pas, comme un autre, la fable de Paris. Au reste, l'Héroïne de ce nouveau Roman mérite tous vos soins elle est vraiment jolie; cela n'a que quinze ans, c'est le bouton de rose; gauche, à la vérité, comme on ne l'est point, et nullement maniérée mais, vous autres hommes, vous ne craignez pas cela; de plus, un certain regard langoureux qui promet beaucoup en vérité ajoutez-y que je vous la recommande; vous n'avez plus qu'à me remercier et m'obéir. Vous recevrez cette Lettre demain matin. J'exige que demain à sept heures du soir, vous soyez chez moi. Je ne recevrai personne qu'à huit, pas mÃÂȘme le régnant Chevalier; il n'a pas assez de tÃÂȘte pour une aussi grande affaire. Vous voyez que l'Amour ne m'aveugle pas. A huit heures je vous rendrai votre liberté, et vous reviendrez à dix souper avec le bel objet; car la mÚre et la fille souperont chez moi. Adieu, il est midi passé bientÎt je ne m'occuperai plus de vous. Paris, ce 4 août 17** LETTRE III CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je ne sais encore rien, ma bonne amie. Maman avait hier beaucoup de monde à souper. Malgré l'intérÃÂȘt que j'avais à examiner, les hommes surtout, je me suis fort ennuyée. Hommes et femmes, tout le monde m'a beaucoup regardée, et puis on se parlait à l'oreille; et je voyais bien qu'on parlait de moi cela me faisait rougir; je ne pouvais m'en empÃÂȘcher. Je l'aurais bien voulu, car j'ai remarqué que quand on regardait les autres femmes, elles ne rougissaient pas; ou bien c'est le rouge qu'elles mettent, qui empÃÂȘche de voir celui que l'embarras leur cause; car il doit ÃÂȘtre bien difficile de ne pas rougir quand un homme vous regarde fixement. Ce qui m'inquiétait le plus était de ne pas savoir ce qu'on pensait sur mon compte. Je crois avoir entendu pourtant deux ou trois fois le mot de jolie mais j'ai entendu bien distinctement celui de gauche ; et il faut que cela soit bien vrai, car la femme qui le disait est parente et amie de ma mÚre; elle paraÃt mÃÂȘme avoir pris tout de suite de l'amitié pour moi. C'est la seule personne qui m'ait un peu parlé dans la soirée. Nous souperons demain chez elle. J'ai encore entendu, aprÚs souper, un homme que je suis sûre qui parlait de moi, et qui disait à un autre " Il faut laisser mûrir cela, nous verrons cet hiver. " C'est peut-ÃÂȘtre celui-là qui doit m'épouser; mais alors ce ne serait donc que dans quatre mois! Je voudrais bien savoir ce qui en est. Voilà Joséphine, et elle me dit qu'elle est pressée. Je veux pourtant te raconter encore une de mes gaucheries . Oh! je crois que cette dame a raison! AprÚs le souper on s'est mis à jouer. Je me suis placée auprÚs de Maman; je ne sais pas comment cela s'est fait, mais je me suis endormie presque tout de suite. Un grand éclat de rire m'a réveillée. Je ne sais si l'on riait de moi, mais je le crois. Maman m'a permis de me retirer et elle m'a fait grand plaisir. Figure- toi qu'il était onze heures passées. Adieu, ma chÚre Sophie; aime toujours bien ta Cécile. Je t'assure que le monde n'est pas aussi amusant que nous l'imaginions. Paris, ce 4 août l7**. LETTRE IV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL A PARIS Vos ordres sont charmants; votre façon de les donner est plus aimable encore; vous feriez chérir le despotisme. Ce n'est pas la premiÚre fois, comme vous savez, que je regrette de ne plus ÃÂȘtre votre esclave; et tout monstre que vous dites que je suis, je ne me rappelle jamais sans plaisir le temps oÃÂč vous m'honoriez de noms plus doux. Souvent mÃÂȘme je désire de les mériter de nouveau, et de finir par donner, avec vous, un exemple de constance au monde. Mais de plus grands intérÃÂȘts nous appellent; conquérir est notre destin; il faut le suivre peut-ÃÂȘtre au bout de la carriÚre nous rencontrerons- nous encore; car, soit dit sans vous fùcher, ma trÚs belle Marquise, vous me suivez au moins d'un pas égal; et depuis que, nous séparant pour le bonheur du monde, nous prÃÂȘchons la foi chacun de notre cÎté, il me semble que dans cette mission d'amour, vous avez fait plus de prosélytes que moi. Je connais votre zÚle, votre ardente ferveur; et si ce Dieu-là nous jugeait sur nos Å’uvres, vous seriez un jour la Patronne de quelque grande ville, tandis que votre ami serait au plus un Saint de village. Ce langage vous étonne, n'est-il pas vrai? Mais depuis huit jours, je n'en entends, je n'en parle pas d'autre; et c'est pour m'y perfectionner, que je me vois forcé de vous désobéir. Ne vous fùchez pas et écoutez-moi. Dépositaire de tous les secrets de mon cÅ“ur, je vais vous confier le plus grand projet que j'aie jamais formé. Que me proposez-vous? de séduire une jeune fille qui n'a rien vu, ne connaÃt rien; qui, pour ainsi dire, me serait livrée sans défense; qu'un premier hommage ne manquera pas d'enivrer et que la curiosité mÚnera peut-ÃÂȘtre plus vite que l'Amour. Vingt autres peuvent y réussir comme moi. Il n'en est pas ainsi de l'entreprise qui m'occupe; son succÚs m'assure autant de gloire que de plaisir l'Amour qui prépare ma couronne hésite lui-mÃÂȘme entre le myrte et le laurier, ou plutÎt il les réunira pour honorer mon triomphe. Vous-mÃÂȘme, ma belle amie, vous serez saisie d'un saint respect, et vous direz avec enthousiasme " Voilà l'homme selon mon cÅ“ur. " Vous connaissez la Présidente Tourvel, sa dévotion, son amour conjugal, ses principes austÚres. Voilà ce que j'attaque; voilà l'ennemi digne de moi; voilà le but oÃÂč je prétends atteindre Et si de l'obtenir je n'emporte le prix, J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris. On peut citer de mauvais vers, quand ils sont d'un grand PoÚte [La Fontaine]. Vous saurez donc que le Président est en Bourgogne, à la suite d'un grand procÚs j'espÚre lui en faire perdre un plus important. Son inconsolable moitié doit passer ici tout le temps de cet affligeant veuvage. Une messe chaque jour, quelques visites aux Pauvres du canton, des priÚres du matin et du soir, des promenades solitaires, de pieux entretiens avec ma vieille tante, et quelquefois un triste Wisk, devaient ÃÂȘtre ses seules distractions. Je lui en prépare de plus efficaces. Mon bon Ange m'a conduit ici, pour son bonheur et pour le mien. Insensé! je regrettais vingt-quatre heures que je sacrifiais à des égards d'usage. Combien on me punirait, en me forçant de retourner à Paris! Heureusement il faut ÃÂȘtre quatre pour jouer au Wisk; et comme il n'y a ici que le Curé du lieu, mon éternelle tante m'a beaucoup pressé de lui sacrifier quelques jours. Vous devinez que j'ai consenti. Vous n'imaginez pas combien elle me cajole depuis ce moment, combien surtout elle est édifiée de me voir réguliÚrement à ses priÚres et à sa Messe. Elle ne se doute pas de la Divinité que j'y adore. Me voilà donc, depuis quatre jours, livré à une passion forte. Vous savez si je désire vivement, si je dévore les obstacles mais ce que vous ignorez, c'est combien la solitude ajoute à l'ardeur du désir. Je n'ai plus qu'une idée; j'y pense le jour, et j'y rÃÂȘve la nuit. J'ai bien besoin d'avoir cette femme, pour me sauver du ridicule d'en ÃÂȘtre amoureux car oÃÂč ne mÚne pas un désir contrarié? Ô délicieuse jouissance! Je t'implore pour mon bonheur et surtout pour mon repos. Que nous sommes heureux que les femmes se défendent si mal! nous ne serions auprÚs d'elles que de timides esclaves. J'ai dans ce moment un sentiment de reconnaissance pour les femmes faciles, qui m'amÚne naturellement à vos pieds. Je m'y prosterne pour obtenir mon pardon, et j'y finis cette trop longue Lettre. Adieu, ma trÚs belle amie sans rancune. Du Chùteau de ..., 5 août 17** LETTRE V LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Savez-vous, Vicomte, que votre Lettre est d'une insolence rare, et qu'il ne tiendrait qu'à moi de m'en fùcher? mais elle m'a prouvé clairement que vous aviez perdu la tÃÂȘte, et cela seul vous a sauvé de mon indignation. Amie généreuse et sensible, j'oublie mon injure pour ne m'occuper que de votre danger; et quelque ennuyeux qu'il soit de raisonner, je cÚde au besoin que vous en avez dans ce moment. Vous, avoir la Présidente de Tourvel! mais quel ridicule caprice! Je reconnais bien là votre mauvaise tÃÂȘte qui ne sait désirer que ce qu'elle croit ne pas pouvoir obtenir. Qu'est-ce donc que cette femme? des traits réguliers si vous voulez, mais nulle expression passablement faite, mais sans grùces toujours mise à faire rire! avec ses paquets de fichus sur la gorge, et son corps qui remonte au menton! Je vous le dis en amie, il ne vous faudrait pas deux femmes comme celle-là , pour vous faire perdre toute votre considération. Rappelez-vous donc ce jour oÃÂč elle quÃÂȘtait à Saint-Roch, et oÃÂč vous me remerciùtes tant de vous avoir procuré ce spectacle. Je crois la voir encore, donnant la main à ce grand échalas en cheveux longs, prÃÂȘte à tomber à chaque pas, ayant toujours son panier de quatre aunes sur la tÃÂȘte de quelqu'un, et rougissant à chaque révérence. Qui vous eût dit alors vous désirerez cette femme? Allons, Vicomte, rougissez vous-mÃÂȘme, et revenez à vous. Je vous promets le secret. Et puis, voyez donc les désagréments qui vous attendent! quel rival avez-vous à combattre? un mari! Ne vous sentez-vous pas humilié à ce seul mot? Quelle honte si vous échouez! et mÃÂȘme combien peu de gloire dans le succÚs! Je dis plus; n'en espérez aucun plaisir. En est-il avec les prudes? j'entends celles de bonne foi réservées au sein mÃÂȘme du plaisir, elles ne vous offrent que des demi-jouissances. Cet entier abandon de soi-mÃÂȘme, ce délire de la volupté oÃÂč le plaisir s'épure par son excÚs, ces biens de l'Amour, ne sont pas connus d'elles. Je vous le prédis; dans la plus heureuse supposition, votre Présidente croira avoir tout fait pour vous en vous traitant comme son mari, et dans le tÃÂȘte-à -tÃÂȘte conjugal le plus tendre, on reste toujours deux. Ici c'est bien pis encore; votre prude est dévote et de cette dévotion de bonne femme qui condamne à une éternelle enfance. Peut-ÃÂȘtre surmonterez-vous cet obstacle, mais ne vous flattez pas de le détruire vainqueur de l'Amour de Dieu, vous ne le serez pas de la peur du Diable; et quand, tenant votre MaÃtresse dans vos bras, vous sentirez palpiter son cÅ“ur, ce sera de crainte et non d'amour. Peut- ÃÂȘtre, si vous eussiez connu cette femme plus tÎt, en eussiez-vous pu faire quelque chose; mais cela a vingt-deux ans, et il y en a prÚs de deux qu'elle est mariée. Croyez-moi, Vicomte, quand une femme s'est encroûtée à ce point, il faut l'abandonner à son sort; ce ne sera jamais qu'une espÚce . C'est pourtant pour ce bel objet que vous refusez de m'obéir, que vous vous enterrez dans le tombeau de votre tante, et que vous renoncez à l'aventure la plus délicieuse et la plus faite pour vous faire honneur. Par quelle fatalité faut- il donc que Gercourt garde toujours quelque avantage sur vous? Tenez, je vous en parle sans humeur mais, dans ce moment, je suis tentée de croire que vous ne méritez pas votre réputation; je suis tentée surtout de vous retirer ma confiance. Je ne m'accoutumerai jamais à dire mes secrets à l'amant de Madame de Tourvel. Sachez pourtant que la petite Volanges a déjà fait tourner une tÃÂȘte. Le jeune Danceny en raffole. Il a chanté avec elle; et en effet elle chante mieux qu'à une Pensionnaire n'appartient. Ils doivent répéter beaucoup de Duos, et je crois qu'elle se mettrait volontiers à l'unisson mais ce Danceny est un enfant qui perdra son temps à faire l'Amour, et ne finira rien. La petite personne de son cÎté est assez farouche; et, à tout événement, cela sera toujours beaucoup moins plaisant que vous n'auriez pu le rendre aussi j'ai de l'humeur, et sûrement je querellerai le Chevalier à son arrivée. Je lui conseille d'ÃÂȘtre doux; car, dans ce moment, il ne m'en coûterait rien de rompre avec lui. Je suis sûre que si j'avais le bon esprit de le quitter à présent, il en serait au désespoir; et rien ne m'amuse comme un désespoir amoureux. Il m'appellerait perfide, et ce mot de perfide m'a toujours fait plaisir; c'est, aprÚs celui de cruelle, le plus doux à l'oreille d'une femme, et il est moins pénible à mériter. Sérieusement, je vais m'occuper de cette rupture. Voilà pourtant de quoi vous ÃÂȘtes cause! aussi je le mets sur votre conscience. Adieu. Recommandez-moi aux priÚres de votre Présidente. Paris, ce 7 août 17** LETTRE VI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Il n'est donc point de femme qui n'abuse de l'empire qu'elle a su prendre! Et vous-mÃÂȘme, vous que je nommai si souvent mon indulgente amie, vous cessez enfin de l'ÃÂȘtre, et vous ne craignez pas de m'attaquer dans l'objet de mes affections! De quels traits vous osez peindre Madame de Tourvel! quel homme n'eût point payé de sa vie cette insolente audace? à quelle autre femme qu'à vous n'eût-elle valu au moins une noirceur? De grùce, ne me mettez plus à d'aussi rudes épreuves; je ne répondrais pas de les soutenir. Au nom de l'amitié, attendez que j'aie eu cette femme, si vous voulez en médire. Ne savez-vous pas que la seule volupté a le droit de détacher le bandeau de l'Amour? Mais que dis-je? Madame de Tourvel a-t-elle besoin d'illusion? non; pour ÃÂȘtre adorable il lui suffit d'ÃÂȘtre elle-mÃÂȘme. Vous lui reprochez de se mettre mal; je le crois bien; toute parure lui nuit; tout ce qui la cache la dépare c'est dans l'abandon du négligé qu'elle est vraiment ravissante. Grùce aux chaleurs accablantes que nous éprouvons, un déshabillé de simple toile me laisse voir sa taille ronde et souple. Une seule mousseline couvre sa gorge, et mes regards furtifs, mais pénétrants, en ont déjà saisi les formes enchanteresses. Sa figure, dites-vous, n'a nulle expression. Et qu'exprimerait-elle, dans les moments oÃÂč rien ne parle à son cÅ“ur? Non, sans doute, elle n'a point, comme nos femmes coquettes, ce regard menteur qui séduit quelquefois et nous trompe toujours. Elle ne sait pas couvrir le vide d'une phrase par un sourire étudié; et quoiqu'elle ait les plus belles dents du monde, elle ne rit que de ce qui l'amuse. Mais il faut voir comme, dans les folùtres jeux, elle offre l'image d'une gaieté naïve et franche! comme, auprÚs d'un malheureux qu'elle s'empresse de secourir, son regard annonce la joie pure et la bonté compatissante! Il faut voir, surtout au moindre mot d'éloge ou de cajolerie, se peindre, sur sa figure céleste, ce touchant embarras d'une modestie qui n'est point jouée! Elle est prude et dévote, et de là vous la jugez froide et inanimée? Je pense bien différemment. Quelle étonnante sensibilité ne faut-il pas avoir pour la répandre jusque sur son mari, et pour aimer toujours un ÃÂȘtre toujours absent? Quelle preuve plus forte pourriez-vous désirer? J'ai su pourtant m'en procurer une autre. J'ai dirigé sa promenade de maniÚre qu'il s'est trouvé un fossé à franchir; et, quoique fort leste, elle est encore plus timide vous jugez bien qu'une prude craint de sauter le fossé [On reconnaÃt ici le mauvais goût des calembours, qui commençait à prendre, et qui depuis a fait tant de progrÚs]. Il a fallu se confier à moi. J'ai tenu dans mes bras cette femme modeste. Nos préparatifs et le passage de ma vieille tante avaient fait rire aux éclats la folùtre Dévote mais, dÚs que je me fus emparé d'elle, par une adroite gaucherie, nos bras s'enlacÚrent mutuellement. Je pressai son sein contre le mien; et, dans ce court intervalle, je sentis son cÅ“ur battre plus vite. L'aimable rougeur vint colorer son visage, et son modeste embarras m'apprit assez que son cÅ“ur avait palpité d'amour et non de crainte . Ma tante cependant s'y trompa comme vous, et se mit à dire " L'enfant a eu peur " ; mais la charmante candeur de l'enfant ne lui permit pas le mensonge, et elle répondit naïvement " Oh non, mais!... " Ce seul mot m'a éclairé. DÚs ce moment, le doux espoir a remplacé la cruelle inquiétude. J'aurai cette femme; je l'enlÚverai au mari qui la profane j'oserai la ravir au Dieu mÃÂȘme qu'elle adore. Quel délice d'ÃÂȘtre tour à tour l'objet et le vainqueur de ses remords! Loin de moi l'idée de détruire les préjugés qui l'assiÚgent! ils ajouteront à mon bonheur et à ma gloire. Qu'elle croie à la vertu, mais qu'elle me la sacrifie; que ses fautes l'épouvantent sans pouvoir l'arrÃÂȘter; et qu'agitée de mille terreurs, elle ne puisse les oublier, les vaincre que dans mes bras. Qu'alors, j'y consens, elle me dise " Je t'adore " , elle seule, entre toutes les femmes, sera digne de prononcer ce mot. Je serai vraiment le Dieu qu'elle aura préféré. Soyons de bonne foi; dans nos arrangements, aussi froids que faciles, ce que nous appelons bonheur est à peine un plaisir. Vous le dirai-je? je croyais mon cÅ“ur flétri, et ne me trouvant plus que des sens, je me plaignais d'une vieillesse prématurée. Madame de Tourvel m'a rendu les charmantes illusions de la jeunesse. AuprÚs d'elle, je n'ai pas besoin de jouir pour ÃÂȘtre heureux. La seule chose qui m'effraie, est le temps que va me prendre cette aventure; car je n'ose rien donner au hasard. J'ai beau me rappeler mes heureuses témérités, je ne puis me résoudre à les mettre en usage. Pour que je sois vraiment heureux, il faut qu'elle se donne; et ce n'est pas une petite affaire. Je suis sûr que vous admireriez ma prudence. Je n'ai pas encore prononcé le mot d'amour; mais déjà nous en sommes à ceux de confiance et d'intérÃÂȘt. Pour la tromper le moins possible, et surtout pour prévenir l'effet des propos qui pourraient lui revenir, je lui ai raconté moi-mÃÂȘme, et comme en m'accusant, quelques-uns de mes traits les plus connus. Vous ririez de voir avec quelle candeur elle me prÃÂȘche. Elle veut, dit-elle, me convertir. Elle ne se doute pas encore de ce qu'il lui en coûtera pour le tenter. Elle est loin de penser qu'en plaidant , pour parler comme elle, pour les infortunées que j'ai perdues , elle parle d'avance dans sa propre cause. Cette idée me vint hier au milieu d'un de ses sermons, et je ne pus me refuser au plaisir de l'interrompre, pour l'assurer qu'elle parlait comme un prophÚte. Adieu, ma trÚs belle amie. Vous voyez que je ne suis pas perdu sans ressources. A propos, ce pauvre Chevalier, s'est-il tué de désespoir? En vérité, vous ÃÂȘtes cent fois plus mauvais sujet que moi, et vous m'humilieriez si j'avais de l'amour-propre. Du Chùteau de ..., ce 9 août 17** LETTRE VII CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY [Pour ne pas abuser de la patience du Lecteur, on supprime beaucoup de Lettres de cette Correspondance journaliÚre; on ne donne que celles qui ont paru nécessaires à l'intelligence des événements de cette société. C'est par le mÃÂȘme motif qu'on supprime aussi toutes les Lettres de Sophie Carnay et plusieurs de celles des autres Acteurs de ces aventures.] Si je ne t'ai rien dit de mon mariage, c'est que je ne suis pas plus instruite que le premier jour. Je m'accoutume à n'y plus penser et je me trouve assez bien de mon genre de vie. J'étudie beaucoup mon chant et ma harpe; il me semble que je les aime mieux depuis que je n'ai plus de MaÃtres, ou plutÎt c'est que j'en ai un meilleur. M. le Chevalier Danceny, ce Monsieur dont je t'ai parlé, et avec qui j'ai chanté chez Madame de Merteuil, a la complaisance de venir ici tous les jours, et de chanter avec moi des heures entiÚres. Il est extrÃÂȘmement aimable. Il chante comme un Ange, et compose de trÚs jolis airs dont il fait aussi les paroles. C'est bien dommage qu'il soit Chevalier de Malte! Il me semble que s'il se mariait, sa femme serait bien heureuse. Il a une douceur charmante. Il n'a jamais l'air de faire un compliment, et pourtant tout ce qu'il dit flatte. Il me reprend sans cesse, tant sur la musique que sur autre chose mais il mÃÂȘle à ses critiques tant d'intérÃÂȘt et de gaieté, qu'il est impossible de ne pas lui en savoir gré. Seulement quand il vous regarde, il a l'air de vous dire quelque chose d'obligeant. Il joint à tout cela d'ÃÂȘtre trÚs complaisant. Par exemple, hier, il était prié d'un grand concert; il a préféré de rester toute la soirée chez Maman. Cela m'a fait bien plaisir; car quand il n'y est pas, personne ne me parle, et je m'ennuie au lieu que quand il y est, nous chantons et nous causons ensemble. Il a toujours quelque chose à me dire. Lui et Madame de Merteuil sont les deux seules personnes que je trouve aimables. Mais adieu, ma chÚre amie j'ai promis que je saurais pour aujourd'hui une ariette dont l'accompagnement est trÚs difficile, et je ne veux pas manquer de parole. Je vais me remettre à l'étude jusqu'à ce qu'il vienne. De ..., ce 7 août 17** LETTRE VIII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES On ne peut ÃÂȘtre plus sensible que je le suis, Madame, à la confiance que vous me témoignez, ni prendre plus d'intérÃÂȘt que moi à l'établissement de Mademoiselle de Volanges. C'est bien de toute mon ùme que je lui souhaite une félicité dont je ne doute pas qu'elle ne soit digne, et sur laquelle je m'en rapporte bien à votre prudence. Je ne connais point M. le Comte de Gercourt; mais, honoré de votre choix, je ne puis prendre de lui qu'une idée trÚs avantageuse. Je me borne, Madame, à souhaiter à ce mariage un succÚs aussi heureux qu'au mien, qui est pareillement votre ouvrage, et pour lequel chaque jour ajoute à ma reconnaissance. Que le bonheur de Mademoiselle votre fille soit la récompense de celui que vous m'avez procuré; et puisse la meilleure des amies ÃÂȘtre aussi la plus heureuse des mÚres! Je suis vraiment peinée de ne pouvoir vous offrir de vive voix l'hommage de ce vÅ“u sincÚre, et faire, aussi tÎt que je le désirerais, connaissance avec Mademoiselle de Volanges. AprÚs avoir éprouvé vos bontés vraiment maternelles, j'ai droit d'espérer d'elle l'amitié tendre d'une sÅ“ur. Je vous prie, Madame, de vouloir bien la lui demander de ma part, en attendant que je me trouve à portée de la mériter. Je compte rester à la campagne tout le temps de l'absence de M. de Tourvel. J'ai pris ce temps pour jouir et profiter de la société de la respectable Madame de Rosemonde. Cette femme est toujours charmante son grand ùge ne lui fait rien perdre; elle conserve toute sa mémoire et sa gaieté. Son corps seul a quatre-vingt-quatre ans; son esprit n'en a que vingt. Notre retraite est égayée par son neveu le Vicomte de Valmont, qui a bien voulu nous sacrifier quelques jours. Je ne le connaissais que de réputation, et elle me faisait peu désirer de le connaÃtre davantage mais il me semble qu'il vaut mieux qu'elle. Ici, oÃÂč le tourbillon du monde ne le gùte pas, il parle raison avec une facilité étonnante, et il s'accuse de ses torts avec une candeur rare. Il me parle avec beaucoup de confiance, et je le prÃÂȘche avec beaucoup de sévérité. Vous qui le connaissez, vous conviendrez que ce serait une belle conversion à faire mais je ne doute pas, malgré ses promesses, que huit jours de Paris ne lui fassent oublier tous mes sermons. Le séjour qu'il fera ici sera au moins autant de retranché sur sa conduite ordinaire et je crois que, d'aprÚs sa façon de vivre, ce qu'il peut faire de mieux est de ne rien faire du tout. Il sait que je suis occupée à vous écrire, et il m'a chargée de vous présenter ses respectueux hommages. Recevez aussi le mien avec la bonté que je vous connais, et ne doutez jamais des sentiments sincÚres avec lesquels j'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. Du Chùteau de ..., ce 9 août 17** LETTRE IX MADAME DE VOLANGES A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Je n'ai jamais douté, ma jeune et belle amie, ni de l'amitié que vous avez pour moi, ni de l'intérÃÂȘt sincÚre que vous prenez à tout ce qui me regarde. Ce n'est pas pour éclaircir ce point, que j'espÚre convenu à jamais entre nous, que je réponds à votre Réponse mais je ne crois pas pouvoir me dispenser de causer avec vous au sujet du Vicomte de Valmont. Je ne m'attendais pas, je l'avoue, à trouver jamais ce nom-là dans vos Lettres. En effet, que peut-il y avoir de commun entre vous et lui? Vous ne connaissez pas cet homme; oÃÂč auriez-vous pris l'idée de l'ùme d'un libertin? Vous me parlez de sa rare candeur oh! oui; la candeur de Valmont doit ÃÂȘtre en effet trÚs rare. Encore plus faux et dangereux qu'il n'est aimable et séduisant, jamais depuis sa plus grande jeunesse, il n'a fait un pas ou dit une parole sans avoir un projet, et jamais il n'eut un projet qui ne fût malhonnÃÂȘte ou criminel. Mon amie, vous me connaissez; vous savez si, des vertus que je tùche d'acquérir, l'indulgence n'est pas celle que je chéris le plus. Aussi, si Valmont était entraÃné par des passions fougueuses; si, comme mille autres, il était séduit par les erreurs de son ùge, blùmant sa conduite je plaindrais sa personne, et j'attendrais, en silence, le temps oÃÂč un retour heureux lui rendrait l'estime des gens honnÃÂȘtes. Mais Valmont n'est pas cela sa conduite est le résultat de ses principes. Il sait calculer tout ce qu'un homme peut se permettre d'horreurs, sans se compromettre; et pour ÃÂȘtre cruel et méchant sans danger, il a choisi les femmes pour victimes. Je ne m'arrÃÂȘte pas à compter celles qu'il a séduites mais combien n'en a-t-il pas perdues? Dans la vie sage et retirée que vous menez, ces scandaleuses aventures ne parviennent pas jusqu'à vous. Je pourrais vous en raconter qui vous feraient frémir; mais vos regards, purs comme votre ùme, seraient souillés par de semblables tableaux sûre que Valmont ne sera jamais dangereux pour vous, vous n'avez pas besoin de pareilles armes pour vous défendre. La seule chose que j'ai à vous dire, c'est que, de toutes les femmes auxquelles il a rendu des soins, succÚs ou non, il n'en est point qui n'aient eu à s'en plaindre. La seule Marquise de Merteuil fait l'exception à cette rÚgle générale; seule, elle a su lui résister et enchaÃner sa méchanceté. J'avoue que ce trait de sa vie est celui qui lui fait le plus d'honneur à mes yeux aussi a-t-il suffi pour la justifier pleinement aux yeux de tous, de quelques inconséquences qu'on avait à lui reprocher dans le début de son veuvage. [L'erreur oÃÂč est Madame de Volanges nous fait voir qu'ainsi que les autres scélérats Valmont ne décelait pas ses complices.] Quoi qu'il en soit, ma belle amie, ce que l'ùge, l'expérience et surtout l'amitié, m'autorisent à vous représenter, c'est qu'on commence à s'apercevoir dans le monde de l'absence de Valmont; et que si on sait qu'il soit resté quelque temps en tiers entre sa tante et vous, votre réputation sera entre ses mains; malheur le plus grand qui puisse arriver à une femme. Je vous conseille donc d'engager sa tante à ne pas le retenir davantage; et s'il s'obstine à rester, je crois que vous ne devez pas hésiter à lui céder la place. Mais pourquoi resterait-il? que fait-il donc à cette campagne? Si vous faisiez épier ses démarches, je suis sûre que vous découvririez qu'il n'a fait que prendre un asile plus commode, pour quelques noirceurs qu'il médite dans les environs. Mais, dans l'impossibilité de remédier au mal, contentons-nous de nous en garantir. Adieu, ma belle amie; voilà le mariage de ma fille un peu retardé. Le Comte de Gercourt, que nous attendions d'un jour à l'autre, me mande que son Régiment passe en Corse; et comme il y a encore des mouvements de guerre, il lui sera impossible de s'absenter avant l'hiver. Cela me contrarie; mais cela me fait espérer que nous aurons le plaisir de vous voir à la noce, et j'étais fùchée qu'elle se fÃt sans vous. Adieu; je suis, sans compliment comme sans réserve, entiÚrement à vous. Rappelez-moi au souvenir de Madame de Rosemonde, que j'aime toujours autant qu'elle le mérite. De ..., ce 11 août 17** LETTRE X LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Me boudez-vous, Vicomte? ou bien ÃÂȘtes-vous mort? ou, ce qui y ressemblerait beaucoup, ne vivez-vous plus que pour votre Présidente? Cette femme, qui vous a rendu les illusions de la jeunesse , vous en rendra bientÎt aussi les ridicules préjugés. Déjà vous voilà timide et esclave; autant vaudrait ÃÂȘtre amoureux. Vous renoncez à vos heureuses témérités . Vous voilà donc vous conduisant sans principes, et donnant tout au hasard, ou plutÎt au caprice. Ne vous souvient-il plus que l'Amour est, comme la médecine, seulement l'art d'aider la Nature ? Vous voyez que je vous bats avec vos armes mais je n'en prendrai pas d'orgueil; car c'est bien battre un homme à terre. Il faut qu'elle se donne , me dites-vous eh! sans doute, il le faut; aussi se donnera-t-elle comme les autres, avec cette différence que ce sera de mauvaise grùce. Mais, pour qu'elle finisse par se donner, le vrai moyen est de commencer par la prendre. Que cette ridicule distinction est bien un vrai déraisonnement de l'Amour! Je dis l'Amour; car vous ÃÂȘtes amoureux. Vous parler autrement, ce serait vous trahir; ce serait vous cacher votre mal. Dites-moi donc, amant langoureux, ces femmes que vous avez eues, croyez- vous les avoir violées? Mais, quelque envie qu'on ait de se donner, quelque pressée que l'on en soit, encore faut-il un prétexte; et y en a-t-il de plus commode pour nous, que celui qui nous donne l'air de céder à la force? Pour moi, je l'avoue, une des choses qui me flattent le plus, est une attaque vive et bien faite, oÃÂč tout se succÚde avec ordre quoique avec rapidité; qui ne nous met jamais dans ce pénible embarras de réparer nous-mÃÂȘmes une gaucherie dont au contraire nous aurions dû profiter; qui sait garder l'air de la violence jusque dans les choses que nous accordons, et flatter avec adresse nos deux passions favorites, la gloire de la défense et le plaisir de la défaite. Je conviens que ce talent, plus rare que l'on ne croit, m'a toujours fait plaisir, mÃÂȘme alors qu'il ne m'a pas séduite, et que quelquefois il m'est arrivé de me rendre, uniquement comme récompense. Telle dans nos anciens Tournois, la Beauté donnait le prix de la valeur et de l'adresse. Mais vous, vous qui n'ÃÂȘtes plus vous, vous vous conduisez comme si vous aviez peur de réussir. Eh! depuis quand voyagez-vous à petites journées et par des chemins de traverse? Mon ami, quand on veut arriver, des chevaux de poste et la grande route! Mais laissons ce sujet, qui me donne d'autant plus d'humeur, qu'il me prive du plaisir de vous voir. Au moins écrivez-moi plus souvent que vous ne faites, et mettez-moi au courant de vos progrÚs. Savez- vous que voilà plus de quinze jours que cette ridicule aventure vous occupe, et que vous négligez tout le monde? A propos de négligence, vous ressemblez aux gens qui envoient réguliÚrement savoir des nouvelles de leurs amis malades, mais qui ne se font jamais rendre la réponse. Vous finissez votre derniÚre Lettre par me demander si le Chevalier est mort. Je ne réponds pas, et vous ne vous en inquiétez pas davantage. Ne savez-vous plus que mon amant est votre ami-né? Mais rassurez-vous, il n'est point mort; ou s'il l'était, ce serait de l'excÚs de sa joie. Ce pauvre Chevalier, comme il est tendre! comme il est fait pour l'Amour! comme il sait sentir vivement! la tÃÂȘte m'en tourne. Sérieusement, le bonheur parfait qu'il trouve à ÃÂȘtre aimé de moi m'attache véritablement à lui. Ce mÃÂȘme jour, oÃÂč je vous écrivais que j'allais travailler à notre rupture, combien je le rendis heureux! Je m'occupais pourtant tout de bon des moyens de le désespérer, quand on me l'annonça. Soit caprice ou raison, jamais il ne me parut si bien. Je le reçus cependant avec humeur. Il espérait passer deux heures avec moi, avant celle oÃÂč ma porte serait ouverte à tout le monde. Je lui dis que j'allais sortir il me demanda oÃÂč j'allais; je refusai de le lui apprendre. Il insista; oÃÂč vous ne serez pas , repris-je, avec aigreur. Heureusement pour lui, il resta pétrifié de cette réponse; car, s'il eût dit un mot, il s'ensuivait immanquablement une scÚne qui eût amené la rupture que j'avais projetée. Etonnée de son silence, je jetai les yeux sur lui sans autre projet, je vous jure, que de voir la mine qu'il faisait. Je retrouvai sur cette charmante figure, cette tristesse, à la fois profonde et tendre, à laquelle vous-mÃÂȘme ÃÂȘtes convenu qu'il était si difficile de résister. La mÃÂȘme cause produisit le mÃÂȘme effet; je fus vaincue une seconde fois. DÚs ce moment, je ne m'occupai plus que des moyens d'éviter qu'il pût me trouver un tort. " Je sors pour affaire, lui dis-je avec un air un peu plus doux, et mÃÂȘme cette affaire vous regarde; mais ne m'interrogez pas. Je souperai chez moi; revenez, et vous serez instruit. " Alors il retrouva la parole; mais je ne lui permis pas d'en faire usage. " Je suis trÚs pressée, continuai-je. Laissez-moi; à ce soir. " Il baisa ma main et sortit. AussitÎt, pour le dédommager, peut-ÃÂȘtre pour me dédommager moi-mÃÂȘme, je me décide à lui faire connaÃtre ma petite maison dont il ne se doutait pas. J'appelle ma fidÚle Victoire . J'ai ma migraine; je me couche pour tous mes gens; et, restée enfin seule avec la véritable , tandis qu'elle se travestit en Laquais, je fais une toilette de Femme de chambre. Elle fait ensuite venir un fiacre à la porte de mon jardin, et nous voilà parties. Arrivée dans ce temple de l'Amour, je choisis le déshabillé le plus galant. Celui-ci est délicieux; il est de mon invention il ne laisse rien voir, et pourtant fait tout deviner. Je vous en promets un modÚle pour votre Présidente, quand vous l'aurez rendue digne de le porter. AprÚs ces préparatifs, pendant que Victoire s'occupe des autres détails, je lis un chapitre du Sopha , une Lettre d' Héloïse et deux Contes de La Fontaine, pour recorder les différents tons que je voulais prendre. Cependant mon Chevalier arrive à ma porte, avec l'empressement qu'il a toujours. Mon Suisse la lui refuse, et lui apprend que je suis malade premier incident. Il lui remet en mÃÂȘme temps un billet de moi, mais non de mon écriture, suivant ma prudente rÚgle. Il l'ouvre, et y trouve de la main de Victoire " A neuf heures précises, au Boulevard, devant les Cafés. " Il s'y rend; et là , un petit Laquais qu'il ne connaÃt pas, qu'il croit au moins ne pas connaÃtre, car c'était toujours Victoire, vient lui annoncer qu'il faut renvoyer sa voiture et le suivre. Toute cette marche romanesque lui échauffait la tÃÂȘte d'autant, et la tÃÂȘte échauffée ne nuit à rien. Il arrive enfin, et la surprise et l'Amour causaient en lui un véritable enchantement. Pour lui donner le temps de se remettre, nous nous promenons un moment dans le bosquet; puis je le ramÚne vers la maison. Il voit d'abord deux couverts mis ensuite un lit fait. Nous passons jusqu'au boudoir, qui était dans toute sa parure. Là , moitié réflexion, moitié sentiment, je passai mes bras autour de lui et me laissai tomber à ses genoux. " O mon ami, lui dis-je, pour vouloir te ménager la surprise de ce moment, je me reproche de t'avoir affligé par l'apparence de l'humeur, d'avoir pu un instant voiler mon cÅ“ur à tes regards. Pardonne-moi mes torts je veux les expier à force d'amour. " Vous jugez de l'effet de ce discours sentimental. L'heureux Chevalier me releva et mon pardon fut scellé sur cette mÃÂȘme ottomane oÃÂč vous et moi scellùmes si gaiement et de la mÃÂȘme maniÚre notre éternelle rupture. Comme nous avions six heures à passer ensemble, et que j'avais résolu que tout ce temps fût pour lui également délicieux, je modérai ses transports, et l'aimable coquetterie vint remplacer la tendresse. Je ne crois pas avoir jamais mis tant de soin à plaire, ni avoir été jamais aussi contente de moi. AprÚs le souper, tour à tour enfant et raisonnable, folùtre et sensible, quelquefois mÃÂȘme libertine, je me plaisais à le considérer comme un Sultan au milieu de son Sérail, dont j'étais tour à tour les Favorites différentes. En effet, ses hommages réitérés, quoique toujours reçus par la mÃÂȘme femme, le furent toujours par une MaÃtresse nouvelle. Enfin au point du jour il fallut se séparer; et, quoi qu'il dÃt, quoi qu'il fÃt mÃÂȘme pour me prouver le contraire, il en avait autant de besoin que peu d'envie. Au moment oÃÂč nous sortÃmes et pour dernier adieu, je pris la clef de cet heureux séjour, et la lui remettant entre les mains " Je ne l'ai eue que pour vous, lui dis-je; il est juste que vous en soyez maÃtre c'est au Sacrificateur à disposer du Temple. " C'est par cette adresse que j'ai prévenu les réflexions qu'aurait pu lui faire naÃtre la propriété, toujours suspecte, d'une petite maison. Je le connais assez, pour ÃÂȘtre sûre qu'il ne s'en servira que pour moi; et si la fantaisie me prenait d'y aller sans lui, il me reste bien une double clef. Il voulait à toute force prendre jour pour y revenir; mais je l'aime trop encore, pour vouloir l'user si vite. Il ne faut se permettre d'excÚs qu'avec les gens qu'on veut quitter bientÎt. Il ne sait pas cela, lui; mais, pour son bonheur, je le sais pour deux. Je m'aperçois qu'il est trois heures du matin, et que j'ai écrit un volume, ayant le projet de n'écrire qu'un mot. Tel est le charme de la confiante amitié c'est elle qui fait que vous ÃÂȘtes toujours ce que j'aime le mieux, mais, en vérité, le Chevalier est ce qui me plaÃt davantage. De ..., ce 12 août 17** LETTRE XI LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES Votre Lettre sévÚre m'aurait effrayée, Madame, si, par bonheur, je n'avais trouvé ici plus de motifs de sécurité que vous ne m'en donnez de crainte. Ce redoutable M. de Valmont, qui doit ÃÂȘtre la terreur de toutes les femmes, paraÃt avoir déposé ses armes meurtriÚres, avant d'entrer dans ce Chùteau. Loin d'y former des projets, il n'y a pas mÃÂȘme porté de prétentions; et la qualité d'homme aimable que ses ennemis mÃÂȘmes lui accordent, disparaÃt presque ici, pour ne lui laisser que celle de bon enfant. C'est apparemment l'air de la campagne qui a produit ce miracle. Ce que je vous puis assurer, c'est qu'étant sans cesse avec moi, paraissant mÃÂȘme s'y plaire, il ne lui est pas échappé un mot qui ressemble à l'Amour, pas une de ces phrases que tous les hommes se permettent, sans avoir, comme lui, ce qu'il faut pour les justifier. Jamais il n'oblige à cette réserve, dans laquelle toute femme qui se respecte est forcée de se tenir aujourd'hui, pour contenir les hommes qui l'entourent. Il sait ne point abuser de la gaieté qu'il inspire. Il est peut-ÃÂȘtre un peu louangeur; mais c'est avec tant de délicatesse qu'il accoutumerait la modestie mÃÂȘme à l'éloge. Enfin, si j'avais un frÚre, je désirerais qu'il fût tel que M. de Valmont se montre ici. Peut-ÃÂȘtre beaucoup de femmes lui désireraient une galanterie plus marquée; et j'avoue que je lui sais un gré infini d'avoir su me juger assez bien pour ne pas me confondre avec elles. Ce portrait diffÚre beaucoup sans doute de celui que vous me faites; et, malgré cela, tous deux peuvent ÃÂȘtre ressemblants en fixant les époques. Lui- mÃÂȘme convient d'avoir eu beaucoup de torts, et on lui en aura bien aussi prÃÂȘté quelques-uns. Mais j'ai rencontré peu d'hommes qui parlassent des femmes honnÃÂȘtes avec plus de respect, je dirais presque d'enthousiasme. Vous m'apprenez qu'au moins sur cet objet il ne trompe pas. Sa conduite avec Madame de Merteuil en est une preuve. Il nous en parle beaucoup; et c'est toujours avec tant d'éloges et l'air d'un attachement si vrai, que j'ai cru, jusqu'à la réception de votre Lettre, que ce qu'il appelait amitié entre eux deux était bien réellement de l'Amour. Je m'accuse de ce jugement téméraire, dans lequel j'ai eu d'autant plus de tort, que lui-mÃÂȘme a pris souvent le soin de la justifier. J'avoue que je ne regardais que comme finesse, ce qui était de sa part une honnÃÂȘte sincérité. Je ne sais; mais il me semble que celui qui est capable d'une amitié aussi suivie pour une femme aussi estimable, n'est pas un libertin sans retour. J'ignore au reste si nous devons la conduite sage qu'il tient ici à quelques projets dans les environs, comme vous le supposez. Il y a bien quelques femmes aimables à la ronde; mais il sort peu, excepté le matin, et alors il dit qu'il va à la chasse. Il est vrai qu'il rapporte rarement du gibier; mais il assure qu'il est maladroit à cet exercice. D'ailleurs, ce qu'il peut faire au- dehors m'inquiÚte peu; et si je désirais le savoir, ce ne serait que pour avoir une raison de plus de me rapprocher de votre avis ou de vous ramener au mien. Sur ce que vous me proposez de travailler à abréger le séjour que M. de Valmont compte faire ici, il me paraÃt bien difficile d'oser demander à sa tante de ne pas avoir son neveu chez elle, d'autant qu'elle l'aime beaucoup. Je vous promets pourtant, mais seulement par déférence et non par besoin, de saisir l'occasion de faire cette demande, soit à elle, soit à lui-mÃÂȘme. Quant à moi, M. de Tourvel est instruit de mon projet de rester ici jusqu'à son retour, et il s'étonnerait, avec raison, de la légÚreté qui m'en ferait changer. Voilà , Madame, de bien longs éclaircissements mais j'ai cru devoir à la vérité un témoignage avantageux à M. de Valmont, et dont il me paraÃt avoir grand besoin auprÚs de vous. Je n'en suis pas moins sensible à l'amitié qui a dicté vos conseils. C'est à elle que je dois aussi ce que vous me dites d'obligeant à l'occasion du retard du mariage de Mademoiselle votre fille. Je vous en remercie bien sincÚrement mais, quelque plaisir que je me promette à passer ces moments avec vous, je les sacrifierais de bien bon cÅ“ur au désir de savoir Mademoiselle de Volanges plus tÎt heureuse, si pourtant elle peut jamais l'ÃÂȘtre plus qu'auprÚs d'une mÚre aussi digne de toute sa tendresse et de son respect. Je partage avec elle ces deux sentiments qui m'attachent à vous, et je vous prie d'en recevoir l'assurance avec bonté. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. De ..., ce 13 août 17** LETTRE XII CECILE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Maman est incommodée, Madame; elle ne sortira point, et il faut que je lui tienne compagnie ainsi je n'aurai pas l'honneur de vous accompagner à l'Opéra. Je vous assure que je regrette bien plus de ne pas ÃÂȘtre avec vous que le Spectacle. Je vous prie d'en ÃÂȘtre persuadée. Je vous aime tant! Voudriez- vous bien dire à M. le Chevalier Danceny que je n'ai point le Recueil dont il m'a parlé, et que s'il peut me l'apporter demain, il me fera grand plaisir. S'il vient aujourd'hui, on lui dira que nous n'y sommes pas; mais c'est que Maman ne veut recevoir personne. J'espÚre qu'elle se portera mieux demain. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. De ..., ce 13 août 17** LETTRE XIII LA MARQUISE DE MERTEUIL A CECILE VOLANGES Je suis trÚs fùchée, ma belle, et d'ÃÂȘtre privée du plaisir de vous voir, et de la cause de cette privation. J'espÚre que cette occasion se retrouvera. Je m'acquitterai de votre commission auprÚs du Chevalier Danceny, qui sera sûrement trÚs fùché de savoir votre Maman malade. Si elle veut me recevoir demain, j'irai lui tenir compagnie. Nous attaquerons, elle et moi, le Chevalier de Belleroche. [C'est le mÃÂȘme dont il est question dans les lettres de Madame de Merteuil] au piquet; et, en lui gagnant son argent, nous aurons, pour surcroÃt de plaisir, celui de vous entendre chanter avec votre aimable MaÃtre, à qui je le proposerai. Si cela convient à votre Maman et à vous, je réponds de moi et de mes deux Chevaliers. Adieu, ma belle; mes compliments à ma chÚre Madame de Volanges. Je vous embrasse bien tendrement. De ..., ce 13 août 17** LETTRE XIV CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je ne t'ai pas écrit hier, ma chÚre Sophie mais ce n'est pas le plaisir qui en est cause; je t'en assure bien. Maman était malade, et je ne l'ai pas quittée de la journée. Le soir, quand je me suis retirée, je n'avais cÅ“ur à rien du tout; et je me suis couchée bien vite, pour m'assurer que la journée était finie; jamais je n'en avais passé de si longue. Ce n'est pas que je n'aime bien Maman; mais je ne sais pas ce que c'était. Je devais aller à l'Opéra avec Madame de Merteuil; le Chevalier Danceny devait y ÃÂȘtre. Tu sais bien que ce sont les deux personnes que j'aime le mieux. Quand l'heure oÃÂč j'aurais dû y ÃÂȘtre aussi est arrivée, mon cÅ“ur s'est serré malgré moi. Je me déplaisais à tout, et j'ai pleuré, pleuré, sans pouvoir m'en empÃÂȘcher. Heureusement Maman était couchée, et ne pouvait pas me voir. Je suis bien sûre que le Chevalier Danceny aura été fùché aussi; mais il aura été distrait par le Spectacle et par tout le monde c'est bien différent. Par bonheur, Maman va mieux aujourd'hui, et Madame de Merteuil viendra avec une autre personne et le Chevalier Danceny mais elle arrive toujours bien tard, Madame de Merteuil; et quand on est si longtemps toute seule, c'est bien ennuyeux. Il n'est encore qu'onze heures. Il est vrai qu'il faut que je joue de la harpe; et puis ma toilette me prendra un peu de temps, car je veux ÃÂȘtre bien coiffée aujourd'hui. Je crois que la MÚre Perpétue a raison, et qu'on devient coquette dÚs qu'on est dans le monde. Je n'ai jamais eu tant d'envie d'ÃÂȘtre jolie que depuis quelques jours, et je trouve que je ne le suis pas autant que je le croyais; et puis, auprÚs des femmes qui ont du rouge, on perd beaucoup. Madame de Merteuil, par exemple, je vois bien que tous les hommes la trouvent plus jolie que moi cela ne me fùche pas beaucoup, parce qu'elle m'aime bien; et puis elle assure que le Chevalier Danceny me trouve plus jolie qu'elle. C'est bien honnÃÂȘte à elle de me l'avoir dit! elle avait mÃÂȘme l'air d'en ÃÂȘtre bien aise. Par exemple, je ne conçois pas ça. C'est qu'elle m'aime tant! et lui!... oh! ça m'a fait bien plaisir! aussi, c'est qu'il me semble que rien que le regarder suffit pour embellir. Je le regarderais toujours, si je ne craignais de rencontrer ses yeux car, toutes les fois que cela m'arrive, cela me décontenance, et me fait comme de la peine; mais ça ne fait rien. Adieu, ma chÚre amie; je vais me mettre à ma toilette. Je t'aime toujours comme de coutume. Paris, ce 14 août 17** LETTRE XV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Il est bien honnÃÂȘte à vous de ne pas m'abandonner à mon triste sort. La vie que je mÚne ici est réellement fatigante, par l'excÚs de son repos et son insipide uniformité. En lisant votre Lettre et le détail de votre charmante journée, j'ai été tenté vingt fois de prétexter une affaire, de voler à vos pieds, et de vous y demander, en ma faveur, une infidélité à votre Chevalier, qui, aprÚs tout, ne mérite pas son bonheur. Savez-vous que vous m'avez rendu jaloux de lui? Que me parlez-vous d'éternelle rupture? J'abjure ce serment, prononcé dans le délire nous n'aurions pas été dignes de le faire, si nous eussions dû le garder. Ah! que je puisse un jour me venger dans vos bras, du dépit involontaire que m'a causé le bonheur du Chevalier! Je suis indigné, je l'avoue, quand je songe que cet homme, sans raisonner, sans se donner la moindre peine, en suivant tout bÃÂȘtement l'instinct de son cÅ“ur, trouve une félicité à laquelle je ne puis atteindre. Oh! je la troublerai... Promettez-moi que je la troublerai. Vous-mÃÂȘme n'ÃÂȘtes-vous pas humiliée? Vous vous donnez la peine de le tromper, et il est plus heureux que vous. Vous le croyez dans vos chaÃnes! C'est bien vous qui ÃÂȘtes dans les siennes. Il dort tranquillement, tandis que vous veillez pour ses plaisirs. Que ferait de plus son esclave? Tenez, ma belle amie, tant que vous vous partagez entre plusieurs, je n'ai pas la moindre jalousie je ne vois alors dans vos Amants que les successeurs d'Alexandre, incapables de conserver entre eux tous cet empire oÃÂč je régnais seul. Mais que vous vous donniez entiÚrement à un d'eux! qu'il existe un autre homme aussi heureux que moi! je ne le souffrirai pas; n'espérez pas que je le souffre. Ou reprenez-moi, ou au moins prenez-en un autre; et ne trahissez pas, par un caprice exclusif, l'amitié inviolable que nous nous sommes jurée. C'est bien assez, sans doute, que j'aie à me plaindre de l'Amour. Vous voyez que je me prÃÂȘte à vos idées, et que j'avoue mes torts. En effet, si c'est ÃÂȘtre amoureux que de ne pouvoir vivre sans posséder ce qu'on désire, d'y sacrifier son temps, ses plaisirs, sa vie, je suis bien réellement amoureux. Je n'en suis guÚre plus avancé. Je n'aurais mÃÂȘme rien du tout à vous apprendre à ce sujet, sans un événement qui me donne beaucoup à réfléchir, et dont je ne sais encore si je dois craindre ou espérer. Vous connaissez mon Chasseur, trésor d'intrigue, et vrai valet de Comédie; vous jugez bien que ses instructions portaient d'ÃÂȘtre amoureux de la Femme de chambre, et d'enivrer les gens. Le coquin est plus heureux que moi; il a déjà réussi. Il vient de découvrir que Madame de Tourvel a chargé un de ses gens de prendre des informations sur ma conduite, et mÃÂȘme de me suivre dans mes courses du matin, autant qu'il le pourrait, sans ÃÂȘtre aperçu. Que prétend cette femme? Ainsi donc la plus modeste de toutes ose encore risquer des choses qu'à peine nous oserions nous permettre! Je jure bien. Mais, avant de songer à me venger de cette ruse féminine, occupons-nous des moyens de la tourner à notre avantage. Jusqu'ici ces courses qu'on suspecte n'avaient aucun objet; il faut leur en donner un. Cela mérite toute mon attention, et je vous quitte pour y réfléchir. Adieu, ma belle amie. Toujours du Chùteau de ..., ce 15 août 17** LETTRE XVI CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Ah! ma Sophie, voici bien des nouvelles! je ne devrais peut-ÃÂȘtre pas te les dire mais il faut bien que j'en parle à quelqu'un; c'est plus fort que moi. Ce Chevalier Danceny... Je suis dans un trouble que je ne peux pas écrire je ne sais par oÃÂč commencer. Depuis que je t'avais raconté la jolie soirée [La Lettre oÃÂč il est parlé de cette soirée ne s'est pas retrouvée. Il y a lieu de croire que c'est celle proposée dans le billet de Madame de Merteuil, et dont il est aussi question dans la précédente Lettre de Cécile Volanges.] que j'avais passée chez Maman avec lui et Madame de Merteuil, je ne t'en parlais plus c'est que je ne voulais plus en parler à personne; mais j'y pensais pourtant toujours. Depuis il était devenu si triste, mais si triste, si triste, que ça me faisait de la peine; et quand je lui demandais pourquoi, il me disait que non mais je voyais bien que si. Enfin hier il l'était encore plus que de coutume. Ça n'a pas empÃÂȘché qu'il n'ait eu la complaisance de chanter avec moi comme à l'ordinaire; mais, toutes les fois qu'il me regardait, cela me serrait le cÅ“ur. AprÚs que nous eûmes fini de chanter, il alla renfermer ma harpe dans son étui; et, en m'en rapportant la clef, il me pria d'en jouer encore le soir, aussitÎt que je serais seule. Je ne me défiais de rien du tout; je ne voulais mÃÂȘme pas mais il m'en pria tant, que je lui dis qu'oui. Il avait bien ses raisons. Effectivement, quand je fus retirée chez moi et que ma Femme de chambre fut sortie, j'allais pour prendre ma harpe. Je trouvais dans les cordes une Lettre, pliée seulement, et point cachetée, et qui était de lui. Ah! si tu savais tout ce qu'il me mande! Depuis que j'ai lu sa Lettre, j'ai tant de plaisir, que je ne peux plus songer à autre chose. Je l'ai relue quatre fois tout de suite, et puis je l'ai serrée dans mon secrétaire. Je la savais par cÅ“ur; et, quand j'ai été couchée, je l'ai tant répétée, que je ne songeais pas à dormir. DÚs que je fermais les yeux, je le voyais là , qui me disait lui-mÃÂȘme tout ce que je venais de lire. Je ne me suis endormie que bien tard; et aussitÎt que je me suis réveillée il était encore de bien bonne heure, j'ai été reprendre sa Lettre pour la relire à mon aise. Je l'ai emportée dans mon lit, et puis je l'ai baisée comme si... C'est peut-ÃÂȘtre mal fait de baiser une Lettre comme ça, mais je n'ai pas pu m'en empÃÂȘcher. A présent, ma chÚre amie, si je suis bien aise, je suis aussi bien embarrassée; car sûrement il ne faut pas que je réponde à cette Lettre-là . Je sais bien que ça ne se doit pas, et pourtant il me le demande; et, si je ne réponds pas, je suis sûre qu'il va encore ÃÂȘtre triste. C'est pourtant bien malheureux pour lui! Qu'est-ce que tu me conseilles? mais tu n'en sais pas plus que moi. J'ai bien envie d'en parler à Madame de Merteuil qui m'aime bien. Je voudrais bien le consoler; mais je ne voudrais rien faire qui fût mal. On nous recommande tant d'avoir bon cÅ“ur! et puis on nous défend de suivre ce qu'il inspire, quand c'est pour un homme! Ça n'est pas juste non plus. Est-ce qu'un homme n'est pas notre prochain comme une femme, et plus encore? car enfin n'a-t-on pas son pÚre comme sa mÚre, son frÚre comme sa sÅ“ur? il reste toujours le mari de plus. Cependant si j'allais faire quelque chose qui ne fût pas bien, peut-ÃÂȘtre que M. Danceny lui-mÃÂȘme n'aurait plus bonne idée de moi! Oh! ça, par exemple, j'aime encore mieux qu'il soit triste. Et puis, enfin, je serai toujours à temps. Parce qu'il a écrit hier, je ne suis pas obligée d'écrire aujourd'hui aussi bien je verrai Madame de Merteuil ce soir, et si j'en ai le courage, je lui conterai tout. En ne faisant que ce qu'elle me dira, je n'aurai rien à me reprocher. Et puis peut-ÃÂȘtre me dira-t-elle que je peux lui répondre un peu, pour qu'il ne soit pas si triste! Oh! je suis bien en peine. Adieu, ma bonne amie. Dis-moi toujours ce que tu penses. De ..., ce 19 août 17** LETTRE XVII LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Avant de me livrer, Mademoiselle, dirai-je au plaisir ou au besoin de vous écrire, je commence par vous supplier de m'entendre. Je sens que pour oser vous déclarer mes sentiments, j'ai besoin d'indulgence; si je ne voulais que les justifier, elle me serait inutile. Que vais-je faire aprÚs tout que vous montrer mon ouvrage? Et qu'ai-je à vous dire, que mes regards, mon embarras, ma conduite et mÃÂȘme mon silence ne vous aient dit avant moi? Eh! pourquoi vous fùcheriez-vous d'un sentiment que vous avez fait naÃtre? Emané de vous, sans doute il est digne de vous ÃÂȘtre offert; s'il est brûlant comme mon ùme, il est pur comme la vÎtre. Serait-ce un crime d'avoir su apprécier votre charmante figure, vos talents séducteurs, vos grùces enchanteresses, et cette touchante candeur qui ajoute un prix inestimable à des qualités déjà si précieuses? non, sans doute; mais, sans ÃÂȘtre coupable, on peut ÃÂȘtre malheureux; et c'est le sort qui m'attend, si vous refusez d'agréer mon hommage. C'est le premier que mon cÅ“ur ait offert. Sans vous je serais encore, non pas heureux, mais tranquille. Je vous ai vue; le repos a fui loin de moi, et mon bonheur est incertain. Cependant vous vous étonnez de ma tristesse; vous m'en demandez la cause quelquefois mÃÂȘme j'ai cru voir qu'elle vous affligeait. Ah! dites un mot, et ma félicité sera votre ouvrage. Mais, avant de prononcer, songez qu'un mot peut aussi combler mon malheur. Soyez donc l'arbitre de ma destinée. Par vous je vais ÃÂȘtre éternellement heureux ou malheureux. En quelles mains plus chÚres puis-je remettre un intérÃÂȘt plus grand? Je finirai, comme j'ai commencé, par implorer votre indulgence. Je vous ai demandé de m'entendre; j'oserai plus; je vous prierai de me répondre. Le refuser, serait me laisser croire que vous vous trouvez offensée, et mon cÅ“ur m'est garant que mon respect égale mon amour. P-S. Vous pouvez vous servir, pour me répondre, du mÃÂȘme moyen dont je me sers pour vous faire parvenir cette Lettre; il me paraÃt également sûr et commode. De ..., ce 18 août 17** LETTRE XVIII CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Quoi! Sophie, tu blùmes d'avance ce que je vais faire! J'avais déjà bien assez d'inquiétudes; voilà que tu les augmentes encore. Il est clair, dis-tu, que je ne dois pas répondre. Tu en parles bien à ton aise; et d'ailleurs, tu ne sais pas au juste ce qui en est tu n'es pas là pour voir. Je suis sûre que si tu étais à ma place, tu ferais comme moi. Sûrement, en général, on ne doit pas répondre; et tu as bien vu, par ma Lettre d'hier, que je ne le voulais pas non plus mais c'est que je ne crois pas que personne se soit jamais trouvé dans le cas oÃÂč je suis. Et encore ÃÂȘtre obligée de me décider toute seule! Madame de Merteuil, que je comptais voir hier au soir, n'est pas venue. Tout s'arrange contre moi c'est elle qui est cause que je le connais. C'est presque toujours avec elle que je l'ai vu que je lui ai parlé. Ce n'est pas que je lui en veuille du mal mais elle me laisse là au moment de l'embarras. Oh! je suis bien à plaindre! Figure-toi qu'il est venu hier comme à l'ordinaire. J'étais si troublée que je n'osais le regarder. Il ne pouvait pas me parler, parce que Maman était là . Je me doutais bien qu'il serait fùché, quand il verrait que je ne lui avais pas écrit. Je ne savais quelle contenance faire. Un instant aprÚs il me demanda si je voulais qu'il allùt chercher ma harpe. Le cÅ“ur me battait si fort, que ce fut tout ce que je pus faire que de répondre qu'oui. Quand il revint, c'était bien pis. Je ne le regardai qu'un petit moment. Il ne me regardait pas, lui; mais il avait un air qu'on aurait dit qu'il était malade. Ça me faisait bien de la peine. Il se mit à accorder ma harpe, et aprÚs, en me l'apportant, il me dit " Ah! Mademoiselle! " Il ne me dit que ces deux mots-là ; mais c'était d'un ton que j'en fus toute bouleversée. Je préludais sur ma harpe, sans savoir ce que je faisais. Maman demanda si nous ne chanterions pas. Lui s'excusa, en disant qu'il était un peu malade; et moi, qui n'avais pas d'excuse, il me fallut chanter. J'aurais voulu n'avoir jamais eu de voix. Je choisis exprÚs un air que je ne savais pas; car j'étais bien sûre que je ne pourrais en chanter aucun, et on se serait aperçu de quelque chose. Heureusement il vint une visite; et, dÚs que j'entendis entrer un carrosse, je cessai, et le priai de reporter ma harpe. J'avais bien peur qu'il ne s'en allùt en mÃÂȘme temps; mais il revint. Pendant que Maman et cette Dame qui était venue causaient ensemble, je voulus le regarder encore un petit moment. Je rencontrai ses yeux, et il me fut impossible de détourner les miens. Un moment aprÚs je vis ses larmes couler, et il fut obligé de se retourner pour n'ÃÂȘtre pas vu. Pour le coup, je ne pus y tenir; je sentis que j'allais pleurer aussi. Je sortis, et tout de suite j'écrivis avec un crayon, sur un chiffon de papier " Ne soyez donc pas si triste, je vous en prie; je promets de vous répondre. " Sûrement, tu ne peux pas dire qu'il y ait du mal à cela; et puis c'était plus fort que moi. Je mis mon papier aux cordes de ma harpe, comme sa Lettre était, et je revins dans le salon. Je me sentais plus tranquille. Il me tardait bien que cette Dame s'en fût. Heureusement, elle était en visite; elle s'en alla bientÎt aprÚs. AussitÎt qu'elle fut sortie, je dis que je voulais reprendre ma harpe, et je le priai de l'aller chercher. Je vis bien, à son air, qu'il ne se doutait de rien. Mais au retour, oh! comme il était content! En posant ma harpe vis-à -vis de moi, il se plaça de façon que Maman ne pouvait voir, et il prit ma main qu'il serra, mais d'une façon! ce ne fut qu'un moment mais je ne saurais te dire le plaisir que ça m'a fait. Je la retirai pourtant; ainsi je n'ai rien à me reprocher. A présent, ma bonne amie, tu vois bien que je ne peux pas me dispenser de lui écrire, puisque je le lui ai promis; et puis, je n'irai pas lui refaire du chagrin; car j'en souffre plus que lui. Si c'était pour quelque chose de mal, sûrement je ne le ferais pas. Mais quel mal peut-il y avoir à écrire, surtout quand c'est pour empÃÂȘcher quelqu'un d'ÃÂȘtre malheureux? Ce qui m'embarrasse, c'est que je ne saurai pas bien faire ma Lettre mais il sentira bien que ce n'est pas ma faute; et puis je suis sûre que rien que de ce qu'elle sera de moi, elle lui fera toujours plaisir. Adieu, ma chÚre amie. Si tu trouves que j'ai tort, dis-le-moi; mais je ne crois pas. A mesure que le moment de lui écrire approche, mon cÅ“ur bat que ça ne se conçoit pas. Il le faut pourtant bien, puisque je l'ai promis. Adieu. De ..., ce 20 août 17** LETTRE XIX CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Vous étiez si triste, hier, Monsieur, et cela me faisait tant de peine, que je me suis laissée aller à vous promettre de répondre à la Lettre que vous m'avez écrite. Je n'en sens pas moins aujourd'hui que je ne le dois pas pourtant, comme je l'ai promis, je ne veux pas manquer à ma parole, et cela doit bien vous prouver l'amitié que j'ai pour vous. A présent que vous le savez, j'espÚre que vous ne me demanderez pas de vous écrire davantage. J'espÚre aussi que vous ne direz à personne que je vous ai écrit; parce que sûrement on m'en blùmerait, et que cela pourrait me causer bien du chagrin. J'espÚre surtout que vous-mÃÂȘme n'en prendrez pas mauvaise idée de moi, ce qui me ferait plus de peine que tout. Je peux bien vous assurer que je n'aurais pas eu cette complaisance-là pour tout autre que vous. Je voudrais bien que vous eussiez celle de ne plus ÃÂȘtre triste comme vous étiez; ce qui m'Îte tout le plaisir que j'ai à vous voir. Vous voyez, Monsieur, que je vous parle bien sincÚrement. Je ne demande pas mieux que notre amitié dure toujours; mais, je vous en prie, ne m'écrivez plus. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, Cécile Volanges De ..., ce 20 août 17** LETTRE XX LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Ah! fripon, vous me cajolez, de peur que je ne me moque de vous! Allons, je vous fais grùce vous m'écrivez tant de folies, qu'il faut bien que je vous pardonne la sagesse oÃÂč vous tient votre Présidente. Je ne crois pas que mon Chevalier eût autant d'indulgence que moi; il serait homme à ne pas approuver notre renouvellement de bail, et à ne rien trouver de plaisant dans votre folle idée. J'en ai pourtant bien ri, et j'étais vraiment fùchée d'ÃÂȘtre obligée d'en rire toute seule. Si vous eussiez été là , je ne sais oÃÂč m'aurait menée cette gaieté mais j'ai eu le temps de la réflexion et je me suis armée de sévérité. Ce n'est pas que je refuse pour toujours; mais je diffÚre, et j'ai raison. J'y mettrais peut-ÃÂȘtre de la vanité, et, une fois piquée au jeu, on ne sait plus oÃÂč l'on s'arrÃÂȘte. Je serais femme à vous enchaÃner de nouveau, à vous faire oublier votre Présidente; et si j'allais, moi indigne, vous dégoûter de la vertu, voyez quel scandale! Pour éviter ce danger, voici mes conditions. AussitÎt que vous aurez eu votre belle Dévote, que vous pourrez m'en fournir une preuve, venez, et je suis à vous. Mais vous n'ignorez pas que dans les affaires importantes, on ne reçoit de preuves que par écrit. Par cet arrangement, d'une part, je deviendrai une récompense au lieu d'ÃÂȘtre une consolation; et cette idée me plaÃt davantage de l'autre votre succÚs en sera plus piquant, en devenant lui-mÃÂȘme un moyen d'infidélité. Venez donc, venez au plus tÎt m'apporter le gage de votre triomphe semblable à nos preux Chevaliers qui venaient déposer aux pieds de leur Dame les fruits brillants de leur victoire. Sérieusement, je suis curieuse de savoir ce que peut écrire une Prude aprÚs un tel moment, et quel voile elle met sur ses discours, aprÚs n'en avoir plus laissé sur sa personne. C'est à vous de voir si je me mets à un prix trop haut; mais je vous préviens qu'il n'y a rien à rabattre. Jusque-là , mon cher Vicomte, vous trouverez bon que je reste fidÚle à mon Chevalier, et que je m'amuse à le rendre heureux, malgré le petit chagrin que cela vous cause. Cependant si j'avais moins de mÅ“urs, je crois qu'il aurait, dans ce moment, un rival dangereux; c'est la petite Volanges. Je raffole de cet enfant c'est une vraie passion. Ou je me trompe, ou elle deviendra une de nos femmes les plus à la mode. Je vois son petit cÅ“ur se développer, et c'est un spectacle ravissant. Elle aime déjà son Danceny avec fureur; mais elle n'en sait encore rien. Lui- mÃÂȘme, quoique trÚs amoureux, a encore la timidité de son ùge, et n'ose pas trop le lui apprendre. Tous deux sont en adoration vis-à -vis de moi. La petite surtout a grande envie de me dire son secret; particuliÚrement depuis quelques jours je l'en vois vraiment oppressée et je lui aurais rendu un grand service de l'aider un peu mais je n'oublie pas que c'est un enfant, et je ne veux pas me compromettre. Danceny m'a parlé un peu plus clairement; mais, pour lui, mon parti est pris, je ne veux pas l'entendre. Quant à la petite, je suis souvent tentée d'en faire mon élÚve; c'est un service que j'ai envie de rendre à Gercourt. Il me laisse du temps, puisque le voilà en Corse jusqu'au mois d'Octobre. J'ai dans l'idée que j'emploierai ce temps-là , et que nous lui donnerons une femme toute formée, au lieu de son innocente Pensionnaire. Quelle est donc en effet l'insolente sécurité de cet homme, qui ose dormir tranquille, tandis qu'une femme, qui a à se plaindre de lui, ne s'est pas encore vengée? Tenez, si la petite était ici dans ce moment, je ne sais ce que je ne lui dirais pas. Adieu, Vicomte; bonsoir et bon succÚs mais, pour Dieu, avancez donc. Songez que si vous n'avez pas cette femme, les autres rougiront de vous avoir eu. De ..., ce 20 août 17** LETTRE XXI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Enfin, ma belle amie, j'ai fait un pas en avant, mais un grand pas; et qui, s'il ne m'a pas conduit jusqu'au but, m'a fait connaÃtre au moins que je suis dans la route, et a dissipé la crainte oÃÂč j'étais de m'ÃÂȘtre égaré. J'ai enfin déclaré mon amour; et quoiqu'on ait gardé le silence le plus obstiné, j'ai obtenu la réponse peut-ÃÂȘtre la moins équivoque et la plus flatteuse mais n'anticipons pas sur les événements, et reprenons plus haut. Vous vous souvenez qu'on faisait épier mes démarches. Eh bien! j'ai voulu que ce moyen scandaleux tournùt à l'édification publique, et voici ce que j'ai fait. J'ai chargé mon confident de me trouver, dans les environs, quelque malheureux qui eût besoin de secours. Cette commission n'était pas difficile à remplir. Hier aprÚs-midi, il me rendit compte qu'on devait saisir aujourd'hui, dans la matinée, les meubles d'une famille entiÚre qui ne pouvait payer la taille. Je m'assurai qu'il n'y eût dans cette maison aucune fille ou femme dont l'ùge ou la figure pussent rendre mon action suspecte; et, quand je fus bien informé, je déclarai à souper mon projet d'aller à la chasse le lendemain. Ici je dois rendre justice à ma Présidente sans doute elle eut quelques remords des ordres qu'elle avait donnés; et, n'ayant pas la force de vaincre sa curiosité, elle eut au moins celle de contrarier mon désir. Il devait faire une chaleur excessive; je risquais de me rendre malade; je ne tuerais rien et me fatiguerais en vain; et, pendant ce dialogue, ses yeux, qui parlaient peut-ÃÂȘtre mieux qu'elle ne voulait, me faisaient assez connaÃtre qu'elle désirait que je prisse pour bonnes ces mauvaises raisons. Je n'avais garde de m'y rendre, comme vous pouvez croire, et je résistai de mÃÂȘme à une petite diatribe contre la chasse et les Chasseurs, et à un petit nuage d'humeur qui obscurcit, toute la soirée, cette figure céleste. Je craignis un moment que ses ordres ne fussent révoqués, et que sa délicatesse ne me nuisÃt. Je ne calculais pas la curiosité d'une femme; aussi me trompais- je. Mon Chasseur me rassura dÚs le soir mÃÂȘme, et je me couchai satisfait. Au point du jour je me lÚve et je pars. A peine à cinquante pas du Chùteau, j'aperçois mon espion qui me suit. J'entre en chasse, et marche à travers champs vers le Village oÃÂč je voulais me rendre; sans autre plaisir, dans ma route, que de faire courir le drÎle qui me suivait, et qui, n'osant pas quitter les chemins, parcourait souvent, à toute course, un espace triple du mien. A force de l'exercer, j'ai eu moi-mÃÂȘme une extrÃÂȘme chaleur, et je me suis assis au pied d'un arbre. N'a-t-il pas eu l'insolence de se couler derriÚre un buisson qui n'était pas à vingt pas de moi, et de s'y asseoir aussi? J'ai été tenté un moment de lui envoyer mon coup de fusil, qui, quoique de petit plomb seulement, lui aurait donné une leçon suffisante sur les dangers de la curiosité heureusement pour lui, je me suis ressouvenu qu'il était utile et mÃÂȘme nécessaire à mes projets; cette réflexion l'a sauvé. Cependant j'arrive au Village; je vois de la rumeur; je m'avance j'interroge; on me raconte le fait. Je fais venir le Collecteur; et, cédant à ma généreuse compassion, je paie noblement cinquante-six livres, pour lesquelles on réduisait cinq personnes à la paille et au désespoir. AprÚs cette action si simple, vous n'imaginez pas quel chÅ“ur de bénédictions retentit autour de moi de la part des assistants! Quelles larmes de reconnaissance coulaient des yeux du vieux chef de cette famille, et embellissaient cette figure de Patriarche, qu'un moment auparavant l'empreinte farouche du désespoir rendait vraiment hideuse! J'examinais ce spectacle, lorsqu'un autre paysan, plus jeune, conduisant par la main une femme et deux enfants, et s'avançant vers moi à pas précipités, leur dit " Tombons tous aux pieds de cette image de Dieu " , et dans le mÃÂȘme instant, j'ai été entouré de cette famille, prosternée à mes genoux. J'avouerai ma faiblesse; mes yeux se sont mouillés de larmes, et j'ai senti en moi un mouvement involontaire, mais délicieux. J'ai été étonné du plaisir qu'on éprouve en faisant le bien; et je serais tenté de croire que ce que nous appelons les gens vertueux n'ont pas tant de mérite qu'on se plaÃt à nous le dire. Quoi qu'il en soit, j'ai trouvé juste de payer à ces pauvres gens le plaisir qu'ils venaient de me faire. J'avais pris dix louis sur moi; je les leur ai donnés. Ici ont recommencé les remerciements, mais ils n'avaient plus ce mÃÂȘme degré de pathétique le nécessaire avait produit le grand, le véritable effet; le reste n'était qu'une simple expression de reconnaissance et d'étonnement pour des dons superflus. Cependant, au milieu des bénédictions bavardes de cette famille, je ne ressemblais pas mal au Héros d'un Drame, dans la scÚne du dénouement. Vous remarquerez que dans cette foule était surtout le fidÚle espion. Mon but était rempli je me dégageai d'eux tous, et regagnai le Chùteau. Tout calculé, je me félicite de mon invention. Cette femme vaut bien sans doute que je me donne tant de soins; ils seront un jour mes titres auprÚs d'elle; et l'ayant, en quelque sorte, ainsi payée d'avance, j'aurai le droit d'en disposer à ma fantaisie, sans avoir de reproche à me faire. J'oubliais de vous dire que pour mettre tout à profit, j'ai demandé à ces bonnes gens de prier Dieu pour le succÚs de mes projets. Vous allez voir si déjà leurs priÚres n'ont pas été en partie exaucées... Mais on m'avertit que le souper est servi, et il serait trop tard pour que cette Lettre partÃt si je ne la fermais qu'en me retirant. Ainsi, le reste à l'ordinaire prochain . J'en suis fùché, car le reste est le meilleur. Adieu, ma belle amie. Vous me volez un moment du plaisir de la voir. De ..., ce 20 août 17** LETTRE XXII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES Vous serez sans doute bien aise, Madame, de connaÃtre un trait de M. de Valmont, qui contraste beaucoup, ce me semble, avec tous ceux sous lesquels on vous l'a représenté. Il est si pénible de penser désavantageusement de qui que ce soit, si fùcheux de ne trouver que des vices chez ceux qui auraient toutes les qualités nécessaires pour faire aimer la vertu! Enfin vous aimez tant à user d'indulgence, que c'est vous obliger que de vous donner des motifs de revenir sur un jugement trop rigoureux. M. de Valmont me paraÃt fondé à espérer cette faveur, je dirais presque cette justice; et voici sur quoi je le pense. Il a fait ce matin une de ces courses qui pouvaient faire supposer quelque projet de sa part dans les environs, comme l'idée vous en était venue; idée que je m'accuse d'avoir saisie peut-ÃÂȘtre avec trop de vivacité. Heureusement pour lui, et surtout heureusement pour nous, puisque cela nous sauve d'ÃÂȘtre injustes, un de mes gens devait aller du mÃÂȘme cÎté que lui [Madame de Tourvel n'ose donc pas dire que c'était par son ordre?]; et c'est par là que ma curiosité répréhensible, mais heureuse, a été satisfaite. Il nous a rapporté que M. de Valmont, ayant trouvé au Village de ... une malheureuse famille dont on vendait les meubles, faute d'avoir pu payer les impositions, non seulement s'était empressé d'acquitter la dette de ces pauvres gens, mais mÃÂȘme leur avait donné une somme d'argent assez considérable. Mon Domestique a été témoin de cette vertueuse action; et il m'a rapporté de plus que les paysans, causant entre eux et avec lui, avaient dit qu'un Domestique, qu'ils ont désigné, et que le mien croit ÃÂȘtre celui de M. de Valmont, avait pris hier des informations sur ceux des habitants du Village qui pouvaient avoir besoin de secours. Si cela est ainsi, ce n'est mÃÂȘme plus seulement une compassion passagÚre, et que l'occasion détermine c'est le projet formé de faire du bien; c'est la sollicitude de la bienfaisance; c'est la plus belle vertu des plus belles ùmes; mais, soit hasard ou projet, c'est toujours une action honnÃÂȘte et louable, et dont le seul récit m'a attendrie jusqu'aux larmes. J'ajouterai de plus, et toujours par justice, que quand je lui ai parlé de cette action, de laquelle il ne disait mot, il a commencé par s'en défendre, et a eu l'air d'y mettre si peu de valeur lorsqu'il en est convenu, que sa modestie en doublait le mérite. A présent, dites-moi, ma respectable amie, si M. de Valmont est en effet un libertin sans retour? S'il n'est que cela et se conduit ainsi, que restera-t-il aux gens honnÃÂȘtes? Quoi! les méchants partageraient-ils avec les bons le plaisir sacré de la bienfaisance? Dieu permettrait-il qu'une famille vertueuse reçût, de la main d'un scélérat, des secours dont elle rendrait grùce à sa divine Providence? et pourrait-il se plaire à entendre des bouches pures répandre leurs bénédictions sur un réprouvé? Non. J'aime mieux croire que des erreurs, pour ÃÂȘtre longues, ne sont pas éternelles; et je ne puis penser que celui qui fait du bien soit l'ennemi de la vertu. M. de Valmont n'est peut-ÃÂȘtre qu'un exemple de plus du danger des liaisons. Je m'arrÃÂȘte à cette idée qui me plaÃt. Si, d'une part, elle peut servir à le justifier dans votre esprit, de l'autre, elle me rend de plus en plus précieuse l'amitié tendre qui m'unit à vous pour la vie. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. Madame de Rosemonde et moi nous allons, dans l'instant, voir aussi l'honnÃÂȘte et malheureuse famille, et joindre nos secours tardifs à ceux de M. de Valmont. Nous le mÚnerons avec nous. Nous donnerons au moins à ces bonnes gens le plaisir de revoir leur bienfaiteur; c'est, je crois, tout ce qu'il nous a laissé à faire. De ..., ce 20 août 17** LETTRE XXIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Nous en sommes restés à mon retour au Chùteau je reprends mon récit. Je n'eus que le temps de faire une courte toilette, et je me rendis au salon, oÃÂč ma Belle faisait de la tapisserie, tandis que le Curé du lieu lisait la Gazette à ma vieille tante. J'allai m'asseoir auprÚs du métier. Des regards, plus doux encore que de coutume, et presque caressants, me firent bientÎt deviner que le Domestique avait déjà rendu compte de sa mission. En effet, mon aimable Curieuse ne put garder plus longtemps le secret qu'elle m'avait dérobé; et, sans crainte d'interrompre un vénérable Pasteur dont le débit ressemblait pourtant à celui d'un prÎne " J'ai bien aussi ma nouvelle à débiter " , dit-elle; et tout de suite elle raconta mon aventure avec une exactitude qui faisait honneur à l'intelligence de son Historien. Vous jugez comme je déployai toute ma modestie mais qui pourrait arrÃÂȘter une femme qui fait, sans s'en douter, l'éloge de ce qu'elle aime? Je pris donc le parti de la laisser aller. On eût dit qu'elle prÃÂȘchait le panégyrique d'un Saint. Pendant ce temps, j'observais, non sans espoir, tout ce que promettaient à l'Amour son regard animé, son geste devenu plus libre, et surtout ce son de voix qui, par son altération déjà sensible, trahissait l'émotion de son ùme. A peine elle finissait de parler " Venez, mon neveu, me dit Madame de Rosemonde; venez, que je vous embrasse. " Je sentis aussitÎt que la jolie PrÃÂȘcheuse ne pourrait se défendre d'ÃÂȘtre embrassée à son tour. Cependant elle voulut fuir; mais elle fut bientÎt dans mes bras; et, loin d'avoir la force de résister, à peine lui restait-il celle de se soutenir. Plus j'observe cette femme, et plus elle me paraÃt désirable. Elle s'empressa de retourner à son métier, et eut l'air, pour tout le monde, de recommencer sa tapisserie; mais moi, je m'aperçus bien que sa main tremblante ne lui permettait pas de continuer son ouvrage. AprÚs le dÃner, les Dames voulurent aller voir les infortunés que j'avais si pieusement secourus; je les accompagnai. Je vous sauve l'ennui de cette seconde scÚne de reconnaissance et d'éloges. Mon cÅ“ur, pressé d'un souvenir délicieux, hùte le moment du retour au Chùteau. Pendant la route, ma belle Présidente, plus rÃÂȘveuse qu'à l'ordinaire, ne disait pas un mot. Tout occupé de trouver les moyens de profiter de l'effet qu'avait produit l'événement du jour, je gardais le mÃÂȘme silence. Madame de Rosemonde seule parlait et n'obtenait de nous que des réponses courtes et rares. Nous dûmes l'ennuyer; j'en avais le projet, et il réussit. Aussi, en descendant de voiture, elle passa dans son appartement, et nous laissa tÃÂȘte à tÃÂȘte ma Belle et moi, dans un salon mal éclairé; obscurité douce, qui enhardit l'Amour timide. Je n'eus pas la peine de diriger la conversation oÃÂč je voulais la conduire. La ferveur de l'aimable PrÃÂȘcheuse me servit mieux que n'aurait pu faire mon adresse, " Quand on est si digne de faire le bien, me dit-elle, en arrÃÂȘtant sur moi son doux regard comment passe-t-on sa vie à mal faire? - Je ne mérite, lui répondis-je, ni cet éloge, ni cette censure; et je ne conçois pas qu'avec autant d'esprit que vous en avez, vous ne m'ayez pas encore deviné. Dût ma confiance me nuire auprÚs de vous, vous en ÃÂȘtes trop digne, pour qu'il me soit possible de vous la refuser. Vous trouverez la clef de ma conduite dans un caractÚre malheureusement trop facile. Entouré de gens sans mÅ“urs, j'ai imité leurs vices; j'ai peut-ÃÂȘtre mis de l'Amour propre à les surpasser. Séduit de mÃÂȘme ici par l'exemple des vertus, sans espérer de vous atteindre, j'ai au moins essayé de vous suivre. Eh! peut-ÃÂȘtre l'action dont vous me louez aujourd'hui perdrait- elle tout son prix à vos yeux, si vous en connaissiez le véritable motif! Vous voyez, ma belle amie, combien j'étais prÚs de la vérité. Ce n'est pas à moi, continuai-je, que ces malheureux ont dû mes secours. OÃÂč vous croyez voir une action louable, je ne cherchais qu'un moyen de plaire. Je n'étais, puisqu'il faut le dire, que le faible agent de la Divinité que j'adore. Ici elle voulut m'interrompre; mais je ne lui en donnai pas le temps. Dans ce moment mÃÂȘme, ajoutai-je, mon secret ne m'échappe que par faiblesse. Je m'étais promis de vous le taire; je me faisais un bonheur de rendre à vos vertus comme à vos appas un hommage pur que vous ignoreriez toujours; mais, incapable de tromper, quand j'ai sous les yeux l'exemple de la candeur, je n'aurai point à me reprocher avec vous une dissimulation coupable. Ne croyez pas que je vous outrage par une criminelle espérance. Je serai malheureux, je le sais; mais mes souffrances me seront chÚres; elles me prouveront l'excÚs de mon amour; c'est à vos pieds, c'est dans votre sein que je déposerai mes peines. J'y puiserai des forces pour souffrir de nouveau; j'y trouverai la bonté compatissante, et je me croirai consolé, parce que vous m'aurez plaint. Ô vous que j'adore! écoutez-moi, plaignez-moi, secourez-moi! " Cependant j'étais à ses genoux, et je serrais ses mains dans les miennes mais elle, les dégageant tout à coup, et les croisant sur ses yeux avec l'expression du désespoir " Ah! malheureuse! " s'écria-t-elle; puis elle fondit en larmes. Par bonheur je m'étais livré à tel point, que je pleurais aussi; et, reprenant ses mains, je les baignais de pleurs. Cette précaution était bien nécessaire; car elle était si occupée de sa douleur, qu'elle ne se serait pas aperçue de la mienne, si je n'avais pas trouvé ce moyen de l'en avertir. J'y gagnai de plus de considérer à loisir cette charmante figure, embellie encore par l'attrait puissant des larmes. Ma tÃÂȘte s'échauffait, et j'étais si peu maÃtre de moi, que je fus tenté de profiter de ce moment. Quelle est donc notre faiblesse? quel est l'empire des circonstances, si moi- mÃÂȘme, oubliant mes projets, j'ai risqué de perdre, par un triomphe prématuré, le charme des longs combats et les détails d'une pénible défaite; si, séduit par un désir de jeune homme, j'ai pensé exposer le vainqueur de Madame de Tourvel à ne recueillir, pour fruit de ses travaux, que l'insipide avantage d'avoir eu une femme de plus! Ah! qu'elle se rende, mais qu'elle combatte; que, sans avoir la force de vaincre, elle ait celle de résister; qu'elle savoure à loisir le sentiment de sa faiblesse, et soit contrainte d'avouer sa défaite. Laissons le Braconnier obscur tuer à l'affût le cerf qu'il a surpris; le vrai Chasseur doit le forcer. Ce projet est sublime, n'est-ce pas? mais peut-ÃÂȘtre serai-je à présent au regret de ne l'avoir pas suivi, si le hasard ne fût venu au secours de ma prudence. Nous entendÃmes du bruit. On venait au salon. Madame de Tourvel, effrayée, se leva précipitamment, se saisit d'un des flambeaux, et sortit. Il fallut bien la laisser faire. Ce n'était qu'un Domestique. AussitÎt que j'en fus assuré, je la suivis. A peine eus-je fait quelques pas, que, soit qu'elle me reconnût, soit un sentiment vague d'effroi, je l'entendis précipiter sa marche, et se jeter plutÎt qu'entrer dans son appartement dont elle ferma la porte sur elle. J'y allai; mais la clef était en dedans. Je me gardai bien de frapper; c'eût été lui fournir l'occasion d'une résistance trop facile. J'eus l'heureuse et simple idée de tenter de voir à travers la serrure, et je vis en effet cette femme adorable à genoux, baignée de larmes, et priant avec ferveur. Quel Dieu osait-elle invoquer? en est-il d'assez puissant contre l'Amour? En vain cherche-t-elle à présent des secours étrangers c'est moi qui réglerai son sort. Croyant en avoir assez fait pour un jour, je me retirai aussi dans mon appartement et me mis à vous écrire. J'espérais la revoir au souper; mais elle fit dire qu'elle s'était trouvée indisposée et s'était mise au lit. Madame de Rosemonde voulut monter chez elle, mais la malicieuse malade prétexta un mal de tÃÂȘte qui ne lui permettait de voir personne. Vous jugez qu'aprÚs le souper la veillée fut courte, et que j'eus aussi mon mal de tÃÂȘte. Retiré chez moi, j'écrivis une longue Lettre pour me plaindre de cette rigueur, et je me couchai, avec le projet de la remettre ce matin. J'ai mal dormi, comme vous pouvez voir par la date de cette Lettre. Je me suis levé, et j'ai relu mon EpÃtre. Je me suis aperçu que je ne m'y étais pas assez observé, que j'y montrais plus d'ardeur que d'amour, et plus d'humeur que de tristesse. Il faudra la refaire; mais il faudrait ÃÂȘtre plus calme. J'aperçois le point du jour, et j'espÚre que la fraÃcheur qui l'accompagne m'amÚnera le sommeil. Je vais me remettre au lit; et, quel que soit l'empire de cette femme, je vous promets de ne pas m'occuper tellement d'elle, qu'il ne me reste le temps de songer beaucoup à vous. Adieu, ma belle amie. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc., De ..., ce 21 août 17**, 4 heures du matin. LETTRE XXIV LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Ah! par pitié, Madame, daignez calmer le trouble de mon ùme; daignez m'apprendre ce que je dois espérer ou craindre. Placé entre l'excÚs du bonheur et celui de l'infortune, l'incertitude est un tourment cruel. Pourquoi vous ai-je parlé? que n'ai-je pu résister au charme impérieux qui vous livrait mes pensées? Content de vous adorer en silence, je jouissais au moins de mon amour; et ce sentiment pur, que ne troublait point alors l'image de votre douleur, suffisait à ma félicité mais cette source de bonheur en est devenue une de désespoir, depuis que j'ai vu couler vos larmes; depuis que j'ai entendu ce cruel Ah! malheureuse! Madame, ces deux mots retentiront longtemps dans mon cÅ“ur. Par quelle fatalité, le plus doux des sentiments ne peut-il vous inspirer que l'effroi? quelle est donc cette crainte? Ah! ce n'est pas celle de le partager votre cÅ“ur, que j'ai mal connu, n'est pas fait pour l'Amour; le mien, que vous calomniez sans cesse, est le seul qui soit sensible; le vÎtre est mÃÂȘme sans pitié. S'il n'en était pas ainsi, vous n'auriez pas refusé un mot de consolation au malheureux qui vous racontait ses souffrances; vous ne vous seriez pas soustraite à ses regards, quand il n'a d'autre plaisir que celui de vous voir; vous ne vous seriez pas fait un jeu cruel de son inquiétude, en lui faisant annoncer que vous étiez malade sans lui permettre d'aller s'informer de votre état; vous auriez senti que cette mÃÂȘme nuit, qui n'était pour vous que douze heures de repos, allait ÃÂȘtre pour lui un siÚcle de douleurs. Par oÃÂč, dites-moi, ai-je mérité cette rigueur désolante? Je ne crains pas de vous prendre pour juge qu'ai-je donc fait? que céder à un sentiment involontaire, inspiré par la beauté et justifié par la vertu; toujours contenu par le respect, et dont l'innocent aveu fut l'effet de la confiance et non de l'espoir la trahirez-vous cette confiance que vous-mÃÂȘme avez semblé me permettre, et à laquelle je me suis livré sans réserve? Non, je ne puis le croire; ce serait vous supposer un tort, et mon cÅ“ur se révolte à la seule idée de vous en trouver un je désavoue mes reproches; j'ai pu les écrire, mais non pas les penser. Ah! laissez-moi vous croire parfaite, c'est le seul plaisir qui me reste. Prouvez-moi que vous l'ÃÂȘtes en m'accordant vos soins généreux. Quel malheureux avez- vous secouru, qui en eût autant de besoin que moi? ne m'abandonnez pas dans le délire oÃÂč vous m'avez plongé prÃÂȘtez-moi votre raison, puisque vous avez ravi la mienne; aprÚs m'avoir corrigé, éclairez-moi pour finir votre ouvrage. Je ne veux pas vous tromper, vous ne parviendrez point à vaincre mon amour; mais vous m'apprendrez à le régler en guidant mes démarches, en dictant mes discours, vous me sauverez au moins du malheur affreux de vous déplaire. Dissipez surtout cette crainte désespérante; dites-moi que vous me pardonnez, que vous me plaignez; assurez-moi de votre indulgence. Vous n'aurez jamais toute celle que je vous désirerais; mais je réclame celle dont j'ai besoin me la refuserez-vous? Adieu, Madame, recevez avec bonté l'hommage de mes sentiments; il ne nuit point à celui de mon respect. De ..., ce 20 août 17** LETTRE XXV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Voici le bulletin d'hier. A onze heures j'entrai chez Madame de Rosemonde et, sous ses auspices, je fus introduit chez la feinte malade, qui était encore couchée. Elle avait les yeux trÚs battus; j'espÚre qu'elle avait aussi mal dormi que moi. Je saisis un moment, oÃÂč Madame de Rosemonde s'était éloignée, pour remettre ma Lettre on refusa de la prendre; mais je la laissai sur le lit, et allai bien honnÃÂȘtement approcher le fauteuil de ma vieille tante, qui voulait ÃÂȘtre auprÚs de son cher enfant il fallut bien serrer la Lettre pour éviter le scandale. La malade dit maladroitement qu'elle croyait avoir un peu de fiÚvre. Madame de Rosemonde m'engagea à lui tùter le pouls, en vantant beaucoup mes connaissances en médecine. Ma Belle eut donc le double chagrin d'ÃÂȘtre obligée de me livrer son bras, et de sentir que son petit mensonge allait ÃÂȘtre découvert. En effet, je pris sa main que je serrai dans une des miennes, pendant que de l'autre, je parcourais son bras frais et potelé; la malicieuse personne ne répondit à rien, ce qui me fit dire en me retirant " Il n'y a pas mÃÂȘme la plus légÚre émotion. " Je me doutai que ses regards devaient ÃÂȘtre sévÚres, et, pour la punir, je ne les cherchai pas un moment aprÚs, elle dit qu'elle voulait se lever, et nous la laissùmes seule. Elle parut au dÃner qui fut triste; elle annonça qu'elle n'irait pas se promener, ce qui était me dire que je n'aurais pas l'occasion de lui parler. Je sentis bien qu'il fallait placer là un soupir et un regard douloureux sans doute elle s'y attendait, car ce fut le seul moment de la journée oÃÂč je parvins à rencontrer ses yeux. Toute sage qu'elle est, elle a ses petites ruses comme une autre. Je trouvai le moment de lui demander si elle avait eu la bonté de m'instruire de mon sort , et je fus un peu étonné de l'entendre me répondre Oui, Monsieur, je vous ai écrit . J'étais fort empressé d'avoir cette Lettre; mais soit ruse encore, ou maladresse, ou timidité, elle ne me la remit que le soir, au moment de se retirer chez elle. Je vous l'envoie ainsi que le brouillon de la mienne; lisez et jugez voyez avec quelle insigne fausseté elle affirme qu'elle n'a point d'amour, quand je suis sûr du contraire; et puis elle se plaindra si je la trompe aprÚs, quand elle ne craint pas de me tromper avant! Ma belle amie, l'homme le plus adroit ne peut encore que se tenir au niveau de la femme la plus vraie. Il faudra pourtant feindre de croire à tout ce radotage, et se fatiguer de désespoir, parce qu'il plaÃt à Madame de jouer la rigueur! Le moyen de ne pas se venger de ces noirceurs-là ... ah! patience... mais adieu. J'ai encore beaucoup à écrire. A propos, vous me renverrez la Lettre de l'inhumaine; il se pourrait faire que par la suite elle voulût qu'on mÃt du prix à ces misÚres-là , et il faut ÃÂȘtre en rÚgle. Je ne vous parle pas de la petite Volanges; nous en causerons au premier jour. Du Chùteau, ce 22 août 17** LETTRE XXVI LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Sûrement, Monsieur, vous n'auriez eu aucune Lettre de moi, si ma sotte conduite d'hier au soir ne me forçait d'entrer aujourd'hui en explication avec vous. Oui, j'ai pleuré, je l'avoue peut-ÃÂȘtre aussi les deux mots que vous me citez avec tant de soin me sont-ils échappés; larmes et paroles, vous avez tout remarqué; il faut donc vous expliquer tout. Accoutumée à n'inspirer que des sentiments honnÃÂȘtes, à n'entendre que des discours que je puis écouter sans rougir, à jouir par conséquent d'une sécurité que j'ose dire que je mérite; je ne sais ni dissimuler ni combattre les impressions que j'éprouve. L'étonnement et l'embarras oÃÂč m'a jetée votre procédé; je ne sais quelle crainte, inspirée par une situation qui n'eût jamais dû ÃÂȘtre faite pour moi, peut-ÃÂȘtre l'idée révoltante de me voir confondue avec les femmes que vous méprisez, et traitée aussi légÚrement qu'elles; toutes ces causes réunies ont provoqué mes larmes, et ont pu me faire dire, avec raison je crois, que j'étais malheureuse. Cette expression, que vous trouvez si forte, serait sûrement beaucoup trop faible encore, si mes pleurs et mes discours avaient eu un autre motif; si au lieu de désapprouver des sentiments qui doivent m'offenser, j'avais pu craindre de les partager. Non, Monsieur, je n'ai pas cette crainte; si je l'avais, je fuirais à cent lieues de vous; j'irais pleurer dans un désert le malheur de vous avoir connu. Peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme, malgré la certitude oÃÂč je suis de ne point vous aimer jamais, peut-ÃÂȘtre aurais-je mieux fait de suivre les conseils de mes amis; de ne pas vous laisser approcher de moi. J'ai cru, et c'est là mon seul tort, j'ai cru que vous respecteriez une femme honnÃÂȘte, qui ne demandait pas mieux que de vous trouver tel et de vous rendre justice; qui déjà vous défendait, tandis que vous l'outragiez par vos vÅ“ux criminels. Vous ne me connaissez pas; non, Monsieur, vous ne me connaissez pas. Sans cela, vous n'auriez pas cru vous faire un droit de vos torts parce que vous m'avez tenu des discours que je ne devais pas entendre, vous ne vous seriez pas cru autorisé à m'écrire une Lettre que je ne devais pas lire, et vous me demandez de guider vos démarches, de dicter vos discours ! Hé bien, Monsieur, le silence et l'oubli, voilà les conseils qu'il me convient de vous donner, comme à vous de les suivre; alors, vous aurez, en effet, des droits à mon indulgence il ne tiendrait qu'à vous d'en obtenir mÃÂȘme à ma reconnaissance... Mais non, je ne ferai point une demande à celui qui ne m'a point respectée; je ne donnerai point une marque de confiance à celui qui a abusé de ma sécurité. Vous me forcez à vous craindre, peut-ÃÂȘtre à vous haïr je ne le voulais pas; je ne voulais voir en vous que le neveu de ma plus respectable amie; j'opposais la voix de l'amitié à la voix publique qui vous accusait. Vous avez tout détruit; et, je le prévois, vous ne voudrez rien réparer. Je m'en tiens, Monsieur, à vous déclarer que vos sentiments m'offensent, que leur aveu m'outrage, et surtout que, loin d'en venir un jour à les partager, vous me forceriez à ne vous revoir jamais, si vous ne vous imposiez sur cet objet un silence qu'il me semble avoir droit d'attendre, et mÃÂȘme d'exiger de vous. Je joins à cette Lettre celle que vous m'avez écrite, et j'espÚre que vous voudrez bien de mÃÂȘme me remettre celle-ci; je serais vraiment peinée qu'il restùt aucune trace d'un événement qui n'eût jamais dû exister. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. De ..., ce 21 août 17** LETTRE XXVII CECILE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Mon Dieu, que vous ÃÂȘtes bonne, Madame! comme vous avez bien senti qu'il me serait plus facile de vous écrire que de vous parler! Aussi, c'est que ce que j'ai à vous dire est bien difficile; mais vous ÃÂȘtes mon amie, n'est-il pas vrai? Oh! oui, ma bien bonne amie! Je vais tùcher de n'avoir pas peur; et puis, j'ai tant besoin de vous, de vos conseils! J'ai bien du chagrin, il me semble que tout le monde devine ce que je pense; et surtout quand il est là , je rougis dÚs qu'on me regarde. Hier, quand vous m'avez vue pleurer, c'est que je voulais vous parler, et puis, je ne sais quoi m'en empÃÂȘchait; et quand vous m'avez demandé ce que j'avais, mes larmes sont venues malgré moi. Je n'aurais pas pu dire une parole. Sans vous, Maman allait s'en apercevoir, et qu'est-ce que je serais devenue? Voilà pourtant comme je passe ma vie, surtout depuis quatre jours! C'est ce jour-là , Madame, oui je vais vous le dire, c'est ce jour-là que M. le Chevalier Danceny m'a écrit oh! je vous assure que quand j'ai trouvé sa Lettre, je ne savais pas du tout ce que c'était; mais, pour ne pas mentir, je ne peux pas dire que je n'aie eu bien du plaisir en la lisant; voyez- vous, j'aimerais mieux avoir du chagrin toute ma vie, que s'il ne me l'eût pas écrite. Mais je savais bien que je ne devais pas le lui dire, et je peux bien vous assurer mÃÂȘme que je lui ai dit que j'en étais fùchée; mais il dit que c'était plus fort que lui, et je le crois bien; car j'avais résolu de ne lui pas répondre, et pourtant je n'ai pas pu m'en empÃÂȘcher. Oh! je ne lui ai écrit qu'une fois, et mÃÂȘme c'était, en partie, pour lui dire de ne plus m'écrire mais malgré cela il m'écrit toujours; et comme je ne lui réponds pas, je vois bien qu'il est triste, et ça m'afflige encore davantage si bien que je ne sais plus que faire, ni que devenir, et que je suis bien à plaindre. Dites-moi, je vous en prie, Madame, est-ce que ce serait bien mal de lui répondre de temps en temps? seulement jusqu'à ce qu'il ait pu prendre sur lui de ne plus m'écrire lui-mÃÂȘme, et de rester comme nous étions avant car, pour moi, si cela continue, je ne sais pas ce que je deviendrai. Tenez, en lisant sa derniÚre Lettre, j'ai pleuré que ça ne finissait pas; et je suis bien sûre que si je ne lui réponds pas encore, ça nous fera bien de la peine. Je vais vous envoyer sa Lettre aussi, ou bien une copie, et vous jugerez; vous verrez bien que ce n'est rien de mal qu'il demande. Cependant si vous trouvez que ça ne se doit pas, je vous promets de m'en empÃÂȘcher; mais je crois que vous penserez comme moi, que ce n'est pas là du mal. Pendant que j'y suis, Madame, permettez-moi de vous faire encore une question on m'a bien dit que c'était mal d'aimer quelqu'un; mais pourquoi cela? Ce qui me fait vous le demander, c'est que M. le Chevalier Danceny prétend que ce n'est pas mal du tout, et que presque tout le monde aime; si cela était, je ne vois pas pourquoi je serais la seule à m'en empÃÂȘcher; ou bien est-ce que ce n'est un mal que pour les demoiselles? car j'ai entendu Maman elle-mÃÂȘme dire que Madame D... aimait M. M... et elle n'en parlait pas comme d'une chose qui serait si mal; et pourtant je suis sûre qu'elle se fùcherait contre moi, si elle se doutait seulement de mon amitié pour M. Danceny. Elle me traite toujours comme un enfant, Maman; et elle ne me dit rien du tout. Je croyais, quand elle m'a fait sortir du Couvent, que c'était pour me marier; mais à présent il me semble que non ce n'est pas que je m'en soucie, je vous assure; mais vous, qui ÃÂȘtes si amie avec elle, vous savez peut-ÃÂȘtre ce qui en est, et si vous le savez, j'espÚre que vous me le direz. Voilà une bien longue Lettre, Madame, mais puisque vous m'avez permis de vous écrire, j'en ai profité pour vous dire tout, et je compte sur votre amitié. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. Paris, ce 23 août 17** LETTRE XXVIII LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Eh! quoi, Mademoiselle, vous refusez toujours de me répondre! rien ne peut vous fléchir; et chaque jour emporte avec lui l'espoir qu'il avait amené! Quelle est donc cette amitié que vous consentez qui subsiste entre nous, si elle n'est pas mÃÂȘme assez puissante pour vous rendre sensible à ma peine; si elle vous laisse froide et tranquille, tandis que j'éprouve les tourments d'un feu que je ne puis éteindre; si, loin de vous inspirer de la confiance, elle ne suffit pas mÃÂȘme à faire naÃtre votre pitié? Quoi! votre ami souffre et vous ne faites rien pour le secourir! Il ne vous demande qu'un mot, et vous le lui refusez! et vous voulez qu'il se contente d'un sentiment si faible, dont vous craignez encore de lui réitérer les assurances! Vous ne voudriez pas ÃÂȘtre ingrate, disiez-vous hier ah! croyez-moi, Mademoiselle, vouloir payer de l'Amour avec de l'amitié, ce n'est pas craindre l'ingratitude, c'est redouter seulement d'en avoir l'air. Cependant je n'ose plus vous entretenir d'un sentiment qui ne peut que vous ÃÂȘtre à charge, s'il ne vous intéresse pas; il faut au moins le renfermer en moi-mÃÂȘme, en attendant que j'apprenne à le vaincre. Je sens combien ce travail sera pénible; je ne me dissimule pas que j'aurai besoin de toutes mes forces; je tenterai tous les moyens il en est un qui coûtera le plus à mon cÅ“ur, ce sera celui de me répéter souvent que le vÎtre est insensible. J'essaierai mÃÂȘme de vous voir moins, et déjà je m'occupe d'en trouver un prétexte plausible. Quoi! je perdrais la douce habitude de vous voir chaque jour! Ah! du moins je ne cesserai jamais de la regretter. Un malheur éternel sera le prix de l'Amour le plus tendre; et vous l'aurez voulu, et ce sera votre ouvrage! Jamais, je le sens, je ne retrouverai le bonheur que je perds aujourd'hui; vous seule étiez faite pour mon cÅ“ur; avec quel plaisir je ferais le serment de ne vivre que pour vous. Mais vous ne voulez pas le recevoir; votre silence m'apprend assez que votre cÅ“ur ne vous dit rien pour moi; il est à la fois la preuve la plus sûre de votre indifférence, et la maniÚre la plus cruelle de me l'annoncer. Adieu, Mademoiselle. Je n'ose plus me flatter d'une réponse; l'Amour l'eût écrite avec empressement, l'amitié avec plaisir, la pitié mÃÂȘme avec complaisance mais la pitié, l'amitié et l'Amour sont également étrangers à votre cÅ“ur. Paris, ce 23 août 17** LETTRE XXIX CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je te le disais bien, Sophie, qu'il y avait des cas oÃÂč on pouvait écrire; et je t'assure que je me reproche bien d'avoir suivi ton avis, qui nous a tant fait de peine, au Chevalier Danceny et à moi. La preuve que j'avais raison, c'est que Madame de Merteuil, qui est une femme qui sûrement le sait bien, a fini par penser comme moi. Je lui ai tout avoué. Elle m'a bien dit d'abord comme toi mais quand je lui ai eu tout expliqué, elle est convenue que c'était bien différent; elle exige seulement que je lui fasse voir toutes mes Lettres et toutes celles du Chevalier Danceny, afin d'ÃÂȘtre sûre que je ne dirai que ce qu'il faudra; ainsi, à présent, me voilà tranquille. Mon Dieu, que je l'aime Madame de Merteuil! elle est si bonne! et c'est une femme bien respectable. Ainsi il n'y a rien à dire. Comme je m'en vais écrire à M. Danceny, et comme il va ÃÂȘtre content! il le sera encore plus qu'il ne croit; car jusqu'ici je ne lui parlais que de mon amitié, et lui voulait toujours que je dise mon amour. Je crois que c'était bien la mÃÂȘme chose; mais enfin je n'osais pas, et il tenait à cela. Je l'ai dit à Madame de Merteuil; elle m'a dit que j'avais eu raison, et qu'il ne fallait convenir d'avoir de l'Amour, que quand on ne pouvait plus s'en empÃÂȘcher or je suis bien sûre que je ne pourrai pas m'en empÃÂȘcher plus longtemps; aprÚs tout c'est la mÃÂȘme chose, et cela lui plaira davantage. Madame de Merteuil m'a dit aussi qu'elle me prÃÂȘterait des Livres qui parlaient de tout cela, et qui m'apprendraient bien à me conduire, et aussi à mieux écrire que je ne fais car, vois-tu, elle me dit tous mes défauts, ce qui est une preuve qu'elle m'aime bien; elle m'a recommandé seulement de ne rien dire à Maman de ces Livres-là parce que ça aurait l'air de trouver qu'elle a trop négligé mon éducation, et ça pourrait la fùcher. Oh! je ne lui en dirai rien. C'est pourtant bien extraordinaire qu'une femme qui ne m'est presque pas parente prenne plus de soin de moi que ma mÚre! c'est bien heureux pour moi de l'avoir connue! Elle a demandé aussi à Maman de me mener aprÚs-demain à l'Opéra, dans sa loge; elle m'a dit que nous y serions toutes seules, et nous causerons tout le temps, sans craindre qu'on nous entende j'aime bien mieux cela que l'Opéra. Nous causerons aussi de mon mariage car elle m'a dit que c'était bien vrai que j'allais me marier; mais nous n'avons pas pu en dire davantage. Par exemple, n'est-ce pas encore bien étonnant que Maman ne m'en dise rien du tout? Adieu, ma Sophie, je m'en vas écrire au Chevalier Danceny. Oh! je suis bien contente. De ..., ce 24 août 17** LETTRE XXX CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Enfin, Monsieur, je consens à vous écrire, à vous assurer de mon amitié, de mon amour , puisque, sans cela, vous seriez malheureux. Vous dites que je n'ai pas bon cÅ“ur; je vous assure bien que vous vous trompez, et j'espÚre qu'à présent vous n'en doutez plus. Si vous avez du chagrin de ce que je ne vous écrivais pas, croyez-vous que ça ne me faisait pas de la peine aussi? Mais c'est que, pour toute chose au monde, je ne voudrais pas faire quelque chose qui fût mal; et mÃÂȘme je ne serais sûrement pas convenue de mon amour, si j'avais pu m'en empÃÂȘcher mais votre tristesse me faisait trop de peine. J'espÚre qu'à présent vous n'en aurez plus, et que nous allons ÃÂȘtre bien heureux. Je compte avoir le plaisir de vous voir ce soir, et que vous viendrez de bonne heure; ce ne sera jamais aussi tÎt que je le désire. Maman soupe chez elle, et je crois qu'elle vous proposera d'y rester j'espÚre que vous ne serez pas engagé comme avant-hier. C'était donc bien agréable, le souper oÃÂč vous alliez? car vous y avez été de bien bonne heure. Mais enfin ne parlons pas de ça à présent que vous savez que je vous aime, j'espÚre que vous resterez avec moi le plus que vous pourrez; car je ne suis contente que lorsque je suis avec vous, et je voudrais bien que vous fussiez tout de mÃÂȘme. Je suis bien fùchée que vous ÃÂȘtes encore triste à présent, mais ce n'est pas ma faute. Je demanderai à jouer de la harpe aussitÎt que vous serez arrivé, afin que vous ayez ma lettre tout de suite. Je ne peux mieux faire... Adieu, Monsieur. Je vous aime bien, de tout mon cÅ“ur; plus je vous le dis, plus je suis contente; j'espÚre que vous le serez aussi. De ..., ce 24 août 17** LETTRE XXXI LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Oui, sans doute, nous serons heureux. Mon bonheur est bien sûr, puisque je suis aimé de vous; le vÎtre ne finira jamais, s'il doit durer autant que l'Amour que vous m'avez inspiré. Quoi! vous m'aimez, vous ne craignez plus de m'assurer de votre amour! Plus vous me le dites, et plus vous ÃÂȘtes contente! AprÚs avoir lu ce charmant je vous aime , écrit de votre main, j'ai entendu votre belle bouche m'en répéter l'aveu. J'ai vu se fixer sur moi ces yeux charmants qu'embellissait encore l'expression de la tendresse. J'ai reçu vos serments de vivre toujours pour moi. Ah! recevez le mien de consacrer ma vie entiÚre à votre bonheur; recevez-le, et soyez sûre que je ne le trahirai pas. Quelle heureuse journée nous avons passée hier! Ah! pourquoi Madame de Merteuil n'a-t-elle pas tous les jours des secrets à dire à votre Maman? pourquoi faut-il que l'idée de la contrainte qui nous attend vienne se mÃÂȘler au souvenir délicieux qui m'occupe? pourquoi ne puis-je sans cesse tenir cette jolie main qui m'a écrit je vous aime! la couvrir de baisers, et me venger ainsi du refus que vous m'avez fait d'une faveur plus grande! Dites-moi, ma Cécile, quand votre Maman a été rentrée; quand nous avons été forcés, par sa présence, de n'avoir plus l'un pour l'autre que des regards indifférents; quand vous ne pouviez plus me consoler, par l'assurance de votre amour, du refus que vous faisiez de m'en donner des preuves, n'avez-vous donc senti aucun regret? ne vous ÃÂȘtes-vous pas dit Un baiser l'eût rendu plus heureux, et c'est moi qui lui ai ravi ce bonheur? Promettez-moi, mon aimable amie, qu'à la premiÚre occasion vous serez moins sévÚre. A l'aide de cette promesse, je trouverai du courage pour supporter les contrariétés que les circonstances nous préparent; et les privations cruelles seront au moins adoucies par la certitude que vous en partagez le secret. Adieu, ma charmante Cécile voici l'heure oÃÂč je dois me rendre chez vous. Il me serait impossible de vous quitter, si ce n'était pour aller vous revoir. Adieu, vous que j'aime tant! vous, que j'aimerai toujours davantage! De ..., ce 25 août 17** LETTRE XXXII MADAME DE VOLANGES A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Vous voulez donc, Madame, que je croie à la vertu de M. de Valmont? J'avoue que je ne puis m'y résoudre, et que j'aurais autant de peine à le juger honnÃÂȘte, d'aprÚs le seul fait que vous me racontez, qu'à croire vicieux un homme de bien reconnu, dont j'apprendrais une faute. L'humanité n'est parfaite dans aucun genre, pas plus dans le mal que dans le bien. Le scélérat a ses vertus, comme l'honnÃÂȘte homme a ses faiblesses. Cette vérité me paraÃt d'autant plus nécessaire à croire, que c'est d'elle que dérive la nécessité de l'indulgence pour les méchants comme pour les bons; et qu'elle préserve ceux-ci de l'orgueil, et sauve les autres du découragement. Vous trouverez sans doute que je pratique bien mal dans ce moment cette indulgence que je prÃÂȘche; mais je ne vois plus en elle qu'une faiblesse dangereuse, quand elle nous mÚne à traiter de mÃÂȘme le vicieux et l'homme de bien. Je ne me permettrai point de scruter les motifs de l'action de M. de Valmont; je veux croire qu'ils sont louables comme elle mais en a-t-il moins passé sa vie à porter dans les familles le trouble, le déshonneur et le scandale? Ecoutez, si vous voulez, la voix du malheureux qu'il a secouru; mais qu'elle ne vous empÃÂȘche pas d'entendre les cris de cent victimes qu'il a immolées. Quand il ne serait, comme vous le dites, qu'un exemple du danger des liaisons, en serait-il moins lui-mÃÂȘme une liaison dangereuse? Vous le supposez susceptible d'un retour heureux? allons plus loin; supposons ce miracle arrivé. Ne resterait-il pas contre lui l'opinion publique, et ne suffit-elle pas pour régler votre conduite? Dieu seul peut absoudre au moment du repentir; il lit dans les cÅ“urs mais les hommes ne peuvent juger les pensées que par les actions; et nul d'entre eux, aprÚs avoir perdu l'estime des autres, n'a droit de se plaindre de la méfiance nécessaire, qui rend cette perte si difficile à réparer. Songez surtout, ma jeune amie, que quelquefois il suffit, pour perdre cette estime, d'avoir l'air d'y attacher trop peu de prix; et ne taxez pas cette sévérité d'injustice car, outre qu'on est fondé à croire qu'on ne renonce pas à ce bien précieux quand on a droit d'y prétendre, celui-là est en effet plus prÚs de mal faire, qui n'est plus contenu par ce frein puissant. Tel serait cependant l'aspect sous lequel vous montrerait une liaison intime avec M. de Valmont, quelque innocente qu'elle pût ÃÂȘtre. Effrayée de la chaleur avec laquelle vous le défendez, je me hùte de prévenir les objections que je prévois. Vous me citerez Madame de Merteuil, à qui on a pardonné cette liaison; vous me demanderez pourquoi je le reçois chez moi; vous me direz que loin d'ÃÂȘtre rejeté par les gens honnÃÂȘtes, il est admis, recherché mÃÂȘme dans ce qu'on appelle la bonne compagnie. Je peux, je crois, répondre à tout. D'abord Madame de Merteuil, en effet trÚs estimable, n'a peut-ÃÂȘtre d'autre défaut que trop de confiance en ses forces; c'est un guide adroit qui se plaÃt à conduire un char entre les rochers et les précipices, et que le succÚs seul justifie il est juste de la louer, il serait imprudent de la suivre; elle-mÃÂȘme en convient et s'en accuse. A mesure qu'elle a vu davantage, ses principes sont devenus plus sévÚres; et je ne crains pas de vous assurer qu'elle penserait comme moi. Quant à ce qui me regarde, je ne me justifierai pas plus que les autres. Sans doute, je reçois M. de Valmont, et il est reçu partout; c'est une inconséquence de plus à ajouter à mille autres qui gouvernent la société. Vous savez, comme moi, qu'on passe sa vie à les remarquer, à s'en plaindre et à s'y livrer. M. de Valmont, avec un beau nom, une grande fortune, beaucoup de qualités aimables, a reconnu de bonne heure que pour avoir l'empire dans la société, il suffisait de manier, avec une égale adresse, la louange et le ridicule. Nul ne possÚde comme lui ce double talent il séduit avec l'un, et se fait craindre avec l'autre. On ne l'estime pas; mais on le flatte. Telle est son existence au milieu d'un monde qui, plus prudent que courageux, aime mieux le ménager que le combattre. Mais ni Madame de Merteuil elle-mÃÂȘme, ni aucune autre femme, n'oserait sans doute aller s'enfermer à la campagne, presque en tÃÂȘte-à -tÃÂȘte avec un tel homme. Il était réservé à la plus sage, à la plus modeste d'entre elles, de donner l'exemple de cette inconséquence; pardonnez-moi ce mot, il échappe à l'amitié. Ma belle amie, votre honnÃÂȘteté mÃÂȘme vous trahit, par la sécurité qu'elle vous inspire. Songez donc que vous aurez pour juges, d'une part, des gens frivoles, qui ne croiront pas à une vertu dont ils ne trouvent pas le modÚle chez eux; et de l'autre, des méchants qui feindront de n'y pas croire, pour vous punir de l'avoir eue. Considérez que vous faites, dans ce moment, ce que quelques hommes n'oseraient pas risquer. En effet, parmi les jeunes gens, dont M. de Valmont ne s'est que trop rendu l'oracle, je vois les plus sages craindre de paraÃtre liés trop intimement avec lui; et vous, vous ne le craignez pas! Ah! revenez, revenez, je vous en conjure... Si mes raisons ne suffisent pas pour vous persuader, cédez à mon amitié; c'est elle qui me fait renouveler mes instances, c'est à elle à les justifier. Vous la trouvez sévÚre, et je désire qu'elle soit inutile; mais j'aime mieux que vous ayez à vous plaindre de sa sollicitude que de sa négligence. De ..., ce 24 août 17** LETTRE XXXIII LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT DÚs que vous craignez de réussir, mon cher Vicomte, dÚs que votre projet est de fournir des armes contre vous, et que vous désirez moins de vaincre que de combattre, je n'ai plus rien à dire. Votre conduite est un chef-d'Å“uvre de prudence. Elle en serait un de sottise dans la supposition contraire; et pour vous parler vrai, je crains que vous ne vous fassiez illusion. Ce que je vous reproche n'est pas de n'avoir point profité du moment. D'une part, je ne vois pas clairement qu'il fût venu de l'autre, je sais assez, quoi qu'on en dise, qu'une occasion manquée se retrouve, tandis qu'on ne revient jamais d'une démarche précipitée. Mais la véritable école est de vous ÃÂȘtre laissé aller à écrire. Je vous défie à présent de prévoir oÃÂč ceci peut vous mener. Par hasard, espérez-vous prouver à cette femme qu'elle doit se rendre? Il me semble que ce ne peut ÃÂȘtre là qu'une vérité de sentiment, et non de démonstration; et que pour la faire recevoir, il s'agit d'attendrir et non de raisonner; mais à quoi vous servirait d'attendrir par Lettres, puisque vous ne seriez pas là pour en profiter? Quand vos belles phrases produiraient l'ivresse de l'Amour, vous flattez-vous qu'elle soit assez longue pour que la réflexion n'ait pas le temps d'en empÃÂȘcher l'aveu? Songez donc à celui qu'il faut pour écrire une Lettre, à celui qui se passe avant qu'on la remette; et voyez si surtout une femme à principes comme votre Dévote peut vouloir si longtemps ce qu'elle tùche de ne vouloir jamais. Cette marche peut réussir avec les enfants, qui, quand ils écrivent " je vous aime " , ne savent pas qu'ils disent " je me rends " . Mais la vertu raisonneuse de Madame de Tourvel me paraÃt fort bien connaÃtre la valeur des termes. Aussi, malgré l'avantage que vous aviez pris sur elle dans votre conversation, elle vous bat dans sa Lettre. Et puis, savez-vous ce qui arrive? par cela seul qu'on dispute, on ne veut pas céder. A force de chercher de bonnes raisons, on en trouve; on les dit; et aprÚs on y tient, non pas tant parce qu'elles sont bonnes que pour ne pas se démentir. De plus, une remarque que je m'étonne que vous n'ayez pas faite, c'est qu'il n'y a rien de si difficile en amour que d'écrire ce qu'on ne sent pas. Je dis écrire d'une façon vraisemblable ce n'est pas qu'on ne se serve des mÃÂȘmes mots; mais on ne les arrange pas de mÃÂȘme, ou plutÎt on les arrange, et cela suffit. Relisez votre Lettre il y rÚgne un ordre qui vous décÚle à chaque phrase. Je veux croire que votre Présidente est assez peu formée pour ne s'en pas apercevoir mais qu'importe? l'effet n'en est pas moins manqué. C'est le défaut des Romans; l'Auteur se bat les flancs pour s'échauffer, et le Lecteur reste froid. Héloïse est le seul qu'on en puisse excepter; et malgré le talent de l'Auteur, cette observation m'a toujours fait croire que le fond en était vrai. Il n'en est pas de mÃÂȘme en parlant. L'habitude de travailler son organe y donne de la sensibilité; la facilité des larmes y ajoute encore l'expression du désir se confond dans les yeux avec celle de la tendresse; enfin le discours moins suivi amÚne plus aisément cet air de trouble et de désordre, qui est la véritable éloquence de l'Amour; et surtout la présence de l'objet aimé empÃÂȘche la réflexion et nous fait désirer d'ÃÂȘtre vaincues. Croyez-moi, Vicomte on vous demande de ne plus écrire profitez-en pour réparer votre faute et attendez l'occasion de parler. Savez-vous que cette femme a plus de force que je ne croyais? Sa défense est bonne; et sans la longueur de sa Lettre, et le prétexte qu'elle vous donne pour rentrer en matiÚre dans sa phrase de reconnaissance, elle ne se serait pas du tout trahie. Ce qui me paraÃt encore devoir vous rassurer sur le succÚs, c'est qu'elle use trop de forces à la fois; je prévois qu'elle les épuisera pour la défense du mot, et qu'il ne lui en restera plus pour celle de la chose. Je vous renvoie vos deux Lettres, et si vous ÃÂȘtes prudent, ce seront les derniÚres jusqu'aprÚs l'heureux moment. S'il était moins tard, je vous parlerais de la petite Volanges qui avance assez vite et dont je suis fort contente. Je crois que j'aurai fini avant vous, et vous devez en ÃÂȘtre bien heureux. Adieu pour aujourd'hui. De ..., ce 24 août 17** LETTRE XXXIV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Vous parlez à merveille, ma belle amie mais pourquoi vous tant fatiguer à prouver ce que personne n'ignore? Pour aller vite en amour, il vaut mieux parler qu'écrire; voilà , je crois, toute votre Lettre. Eh mais! ce sont les plus simples éléments de l'art de séduire. Je remarquerai seulement que vous ne faites qu'une exception à ce principe, et qu'il y en a deux. Aux enfants qui suivent cette marche par timidité et se livrent par ignorance, il faut joindre les femmes Beaux-Esprits, qui s'y laissent engager par amour-propre, et que la vanité conduit dans le piÚge. Par exemple, je suis bien sûr que la Comtesse de B... qui répondit sans difficulté à ma premiÚre Lettre, n'avait pas alors plus d'amour pour moi que moi pour elle; et qu'elle ne vit que l'occasion de traiter un sujet qui devait lui faire honneur. Quoi qu'il en soit, un Avocat vous dirait que le principe ne s'applique pas à la question. En effet, vous supposez que j'ai le choix entre écrire et parler, ce qui n'est pas. Depuis l'affaire du 19, mon inhumaine, qui se tient sur la défensive, a mis à éviter les rencontres une adresse qui a déconcerté la mienne. C'est au point que si cela continue, elle me forcera à m'occuper sérieusement des moyens de reprendre cet avantage; car assurément je ne veux ÃÂȘtre vaincu par elle en aucun genre. Mes Lettres mÃÂȘmes sont le sujet d'une petite guerre non contente de n'y pas répondre, elle refuse de les recevoir. Il faut pour chacune une ruse nouvelle, et qui ne réussit pas toujours. Vous vous rappelez par quel moyen simple j'avais remis la premiÚre; la seconde n'offrit pas plus de difficulté. Elle m'avait demandé de lui rendre sa Lettre je lui donnai la mienne en place, sans qu'elle eût le moindre soupçon. Mais soit dépit d'avoir été attrapée, soit caprice, ou enfin soit vertu, car elle me forcera d'y croire, elle refusa obstinément la troisiÚme. J'espÚre pourtant que l'embarras oÃÂč a pensé la mettre la suite de ce refus, la corrigera pour l'avenir. Je ne fus pas trÚs étonné qu'elle ne voulût pas recevoir cette Lettre que je lui offrais tout simplement; c'eût été déjà accorder quelque chose, et je m'attends à une plus longue défense. AprÚs cette tentative, qui n'était qu'un essai fait en passant, je mis une enveloppe à ma Lettre; et prenant le moment de la toilette, oÃÂč Madame de Rosemonde et la Femme de chambre étaient présentes, je la lui envoyai par mon Chasseur, avec ordre de lui dire que c'était le papier qu'elle m'avait demandé. J'avais bien deviné qu'elle craindrait l'explication scandaleuse que nécessiterait un refus en effet elle prit la Lettre; et mon Ambassadeur, qui avait ordre d'observer sa figure, et qui ne voit pas mal, n'aperçut qu'une légÚre rougeur et plus d'embarras que de colÚre. Je me félicitais donc, bien sûr, ou qu'elle garderait cette Lettre, ou que si elle voulait me la rendre, il faudrait qu'elle se trouvùt seule avec moi; ce qui me donnerait une occasion de lui parler. Environ une heure aprÚs, un de ses gens entre dans ma chambre et me remet, de la part de sa MaÃtresse, un paquet d'une autre forme que le mien, et sur l'enveloppe duquel je reconnais l'écriture tant désirée. J'ouvre avec précipitation... C'était ma Lettre elle-mÃÂȘme, non décachetée et pliée seulement en deux. Je soupçonne que la crainte que je ne fusse moins scrupuleux qu'elle sur le scandale lui a fait employer cette ruse diabolique. Vous me connaissez; je n'ai pas besoin de vous peindre ma fureur. Il fallut pourtant reprendre son sang-froid, et chercher de nouveaux moyens. Voici le seul que je trouvai. On va d'ici, tous les matins, chercher les Lettres à la Poste, qui est à environ trois quarts de lieue on se sert, pour cet objet, d'une boÃte couverte à peu prÚs comme un tronc, dont le MaÃtre de la Poste a une clef et Madame de Rosemonde l'autre. Chacun y met ses Lettres dans la journée, quand bon lui semble; on les porte le soir à la Poste, et le matin on va chercher celles qui sont arrivées. Tous les gens, étrangers ou autres, font ce service également. Ce n'était pas le tour de mon domestique; mais il se chargea d'y aller, sous le prétexte qu'il avait affaire de ce cÎté. Cependant j'écrivis ma Lettre. Je déguisai mon écriture pour l'adresse, et je contrefis assez bien, sur l'enveloppe, le timbre de Dijon . Je choisis cette Ville, parce que je trouvai plus gai, puisque je demandais les mÃÂȘmes droits que le mari, d'écrire aussi du mÃÂȘme lieu, et aussi parce que ma Belle avait parlé toute la journée du désir qu'elle avait de recevoir des Lettres de Dijon. Il me parut juste de lui procurer ce plaisir. Ces précautions une fois prises, il était facile de faire joindre cette Lettre aux autres. Je gagnais encore à cet expédient d'ÃÂȘtre témoin de la réception car l'usage est ici de se rassembler pour déjeuner et d'attendre l'arrivée des Lettres avant de se séparer. Enfin elles arrivÚrent. Madame de Rosemonde ouvrit la boÃte. " De Dijon " , dit-elle, en donnant la Lettre à Madame de Tourvel. " Ce n'est pas l'écriture de mon mari " , reprit celle-ci d'une voix inquiÚte, en rompant le cachet avec vivacité le premier coup d'oeil l'instruisit; et il se fit une telle révolution sur sa figure que Madame de Rosemonde s'en aperçut, et lui dit " Qu'avez-vous? " Je m'approchai aussi, en disant " Cette Lettre est donc bien terrible? " La timide Dévote n'osait lever les yeux, ne disait mot, et, pour sauver son embarras, feignait de parcourir l'EpÃtre, qu'elle n'était guÚre en état de lire. Je jouissais de son trouble, et n'étais pas fùché de la pousser un peu " Votre air plus tranquille, ajoutai-je, fait espérer que cette Lettre vous a causé plus d'étonnement que de douleur. " La colÚre alors l'inspira mieux que n'eût pu faire la prudence. " Elle contient, répondit-elle, des choses qui m'offensent, et que je suis étonnée qu'on ait osé m'écrire. " - " Et qui donc? " interrompit Madame de Rosemonde. " Elle n'est pas signée " , répondit la belle courroucée " mais la Lettre et son Auteur m'inspirent un égal mépris. On m'obligera de ne m'en plus parler. " En disant ces mots, elle déchira l'audacieuse missive, en mit les morceaux dans sa poche, se leva, et sortit. Malgré cette colÚre, elle n'en a pas moins eu ma Lettre; et je m'en remets bien à sa curiosité, du soin de l'avoir lue en entier. Le détail de la journée me mÚnerait trop loin. Je joins à ce récit le brouillon de mes deux Lettres vous serez aussi instruite que moi. Si vous voulez ÃÂȘtre au courant de ma correspondance, il faut vous accoutumer à déchiffrer mes minutes car pour rien au monde, je ne dévorerais l'ennui de les recopier. Adieu, ma belle amie. De ..., ce 25 août 17** LETTRE XXXV LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Il faut vous obéir, Madame, il faut vous prouver qu'au milieu des torts que vous vous plaisez à me croire, il me reste au moins assez de délicatesse pour ne pas me permettre un reproche, et assez de courage pour m'imposer les plus douloureux sacrifices. Vous m'ordonnez le silence et l'oubli! eh bien! je forcerai mon amour à se taire; et j'oublierai, s'il est possible, la façon cruelle dont vous l'avez accueilli. Sans doute le désir de vous plaire n'en donnait pas le droit, et j'avoue encore que le besoin que j'avais de votre indulgence n'était pas un titre pour l'obtenir mais vous regardez mon amour comme un outrage; vous oubliez que si ce pouvait ÃÂȘtre un tort, vous en seriez à la fois, et la cause et l'excuse. Vous oubliez aussi qu'accoutumé à vous ouvrir mon ùme, lors mÃÂȘme que cette confiance pouvait me nuire, il ne m'était plus possible de vous cacher les sentiments dont je suis pénétré; et ce qui fut l'ouvrage de ma bonne foi, vous le regardez comme le fruit de l'audace. Pour prix de l'Amour le plus tendre, le plus respectueux, le plus vrai, vous me rejetez loin de vous. Vous me parlez enfin de votre haine... Quel autre ne se plaindrait pas d'ÃÂȘtre traité ainsi? Moi seul, je me soumets; je souffre tout et ne murmure point; vous frappez et j'adore. L'inconcevable empire que vous avez sur moi vous rend maÃtresse absolue de mes sentiments; et si mon amour seul vous résiste, si vous ne pouvez le détruire, c'est qu'il est votre ouvrage et non le mien. Je ne demande point un retour dont jamais je ne me suis flatté. Je n'attends pas mÃÂȘme cette pitié, que l'intérÃÂȘt que vous m'aviez témoigné quelquefois pouvait me faire espérer. Mais je crois, je l'avoue, pouvoir réclamer votre justice. Vous m'apprenez, Madame, qu'on a cherché à me nuire dans votre esprit. Si vous en eussiez cru les conseils de vos amis, vous ne m'eussiez pas mÃÂȘme laissé approcher de vous ce sont vos termes. Quels sont donc ces amis officieux? Sans doute ces gens si sévÚres, et d'une vertu si rigide, consentent à ÃÂȘtre nommés; sans doute ils ne voudraient pas se couvrir d'une obscurité qui les confondrait avec de vils calomniateurs; et je n'ignorerai ni leur nom, ni leurs reproches. Songez, Madame, que j'ai le droit de savoir l'un et l'autre, puisque vous me jugez d'aprÚs eux. On ne condamne point un coupable sans lui dire son crime, sans lui nommer ses accusateurs. Je ne demande point d'autre grùce, et je m'engage d'avance à me justifier, à les forcer de se dédire. Si j'ai trop méprisé, peut-ÃÂȘtre, les vaines clameurs d'un Public dont je fais peu de cas, il n'en est pas ainsi de votre estime; et quand je consacre ma vie à la mériter, je ne me la laisserai pas ravir impunément. Elle me devient d'autant plus précieuse, que je lui devrai sans doute cette demande que vous craignez de me faire, et qui me donnerait, dites-vous, des droits à votre reconnaissance . Ah! loin d'en exiger, je croirai vous en devoir, si vous me procurez l'occasion de vous ÃÂȘtre agréable. Commencez donc à me rendre plus de justice, en ne me laissant plus ignorer ce que vous désirez de moi. Si je pouvais le deviner, je vous éviterais la peine de le dire. Au plaisir de vous voir, ajoutez le bonheur de vous servir, et je me louerai de votre indulgence. Qui peut donc vous arrÃÂȘter? ce n'est pas, je l'espÚre, la crainte d'un refus? je sens que je ne pourrais vous la pardonner. Ce n'en est pas un que de ne pas vous rendre votre Lettre. Je désire plus que vous, qu'elle ne me soit plus nécessaire mais accoutumé à vous croire une ùme si douce, ce n'est que dans cette Lettre que je puis vous trouver telle que vous voulez paraÃtre. Quand je forme le vÅ“u de vous rendre sensible, j'y vois que plutÎt que d'y consentir, vous fuiriez à cent lieues de moi; quand tout en vous augmente et justifie mon amour, c'est encore elle qui me répÚte que mon amour vous outrage; et lorsqu'en vous voyant, cet amour me semble le bien suprÃÂȘme, j'ai besoin de vous lire, pour sentir que ce n'est qu'un affreux tourment. Vous concevez à présent que mon plus grand bonheur serait de pouvoir vous rendre cette Lettre fatale me la demander encore serait m'autoriser à ne plus croire ce qu'elle contient; vous ne doutez pas, j'espÚre, de mon empressement à vous la remettre. De ..., ce 21 août 17** LETTRE XXXVI LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL TIMBREE DE DIJON. Votre sévérité augmente chaque jour, Madame, et si je l'ose dire, vous semblez craindre moins d'ÃÂȘtre injuste que d'ÃÂȘtre indulgente. AprÚs m'avoir condamné sans m'entendre, vous avez dû sentir, en effet, qu'il vous serait plus facile de ne pas lire mes raisons que d'y répondre. Vous refusez mes Lettres avec obstination; vous me les renvoyez avec mépris. Vous me forcez enfin de recourir à la ruse, dans le moment mÃÂȘme oÃÂč mon unique but est de vous convaincre de ma bonne foi. La nécessité oÃÂč vous m'avez mis de me défendre suffira sans doute pour en excuser les moyens. Convaincu d'ailleurs par la sincérité de mes sentiments que pour les justifier à vos yeux il me suffit de vous les faire bien connaÃtre, j'ai cru pouvoir me permettre ce léger détour. J'ose croire aussi que vous me le pardonnerez; et que vous serez peu surprise que l'Amour soit plus ingénieux à se produire, que l'indifférence à l'écarter. Permettez donc, Madame, que mon cÅ“ur se dévoile entiÚrement à vous. Il vous appartient, il est juste que vous le connaissiez. J'étais bien éloigné, en arrivant chez Madame de Rosemonde, de prévoir le sort qui m'y attendait. J'ignorais que vous y fussiez; et j'ajouterai, avec la sincérité qui me caractérise, que quand je l'aurais su ma sécurité n'en eût point été troublée non que je ne rendisse à votre beauté la justice qu'on ne peut lui refuser; mais accoutumé à n'éprouver que des désirs, à ne me livrer qu'à ceux que l'espoir encourageait, je ne connaissais pas les tourments de l'Amour. Vous fûtes témoin des instances que me fit Madame de Rosemonde pour m'arrÃÂȘter quelque temps. J'avais déjà passé une journée avec vous cependant je ne me rendis, ou au moins je ne crus me rendre qu'au plaisir, si naturel et si légitime, de témoigner des égards à une parente respectable. Le genre de vie qu'on menait ici différait beaucoup sans doute de celui auquel j'étais accoutumé; il ne m'en coûta rien de m'y conformer; et, sans chercher à pénétrer la cause du changement qui s'opérait en moi, je l'attribuais uniquement encore à cette facilité de caractÚre, dont je crois vous avoir déjà parlé. Malheureusement et pourquoi faut-il que ce soit un malheur?, en vous connaissant mieux je reconnus bientÎt que cette figure enchanteresse, qui seule m'avait frappé, était le moindre de vos avantages; votre ùme céleste étonna, séduisit la mienne. J'admirais la beauté, j'adorai la vertu. Sans prétendre à vous obtenir, je m'occupai de vous mériter. En réclamant votre indulgence pour le passé, j'ambitionnai votre suffrage pour l'avenir. Je le cherchais dans vos discours, je l'épiais dans vos regards; dans ces regards d'oÃÂč partait un poison d'autant plus dangereux, qu'il était répandu sans dessein et reçu sans méfiance. Alors je connus l'Amour. Mais que j'étais loin de m'en plaindre! résolu de l'ensevelir dans un éternel silence, je me livrais sans crainte comme sans réserve à ce sentiment délicieux. Chaque jour augmentait son empire. BientÎt le plaisir de vous voir se changea en besoin. Vous absentiez-vous un moment? mon cÅ“ur se serrait de tristesse; au bruit qui m'annonçait votre retour, il palpitait de joie. Je n'existais plus que par vous, et pour vous. Cependant, c'est vous-mÃÂȘme que j'adjure jamais dans la gaieté des folùtres jeux, ou dans l'intérÃÂȘt d'une conversation sérieuse, m'échappa-t-il un mot qui pût trahir le secret de mon cÅ“ur? Enfin un jour arriva oÃÂč devait commencer mon infortune; et par une inconcevable fatalité, une action honnÃÂȘte en devint le signal. Oui, Madame, c'est au milieu des malheureux que j'avais secourus, que, vous livrant à cette sensibilité précieuse qui embellit la beauté mÃÂȘme et ajoute du prix à la vertu, vous achevùtes d'égarer un cÅ“ur que déjà trop d'amour enivrait. Vous vous rappelez, peut-ÃÂȘtre, quelle préoccupation s'empara de moi au retour! Hélas! je cherchais à combattre un penchant que je sentais devenir plus fort que moi. C'est aprÚs avoir épuisé mes forces dans ce combat inégal, qu'un hasard, que je n'avais pu prévoir, me fit trouver seul avec vous. Là , je succombai, je l'avoue. Mon cÅ“ur trop plein ne put retenir ses discours ni ses larmes. Mais est-ce donc un crime? et si c'en est un, n'est-il pas assez puni par les tourments affreux auxquels je suis livré? Dévoré par un amour sans espoir, j'implore votre pitié et ne trouve que votre haine sans autre bonheur que celui de vous voir, mes yeux vous cherchent malgré moi, et je tremble de rencontrer vos regards. Dans l'état cruel oÃÂč vous m'avez réduit, je passe les jours à déguiser mes peines et les nuits à m'y livrer; tandis que vous, tranquille et paisible, vous ne connaissez ces tourments que pour les causer et vous en applaudir. Cependant, c'est vous qui vous plaignez, et c'est moi qui m'excuse. Voilà pourtant, Madame, voilà le récit fidÚle de ce que vous nommez mes torts, et que peut-ÃÂȘtre il serait plus juste d'appeler mes malheurs. Un amour pur et sincÚre, un respect qui ne s'est jamais démenti, une soumission parfaite, tels sont les sentiments que vous m'avez inspirés. Je n'eusse pas craint d'en présenter l'hommage à la Divinité mÃÂȘme. Ô vous, qui ÃÂȘtes son plus bel ouvrage, imitez-la dans son indulgence! Songez à mes peines cruelles; songez surtout, que, placé par vous entre le désespoir et la félicité suprÃÂȘme, le premier mot que vous prononcerez décidera pour jamais de mon sort. De ..., ce 23 août 17** LETTRE XXXVII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES Je me soumets, Madame, aux conseils que votre amitié me donne. Accoutumée à déférer en tout à vos avis, je le suis à croire qu'ils sont toujours fondés en raison. J'avouerai mÃÂȘme que M. de Valmont doit ÃÂȘtre, en effet, infiniment dangereux, s'il peut à la fois feindre d'ÃÂȘtre ce qu'il paraÃt ici, et rester tel que vous le dépeignez. Quoi qu'il en soit, puisque vous l'exigez, je l'éloignerai de moi; au moins j'y ferai mon possible car souvent les choses, qui dans le fond devraient ÃÂȘtre les plus simples, deviennent embarrassantes par la forme. Il me paraÃt toujours impraticable de faire cette demande à sa tante; elle deviendrait également désobligeante, et pour elle, et pour lui. Je ne prendrais pas non plus, sans quelque répugnance, le parti de m'éloigner moi-mÃÂȘme car outre les raisons que je vous ai déjà mandées relatives à M. de Tourvel, si mon départ contrariait M. de Valmont, comme il est possible, n'aurait-il pas la facilité de me suivre à Paris? et son retour, dont je serais, dont au moins je paraÃtrais ÃÂȘtre l'objet, ne semblerait-il pas plus étrange qu'une rencontre à la campagne, chez une personne qu'on sait ÃÂȘtre sa parente et mon amie? Il ne me reste donc d'autre ressource que d'obtenir de lui-mÃÂȘme qu'il veuille bien s'éloigner. Je sens que cette proposition est difficile à faire; cependant, comme il me paraÃt avoir à cÅ“ur de me prouver qu'il a en effet plus d'honnÃÂȘteté qu'on ne lui en suppose, je ne désespÚre pas de réussir. Je ne serai pas mÃÂȘme fùchée de le tenter; et d'avoir une occasion de juger si, comme il le dit souvent, les femmes vraiment honnÃÂȘtes n'ont jamais eu, n'auront jamais à se plaindre de ses procédés. S'il part comme je le désire, ce sera en effet par égard pour moi car je ne peux pas douter qu'il n'ait le projet de passer ici une grande partie de l'automne. S'il refuse ma demande et s'obstine à rester, je serai toujours à temps de partir moi-mÃÂȘme, et je vous le promets. Voilà , je crois, Madame, tout ce que votre amitié exigeait de moi je m'empresse d'y satisfaire, et de vous prouver que malgré la chaleur que j'ai pu mettre à défendre M. de Valmont, je n'en suis pas moins disposée, non seulement à écouter, mais mÃÂȘme à suivre les conseils de mes amis. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. De ..., ce 25 août 17** LETTRE XXXVIII LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Votre énorme paquet m'arrive à l'instant, mon cher Vicomte. Si la date en est exacte, j'aurais dû le recevoir vingt-quatre heures plus tÎt; quoi qu'il en soit, si je prenais le temps de le lire, je n'aurais plus celui d'y répondre. Je préfÚre donc de vous en accuser seulement la réception, et nous causerons d'autre chose. Ce n'est pas que j'aie rien à vous dire pour mon compte; l'automne ne laisse à Paris presque point d'hommes qui aient figure humaine aussi je suis, depuis un mois, d'une sagesse à périr; et tout autre que mon Chevalier serait fatigué des preuves de ma constance. Ne pouvant m'occuper, je me distrais avec la petite Volanges; et c'est d'elle que je veux vous parler. Savez-vous que vous avez perdu plus que vous ne croyez à ne pas vous charger de cet enfant? elle est vraiment délicieuse! cela n'a ni caractÚre ni principes; jugez combien sa société sera douce et facile. Je ne crois pas qu'elle brille jamais par le sentiment; mais tout annonce en elle les sensations les plus vives. Sans esprit et sans finesse, elle a pourtant une certaine fausseté naturelle, si l'on peut parler ainsi, qui quelquefois m'étonne moi-mÃÂȘme, et qui réussira d'autant mieux, que sa figure offre l'image de la candeur et de l'ingénuité. Elle est naturellement trÚs caressante, et je m'en amuse quelquefois sa petite tÃÂȘte se monte avec une facilité incroyable; et elle est alors d'autant plus plaisante, qu'elle ne sait rien, absolument rien, de ce qu'elle désire tant de savoir. Il lui en prend des impatiences tout à fait drÎles; elle rit, elle se dépite, elle pleure, et puis elle me prie de l'instruire, avec une bonne foi réellement séduisante. En vérité, je suis presque jalouse de celui à qui ce plaisir est réservé. Je ne sais si je vous ai mandé que depuis quatre ou cinq jours j'ai l'honneur d'ÃÂȘtre sa confidente. Vous devinez bien que d'abord j'ai fait la sévÚre mais aussitÎt que je me suis aperçue qu'elle croyait m'avoir convaincue par ses mauvaises raisons, j'ai eu l'air de les prendre pour bonnes; et elle est intimement persuadée qu'elle doit ce succÚs à son éloquence; il fallait cette précaution pour ne pas me compromettre. Je lui ai permis d'écrire et de dire j'aime ; et le jour mÃÂȘme, sans qu'elle s'en doutùt, je lui ai ménagé un tÃÂȘte-à - tÃÂȘte avec son Danceny. Mais figurez-vous qu'il est si sot encore, qu'il n'en a seulement pas obtenu un baiser. Ce garçon-là fait pourtant de fort jolis vers! Mon Dieu! que ces gens d'esprit sont bÃÂȘtes! celui-ci l'est au point qu'il m'en embarrasse; car enfin, pour lui, je ne peux pas le conduire! C'est à présent que vous me seriez bien utile. Vous ÃÂȘtes assez lié avec Danceny pour avoir sa confidence, et s'il vous la donnait une fois, nous irions grand train. DépÃÂȘchez donc votre Présidente, car enfin je ne veux pas que Gercourt s'en sauve au reste, j'ai parlé de lui hier à la petite personne, et le lui ai si bien peint, que quand elle serait sa femme depuis dix ans, elle ne le haïrait pas davantage. Je l'ai pourtant beaucoup prÃÂȘchée sur la fidélité conjugale; rien n'égale ma sévérité sur ce point. Par là , d'une part, je rétablis auprÚs d'elle ma réputation de vertu, que trop de condescendance pourrait détruire; de l'autre, j'augmente en elle la haine dont je veux gratifier son mari. Et enfin, j'espÚre qu'en lui faisant accroire qu'il ne lui est permis de se livrer à l'Amour que pendant le peu de temps qu'elle a à rester fille, elle se décidera plus vite à n'en rien perdre. Adieu, Vicomte; je vais me mettre à ma toilette oÃÂč je lirai votre volume. De ..., ce 27 août 17** LETTRE XXXIX CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je suis triste et inquiÚte, ma chÚre Sophie. J'ai pleuré presque toute la nuit. Ce n'est pas que pour le moment je ne sois bien heureuse; mais je prévois que cela ne durera pas. J'ai été hier à l'Opéra avec Madame de Merteuil; nous y avons beaucoup parlé de mon mariage, et je n'en ai rien appris de bon. C'est M. le Comte de Gercourt que je dois épouser, et ce doit ÃÂȘtre au mois d'Octobre. Il est riche, il est homme de qualité, il est Colonel du régiment de... . Jusque-là tout va fort bien. Mais d'abord il est vieux figure-toi qu'il a au moins trente-six ans! et puis, Madame de Merteuil dit qu'il est triste et sévÚre, et qu'elle craint que je ne sois pas heureuse avec lui. J'ai mÃÂȘme bien vu qu'elle en était sûre, et qu'elle ne voulait pas me le dire, pour ne pas m'affliger. Elle ne m'a presque entretenue toute la soirée que des devoirs des femmes envers leurs maris. Elle convient que M. de Gercourt n'est pas aimable du tout, et elle dit pourtant qu'il faudra que je l'aime. Ne m'a-t-elle pas dit aussi qu'une fois mariée, je ne devais plus aimer le Chevalier Danceny? comme si c'était possible! Oh! je t'assure bien que je l'aimerai toujours. Vois-tu, j'aimerais mieux, plutÎt, ne pas me marier. Que ce M. de Gercourt s'arrange, je ne l'ai pas été chercher. Il est en Corse à présent, bien loin d'ici; je voudrais qu'il y restùt dix ans. Si je n'avais pas peur de rentrer au Couvent, je dirais bien à Maman que je ne veux pas de ce mari-là ; mais ce serait encore pis. Je suis bien embarrassée. Je sens que je n'ai jamais tant aimé M. Danceny qu'à présent; et quand je songe qu'il ne me reste plus qu'un mois à ÃÂȘtre comme je suis, les larmes me viennent aux yeux tout de suite; je n'ai de consolation que dans l'amitié de Madame de Merteuil; elle a si bon cÅ“ur! elle partage tous mes chagrins comme moi-mÃÂȘme; et puis elle est si aimable que, quand je suis avec elle, je n'y songe presque plus. D'ailleurs elle m'est bien utile; car le peu que je sais, c'est elle qui me l'a appris et elle est si bonne, que je lui dis tout ce que je pense, sans ÃÂȘtre honteuse du tout. Quand elle trouve que ce n'est pas bien, elle me gronde quelquefois; mais c'est tout doucement, et puis je l'embrasse de tout mon cÅ“ur, jusqu'à ce qu'elle ne soit plus fùchée. Au moins celle-là , je peux bien l'aimer tant que je voudrai, sans qu'il y ait du mal, et ça me fait bien du plaisir. Nous sommes pourtant convenues que je n'aurais pas l'air de l'aimer tant devant le monde, et surtout devant Maman, afin qu'elle ne se méfie de rien au sujet du Chevalier Danceny. Je t'assure que si je pouvais toujours vivre comme je fais à présent, je crois que je serais bien heureuse. Il n'y a que ce vilain M. de Gercourt!... Mais je ne veux pas t'en parler davantage car je redeviendrais triste. Au lieu de cela, je vas écrire au Chevalier Danceny; je ne lui parlerai que de mon amour et non de mes chagrins, car je ne veux pas l'affliger. Adieu, ma bonne amie. Tu vois bien que tu aurais tort de te plaindre, et que j'ai beau ÃÂȘtre occupée , comme tu dis, qu'il ne m'en reste pas moins le temps de t'aimer et de t'écrire [On continue à supprimer les Lettres de Cécile Volanges et du Chevalier Danceny, qui sont peu intéressantes et n'annoncent aucun événement] De ..., ce 27 août 17** LETTRE XL LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL C'est peu pour mon inhumaine de ne pas répondre à mes Lettres, de refuser de les recevoir; elle veut me priver de sa vue, elle exige que je m'éloigne. Ce qui vous surprendra davantage, c'est que je me soumette à tant de rigueur. Vous allez me blùmer. Cependant je n'ai pas cru devoir perdre l'occasion de me laisser donner un ordre persuadé, d'une part, que qui commande s'engage; et de l'autre, que l'autorité illusoire que nous avons l'air de laisser prendre aux femmes est un des piÚges qu'elles évitent le plus difficilement. De plus, l'adresse que celle-ci a su mettre à éviter de se trouver seule avec moi me plaçait dans une situation dangereuse, dont j'ai cru devoir sortir à quelque prix que ce fût car étant sans cesse avec elle, sans pouvoir l'occuper de mon amour, il y avait lieu de craindre qu'elle ne s'accoutumùt enfin à me voir sans trouble; disposition dont vous savez assez combien il est difficile de revenir. Au reste, vous devinez que je ne me suis pas soumis sans condition. J'ai mÃÂȘme eu le soin d'en mettre une impossible à accorder; tant pour rester toujours maÃtre de tenir ma parole, ou d'y manquer, que pour engager une discussion, soit de bouche, ou par écrit, dans un moment oÃÂč ma Belle est plus contente de moi, oÃÂč elle a besoin que je le sois d'elle sans compter que je serais bien maladroit, si je ne trouvais moyen d'obtenir quelque dédommagement de mon désistement à cette prétention, tout insoutenable qu'elle est. AprÚs vous avoir exposé mes raisons dans ce long préambule, je commence l'historique de ces deux derniers jours. J'y joindrai comme piÚces justificatives la Lettre de ma Belle et ma Réponse. Vous conviendrez qu'il y a peu d'Historiens aussi exacts que moi. Vous vous rappelez l'effet que fit avant-hier matin ma Lettre de Dijon ; le reste de la journée fut trÚs orageux. La jolie Prude arriva seulement au moment du dÃner, et annonça une forte migraine; prétexte dont elle voulut couvrir un des plus violents accÚs d'humeur que femme puisse avoir. Sa figure en était vraiment altérée; l'expression de douceur que vous lui connaissez s'était changée en un air mutin qui en faisait une beauté nouvelle. Je me promets bien de faire usage de cette découverte par la suite; et de remplacer quelquefois la MaÃtresse tendre, par la MaÃtresse mutine. Je prévis que l'aprÚs-dÃner serait triste; et pour m'en sauver l'ennui, je prétextai des Lettres à écrire, et me retirai chez moi. Je revins au salon sur les six heures; Madame de Rosemonde proposa la promenade, qui fut acceptée. Mais au moment de monter en voiture, la prétendue malade, par une malice infernale, prétexta à son tour, et peut-ÃÂȘtre pour se venger de mon absence, un redoublement de douleurs, et me fit subir sans pitié le tÃÂȘte-à -tÃÂȘte de ma vieille tante. Je ne sais si les imprécations que je fis contre ce démon femelle furent exaucées, mais nous la trouvùmes couchée au retour. Le lendemain au déjeuner, ce n'était plus la mÃÂȘme femme. La douceur naturelle était revenue, et j'eus lieu de me croire pardonné. Le déjeuner était à peine fini, que la douce personne se leva d'un air dolent, et entra dans le parc; je la suivis, comme vous pouvez croire. " D'oÃÂč peut naÃtre ce désir de promenade? " lui dis-je en l'abordant. " J'ai beaucoup écrit ce matin " , me répondit-elle, " et ma tÃÂȘte est un peu fatiguée. " - " Je ne suis pas assez heureux, repris-je, pour avoir à me reprocher cette fatigue-là ? " - " Je vous ai bien écrit " , répondit-elle encore, " mais j'hésite à vous donner ma Lettre. Elle contient une demande, et vous ne m'avez pas accoutumée à en espérer le succÚs. " - " Ah! je jure que s'il m'est possible... " - " Rien n'est plus facile " , interrompit-elle; " et quoique vous dussiez peut-ÃÂȘtre l'accorder comme justice, je consens à l'obtenir comme grùce. " En disant ces mots, elle me présenta sa Lettre; en la prenant, je pris aussi sa main, qu'elle retira, mais sans colÚre et avec plus d'embarras que de vivacité. " La chaleur est plus vive que je ne croyais " , dit-elle; " il faut rentrer. " Et elle reprit la route du Chùteau. Je fis de vains efforts pour lui persuader de continuer sa promenade, et j'eus besoin de me rappeler que nous pouvions ÃÂȘtre vus, pour n'y employer que de l'éloquence. Elle rentra sans proférer une parole, et je vis clairement que cette feinte promenade n'avait eu d'autre but que de me remettre sa Lettre. Elle monta chez elle en rentrant, et je me retirai chez moi pour lire l'EpÃtre, que vous ferez bien de lire aussi, ainsi que ma Réponse, avant d'aller plus loin... LETTRE XLI LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Il semble, Monsieur, par votre conduite avec moi, que vous ne cherchiez qu'à augmenter, chaque jour, les sujets de plainte que j'avais contre vous. Votre obstination à vouloir m'entretenir, sans cesse, d'un sentiment que je ne veux ni ne dois écouter, l'abus que vous n'avez pas craint de faire de ma bonne foi, ou de ma timidité, pour me remettre vos Lettres; le moyen surtout, j'ose dire peu délicat, dont vous vous ÃÂȘtes servi pour me faire parvenir la derniÚre, sans craindre au moins l'effet d'une surprise qui pouvait me compromettre; tout devrait donner lieu de ma part à des reproches aussi vifs que justement mérités. Cependant, au lieu de revenir sur ces griefs, je m'en tiens à vous faire une demande aussi simple que juste; et si je l'obtiens de vous, je consens que tout soit oublié. Vous-mÃÂȘme m'avez dit, Monsieur, que je ne devais pas craindre un refus; et quoique, par une inconséquence qui vous est particuliÚre, cette phrase mÃÂȘme soit suivie du seul refus que vous pouviez me faire [Voyez Lettre V], je veux croire que vous n'en tiendrez pas moins aujourd'hui cette parole formellement donnée il y a si peu de jours. Je désire donc que vous ayez la complaisance de vous éloigner de moi; de quitter ce Chùteau, oÃÂč un plus long séjour de votre part ne pourrait que m'exposer davantage au jugement d'un public toujours prompt à mal penser d'autrui, et que vous n'avez que trop accoutumé à fixer les yeux sur les femmes qui vous admettent dans leur société. Avertie déjà , depuis longtemps, de ce danger par mes amis, j'ai négligé, j'ai mÃÂȘme combattu leur avis tant que votre conduite à mon égard avait pu me faire croire que vous aviez bien voulu ne pas me confondre avec cette foule de femmes qui toutes ont eu à se plaindre de vous. Aujourd'hui que vous me traitez comme elles, que je ne peux plus l'ignorer, je dois au public, à mes amis, à moi-mÃÂȘme, de suivre ce parti nécessaire. Je pourrais ajouter ici que vous ne gagneriez rien à refuser ma demande, décidée que je suis à partir moi- mÃÂȘme, si vous vous obstiniez à rester mais je ne cherche point à diminuer l'obligation que je vous aurai de cette complaisance, et je veux bien que vous sachiez qu'en nécessitant mon départ d'ici vous contrarieriez mes arrangements. Prouvez-moi donc, Monsieur, que, comme vous me l'avez dit tant de fois, les femmes honnÃÂȘtes n'auront jamais à se plaindre de vous; prouvez-moi, au moins, que quand vous avez des torts avec elles, vous savez les réparer. Si je croyais avoir besoin de justifier ma demande vis-à -vis de vous, il me suffirait de vous dire que vous avez passé votre vie à la rendre nécessaire, et que pourtant il n'a pas tenu à moi de ne la jamais former. Mais ne rappelons pas des événements que je veux oublier, et qui m'obligeraient à vous juger avec rigueur, dans un moment oÃÂč je vous offre l'occasion de mériter toute ma reconnaissance. Adieu, Monsieur; votre conduite va m'apprendre avec quels sentiments je dois ÃÂȘtre, pour la vie, votre trÚs humble, etc. De ..., ce 26 août 17** LETTRE XLII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Quelque dures que soient, Madame, les conditions que vous m'imposez, je ne refuse pas de les remplir. Je sens qu'il me serait impossible de contrarier aucun de vos désirs. Une fois d'accord sur ce point, j'ose me flatter qu'à mon tour, vous me permettrez de vous faire quelques demandes, bien plus faciles à accorder que les vÎtres, et que pourtant je ne veux obtenir que de ma soumission parfaite à votre volonté. L'une, que j'espÚre qui sera sollicitée par votre justice, est de vouloir bien me nommer mes accusateurs auprÚs de vous; ils me font, ce me semble, assez de mal pour que j'aie le droit de les connaÃtre; l'autre, que j'attends de votre indulgence, est de vouloir bien me permettre de vous renouveler quelquefois l'hommage d'un amour qui va plus que jamais mériter votre pitié. Songez, Madame, que je m'empresse de vous obéir, lors mÃÂȘme que je ne peux le faire qu'aux dépens de mon bonheur; je dirai plus, malgré la persuasion oÃÂč je suis que vous ne désirez mon départ que pour vous sauver le spectacle, toujours pénible, de l'objet de votre injustice. Convenez-en, Madame, vous craignez moins un public trop accoutumé à vous respecter pour oser porter de vous un jugement désavantageux, que vous n'ÃÂȘtes gÃÂȘnée par la présence d'un homme qu'il vous est plus facile de punir que de blùmer. Vous m'éloignez de vous comme on détourne ses regards d'un malheureux qu'on ne veut pas secourir. Mais tandis que l'absence va redoubler mes tourments, à quelle autre qu'à vous puis-je adresser mes plaintes? de quelle autre puis-je attendre des consolations qui vont me si devenir nécessaires? Me les refuserez-vous, quand vous seule causez mes peines? Sans doute vous ne serez pas étonnée non plus, qu'avant de partir j'aie à cÅ“ur de justifier auprÚs de vous les sentiments que vous m'avez inspirés; comme aussi que je ne trouve le courage de m'éloigner qu'en en recevant l'ordre de votre bouche. Cette double raison me fait vous demander un moment d'entretien. Inutilement voudrions-nous y suppléer par Lettres on écrit des volumes et l'on explique mal ce qu'un quart d'heure de conversation suffit pour faire bien entendre. Vous trouverez facilement le temps de me l'accorder car quelque empressé que je sois de vous obéir, vous savez que Madame de Rosemonde est instruite de mon projet de passer chez elle une partie de l'automne, et il faudra au moins que j'attende une Lettre pour pouvoir prétexter une affaire qui me force à partir. Adieu, Madame; jamais ce mot ne m'a tant coûté à écrire que dans ce moment oÃÂč il me ramÚne à l'idée de notre séparation. Si vous pouviez imaginer ce qu'elle me fait souffrir, j'ose croire que vous me sauriez quelque gré de ma docilité. Recevez, au moins, avec plus d'indulgence l'assurance et l'hommage de l'Amour le plus tendre et le plus respectueux. De ..., ce 26 août 17** SUITE DE LA LETTRE XL DU VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL A présent, raisonnons, ma belle amie. Vous sentez comme moi que la scrupuleuse, l'honnÃÂȘte Madame de Tourvel ne peut pas m'accorder la premiÚre de mes demandes, et trahir la confiance de ses amies, en me nommant mes accusateurs; ainsi en promettant tout à cette condition, je ne m'engage à rien. Mais vous sentez aussi que ce refus qu'elle me fera deviendra un titre pour obtenir tout le reste; et qu'alors je gagne, en m'éloignant, d'entrer avec elle, et de son aveu, en correspondance réglée car je compte pour peu le rendez-vous que je lui demande, et qui n'a presque d'autre objet que de l'accoutumer d'avance à n'en pas refuser d'autres quand ils me seront vraiment nécessaires. La seule chose qui me reste à faire avant mon départ est de savoir quels sont les gens qui s'occupent à me nuire auprÚs d'elle. Je présume que c'est son pédant de mari; je le voudrais outre qu'une défense conjugale est un aiguillon au désir, je serais sûr que du moment que ma belle aura consenti à m'écrire, je n'aurais plus rien à craindre de son mari, puisqu'elle se trouverait déjà dans la nécessité de le tromper. Mais si elle a une amie assez intime pour avoir sa confidence, et que cette amie-là soit contre moi, il me paraÃt nécessaire de les brouiller, et je compte y réussir mais avant tout il faut ÃÂȘtre instruit. J'ai bien cru que j'allais l'ÃÂȘtre hier; mais cette femme ne fait rien comme une autre. Nous étions chez elle, au moment oÃÂč l'on vint avertir que le dÃner était servi. Sa toilette se finissait seulement, et tout en se pressant, et en faisant des excuses, je m'aperçus qu'elle laissait la clef à son secrétaire; et je connais son usage de ne pas Îter celle de son appartement. J'y rÃÂȘvais pendant le dÃner, lorsque j'entendis descendre sa femme de chambre je pris mon parti aussitÎt je feignis un saignement de nez, et sortis. Je volai au secrétaire; mais je trouvai tous les tiroirs ouverts, et pas un papier écrit. Cependant on n'a pas d'occasion de les brûler dans cette saison. Que fait elle des lettres qu'elle reçoit? et elle en reçoit souvent. Je n'ai rien négligé; tout était ouvert, et j'ai cherché partout mais je n'y ai rien gagné, que de me convaincre que ce dépÎt précieux reste dans ses poches. Comment l'en tirer? Depuis hier je m'occupe inutilement d'en trouver les moyens cependant je ne peux en vaincre le désir. Je regrette de n'avoir pas le talent des filous. Ne devrait-il pas, en effet, entrer dans l'éducation d'un homme qui se mÃÂȘle d'intrigues? ne serait-il pas plaisant de dérober la lettre ou le portrait d'un rival, ou de tirer des poches d'une prude de quoi la démasquer? Mais nos parents ne songent à rien; et, moi j'ai beau songer à tout, je ne fais que m'apercevoir que je suis gauche, sans pouvoir y remédier. Quoi qu'il en soit, je revins me mettre à table, fort mécontent. Ma Belle calma pourtant un peu mon humeur, par l'air d'intérÃÂȘt que lui donna ma feinte indisposition; et je ne manquai pas de l'assurer que j'avais, depuis quelque temps, de violentes agitations qui altéraient ma santé. Persuadée comme elle est que c'est elle qui les cause, ne devait-elle pas en conscience travailler à les calmer? Mais, quoique dévote, elle est peu charitable; elle refuse toute aumÎne amoureuse, et ce refus suffit bien, ce me semble, pour en autoriser le vol. Mais adieu; car tout en causant avec vous, je ne songe qu'à ces maudites Lettres. De ..., ce 27 août 17** LETTRE XLIII LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Pourquoi chercher, Monsieur, à diminuer ma reconnaissance? Pourquoi ne vouloir m'obéir qu'à demi, et marchander en quelque sorte un procédé honnÃÂȘte? Il ne vous suffit donc pas que j'en sente le prix? Non seulement vous demandez beaucoup; mais vous demandez des choses impossibles. Si en effet mes amis m'ont parlé de vous, ils ne l'ont pu faire que par intérÃÂȘt pour moi quand mÃÂȘme ils se seraient trompés, leur intention n'en était pas moins bonne; et vous me proposez de reconnaÃtre cette marque d'attachement de leur part, en vous livrant leur secret! J'ai déjà eu tort de vous en parler, et vous me le faites assez sentir en ce moment. Ce qui n'eût été que de la candeur avec tout autre, devient une étourderie avec vous, et me mÚnerait à une noirceur, si je cédais à votre demande. J'en appelle à vous-mÃÂȘme, à votre honnÃÂȘteté; m'avez-vous crue capable de ce procédé? avez-vous dû me le proposer? non sans doute; et je suis sûre qu'en y réfléchissant mieux vous ne reviendrez plus sur cette demande. Celle que vous me faites de m'écrire n'est guÚre plus facile à accorder; et si vous voulez ÃÂȘtre juste, ce n'est pas à moi que vous vous en prendrez. Je ne veux point vous offenser; mais avec la réputation que vous vous ÃÂȘtes acquise, et que, de votre aveu mÃÂȘme, vous méritez au moins en partie, quelle femme pourrait avouer ÃÂȘtre en correspondance avec vous? et quelle femme honnÃÂȘte peut se déterminer à faire ce qu'elle sent qu'elle serait obligée de cacher? Encore si j'étais assurée que vos Lettres fussent telles que je n'eusse jamais à m'en plaindre, que je pusse toujours me justifier à mes yeux de les avoir reçues! peut-ÃÂȘtre alors le désir de vous prouver que c'est la raison et non la haine qui me guide me ferait passer par-dessus ces considérations puissantes, et faire beaucoup plus que je ne devrais, en vous permettant de m'écrire quelquefois. Si en effet vous le désirez autant que vous me le dites, vous vous soumettrez volontiers à la seule condition qui puisse m'y faire consentir; et si vous avez quelque reconnaissance de ce que je fais pour vous en ce moment, vous ne différerez plus de partir. Permettez-moi de vous observer à ce sujet, que vous avez reçu une Lettre ce matin et que vous n'en avez pas profité pour annoncer votre départ à Madame de Rosemonde, comme vous me l'aviez promis. J'espÚre qu'à présent rien ne pourra vous empÃÂȘcher de tenir votre parole. Je compte surtout que vous n'attendrez pas, pour cela, l'entretien que vous me demandez, auquel je ne veux absolument pas me prÃÂȘter; et qu'au lieu de l'ordre que vous prétendez vous ÃÂȘtre nécessaire, vous vous contenterez de la priÚre que je vous renouvelle. Adieu, Monsieur. De ..., ce 27 août 17** LETTRE XLIV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Partagez ma joie, ma belle amie; je suis aimé; j'ai triomphé de ce cÅ“ur rebelle. C'est en vain qu'il dissimule encore; mon heureuse adresse a surpris son secret. Grùce à mes soins actifs, je sais tout ce qui m'intéresse depuis la nuit, l'heureuse nuit d'hier, je me retrouve dans mon élément; j'ai repris toute mon existence; j'ai dévoilé un double mystÚre d'amour et d'iniquité je jouirai de l'un, je me vengerai de l'autre; je volerai de plaisirs en plaisirs. La seule idée que je m'en fais me transporte au point que j'ai quelque peine à rappeler ma prudence; que j'en aurai peut-ÃÂȘtre à mettre de l'ordre dans le récit que j'ai à vous faire. Essayons cependant. Hier mÃÂȘme, aprÚs vous avoir écrit ma Lettre, j'en reçus une de la céleste dévote. Je vous l'envoie; vous y verrez qu'elle me donne, le moins maladroitement qu'elle peut, la permission de lui écrire mais elle y presse mon départ, et je sentais bien que je ne pouvais le différer trop longtemps sans me nuire. Tourmenté cependant du désir de savoir qui pouvait avoir écrit contre moi, j'étais encore incertain du parti que je prendrais. Je tentai de gagner la Femme de chambre, et je voulus obtenir d'elle de me livrer les poches de sa MaÃtresse, dont elle pouvait s'emparer aisément le soir, et qu'il lui était facile de replacer le matin, sans donner le moindre soupçon. J'offris dix louis pour ce léger service mais je ne trouvai qu'une bégueule, scrupuleuse ou timide, que mon éloquence ni mon argent ne purent vaincre. Je la prÃÂȘchais encore, quand le souper sonna. Il fallut la laisser trop heureux qu'elle voulût bien me promettre le secret, sur lequel mÃÂȘme vous jugez que je ne comptais guÚre. Jamais je n'eus plus d'humeur. Je me sentais compromis; et je me reprochais, toute la soirée, ma démarche imprudente. Retiré chez moi, non sans inquiétude, je parlai à mon Chasseur qui, en sa qualité d'Amant heureux, devait avoir quelque crédit. Je voulais, ou qu'il obtÃnt de cette fille de faire ce que je lui avais demandé, ou au moins qu'il s'assurùt de sa discrétion mais lui, qui d'ordinaire ne doute de rien, parut douter du succÚs de cette négociation, et me fit à ce sujet une réflexion qui m'étonna par sa profondeur. " Monsieur sait sûrement mieux que moi " , me dit-il, " que coucher avec une fille, ce n'est que lui faire faire ce qui lui plaÃt de là à lui faire faire ce que nous voulons, il y a souvent bien loin. " Le bon sens du Maraud quelquefois m'épouvante . [PIRON, Métromanie] " Je réponds d'autant moins de celle-ci " , ajouta-t-il, " que j'ai lieu de croire qu'elle a un Amant, et que je ne la dois qu'au désÅ“uvrement de la campagne. Aussi, sans mon zÚle pour le service de Monsieur, je n'aurais eu cela qu'une fois. " C'est un vrai trésor que ce garçon! " Quant au secret " , ajouta-t-il encore, " à quoi servira-t-il de lui faire promettre, puisqu'elle ne risquera rien à nous tromper? lui en reparler ne ferait que lui mieux apprendre qu'il est important, et par là lui donner plus d'envie d'en faire sa cour à sa MaÃtresse. " Plus ces réflexions étaient justes, plus mon embarras augmentait. Heureusement le drÎle était en train de jaser; et comme j'avais besoin de lui, je le laissais faire. Tout en me racontant son histoire avec cette fille, il m'apprit que comme la chambre qu'elle occupe n'est séparée de celle de sa MaÃtresse que par une simple cloison, qui pouvait laisser entendre un bruit suspect, c'était dans la sienne qu'ils se rassemblaient chaque nuit. AussitÎt je formai mon plan, je le lui communiquai, et nous l'exécutùmes avec succÚs. J'attendis deux heures du matin; et alors je me rendis, comme nous en étions convenus, à la chambre du rendez-vous, portant de la lumiÚre avec moi, et sous prétexte d'avoir sonné plusieurs fois inutilement. Mon confident, qui joue ses rÎles à merveille, donna une petite scÚne de surprise, de désespoir et d'excuse, que je terminai en l'envoyant me faire chauffer de l'eau, dont je feignis avoir besoin; tandis que la scrupuleuse ChambriÚre était d'autant plus honteuse, que le drÎle qui avait voulu renchérir sur mes projets l'avait déterminée à une toilette que la saison comportait, mais qu'elle n'excusait pas. Comme je sentais que plus cette fille serait humiliée, plus j'en disposerais facilement, je ne lui permis de changer ni de situation ni de parure; et aprÚs avoir ordonné à mon Valet de m'attendre chez moi, je m'assis à cÎté d'elle sur le lit qui était fort en désordre, et je commençai ma conversation. J'avais besoin de garder l'empire que la circonstance me donnait sur elle aussi conservai-je un sang-froid qui eût fait honneur à la continence de Scipion; et sans prendre la plus petite liberté avec elle, ce que pourtant sa fraÃcheur et l'occasion semblaient lui donner le droit d'espérer, je lui parlai d'affaires aussi tranquillement que j'aurais pu faire avec un Procureur. Mes conditions furent que je garderais fidÚlement le secret, pourvu que le lendemain, à pareille heure à peu prÚs, elle me livrùt les poches de sa MaÃtresse. " Au reste " , ajoutai-je, " je vous avais offert dix louis hier; je vous les promets encore aujourd'hui. Je ne veux pas abuser de votre situation. " Tout fut accordé, comme vous pouvez croire; alors je me retirai, et permis à l'heureux couple de réparer le temps perdu. J'employai le mien à dormir; et à mon réveil, voulant avoir un prétexte pour ne pas répondre à la Lettre de ma Belle avant d'avoir visité ses papiers, ce que je ne pouvais faire que la nuit suivante, je me décidai à aller à la chasse, oÃÂč je restai presque tout le jour. A mon retour, je fus reçu assez froidement. J'ai lieu de croire qu'on fut un peu piqué du peu d'empressement que je mettais à profiter du temps qui me restait; surtout aprÚs la Lettre plus douce que l'on m'avait écrite. J'en juge ainsi, sur ce que Madame de Rosemonde m'ayant fait quelques reproches sur cette longue absence, ma Belle reprit avec un peu d'aigreur " Ah! ne reprochons pas à M. de Valmont de se livrer au seul plaisir qu'il peut trouver ici. " Je me plaignis de cette injustice, et j'en profitai pour assurer que je me plaisais tant avec ces Dames, que j'y sacrifiais une Lettre trÚs intéressante que j'avais à écrire. J'ajoutai que, ne pouvant trouver le sommeil depuis plusieurs nuits, j'avais voulu essayer si la fatigue me le rendrait; et mes regards expliquaient assez et le sujet de ma Lettre, et la cause de mon insomnie. J'eus soin d'avoir toute la soirée une douceur mélancolique qui me parut réussir assez bien, et sous laquelle je masquai l'impatience oÃÂč j'étais de voir arriver l'heure qui devait me livrer le secret qu'on s'obstinait à me cacher. Enfin nous nous séparùmes, et quelque temps aprÚs, la fidÚle Femme de chambre vint m'apporter le prix convenu de ma discrétion. Une fois maÃtre de ce trésor, je procédai à l'inventaire avec la prudence que vous me connaissez car il était important de remettre tout en place. Je tombai d'abord sur deux Lettres du mari, mélange indigeste de détails de procÚs et de tirades d'amour conjugal, que j'eus la patience de lire en entier, et oÃÂč je ne trouvai pas un mot qui eût rapport à moi. Je les replaçai avec humeur mais elle s'adoucit, en trouvant sous ma main les morceaux de ma fameuse Lettre de Dijon, soigneusement rassemblés. Heureusement il me prit fantaisie de la parcourir. Jugez de ma joie, en y apercevant les traces bien distinctes des larmes de mon adorable Dévote. Je l'avoue, je cédai à un mouvement de jeune homme, et baisai cette Lettre avec un transport dont je ne me croyais plus susceptible. Je continuai l'heureux examen; je retrouvai toutes mes Lettres de suite, et par ordre de dates; et ce qui me surprit plus agréablement encore, fut de retrouver la premiÚre de toutes, celle que je croyais m'avoir été rendue par une ingrate, fidÚlement copiée de sa main; et d'une écriture altérée et tremblante, qui témoignait assez la douce agitation de son cÅ“ur pendant cette occupation. Jusque-là j'étais tout entier à l'Amour; bientÎt il fit place à la fureur. Qui croyez-vous qui veuille me perdre auprÚs de cette femme que j'adore? quelle Furie supposez-vous assez méchante pour tramer une pareille noirceur? Vous la connaissez c'est votre amie, votre parente; c'est Madame de Volanges. Vous n'imaginez pas quel tissu d'horreurs l'infernale MégÚre lui a écrit sur mon compte. C'est elle, elle seule, qui a troublé la sécurité de cette femme angélique; c'est par ses conseils, par ses avis pernicieux, que je me vois forcé de m'éloigner; c'est à elle enfin que l'on me sacrifie. Ah! sans doute il faut séduire sa fille mais ce n'est pas assez, il faut la perdre; et puisque l'ùge de cette maudite femme la met à l'abri de mes coups, il faut la frapper dans l'objet de ses affections. Elle veut donc que je revienne à Paris! elle m'y force! soit, j'y retournerai, mais elle gémira de mon retour. Je suis fùché que Danceny soit le héros de cette aventure, il a un fond d'honnÃÂȘteté qui nous gÃÂȘnera cependant il est amoureux, et je le vois souvent; on pourra peut-ÃÂȘtre en tirer parti. Je m'oublie dans ma colÚre, et je ne songe pas que je vous dois le récit de ce qui s'est passé aujourd'hui. Revenons. Ce matin j'ai revu ma sensible Prude. Jamais je ne l'avais trouvée si belle. Cela devait ÃÂȘtre ainsi le plus beau moment d'une femme, le seul oÃÂč elle puisse produire cette ivresse de l'ùme, dont on parle toujours, et qu'on éprouve si rarement, est celui oÃÂč, assurés de son amour, nous ne le sommes pas de ses faveurs; et c'est précisément le cas oÃÂč je me trouvais. Peut-ÃÂȘtre aussi l'idée que j'allais ÃÂȘtre privé du plaisir de la voir servait-elle à l'embellir. Enfin, à l'arrivée du Courrier, on m'a remis votre Lettre du 27; et pendant que je la lisais, j'hésitais encore pour savoir si je tiendrais ma parole mais j'ai rencontré les yeux de ma Belle, et il m'aurait été impossible de lui rien refuser. J'ai donc annoncé mon départ. Un moment aprÚs, Madame de Rosemonde nous a laissés seuls mais j'étais encore à quatre pas de la farouche personne, que se levant avec l'air de l'effroi " Laissez-moi, laissez-moi, Monsieur " , m'a- t-elle dit; " au nom de Dieu, laissez-moi. " Cette priÚre fervente, qui décelait son émotion, ne pouvait que m'animer davantage. Déjà j'étais auprÚs d'elle, et je tenais ses mains qu'elle avait jointes avec une expression tout à fait touchante; là , je commençais de tendres plaintes, quand un démon ennemi ramena Madame de Rosemonde. La timide Dévote, qui a en effet quelques raisons de craindre, en a profité pour se retirer. Je lui ai pourtant offert la main qu'elle a acceptée; et augurant bien de cette douceur, qu'elle n'avait pas eue depuis longtemps, tout en recommençant mes plaintes j'ai essayé de serrer la sienne. Elle a d'abord voulu la retirer; mais sur une instance plus vive, elle s'est livrée d'assez bonne grùce, quoique sans répondre ni à ce geste, ni à mes discours. Arrivés à la porte de son appartement, j'ai voulu baiser cette main, avant de la quitter. La défense a commencé par ÃÂȘtre franche; mais un songez donc que je pars , prononcé bien tendrement, l'a rendue gauche et insuffisante. A peine le baiser a-t-il été donné, que la main a retrouvé sa force pour échapper, et que la Belle est entrée dans son appartement oÃÂč était sa Femme de chambre. Ici finit mon histoire. Comme je présume que vous serez demain chez la Maréchale de ... , oÃÂč sûrement je n'irai pas vous trouver; comme je me doute bien aussi qu'à notre premiÚre entrevue nous aurons plus d'une affaire à traiter, et notamment celle de la petite Volanges, que je ne perds pas de vue, j'ai pris le parti de me faire précéder par cette Lettre; et toute longue qu'elle est, je ne la fermerai qu'au moment de l'envoyer à la Poste, car au terme oÃÂč j'en suis, tout peut dépendre d'une occasion; et je vous quitte pour aller l'épier. à huit heures du soir. Rien de nouveau; pas le plus petit moment de liberté du soin mÃÂȘme pour l'éviter. Cependant, autant de tristesse que la décence en permettait, pour le moins. Un autre événement qui peut ne pas ÃÂȘtre indifférent, c'est que je suis chargé d'une invitation de Madame de Rosemonde à Madame de Volanges, pour venir passer quelque temps chez elle à la campagne. Adieu, ma belle amie; à demain ou aprÚs-demain au plus tard. De ..., ce 28 août 17** LETTRE XLV LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES M. de Valmont est parti ce matin, Madame; vous m'avez paru tant désirer ce départ, que j'ai cru devoir vous en instruire. Madame de Rosemonde regrette beaucoup son neveu, dont il faut convenir qu'en effet la société est agréable elle a passé toute la matinée à m'en parler avec la sensibilité que vous lui connaissez; elle ne tarissait pas sur son éloge. J'ai cru lui devoir la complaisance de l'écouter sans la contredire, d'autant qu'il faut avouer qu'elle avait raison sur beaucoup de points. Je sentais de plus que j'avais à me reprocher d'ÃÂȘtre la cause de cette séparation, et je n'espÚre pas pouvoir la dédommager du plaisir dont je l'ai privée. Vous savez que j'ai naturellement peu de gaieté, et le genre de vie que nous allons mener ici n'est pas fait pour l'augmenter. Si je ne m'étais pas conduite d'aprÚs vos avis, je craindrais d'avoir agi un peu légÚrement car j'ai été vraiment peinée de la douleur de ma respectable amie; elle m'a touchée au point que j'aurais volontiers mÃÂȘlé mes larmes aux siennes. Nous vivons à présent dans l'espoir que vous accepterez l'invitation que M. de Valmont doit vous faire, de la part de Madame de Rosemonde, de venir passer quelque temps chez elle. J'espÚre que vous ne doutez pas du plaisir que j'aurai à vous y voir; et en vérité vous nous devez ce dédommagement. Je serai fort aise de trouver cette occasion de faire une connaissance plus prompte avec Mademoiselle de Volanges, et d'ÃÂȘtre à portée de vous convaincre de plus en plus des sentiments respectueux, etc. De ..., ce 29 août 17** LETTRE XLVI LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Que vous est-il donc arrivé, mon adorable Cécile? qui a pu causer en vous un changement si prompt et si cruel? que sont devenus vos serments de ne jamais changer? Hier encore, vous les réitériez avec tant de plaisir! qui peut aujourd'hui vous les faire oublier? J'ai beau m'examiner, je ne puis en trouver la cause en moi, et il m'est affreux d'avoir à la chercher en vous. Ah! sans doute vous n'ÃÂȘtes ni légÚre, ni trompeuse; et mÃÂȘme dans ce moment de désespoir, un soupçon outrageant ne flétrira point mon ùme. Cependant, par quelle fatalité n'ÃÂȘtes-vous plus la mÃÂȘme? Non, cruelle, vous ne l'ÃÂȘtes plus! La tendre Cécile, la Cécile que j'adore, et dont j'ai reçu les serments, n'aurait point évité mes regards, n'aurait point contrarié le hasard heureux qui me plaçait auprÚs d'elle; ou si quelque raison que je ne peux concevoir l'avait forcée à me traiter avec tant de rigueur, elle n'eût pas au moins dédaigné de m'en instruire. Ah! vous ne savez pas, vous ne saurez jamais, ma Cécile, ce que vous m'avez fait souffrir aujourd'hui, ce que je souffre encore en ce moment. Croyez-vous donc que je puisse vivre et ne plus ÃÂȘtre aimé de vous? Cependant, quand je vous ai demandé un mot, un seul mot, pour dissiper mes craintes, au lieu de me répondre, vous avez feint de craindre d'ÃÂȘtre entendue; et cet obstacle qui n'existait pas alors vous l'avez fait naÃtre aussitÎt, par la place que vous avez choisie dans le cercle. Quand, forcé de vous quitter, je vous ai demandé l'heure à laquelle je pourrais vous revoir demain, vous avez feint de l'ignorer, et il a fallu que ce fût Madame de Volanges qui m'en instruisÃt. Ainsi ce moment toujours si désiré qui doit me rapprocher de vous, demain ne fera naÃtre en moi que de l'inquiétude; et le plaisir de vous voir, jusqu'alors si cher à mon cÅ“ur, sera remplacé par la crainte de vous ÃÂȘtre importun. Déjà , je le sens, cette crainte m'arrÃÂȘte, et je n'ose vous parler de mon amour. Ce je vous aime , que j'aimais tant à répéter quand je pouvais l'entendre à mon tour, ce mot si doux, qui suffisait à ma félicité, ne m'offre plus, si vous ÃÂȘtes changée, que l'image d'un désespoir éternel. Je ne puis croire pourtant que ce talisman de l'Amour ait perdu toute sa puissance, et j'essaie de m'en servir encore [Ceux qui n'ont pas eu l'occasion de sentir quelquefois le prix d'un mot d'une expression, consacrés par l'Amour, ne trouveront aucun sens dans cette phrase]. Oui, ma Cécile, je vous aime. Répétez donc avec moi cette expression de mon bonheur. Songez que vous m'avez accoutumé à l'entendre, et que m'en priver, c'est me condamner à un tourment qui, de mÃÂȘme que mon amour, ne finira qu'avec ma vie. De ..., ce 29 août 17** LETTRE XLVII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Je ne vous verrai pas encore aujourd'hui, ma belle amie, et voici mes raisons, que je vous prie de recevoir avec indulgence. Au lieu de revenir hier directement, je me suis arrÃÂȘté chez la Comtesse de ***, dont le chùteau se trouvait presque sur ma route, et à qui j'ai demandé à dÃner. Je ne suis arrivé à Paris que vers les sept heures, et je suis descendu à l'Opéra, oÃÂč j'espérais que vous pouviez ÃÂȘtre. L'Opéra fini, j'ai été revoir mes amies du foyer; j'y ai retrouvé mon ancienne Emilie, entourée d'une cour nombreuse, tant en femmes qu'en hommes, à qui elle donnait le soir mÃÂȘme à souper à P... Je ne fus pas plus tÎt entré dans ce cercle, que je fus prié du souper, par acclamation. Je le fus aussi par une petite figure grosse et courte qui me baragouina une invitation en français de Hollande, et que je reconnus pour le véritable héros de la fÃÂȘte. J'acceptai. J'appris, dans ma route, que la maison oÃÂč nous allions était le prix convenu des bontés d'Emilie pour cette figure grotesque, et que ce souper était un véritable repas de noces. Le petit homme ne se possédait pas de joie, dans l'attente du bonheur dont il allait jouir; il m'en parut si satisfait, qu'il me donna envie de le troubler; ce que je fis en effet. La seule difficulté que j'éprouvai fut de décider Emilie que la richesse du Bourgmestre rendait un peu scrupuleuse. Elle se prÃÂȘta pourtant, aprÚs quelques façons, au projet que je donnai, de remplir de vin ce petit tonneau à biÚre, et de le mettre ainsi hors de combat pour toute la nuit. L'idée sublime que nous nous étions formée d'un buveur Hollandais nous fit employer tous les moyens connus. Nous réussÃmes si bien, qu'au dessert il n'avait déjà plus la force de tenir son verre mais la secourable Emilie et moi l'entonnions à qui mieux mieux. Enfin, il tomba sous la table, dans une ivresse telle, qu'elle doit au moins durer huit jours. Nous nous décidùmes alors à le renvoyer à Paris; et comme il n'avait pas gardé sa voiture, je le fis charger dans la mienne, et je restai à sa place. Je reçus ensuite les compliments de l'assemblée, qui se retira bientÎt aprÚs, et me laissa maÃtre du champ de bataille. Cette gaieté, et peut-ÃÂȘtre ma longue retraite, m'ont fait trouver Emilie si désirable, que je lui ai promis de rester avec elle jusqu'à la résurrection du Hollandais. Cette complaisance de ma part est le prix de celle qu'elle vient d'avoir, de me servir de pupitre pour écrire à ma belle Dévote, à qui j'ai trouvé plaisant d'envoyer une Lettre écrite du lit et presque d'entre les bras d'une fille, interrompue mÃÂȘme pour une infidélité complÚte, et dans laquelle je lui rends un compte exact de ma situation et de ma conduite. Emilie, qui a lu l'EpÃtre, en a ri comme une folle, et j'espÚre que vous en rirez aussi. Comme il faut que ma Lettre soit timbrée de Paris, je vous l'envoie; je la laisse ouverte. Vous voudrez bien la lire, la cacheter, et la faire mettre à la Poste. Surtout n'allez pas vous servir de votre cachet, ni mÃÂȘme d'aucun emblÚme amoureux; une tÃÂȘte seulement. Adieu, ma belle amie. Je rouvre ma Lettre; j'ai décidé Emilie à aller aux Italiens. Je profiterai de ce temps pour aller vous voir. Je serai chez vous à six heures au plus tard; et si cela vous convient, nous irons ensemble sur les sept heures chez Madame de Volanges. Il sera décent que je ne diffÚre pas l'invitation que j'ai à lui faire de la part de Madame de Rosemonde; de plus, je serai bien aise de voir la petite Volanges. Adieu, la trÚs belle dame. Je veux avoir tant de plaisir à vous embrasser que le Chevalier puisse en ÃÂȘtre jaloux. De P. . , ce 30 août 17** LETTRE XLVIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL TIMBREE DE PARIS. C'est aprÚs une nuit orageuse, et pendant laquelle je n'ai pas fermé l'oeil; c'est aprÚs avoir été sans cesse ou dans l'agitation d'une ardeur dévorante, ou dans l'entier anéantissement de toutes les facultés de mon ùme, que je viens chercher auprÚs de vous, Madame, un calme dont j'ai besoin, et dont pourtant je n'espÚre pas jouir encore. En effet, la situation oÃÂč je suis en vous écrivant me fait connaÃtre plus que jamais la puissance irrésistible de l'Amour; j'ai peine à conserver assez d'empire sur moi pour mettre quelque ordre dans mes idées; et déjà je prévois que je ne finirai pas cette Lettre sans ÃÂȘtre obligé de l'interrompre. Quoi! ne puis-je donc espérer que vous partagerez quelque jour le trouble que j'éprouve en ce moment? J'ose croire cependant que, si vous le connaissiez bien, vous n'y seriez pas entiÚrement insensible. Croyez-moi, Madame, la froide tranquillité, le sommeil de l'ùme, image de la mort, ne mÚnent point au bonheur; les passions actives peuvent seules y conduire; et malgré les tourments que vous me faites éprouver, je crois pouvoir assurer sans crainte, que, dans ce moment, je suis plus heureux que vous. En vain m'accablez-vous de vos rigueurs désolantes, elles ne m'empÃÂȘchent point de m'abandonner entiÚrement à l'Amour et d'oublier, dans le délire qu'il me cause, le désespoir auquel vous me livrez. C'est ainsi que je veux me venger de l'exil auquel vous me condamnez. Jamais je n'eus tant de plaisir en vous écrivant; jamais je ne ressentis, dans cette occupation, une émotion si douce et cependant si vive. Tout semble augmenter mes transports l'air que je respire est plein de volupté; la table mÃÂȘme sur laquelle je vous écris, consacrée pour la premiÚre fois à cet usage, devient pour moi l'autel sacré de l'Amour; combien elle va s'embellir à mes yeux! j'aurai tracé sur elle le serment de vous aimer toujours! Pardonnez, je vous en supplie, au désordre de mes sens. Je devrais peut-ÃÂȘtre m'abandonner moins à des transports que vous ne partagez pas il faut vous quitter un moment pour dissiper une ivresse qui s'augmente à chaque instant, et qui devient plus forte que moi. Je reviens à vous, Madame, et sans doute j'y reviens toujours avec le mÃÂȘme empressement. Cependant le sentiment du bonheur a fui loin de moi; il a fait place à celui des privations cruelles. A quoi me sert-il de vous parler de mes sentiments, si je cherche en vain les moyens de vous convaincre? aprÚs tant d'efforts réitérés, la confiance et la force m'abandonnent à la fois. Si je me retrace encore les plaisirs de l'Amour, c'est pour sentir plus vivement le regret d'en ÃÂȘtre privé. Je ne me vois de ressource que dans votre indulgence, et je sens trop, dans ce moment, combien j'en ai besoin pour espérer de l'obtenir. Cependant, jamais mon amour ne fut plus respectueux, jamais il ne dut moins vous offenser; il est tel, j'ose le dire, que la vertu la plus sévÚre ne devrait pas le craindre mais je crains moi-mÃÂȘme de vous entretenir plus longtemps de la peine que j'éprouve. Assuré que l'objet qui la cause ne la partage pas, il ne faut pas au moins abuser de ses bontés; et ce serait le faire, que d'employer plus de temps à vous retracer cette douloureuse image. Je ne prends plus que celui de vous supplier de me répondre, et de ne jamais douter de la vérité de mes sentiments. Ecrite de P ..., datée de Paris, ce 30 août l7**. LETTRE XLIX CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Sans ÃÂȘtre ni légÚre, ni trompeuse, il me suffit, Monsieur, d'ÃÂȘtre éclairée sur ma conduite, pour sentir la nécessité d'en changer; j'en ai promis le sacrifice à Dieu, jusqu'à ce que je puisse lui offrir aussi celui de mes sentiments pour vous, que l'état Religieux dans lequel vous ÃÂȘtes rend plus criminels encore. Je sens bien que cela me fera de la peine, et je ne vous cacherai mÃÂȘme pas que depuis avant-hier j'ai pleuré toutes les fois que j'ai songé à vous. Mais j'espÚre que Dieu me fera la grùce de me donner la force nécessaire pour vous oublier, comme je la lui demande soir et matin. J'attends mÃÂȘme de votre amitié, et de votre honnÃÂȘteté, que vous ne chercherez pas à me troubler dans la bonne résolution qu'on m'a inspirée, et dans laquelle je tùche de me maintenir. En conséquence, je vous demande d'avoir la complaisance de ne me plus écrire, d'autant que je vous préviens que je ne vous répondrais plus, et que vous me forceriez d'avertir Maman de tout ce qui se passe ce qui me priverait tout à fait du plaisir de vous voir. Je n'en conserverai pas moins pour vous tout l'attachement qu'on puisse avoir sans qu'il y ait du mal; et c'est bien de toute mon ùme que je vous souhaite toute sorte de bonheur. Je sens bien que vous allez ne plus m'aimer autant, et que peut-ÃÂȘtre vous en aimerez bientÎt une autre mieux que moi. Mais ce sera une pénitence de plus, de la faute que j'ai commise en vous donnant mon cÅ“ur, que je ne devais donner qu'à Dieu, et à mon mari quand j'en aurai un. J'espÚre que la miséricorde divine aura pitié de ma faiblesse, et qu'elle ne me donnera de peine que ce que j'en pourrai supporter. Adieu, Monsieur; je peux bien vous assurer que s'il m'était permis d'aimer quelqu'un, ce ne serait jamais que vous que j'aimerais. Mais voilà tout ce que je peux vous dire, et c'est peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme plus que je ne devrais. De ..., ce 31 août 17** LETTRE L LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Est-ce donc ainsi, Monsieur, que vous remplissez les conditions auxquelles j'ai consenti à recevoir quelquefois de vos Lettres? Et puis-je ne pas avoir à m'en plaindre , quand vous ne m'y parlez que d'un sentiment auquel je craindrais encore de me livrer, quand mÃÂȘme je le pourrais sans blesser tous mes devoirs? Au reste, si j'avais besoin de nouvelles raisons pour conserver cette crainte salutaire, il me semble que je pourrais les trouver dans votre derniÚre Lettre. En effet, dans le moment mÃÂȘme oÃÂč vous croyez faire l'apologie de l'Amour, que faites-vous au contraire que m'en montrer les orages redoutables? qui peut vouloir d'un bonheur acheté au prix de la raison, et dont les plaisirs peu durables sont au moins suivis des regrets, quand ils ne le sont pas des remords? Vous-mÃÂȘme, chez qui l'habitude de ce délire dangereux doit en diminuer l'effet, n'ÃÂȘtes-vous pas cependant obligé de convenir qu'il devient souvent plus fort que vous, et n'ÃÂȘtes-vous pas le premier à vous plaindre du trouble involontaire qu'il vous cause? Quel ravage effrayant ne ferait-il donc pas sur un cÅ“ur neuf et sensible, qui ajouterait encore à son empire par la grandeur des sacrifices qu'il serait obligé de lui faire? Vous croyez, Monsieur, ou vous feignez de croire que l'Amour mÚne au bonheur; et moi, je suis si persuadée qu'il me rendrait malheureuse, que je voudrais n'entendre jamais prononcer son nom. Il me semble que d'en parler seulement altÚre la tranquillité; et c'est autant par goût que par devoir, que je vous prie de vouloir bien garder le silence sur ce point. AprÚs tout, cette demande doit vous ÃÂȘtre bien facile à m'accorder à présent. De retour à Paris, vous y trouverez assez d'occasions d'oublier un sentiment qui peut-ÃÂȘtre n'a dû sa naissance qu'à l'habitude oÃÂč vous ÃÂȘtes de vous occuper de semblables objets, et sa force qu'au désÅ“uvrement de la campagne. N'ÃÂȘtes- vous donc pas dans ce mÃÂȘme lieu, oÃÂč vous m'aviez vue avec tant d'indifférence? Y pouvez-vous faire un pas sans y rencontrer un exemple de votre facilité à changer et n'y ÃÂȘtes-vous pas entouré de femmes, qui toutes, plus aimables que moi, ont plus de droits à vos hommages? Je n'ai pas la vanité qu'on reproche à mon sexe; j'ai encore moins cette fausse modestie qui n'est qu'un raffinement de l'orgueil; et c'est de bien bonne foi que je vous dis ici que je me connais bien peu de moyens de plaire je les aurais tous, que je ne les croirais pas suffisants pour vous fixer. Vous demander de ne plus vous occuper de moi, ce n'est donc que vous prier de faire aujourd'hui ce que déjà vous aviez fait, et ce qu'à coup sûr vous feriez encore dans peu de temps, quand mÃÂȘme je vous demanderais le contraire. Cette vérité, que je ne perds pas de vue, serait, à elle seule, une raison assez forte pour ne pas vouloir vous entendre. J'en ai mille autres encore mais sans entrer dans cette longue discussion, je m'en tiens à vous prier, comme je l'ai déjà fait, de ne plus m'entretenir d'un sentiment que je ne dois pas écouter, et auquel je dois encore moins répondre. De ..., ce 1er septembre 17** SECONDE PARTIE LETTRE LI LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT En vérité, Vicomte, vous ÃÂȘtes insupportable. Vous me traitez avec autant de légÚreté que si j'étais votre MaÃtresse. Savez-vous que je me fùcherai, et que j'ai dans ce moment une humeur effroyable? Comment! vous devez voir Danceny demain matin; vous savez combien il est important que je vous parle avant cette entrevue; et sans vous inquiéter davantage, vous me laissez vous attendre toute la journée, pour aller courir je ne sais oÃÂč? Vous ÃÂȘtes cause que je suis arrivée indécemment tard chez Madame de Volanges, et que toutes les vieilles femmes m'ont trouvée merveilleuse. Il m'a fallu leur faire des cajoleries toute la soirée pour les apaiser car il ne faut pas fùcher les vieilles femmes; ce sont elles qui font la réputation des jeunes. A présent il est une heure du matin, et au lieu de me coucher, comme j'en meurs d'envie, il faut que je vous écrive une longue Lettre, qui va redoubler mon sommeil par l'ennui qu'elle me causera. Vous ÃÂȘtes bien heureux que je n'aie pas le temps de vous gronder davantage. N'allez pas croire pour cela que je vous pardonne; c'est seulement que je suis pressée. Ecoutez-moi donc, je me dépÃÂȘche. Pour peu que vous soyez adroit, vous devez avoir demain la confidence de Danceny. Le moment est favorable pour la confiance c'est celui du malheur. La petite fille a été à confesse; elle a tout dit, comme un enfant; et depuis, elle est tourmentée à un tel point de la peur du diable, qu'elle veut rompre absolument. Elle m'a raconté tous ses petits scrupules, avec une vivacité qui m'apprenait assez combien sa tÃÂȘte était montée. Elle m'a montré sa Lettre de rupture, qui est une vraie capucinade. Elle a babillé une heure avec moi, sans me dire un mot qui ait le sens commun. Mais elle ne m'en a pas moins embarrassée; car vous jugez que je ne pouvais risquer de m'ouvrir vis-à -vis d'une aussi mauvaise tÃÂȘte. J'ai vu pourtant au milieu de tout ce bavardage qu'elle n'en aime pas moins son Danceny; j'ai remarqué mÃÂȘme une de ces ressources qui ne manquent jamais à l'Amour, et dont la petite fille est assez plaisamment la dupe. Tourmentée par le désir de s'occuper de son Amant, et par la crainte de se damner en s'en occupant, elle a imaginé de prier Dieu de le lui faire oublier; et comme elle renouvelle cette priÚre à chaque instant du jour, elle trouve le moyen d'y penser sans cesse. Avec quelqu'un de plus usagé que Danceny, ce petit événement serait peut-ÃÂȘtre plus favorable que contraire, mais le jeune homme est si Céladon, que, si nous ne l'aidons pas, il lui faudra tant de temps pour vaincre les plus légers obstacles qu'il ne nous laissera pas celui d'effectuer notre projet. Vous avez bien raison; c'est dommage, et je suis aussi fùchée que vous qu'il soit le héros de cette aventure mais que voulez-vous? ce qui est fait est fait; et c'est votre faute. J'ai demandé à voir sa Réponse [Cette Lettre ne s'est pas retrouvée]; elle m'a fait pitié. Il lui fait des raisonnements à perte d'haleine, pour lui prouver qu'un sentiment involontaire ne peut pas ÃÂȘtre un crime comme s'il ne cessait pas d'ÃÂȘtre involontaire, du moment qu'on cesse de le combattre! Cette idée est si simple, qu'elle est venue mÃÂȘme à la petite fille. Il se plaint de son malheur d'une maniÚre assez touchante mais sa douleur est si douce et paraÃt si forte et si sincÚre, qu'il me semble impossible qu'une femme qui trouve l'occasion de désespérer un homme à ce point, et avec aussi peu de danger, ne soit pas tentée de s'en passer la fantaisie. Il lui explique enfin qu'il n'est pas Moine comme la petite le croyait; et c'est, sans contredit, ce qu'il fait de mieux car, pour faire tant que de se livrer à l'Amour Monastique, assurément MM. les Chevaliers de Malte ne mériteraient pas la préférence. Quoi qu'il en soit, au lieu de perdre mon temps en raisonnements qui m'auraient compromise, et peut-ÃÂȘtre sans persuader, j'ai approuvé le projet de rupture mais j'ai dit qu'il était plus honnÃÂȘte, en pareil cas, de dire ses raisons que de les écrire; qu'il était d'usage aussi de rendre les Lettres et les autres bagatelles qu'on pouvait avoir reçues; et paraissant entrer ainsi dans les vues de la petite personne, je l'ai décidée à donner un rendez-vous à Danceny. Nous en avons sur-le-champ concerté les moyens, et je me suis chargée de décider la mÚre à sortir sans sa fille; c'est demain aprÚs-midi que sera cet instant décisif. Danceny en est déjà instruit; mais, pour Dieu, si vous en trouvez l'occasion, décidez donc ce beau Berger à ÃÂȘtre moins langoureux; et apprenez-lui, puisqu'il faut lui tout dire, que la vraie façon de vaincre les scrupules est de ne laisser rien à perdre à ceux qui en ont. Au reste, pour que cette ridicule scÚne ne se renouvelùt pas, je n'ai pas manqué d'élever quelques doutes dans l'esprit de la petite fille sur la discrétion des Confesseurs; et je vous assure qu'elle paie à présent la peur qu'elle m'a faite, par celle qu'elle a que le sien n'aille tout dire à sa mÚre. J'espÚre qu'aprÚs que j'en aurai causé encore une fois ou deux avec elle, elle n'ira plus raconter ainsi ses sottises au premier venu [Le lecteur a dû deviner depuis longtemps, par les mÅ“urs de Madame de Merteuil, combien peu elle respectait la Religion. On aurait supprimé tout cet alinéa, mais on a cru qu'en montrant les effets, on ne devait pas négliger d'en faire connaÃtre les causes.]. Adieu, Vicomte; emparez-vous de Danceny, et conduisez-le. Il serait honteux que nous ne fissions pas ce que nous voulons de deux enfants. Si nous y trouvons plus de peine que nous ne l'avions cru d'abord, songeons, pour animer notre zÚle, vous, qu'il s'agit de la fille de Madame de Volanges, et moi, qu'elle doit devenir la femme de Gercourt. Adieu. De ..., ce 2 septembre l7**. LETTRE LII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Vous me défendez, Madame, de vous parler de mon amour; mais oÃÂč trouver le courage nécessaire pour vous obéir? Uniquement occupé d'un sentiment qui devrait ÃÂȘtre si doux, et que vous rendez si cruel; languissant dans l'exil oÃÂč vous m'avez condamné; ne vivant que de privations et de regrets; en proie à des tourments d'autant plus douloureux, qu'ils me rappellent sans cesse votre indifférence; me faudra-t-il encore perdre la seule consolation qui me reste? et puis-je en avoir d'autre, que de vous ouvrir quelquefois une ùme que vous remplissez de trouble et d'amertume? Détournerez-vous vos regards, pour ne pas voir les pleurs que vous faites répandre? Refuserez-vous jusqu'à l'hommage des sacrifices que vous exigez? Ne serait-il donc pas plus digne de vous, de votre ùme honnÃÂȘte et douce, de plaindre un malheureux, qui ne l'est que par vous, que de vouloir encore aggraver ses peines, par une défense à la fois injuste et rigoureuse. Vous feignez de craindre l'Amour, et vous ne voulez pas voir que vous seule causez les maux que vous lui reprochez. Ah! sans doute, ce sentiment est pénible, quand l'objet qui l'inspire ne le partage point; mais oÃÂč trouver le bonheur, si un amour réciproque ne le procure pas? L'amitié tendre, la douce confiance et la seule qui soit sans réserve, les peines adoucies, les plaisirs augmentés, l'espoir enchanteur, les souvenirs délicieux, oÃÂč les trouver ailleurs que dans l'Amour? Vous le calomniez, vous qui, pour jouir de tous les biens qu'il vous offre, n'avez qu'à ne plus vous y refuser; et moi j'oublie les peines que j'éprouve, pour m'occuper à le défendre. Vous me forcez aussi à me défendre moi-mÃÂȘme; car tandis que je consacre ma vie à vous adorer, vous passez la vÎtre à me chercher des torts déjà vous me supposez léger et trompeur; et abusant, contre moi, de quelques erreurs, dont moi-mÃÂȘme je vous ai fait l'aveu, vous vous plaisez à confondre ce que j'étais alors, avec ce que je suis à présent. Non contente de m'avoir livré au tourment de vivre loin de vous, vous y joignez un persiflage cruel, sur des plaisirs auxquels vous savez assez combien vous m'avez rendu insensible. Vous ne croyez ni à mes promesses, ni à mes serments eh bien! il me reste un garant à vous offrir, qu'au moins vous ne suspecterez pas; c'est vous- mÃÂȘme. Je ne vous demande que de vous interroger de bonne foi; si vous ne croyez pas à mon amour, si vous doutez un moment de régner seule sur mon ùme, si vous n'ÃÂȘtes pas assurée d'avoir fixé ce cÅ“ur, en effet, jusqu'ici trop volage, je consens à porter la peine de cette erreur; j'en gémirai, mais n'en appellerai point mais si au contraire, nous rendant justice à tous deux, vous ÃÂȘtes forcée de convenir avec vous-mÃÂȘme que vous n'avez, que vous n'aurez jamais de rivale, ne m'obligez plus, je vous supplie, à combattre des chimÚres, et laissez-moi au moins cette consolation de vous voir ne plus douter d'un sentiment qui, en effet, ne finira, ne peut finir qu'avec ma vie. Permettez-moi, Madame, de vous prier de répondre positivement à cet article de ma Lettre. Si j'abandonne cependant cette époque de ma vie, qui paraÃt me nuire si cruellement auprÚs de vous, ce n'est pas qu'au besoin les raisons me manquassent pour la défendre. Qu'ai-je fait, aprÚs tout, que ne pas résister au tourbillon dans lequel j'avais été jeté? Entré dans le monde, jeune et sans expérience; passé, pour ainsi dire, de mains en mains, par une foule de femmes, qui toutes se hùtent de prévenir par leur facilité une réflexion qu'elles sentent devoir leur ÃÂȘtre défavorable; était-ce donc à moi de donner l'exemple d'une résistance qu'on ne m'opposait point? ou devais-je me punir d'un moment d'erreur, et que souvent on avait provoqué par une constance à coup sûr inutile, et dans laquelle on n'aurait vu qu'un ridicule? Eh! quel autre moyen qu'une prompte rupture peut justifier d'un choix honteux! Mais, je puis le dire, cette ivresse des sens, peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme ce délire de la vanité, n'a point passé jusqu'à mon cÅ“ur. Né pour l'Amour, l'intrigue pouvait le distraire, et ne suffisait pas pour l'occuper; entouré d'objets séduisants, mais méprisables, aucun n'allait jusqu'à mon ùme on m'offrait des plaisirs, je cherchais des vertus; et moi-mÃÂȘme enfin je me crus inconstant, parce que j'étais délicat et sensible. C'est en vous voyant que je me suis éclairé bientÎt j'ai reconnu que le charme de l'Amour tenait aux qualités de l'ùme; qu'elles seules pouvaient en causer l'excÚs, et le justifier. Je sentis enfin qu'il m'était également impossible et de ne pas vous aimer, et d'en aimer une autre que vous. Voilà , Madame, quel est ce cÅ“ur auquel vous craignez de vous livrer, et sur le sort de qui vous avez à prononcer mais quel que soit le destin que vous lui réservez, vous ne changerez rien aux sentiments qui l'attachent à vous; ils sont inaltérables comme les vertus qui les ont fait naÃtre. De ..., ce 3 septembre 17** LETTRE LIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL J'ai vu Danceny, mais je n'en ai obtenu qu'une demi-confidence; il s'est obstiné, surtout, à me taire le nom de la petite Volanges, dont il ne m'a parlé que comme d'une femme trÚs sage, et mÃÂȘme un peu dévote à cela prÚs, il m'a raconté avec assez de vérité son aventure, et surtout le dernier événement. Je l'ai échauffé autant que j'ai pu, et l'ai beaucoup plaisanté sur sa délicatesse et ses scrupules; mais il paraÃt qu'il y tient, et je ne puis pas répondre de lui au reste, je pourrai vous en dire davantage aprÚs-demain. Je le mÚne demain à Versailles, et je m'occuperai à le scruter pendant la route. Le rendez-vous qui doit avoir eu lieu aujourd'hui me donne aussi quelque espérance il se pourrait que tout s'y fût passé à notre satisfaction; et peut-ÃÂȘtre ne nous reste-t-il à présent qu'à en arracher l'aveu, et à en recueillir les preuves. Cette besogne vous sera plus facile qu'à moi car la petite personne est plus confiante, ou, ce qui revient au mÃÂȘme, plus bavarde, que son discret Amoureux. Cependant j'y ferai mon possible. Adieu, ma belle amie, je suis fort pressé; je ne vous verrai ni ce soir, ni demain si de votre cÎté vous avez su quelque chose, écrivez-moi un mot pour mon retour. Je reviendrai sûrement coucher à Paris. De ..., ce 3 septembre 17**, au soir. LETTRE LIV LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Oh! oui! c'est bien avec Danceny qu'il y a quelque chose à savoir! S'il vous l'a dit, il s'est vanté. Je ne connais personne si bÃÂȘte en amour, et je me reproche de plus en plus les bontés que nous avons pour lui. Savez-vous que j'ai pensé ÃÂȘtre compromise par rapport à lui! et que ce soit en pure perte! Oh! je m'en vengerai, je le promets. Quand j'arrivai hier pour prendre Madame de Volanges, elle ne voulait plus sortir; elle se sentait incommodée; il me fallut toute mon éloquence pour la décider, et je vis le moment que Danceny serait arrivé avant notre départ; ce qui eût été d'autant plus gauche que Madame de Volanges lui avait dit la veille qu'elle ne serait pas chez elle. Sa fille et moi, nous étions sur les épines. Nous sortÃmes enfin; et la petite me serra la main si affectueusement en me disant adieu, que malgré son projet de rupture, dont elle croyait de bonne foi s'occuper encore, j'augurai des merveilles de la soirée. Je n'étais pas au bout de mes inquiétudes. Il y avait à peine une demi-heure que nous étions chez Madame de *** que Madame de Volanges se trouva mal en effet, mais sérieusement mal; et comme de raison, elle voulait rentrer chez elle moi, je le voulais d'autant moins que j'avais peur, si nous surprenions les jeunes gens, comme il y avait tout à parier, que mes instances auprÚs de la mÚre, pour la faire sortir, ne lui devinssent suspectes. Je pris le parti de l'effrayer sur sa santé, ce qui heureusement n'est pas difficile; et je la tins une heure et demie, sans consentir à la ramener chez elle, dans la crainte que je feignis d'avoir du mouvement dangereux de la voiture. Nous ne rentrùmes enfin qu'à l'heure convenue. A l'air honteux que je remarquai en arrivant, j'avoue que j'espérai qu'au moins mes peines n'auraient pas été perdues. Le désir que j'avais d'ÃÂȘtre instruite me fit rester auprÚs de Madame de Volanges, qui se coucha aussitÎt, et aprÚs avoir soupé auprÚs de son lit, nous la laissùmes de trÚs bonne heure, sous le prétexte qu'elle avait besoin de repos; et nous passùmes dans l'appartement de sa fille. Celle-ci a fait de son cÎté tout ce que j'attendais d'elle; scrupules évanouis, nouveaux serments d'aimer toujours, etc., elle s'est enfin exécutée de bonne grùce mais le sot Danceny n'a pas passé d'une ligne le point oÃÂč il était auparavant. Oh! l'on peut se brouiller avec celui-là ; les raccommodements ne sont pas dangereux. La petite assure pourtant qu'il voulait davantage, mais qu'elle a su se défendre. Je parierais bien qu'elle se vante, ou qu'elle l'excuse; je m'en suis mÃÂȘme presque assurée. En effet, il m'a pris fantaisie de savoir à quoi m'en tenir sur la défense dont elle était capable; et moi, simple femme, de propos en propos, j'ai monté sa tÃÂȘte au point... Enfin vous pouvez m'en croire, jamais personne ne fut plus susceptible d'une surprise des sens. Elle est vraiment aimable, cette chÚre petite! Elle méritait un autre Amant; elle aura au moins une bonne amie, car je m'attache sincÚrement à elle. Je lui ai promis de la former et je crois que je lui tiendrai parole. Je me suis souvent aperçue du besoin d'avoir une femme dans ma confidence, et j'aimerais mieux celle-là qu'une autre; mais je ne puis en rien faire, tant qu'elle ne sera pas ce qu'il faut qu'elle soit; et c'est une raison de plus d'en vouloir à Danceny. Adieu, Vicomte; ne venez pas chez moi demain, à moins que ce ne soit le matin. J'ai cédé aux instances du Chevalier, pour une soirée de petite Maison. De ..., ce 4 septembre 17** LETTRE LV CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Tu avais raison, ma chÚre Sophie; tes prophéties réussissent mieux que tes conseils. Danceny, comme tu l'avais prédit, a été plus fort que le Confesseur, que toi, que moi-mÃÂȘme; et nous voilà revenus exactement oÃÂč nous en étions. Ah! je ne m'en repens pas; et toi, si tu m'en grondes ce sera faute de savoir le plaisir qu'il y a à aimer Danceny. Il t'est bien aisé de dire comme il faut faire, rien ne t'en empÃÂȘche; mais si tu avais éprouvé combien le chagrin de quelqu'un qu'on aime nous fait mal, comment sa joie devient la nÎtre, et comment il est difficile de dire non, quand c'est oui que l'on veut dire, tu ne t'étonnerais plus de rien moi-mÃÂȘme qui l'ai senti, bien vivement senti, je ne le comprends pas encore. Crois-tu, par exemple, que je puisse voir pleurer Danceny sans pleurer moi-mÃÂȘme? Je t'assure bien que cela m'est impossible; et quand il est content, je suis heureuse comme lui. Tu auras beau dire; ce qu'on dit ne change pas ce qui est, et je suis bien sûre que c'est comme ça. Je voudrais te voir à ma place... Non, ce n'est pas là ce que je veux dire, car sûrement je ne voudrais céder ma place à personne mais je voudrais que tu aimasses aussi quelqu'un; ce ne serait pas seulement pour que tu m'entendisses mieux, et que tu me grondasses moins; car c'est qu'aussi tu serais plus heureuse, ou, pour mieux dire, tu commencerais seulement alors à le devenir. Nos amusements, nos rires, tout cela, vois-tu, ce ne sont que des jeux d'enfants; il n'en reste rien aprÚs qu'ils sont passés. Mais l'Amour, ah! l'Amour!... un mot, un regard, seulement de le savoir là , eh bien! c'est le bonheur. Quand je vois Danceny, je ne désire plus rien; quand je ne le vois pas, je ne désire que lui. Je ne sais comment cela se fait mais on dirait que tout ce qui me plaÃt lui ressemble. Quand il n'est pas avec moi, j'y songe; et quand je peux y songer tout à fait, sans distraction, quand je suis toute seule, par exemple, je suis encore heureuse; je ferme les yeux, et tout de suite je crois le voir; je me rappelle ses discours, et je crois l'entendre; cela me fait soupirer; et puis je sens un feu, une agitation... Je ne saurais tenir en place. C'est comme un tourment, et ce tourment-là fait un plaisir inexprimable. Je crois mÃÂȘme que quand une fois on a de l'Amour, cela se répand jusque sur l'amitié. Celle que j'ai pour toi n'a pourtant pas changé; c'est toujours comme au Couvent mais ce que je te dis, je l'éprouve avec Madame de Merteuil. Il me semble que je l'aime plus comme Danceny que comme toi, et quelquefois je voudrais qu'elle fût lui. Cela vient peut-ÃÂȘtre de ce que ce n'est pas une amitié d'enfant comme la nÎtre; ou bien de ce que je les vois si souvent ensemble, ce qui fait que je me trompe. Enfin, ce qu'il y a de vrai, c'est qu'à eux deux, ils me rendent bien heureuse; et aprÚs tout, je ne crois pas qu'il y ait grand mal à ce que je fais. Aussi je ne demanderais qu'à rester comme je suis; et il n'y a que l'idée de mon mariage qui me fasse de la peine car si M. de Gercourt est comme on me l'a dit, et je n'en doute pas, je ne sais pas ce que je deviendrai. Adieu, ma Sophie; je t'aime toujours bien tendrement. De ..., ce 4 septembre 17** LETTRE LVI LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT A quoi vous servirait, Monsieur, la réponse que vous me demandez? Croire à vos sentiments, ne serait-ce pas une raison de plus pour les craindre? et sans attaquer ni défendre leur sincérité, ne me suffit-il pas, ne doit-il pas vous suffire à vous-mÃÂȘme, de savoir que je ne veux ni ne dois y répondre? Supposé que vous m'aimiez véritablement et c'est seulement pour ne plus revenir sur cet objet que je consens à cette supposition, les obstacles qui nous séparent en seraient-ils moins insurmontables? et aurais-je autre chose à faire qu'à souhaiter que vous puissiez bientÎt vaincre cet amour, et surtout à vous y aider de tout mon pouvoir, en me hùtant de vous Îter toute espérance? Vous convenez vous-mÃÂȘme que ce sentiment est pénible quand l'objet qui l'inspire ne le partage point . Or, vous savez assez qu'il m'est impossible de le partager, et quand mÃÂȘme ce malheur m'arriverait, j'en serais plus à plaindre, sans que vous en fussiez plus heureux. J'espÚre que vous m'estimez assez pour n'en pas douter un instant. Cessez donc, je vous en conjure, cessez de vouloir troubler un cÅ“ur à qui la tranquillité est si nécessaire; ne me forcez pas à regretter de vous avoir connu. Chérie et estimée d'un mari que j'aime et respecte, mes devoirs et mes plaisirs se rassemblent dans le mÃÂȘme objet. Je suis heureuse, je dois l'ÃÂȘtre. S'il existe des plaisirs plus vifs, je ne les désire pas; je ne veux point les connaÃtre. En est-il de plus doux que d'ÃÂȘtre en paix avec soi-mÃÂȘme, de n'avoir que des jours sereins, de s'endormir sans trouble, et de s'éveiller sans remords? Ce que vous appelez le bonheur n'est qu'un tumulte des sens, un orage des passions dont le spectacle est effrayant, mÃÂȘme à le regarder du rivage. Eh! comment affronter ces tempÃÂȘtes? comment oser s'embarquer sur une mer couverte des débris de mille et mille naufrages? Et avec qui? Non, Monsieur, je reste à terre; je chéris les liens qui m'y attachent. Je pourrais les rompre, que je ne le voudrais pas; si je ne les avais, je me hùterais de les prendre. Pourquoi vous attacher à mes pas? pourquoi vous obstiner à me suivre? Vos Lettres, qui devaient ÃÂȘtre rares, se succÚdent avec rapidité. Elles devaient ÃÂȘtre sages, et vous ne m'y parlez que de votre fol amour. Vous m'entourez de votre idée, plus que vous ne le faisiez de votre personne. Ecarté sous une forme, vous vous reproduisez sous une autre. Les choses qu'on vous demande de ne plus dire, vous les redites seulement d'une autre maniÚre. Vous vous plaisez à m'embarrasser par des raisonnements captieux; vous échappez aux miens. Je ne veux plus vous répondre, je ne vous répondrai plus... Comme vous traitez les femmes que vous avez séduites! avec quel mépris vous en parlez! Je veux croire que quelques-unes le méritent mais toutes sont-elles donc si méprisables? Ah! sans doute, puisqu'elles ont trahi leurs devoirs pour se livrer à un amour criminel. De ce moment, elles ont tout perdu, jusqu'à l'estime de celui à qui elles ont tout sacrifié. Ce supplice est juste, mais l'idée seule en fait frémir. Que m'importe, aprÚs tout? pourquoi m'occuperais-je d'elles ou de vous? de quel droit venez-vous troubler ma tranquillité? Laissez-moi, ne me voyez plus; ne m'écrivez plus, je vous en prie; je l'exige. Cette Lettre est la derniÚre que vous recevrez de moi. De ..., ce 5 septembre 17** LETTRE LVII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL J'ai trouvé votre Lettre hier à mon arrivée. Votre colÚre m'a tout à fait réjoui. Vous ne sentiriez pas plus vivement les torts de Danceny, quand il les aurait eus vis-à -vis de vous. C'est sans doute par vengeance, que vous accoutumez sa MaÃtresse à lui faire de petites infidélités; vous ÃÂȘtes un bien mauvais sujet! Oui, vous ÃÂȘtes charmante, et je ne m'étonne pas qu'on vous résiste moins qu'à Danceny. Enfin je le sais par cÅ“ur, ce beau héros de Roman! il n'a plus de secret pour moi. Je lui ai tant dit que l'Amour honnÃÂȘte était le bien suprÃÂȘme, qu'un sentiment valait mieux que dix intrigues, que j'étais moi-mÃÂȘme, dans ce moment, amoureux et timide; il m'a trouvé enfin une façon de penser si conforme à la sienne, que dans l'enchantement oÃÂč il était de ma candeur, il m'a tout dit, et m'a juré une amitié sans réserve. Nous n'en sommes guÚre plus avancés pour notre projet. D'abord, il m'a paru que son systÚme était qu'une demoiselle mérite beaucoup plus de ménagements qu'une femme, comme ayant plus à perdre. Il trouve, surtout, que rien ne peut justifier un homme de mettre une fille dans la nécessité de l'épouser ou de vivre déshonorée, quand la fille est infiniment plus riche que l'homme, comme dans le cas oÃÂč il se trouve. La sécurité de la mÚre, la candeur de la fille, tout l'intimide et l'arrÃÂȘte. L'embarras ne serait point de combattre ses raisonnements, quelque vrais qu'ils soient. Avec un peu d'adresse et aidé par la passion, on les aurait bientÎt détruits; d'autant qu'ils prÃÂȘtent au ridicule, et qu'on aurait pour soi l'autorité de l'usage. Mais ce qui empÃÂȘche qu'il n'y ait de prise sur lui, c'est qu'il se trouve heureux comme il est. En effet, si les premiers amours paraissent, en général, plus honnÃÂȘtes, et comme on dit plus purs; s'ils sont au moins plus lents dans leur marche, ce n'est pas, comme on le pense, délicatesse ou timidité, c'est que le cÅ“ur, étonné par un sentiment inconnu, s'arrÃÂȘte pour ainsi dire à chaque pas, pour jouir du charme qu'il éprouve, et que ce charme est si puissant sur un cÅ“ur neuf, qu'il l'occupe au point de lui faire oublier tout autre plaisir. Cela est si vrai, qu'un libertin amoureux, si un libertin peut l'ÃÂȘtre, devient de ce moment mÃÂȘme moins pressé de jouir; et qu'enfin, entre la conduite de Danceny avec la petite Volanges, et la mienne avec la prude Madame de Tourvel, il n'y a que la différence du plus au moins. Il aurait fallu, pour échauffer notre jeune homme, plus d'obstacles qu'il n'en a rencontrés; surtout qu'il eût eu besoin de plus de mystÚre, car le mystÚre mÚne à l'audace. Je ne suis pas éloigné de croire que vous nous avez nui en le servant si bien; votre conduite eût été excellente avec un homme usagé , qui n'eût eu que des désirs mais vous auriez pu prévoir que pour un homme jeune, honnÃÂȘte et amoureux, le plus grand prix des faveurs est d'ÃÂȘtre la preuve de l'Amour; et que par conséquent, plus il serait sûr d'ÃÂȘtre aimé, moins il serait entreprenant. Que faire à présent? Je n'en sais rien; mais je n'espÚre pas que la petite soit prise avant le mariage, et nous en serons pour nos frais; j'en suis fùché, mais je n'y vois pas de remÚde. Pendant que je disserte ici, vous faites mieux avec votre Chevalier. Cela me fait songer que vous m'avez promis une infidélité en ma faveur, j'en ai votre promesse par écrit et je ne veux pas en faire un billet de la Chùtre. Je conviens que l'échéance n'est pas encore arrivée mais il serait généreux à vous de ne pas l'attendre; et de mon cÎté, je vous tiendrais compte des intérÃÂȘts. Qu'en dites-vous, ma belle amie? est-ce que vous n'ÃÂȘtes pas fatiguée de votre constance? Ce Chevalier est donc bien merveilleux? Oh! laissez-moi faire; je veux vous forcer de convenir que si vous lui avez trouvé quelque mérite, c'est que vous m'aviez oublié. Adieu, ma belle amie; je vous embrasse comme je vous désire; je défie tous les baisers du Chevalier d'avoir autant d'ardeur. De ..., ce 5 septembre 17** LETTRE LVIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Par oÃÂč ai-je donc mérité, Madame, et les reproches que vous me faites, et la colÚre que vous me témoignez? L'attachement le plus vif et pourtant le plus respectueux, la soumission la plus entiÚre à vos moindres volontés; voilà en deux mots l'histoire de mes sentiments et de ma conduite. Accablé par les peines d'un amour malheureux, je n'avais d'autre consolation que celle de vous voir vous m'avez ordonné de m'en priver; j'ai obéi sans me permettre un murmure. Pour prix de ce sacrifice, vous m'avez permis de vous écrire, et aujourd'hui vous voulez m'Îter cet unique plaisir. Me le laisserai-je ravir, sans essayer de le défendre? Non, sans doute eh! comment ne serait-il pas cher à mon cÅ“ur? c'est le seul qui me reste, et je le tiens de vous. Mes Lettres, dites-vous, sont trop fréquentes! Songez donc, je vous prie, que depuis dix jours que dure mon exil, je n'ai passé aucun moment sans m'occuper de vous, et que cependant vous n'avez reçu que deux Lettres de moi. Je ne vous y parle que de mon amour ! eh! que puis-je dire, que ce que je pense? tout ce que j'ai pu faire a été d'en affaiblir l'expression; et vous pouvez m'en croire, je ne vous en ai laissé voir que ce qu'il m'a été impossible d'en cacher. Vous me menacez enfin de ne plus me répondre. Ainsi l'homme qui vous préfÚre à tout et qui vous respecte encore plus qu'il ne vous aime, non contente de le traiter avec rigueur, vous voulez y joindre le mépris! Et pourquoi ces menaces et ce courroux? qu'en avez-vous besoin? n'ÃÂȘtes-vous pas sûre d'ÃÂȘtre obéie, mÃÂȘme dans vos ordres injustes? m'est-il donc possible de contrarier aucun de vos désirs, et ne l'ai-je pas déjà prouvé? Mais abuserez- vous de cet empire que vous avez sur moi? AprÚs m'avoir rendu malheureux, aprÚs ÃÂȘtre devenue injuste, vous sera-t-il donc bien facile de jouir de cette tranquillité que vous assurez vous ÃÂȘtre si nécessaire? ne vous direz-vous jamais Il m'a laissée maÃtresse de son sort, et j'ai fait son malheur? il implorait mes secours, et je l'ai regardé sans pitié? Savez-vous jusqu'oÃÂč peut aller mon désespoir? non. Pour calculer mes maux, il faudrait savoir à quel point je vous aime, et vous ne connaissez pas mon cÅ“ur. A quoi me sacrifiez-vous? à des craintes chimériques. Et qui vous les inspire? un homme qui vous adore; un homme sur qui vous ne cesserez jamais d'avoir un empire absolu. Que craignez-vous, que pouvez-vous craindre d'un sentiment que vous serez toujours maÃtresse de diriger à votre gré? Mais votre imagination se crée des monstres, et l'effroi qu'ils vous causent, vous l'attribuez à l'Amour. Un peu de confiance, et ces fantÎmes disparaÃtront. Un Sage a dit que pour dissiper ses craintes il suffisait presque toujours d'en approfondir la cause [On croit que c'est Rousseau dans Emile, mais la citation n'est pas exacte, et l'application qu'en fait Valmont est bien fausse; et puis, Madame de Tourvel avait-elle lu Emile?]. C'est surtout en amour que cette vérité trouve son application. Aimez, et vos craintes s'évanouiront. A la place des objets qui vous effrayent, vous trouverez un sentiment délicieux, un Amant tendre et soumis; et tous vos jours, marqués par le bonheur, ne vous laisseront d'autre regret que d'en avoir perdu quelques-uns dans l'indifférence. Moi-mÃÂȘme, depuis que, revenu de mes erreurs, je n'existe plus que pour l'Amour, je regrette un temps que je croyais avoir passé dans les plaisirs; et je sens que c'est à vous seule qu'il appartient de me rendre heureux. Mais, je vous en supplie, que le plaisir que je trouve à vous écrire ne soit plus troublé par la crainte de vous déplaire. Je ne veux pas vous désobéir; mais je suis à vos genoux, j'y réclame le bonheur que vous voulez me ravir, le seul que vous m'avez laissé; je vous crie écoutez mes priÚres, et voyez mes larmes; ah! Madame, me refuserez-vous? De ..., ce 7 septembre 17** LETTRE LIX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Apprenez-moi, si vous savez, ce que signifie ce radotage de Danceny. Qu'est- il donc arrivé, et qu'est-ce qu'il a perdu? Sa Belle s'est peut-ÃÂȘtre fùchée de son respect éternel? Il faut ÃÂȘtre juste, on se fùcherait à moins. Que lui dirai-je ce soir, au rendez-vous qu'il me demande, et que je lui ai donné à tout hasard? Assurément je ne perdrai pas mon temps à écouter ses doléances, si cela ne doit nous mener à rien. Les complaintes amoureuses ne sont bonnes à entendre qu'en récitatifs obligés, ou en grandes ariettes. Instruisez-moi donc de ce qui est et de ce que je dois faire; ou bien je déserte, pour éviter l'ennui que je prévois. Pourrai-je causer avec vous ce matin? Si vous ÃÂȘtes occupée , au moins écrivez-moi un mot, et donnez-moi les réclames de mon rÎle. OÃÂč étiez-vous donc hier? Je ne parviens plus à vous voir. En vérité, ce n'était pas la peine de me retenir à Paris au mois de Septembre. Décidez-vous pourtant, car je viens de recevoir une invitation fort pressante de la Comtesse de B**, pour aller la voir à la campagne; et, comme elle me le mande assez plaisamment, " son mari a le plus beau bois du monde, qu'il conserve soigneusement pour les plaisirs de ses amis " . Or, vous savez que j'ai bien quelques droits, sur ce bois-là ; et j'irai le revoir si je ne vous suis pas utile. Adieu, songez que Danceny sera chez moi sur les quatre heures. De ..., ce 8 septembre 17** LETTRE LX LE CHEVALIER DANCENY AU VICOMTE DE VALMONT INCLUSE DANS LA PRECEDENTE. Ah! Monsieur, je suis désespéré, j'ai tout perdu. Je n'ose confier au papier le secret de mes peines mais j'ai besoin de les répandre dans le sein d'un ami fidÚle et sûr. A quelle heure pourrais-je vous voir, et aller chercher auprÚs de vous des consolations et des conseils? J'étais si heureux le jour oÃÂč je vous ouvris mon ùme! A présent, quelle différence! tout est changé pour moi. Ce que je souffre pour mon compte n'est encore que la moindre partie de mes tourments; mon inquiétude sur un objet bien plus cher, voilà ce que je ne puis supporter. Plus heureux que moi, vous pourrez la voir, et j'attends de votre amitié que vous ne me refuserez pas cette démarche mais il faut que je vous parle, que je vous instruise. Vous me plaindrez, vous me secourrez; je n'ai d'espoir qu'en vous. Vous ÃÂȘtes sensible, vous connaissez l'Amour, et vous ÃÂȘtes le seul à qui je puisse me confier; ne me refusez pas vos secours. Adieu, Monsieur; le seul soulagement que j'éprouve dans ma douleur est de songer qu'il me reste un ami tel que vous. Faites-moi savoir, je vous prie, à quelle heure je pourrai vous trouver. Si ce n'est pas ce matin, je désirerais que ce fût de bonne heure dans l'aprÚs-midi. De ..., ce 8 septembre 17** LETTRE LXI CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Ma chÚre Sophie, plains ta Cécile, ta pauvre Cécile; elle est bien malheureuse! Maman sait tout. Je ne conçois pas comment elle a pu se douter de quelque chose, et pourtant elle a tout découvert. Hier au soir, Maman me parut bien avoir un peu d'humeur; mais je n'y fis pas grande attention; et mÃÂȘme en attendant que sa partie fût finie, je causai trÚs gaiement avec Madame de Merteuil qui avait soupé ici, et nous parlùmes beaucoup de Danceny. Je ne crois pourtant pas qu'on ait pu nous entendre. Elle s'en alla, et je me retirai dans mon appartement. Je me déshabillais, quand Maman entra et fit sortir ma Femme de chambre; elle me demanda la clef de mon secrétaire. Le ton dont elle me fit cette demande me causa un tremblement si fort que je pouvais à peine me soutenir. Je faisais semblant de ne la pas trouver, mais enfin il fallut obéir. Le premier tiroir qu'elle ouvrit fut justement celui oÃÂč étaient les Lettres du Chevalier Danceny. J'étais si troublée, que quand elle me demanda ce que c'était, je ne sus lui répondre autre chose, sinon que ce n'était rien; mais quand je la vis commencer à lire celle qui se présentait la premiÚre, je n'eus que le temps de gagner un fauteuil, et je me trouvai mal au point que je perdis connaissance. AussitÎt que je revins à moi, ma mÚre, qui avait appelé ma Femme de chambre, se retira, en me disant de me coucher. Elle a emporté toutes les Lettres de Danceny. Je frémis toutes les fois que je songe qu'il me faudra reparaÃtre devant elle. Je n'ai fait que pleurer toute la nuit. Je t'écris au point du jour, dans l'espoir que Joséphine viendra. Si je peux lui parler seule, je la prierai de remettre chez Madame de Merteuil un petit billet que je vas lui écrire; sinon, je le mettrai dans ta Lettre, et tu voudras bien l'envoyer comme de toi. Ce n'est que d'elle que je puis recevoir quelque consolation. Au moins, nous parlerons de lui, car je n'espÚre plus le voir. Je suis bien malheureuse! Elle aura peut-ÃÂȘtre la bonté de se charger d'une Lettre pour Danceny. Je n'ose pas me confier à Joséphine pour cet objet, et encore moins à ma Femme de chambre; car c'est peut-ÃÂȘtre elle qui aura dit à ma mÚre que j'avais des Lettres dans mon secrétaire. Je ne t'écrirai pas plus longuement, parce que je veux avoir le temps d'écrire à Madame de Merteuil, et aussi à Danceny, pour avoir ma Lettre toute prÃÂȘte, si elle veut bien s'en charger. AprÚs cela, je me recoucherai, pour qu'on me trouve au lit quand on entrera dans ma chambre. Je dirai que je suis malade, pour me dispenser de passer chez Maman. Je ne mentirai pas beaucoup; sûrement je souffre plus que si j'avais la fiÚvre. Les yeux me brûlent à force d'avoir pleuré; et j'ai un poids sur l'estomac, qui m'empÃÂȘche de respirer. Quand je songe que je ne verrai plus Danceny, je voudrais ÃÂȘtre morte. Adieu, ma chÚre Sophie. Je ne peux t'en dire davantage; les larmes me suffoquent. De ..., ce 7 septembre 17** Nota. On a supprimé la Lettre de Cécile Volanges à la Marquise, parce qu'elle ne contenait que les mÃÂȘmes faits de la Lettre précédente, et avec moins de détails. Celle au Chevalier Danceny ne s'est point retrouvée on en verra la raison dans la Lettre LXIII, de Madame de Merteuil au Vicomte. LETTRE LXII MADAME DE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY AprÚs avoir abusé, Monsieur, de la confiance d'une mÚre et de l'innocence d'un enfant, vous ne serez pas surpris, sans doute, de ne plus ÃÂȘtre reçu dans une maison oÃÂč vous n'avez répondu aux preuves de l'amitié la plus sincÚre, que par l'oubli de tous les procédés. Je préfÚre de vous prier de ne plus venir chez moi, à donner des ordres à ma porte, qui nous compromettraient tous également, par les remarques que les Valets ne manqueraient pas de faire. J'ai droit d'espérer que vous ne me forcerez pas de recourir à ce moyen. Je vous préviens aussi que si vous faites à l'avenir la moindre tentative pour entretenir ma fille dans l'égarement oÃÂč vous l'avez plongée, une retraite austÚre et éternelle la soustraira à vos poursuites. C'est à vous de voir, Monsieur, si vous craindrez aussi peu de causer son infortune, que vous avez peu craint de tenter son déshonneur. Quant à moi, mon choix est fait, et je l'en ai instruite. Vous trouverez ci-joint le paquet de vos Lettres. Je compte que vous me renverrez en échange toutes celles de ma fille; et que vous vous prÃÂȘterez à ne laisser aucune trace d'un événement dont nous ne pourrions garder le souvenir, moi sans indignation, elle sans honte, et vous sans remords. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. De ..., ce 7 septembre 17** LETTRE LXIII LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Vraiment, oui, je vous expliquerai le billet de Danceny. L'événement qui le lui a fait écrire est mon ouvrage, et c'est, je crois, mon chef-d'Å“uvre. Je n'ai pas perdu mon temps depuis votre derniÚre lettre, et j'ai dit comme l'Architecte Athénien " Ce qu'il a dit, je le ferai. " Il lui faut donc des obstacles à ce beau Héros de Roman, et il s'endort dans la félicité! oh! qu'il s'en rapporte à moi, je lui donnerai de la besogne; et je me trompe, ou son sommeil ne sera plus tranquille. Il fallait bien lui apprendre le prix du temps, et je me flatte qu'à présent il regrette celui qu'il a perdu. Il fallait, dites-vous aussi, qu'il eût besoin de plus de mystÚre; eh bien! ce besoin-là ne lui manquera plus. J'ai cela de bon, moi, c'est qu'il ne faut que me faire apercevoir de mes fautes; je ne prends point de repos que je n'aie tout réparé. Apprenez donc ce que j'ai fait. En rentrant chez moi avant-hier matin, je lus votre Lettre; je la trouvai lumineuse. Persuadée que vous aviez trÚs bien indiqué la cause du mal, je ne m'occupai plus qu'à trouver le moyen de le guérir. Je commençai pourtant par me coucher; car l'infatigable Chevalier ne m'avait pas laissée dormir un moment, et je croyais avoir sommeil mais point du tout; tout entiÚre à Danceny, le désir de le tirer de son indolence, ou de l'en punir, ne me permit pas de fermer l'oeil, et ce ne fut qu'aprÚs avoir bien concerté mon plan, que je pus trouver deux heures de repos. J'allai le soir mÃÂȘme chez Madame de Volanges, et, suivant mon projet, je lui fis confidence que je me croyais sûre qu'il existait entre sa fille et Danceny une liaison dangereuse. Cette femme, si clairvoyante contre vous, était aveuglée au point qu'elle me répondit d'abord qu'à coup sûr je me trompais; que sa fille était un enfant, etc. Je ne pouvais pas lui dire tout ce que j'en savais; mais je citai des regards, des propos, dont ma vertu et mon amitié s'alarmaient . Je parlai enfin presque aussi bien qu'aurait pu faire une Dévote, et, pour frapper le coup décisif, j'allai jusqu'à dire que je croyais avoir vu donner et recevoir une Lettre. Cela me rappelle, ajoutai-je, qu'un jour elle ouvrit devant moi un tiroir de son secrétaire, dans lequel je vis beaucoup de papiers, que sans doute elle conserve. Lui connaissez-vous quelque correspondance fréquente? Ici la figure de Madame de Volanges changea, et je vis quelques larmes rouler dans ses yeux. Je vous remercie, ma digne amie, me dit-elle, en me serrant la main, je m'en éclaircirai. AprÚs cette conversation, trop courte pour ÃÂȘtre suspecte, je me rapprochai de la jeune personne. Je la quittai bientÎt aprÚs, pour demander à la mÚre de ne pas me compromettre vis-à -vis de sa fille, ce qu'elle me promit d'autant plus volontiers, que je lui fis observer combien il serait heureux que cet enfant prÃt assez de confiance en moi pour m'ouvrir son cÅ“ur et me mettre à portée de lui donner mes sages conseils. Ce qui m'assure qu'elle tiendra sa promesse, c'est que je ne doute pas qu'elle ne veuille se faire honneur de sa pénétration auprÚs de sa fille. Je me trouvais, par là , autorisée à garder mon ton d'amitié avec la petite, sans paraÃtre fausse aux yeux de Madame de Volanges; ce que je voulais éviter. J'y gagnais encore d'ÃÂȘtre, par la suite, aussi longtemps et aussi secrÚtement que je voudrais, avec la jeune personne, sans que la mÚre en prÃt jamais d'ombrage. J'en profitai dÚs le soir mÃÂȘme; et aprÚs ma partie finie, je chambrai la petite dans un coin, et la mis sur le chapitre de Danceny, sur lequel elle ne tarit jamais. Je m'amusais à lui monter la tÃÂȘte sur le plaisir qu'elle aurait à le voir le lendemain; il n'est sorte de folies que je ne lui aie fait dire. Il fallait bien lui rendre en espérance ce que je lui Îtais en réalité; et puis, tout cela devait lui rendre le coup plus sensible, et je suis persuadée que plus elle aura souffert, plus elle sera pressée de s'en dédommager à la premiÚre occasion. Il est bon, d'ailleurs, d'accoutumer aux grands événements quelqu'un qu'on destine aux grandes aventures. AprÚs tout, ne peut-elle pas payer de quelques larmes le plaisir d'avoir son Danceny? elle en raffole! eh bien, je lui promets qu'elle l'aura, et plus tÎt mÃÂȘme qu'elle ne l'aurait eu sans cet orage. C'est un mauvais rÃÂȘve dont le réveil sera délicieux; et, à tout prendre, il me semble qu'elle me doit de la reconnaissance au fait, quand j'y aurais mis un peu de malice, il faut bien s'amuser Les sots sont ici-bas pour nos menus plaisirs. [Gresset. Le Méchant, Comédie] Je me retirai enfin, fort contente de moi. Ou Danceny, me disais-je, animé par les obstacles, va redoubler d'amour, et alors je le servirai de tout mon pouvoir; ou si ce n'est qu'un sot comme je suis tentée quelquefois de le croire, il sera désespéré, et se tiendra pour battu or, dans ce cas, au moins me serai-je vengée de lui, autant qu'il était en moi; chemin faisant j'aurai augmenté pour moi l'estime de la mÚre, l'amitié de la fille, et la confiance de toutes deux. Quant à Gercourt, premier objet de mes soins, je serais bien malheureuse ou bien maladroite, si, maÃtresse de l'esprit de sa femme, comme je le suis et vas l'ÃÂȘtre plus encore, je ne trouvais pas mille moyens d'en faire ce que je veux qu'il soit. Je me couchai dans ces douces idées aussi je dormis, et me réveillai fort tard. A mon réveil, je trouvai deux billets, un de la mÚre, et un de la fille; et je ne pus m'empÃÂȘcher de rire, en trouvant dans tous deux littéralement cette mÃÂȘme phrase C'est de vous seule que j'attends quelque consolation . N'est-il pas plaisant, en effet, de consoler pour et contre, et d'ÃÂȘtre le seul agent de deux intérÃÂȘts directement contraires? Me voilà comme la Divinité; recevant les vÅ“ux opposés des aveugles mortels, et ne changeant rien à mes décrets immuables. J'ai quitté pourtant ce rÎle auguste, pour prendre celui d'Ange consolateur; et j'ai été, suivant le précepte, visiter mes amis dans leur affliction. J'ai commencé par la mÚre; je l'ai trouvée d'une tristesse, qui déjà vous venge en partie des contrariétés qu'elle vous a fait éprouver de la part de votre belle Prude. Tout a réussi à merveille ma seule inquiétude était que Madame de Volanges ne profitùt de ce moment pour gagner la confiance de sa fille; ce qui eût été bien facile, en n'employant, avec elle, que le langage de la douceur et de l'amitié; et en donnant aux conseils de la raison, l'air et le ton de la tendresse indulgente. Par bonheur, elle s'est armée de sévérité; elle s'est enfin si mal conduite, que je n'ai eu qu'à applaudir. Il est vrai qu'elle a pensé rompre tous nos projets, par le parti qu'elle avait pris de faire rentrer sa fille au Couvent mais j'ai paré ce coup; et je l'ai engagée à en faire seulement la menace, dans le cas oÃÂč Danceny continuerait ses poursuites afin de les forcer tous deux à une circonspection que je crois nécessaire pour le succÚs. Ensuite j'ai été chez la fille. Vous ne sauriez croire combien la douleur l'embellit! Pour peu qu'elle prenne de coquetterie, je vous garantis qu'elle pleurera souvent pour cette fois, elle pleurait sans malice... Frappée de ce nouvel agrément que je ne lui connaissais pas, et que j'étais bien aise d'observer, je ne lui donnai d'abord que de ces consolations gauches, qui augmentent plus les peines qu'elles ne les soulagent; et, par ce moyen, je l'amenai au point d'ÃÂȘtre véritablement suffoquée. Elle ne pleurait plus, et je craignis un moment les convulsions. Je lui conseillai de se coucher, ce qu'elle accepta; je lui servis de Femme de chambre elle n'avait point fait de toilette, et bientÎt ses cheveux épars tombÚrent sur ses épaules et sur sa gorge entiÚrement découvertes; je l'embrassai; elle se laissa aller dans mes bras, et ses larmes recommencÚrent à couler sans effort. Dieu! qu'elle était belle! Ah! si Madeleine était ainsi, elle dut ÃÂȘtre bien plus dangereuse pénitente que pécheresse. Quand la belle désolée fut au lit, je me mis à la consoler de bonne foi. Je la rassurai d'abord sur la crainte du Couvent. Je fis naÃtre en elle l'espoir de voir Danceny en secret; et m'asseyant sur le lit " S'il était là " , lui dis-je; puis brodant sur ce thÚme, je la conduisis, de distraction en distraction, à ne plus se souvenir du tout qu'elle était affligée. Nous nous serions séparées parfaitement contentes l'une et l'autre, si elle n'avait voulu me charger d'une Lettre pour Danceny; ce que j'ai constamment refusé. En voici les raisons, que vous approuverez sans doute. D'abord, celle que c'était me compromettre vis-à -vis de Danceny; et si c'était la seule dont je pus me servir avec la petite, il y en avait beaucoup d'autres de vous à moi. Ne serait-ce pas risquer le fruit de mes travaux que de donner sitÎt à nos jeunes gens un moyen si facile d'adoucir leurs peines? Et puis, je ne serais pas fùchée de les obliger à mÃÂȘler quelques domestiques dans cette aventure; car enfin si elle se conduit à bien, comme je l'espÚre, il faudra qu'elle se sache immédiatement aprÚs le mariage; et il y a peu de moyens plus sûrs pour la répandre; ou, si par miracle ils ne parlaient pas, nous parlerions, nous, et il sera plus commode de mettre l'indiscrétion sur leur compte. Il faudra donc que vous donniez aujourd'hui cette idée à Danceny; et comme je ne suis pas sûre de la Femme de chambre de la petite Volanges, dont elle- mÃÂȘme paraÃt se défier, indiquez-lui la mienne, ma fidÚle Victoire. J'aurai soin que la démarche réussisse. Cette idée me plaÃt d'autant plus, que la confidence ne sera utile qu'à nous, et point à eux car je ne suis pas à la fin de mon récit. Pendant que je me défendais de me charger de la Lettre de la petite, je craignais à tout moment qu'elle ne me proposùt de la mettre à la Petite-Poste; ce que je n'aurais guÚre pu refuser. Heureusement, soit trouble, soit ignorance de sa part, ou encore qu'elle tÃnt moins à la Lettre qu'à la Réponse, qu'elle n'aurait pas pu avoir par ce moyen, elle ne m'en a point parlé mais pour éviter que cette idée ne lui vÃnt, ou au moins qu'elle ne pût s'en servir, j'ai pris mon parti sur-le-champ; et en rentrant chez la mÚre, je l'ai décidée à éloigner sa fille pour quelque temps, à la mener à la Campagne... Et oÃÂč? Le cÅ“ur ne vous bat pas de joie?... Chez votre tante, chez la vieille Rosemonde. Elle doit l'en prévenir aujourd'hui ainsi vous voilà autorisé à aller retrouver votre Dévote qui n'aura plus à vous objecter le scandale du tÃÂȘte-à -tÃÂȘte, et grùce à mes soins, Madame de Volanges réparera elle-mÃÂȘme le tort qu'elle vous a fait. Mais écoutez-moi, et ne vous occupez pas si vivement de vos affaires, que vous perdiez celle-ci de vue; songez qu'elle m'intéresse. Je veux que vous vous rendiez le correspondant et le conseil des deux jeunes gens. Apprenez donc ce voyage à Danceny, et offrez-lui vos services. Ne trouvez de difficulté qu'à faire parvenir entre les mains de la Belle votre Lettre de créance; et levez cet obstacle sur-le-champ, en lui indiquant la voie de ma Femme de chambre. Il n'y a point de doute qu'il n'accepte; et vous aurez pour prix de vos peines la confidence d'un cÅ“ur neuf, qui est toujours intéressante. La pauvre petite! comme elle rougira en vous remettant sa premiÚre Lettre! Au vrai, ce rÎle de confident, contre lequel il s'est établi des préjugés, me paraÃt un trÚs joli délassement, quand on est occupé d'ailleurs; et c'est le cas oÃÂč vous serez. C'est de vos soins que va dépendre le dénouement de cette intrigue. Jugez du moment oÃÂč il faudra réunir les Acteurs. La Campagne offre mille moyens; et Danceny à coup sûr, sera prÃÂȘt à s'y rendre à votre premier signal. Une nuit, un déguisement, une fenÃÂȘtre... que sais-je, moi? Mais enfin, si la petite fille en revient telle qu'elle y aura été, je m'en prendrai à vous. Si vous jugez qu'elle ait besoin de quelque encouragement de ma part, mandez-le-moi. Je crois lui avoir donné une assez bonne leçon sur le danger de garder des Lettres, pour oser lui écrire à présent; et je suis toujours dans le dessein d'en faire mon élÚve. Je crois avoir oublié de vous dire que ses soupçons au sujet de sa correspondance trahie s'étaient portés d'abord sur sa Femme de chambre, et que je les ai détournés sur le Confesseur. C'est faire d'une pierre deux coups. Adieu, Vicomte; voilà bien longtemps que je suis à vous écrire, et mon dÃner en a été retardé mais l'amour-propre et l'amitié dictaient ma Lettre, et tous deux sont bavards. Au reste, elle sera chez vous à trois heures, et c'est tout ce qu'il vous faut. Plaignez-vous de moi à présent, si vous l'osez; et allez revoir, si vous en ÃÂȘtes tenté, le bois du Comte de B***. Vous dites qu'il le garde pour le plaisir de ses amis! Cet homme est donc l'ami de tout le monde? Mais adieu, j'ai faim. De ..., ce 9 septembre 17** LETTRE LXIV LE CHEVALIER DANCENY A MADAME DE VOLANGES MINUTE JOINTE A LA LETTRE LXVI DU VICOMTE A LA MARQUISE. Sans chercher, Madame, à justifier ma conduite, et sans me plaindre de la vÎtre, je ne puis que m'affliger d'un événement qui fait le malheur de trois personnes, toutes trois dignes d'un sort plus heureux. Plus sensible encore au chagrin d'en ÃÂȘtre la cause qu'à celui d'en ÃÂȘtre victime, j'ai souvent essayé, depuis hier, d'avoir l'honneur de vous répondre sans pouvoir en trouver la force. J'ai cependant tant de choses à vous dire qu'il faut bien faire un effort sur soi-mÃÂȘme; et si cette Lettre a peu d'ordre et de suite, vous devez sentir assez combien ma situation est douloureuse, pour m'accorder quelque indulgence. Permettez-moi d'abord de réclamer contre la premiÚre phrase de votre Lettre. Je n'ai abusé, j'ose le dire, ni de votre confiance ni de l'innocence de Mademoiselle de Volanges; j'ai respecté l'une et l'autre dans mes actions. Elles seules dépendaient de moi; et quand vous me rendriez responsable d'un sentiment involontaire, je ne crains pas d'ajouter que celui que m'a inspiré Mademoiselle votre fille est tel qu'il peut vous déplaire, mais non vous offenser. Sur cet objet qui me touche plus que je ne puis vous dire, je ne veux que vous pour juge, et mes Lettres pour témoins. Vous me défendez de me présenter chez vous à l'avenir, et sans doute je me soumettrai à tout ce qu'il vous plaira d'ordonner à ce sujet mais cette absence subite et totale ne donnera-t-elle donc pas autant de prise aux remarques que vous voulez éviter, que l'ordre que, par cette raison mÃÂȘme, vous n'avez point voulu donner à votre porte? J'insisterai d'autant plus sur ce point, qu'il est bien plus important pour Mademoiselle de Volanges que pour moi. Je vous supplie donc de peser attentivement toutes choses, et de ne pas permettre que votre sévérité altÚre votre prudence. Persuadé que l'intérÃÂȘt seul de Mademoiselle votre fille dictera vos résolutions, j'attendrai de nouveaux ordres de votre part. Cependant, dans le cas oÃÂč vous me permettriez de vous faire ma cour quelquefois, je m'engage, Madame et vous pouvez compter sur ma promesse, à ne point abuser de ces occasions pour tenter de parler en particulier à Mademoiselle de Volanges, ou de lui faire tenir aucune Lettre. La crainte de ce qui pourrait compromettre sa réputation m'engage à ce sacrifice; et le bonheur de la voir quelquefois m'en dédommagera. Cet article de ma Lettre est aussi la seule réponse que je puisse faire à ce que vous me dites sur le sort que vous destinez à Mademoiselle de Volanges, et que vous voulez rendre dépendant de ma conduite. Ce serait vous tromper que de vous promettre davantage. Un vil séducteur peut plier ses projets aux circonstances, et calculer avec les événements mais l'Amour qui m'anime ne me permet que deux sentiments le courage et la constance. Qui, moi! consentir à ÃÂȘtre oublié de Mademoiselle de Volanges, à l'oublier moi-mÃÂȘme? non, non jamais! Je lui serai fidÚle; elle en a reçu le serment, et je le renouvelle en ce jour. Pardon, Madame, je m'égare, il faut revenir. Il me reste un autre objet à traiter avec vous, celui des Lettres que vous me demandez. Je suis vraiment peiné d'ajouter un refus aux torts que vous me trouvez déjà mais, je vous en supplie, écoutez mes raisons, et daignez vous souvenir, pour les apprécier, que la seule consolation au malheur d'avoir perdu votre amitié est l'espoir de conserver votre estime. Les Lettres de Mademoiselle de Volanges, toujours si précieuses pour moi, me le deviennent bien plus dans ce moment. Elles sont l'unique bien qui me reste; elles seules me retracent encore un sentiment qui fait tout le charme de ma vie. Cependant, vous pouvez m'en croire, je ne balancerais pas un instant à vous en faire le sacrifice, et le regret d'en ÃÂȘtre privé céderait au désir de vous prouver ma déférence respectueuse; mais des considérations puissantes me retiennent, et je m'assure que vous-mÃÂȘme ne pourrez les blùmer. Vous avez, il est vrai, le secret de Mademoiselle de Volanges; mais permettez- moi de le dire, je suis autorisé à croire que c'est l'effet de la surprise, et non de la confiance. Je ne prétends pas blùmer une démarche qu'autorise, peut-ÃÂȘtre, la sollicitude maternelle. Je respecte vos droits, mais ils ne vont pas jusqu'à me dispenser de mes devoirs. Le plus sacré de tous est de ne jamais trahir la confiance qu'on nous accorde. Ce serait y manquer, que d'exposer aux yeux d'un autre les secrets d'un cÅ“ur qui n'a voulu les dévoiler qu'aux miens. Si Mademoiselle votre fille consent à vous les confier, qu'elle parle; ses Lettres vous sont inutiles. Si elle veut, au contraire, renfermer son secret en elle- mÃÂȘme, vous n'attendez pas, sans doute, que ce soit moi qui vous en instruise. Quant au mystÚre dans lequel vous désirez que cet événement reste enseveli, soyez tranquille, Madame; sur tout ce qui intéresse Mademoiselle de Volanges, je peux défier le cÅ“ur mÃÂȘme d'une mÚre. Pour achever de vous Îter toute inquiétude, j'ai tout prévu. Ce dépÎt précieux, qui portait jusqu'ici pour suscription papiers à brûler porte à présent papiers appartenant à Madame de Volanges . Ce parti que je prends doit vous prouver ainsi que mes refus ne portent pas sur la crainte que vous trouviez dans ces lettres un seul sentiment dont vous ayez personnellement à vous plaindre. Voilà , Madame, une bien longue Lettre. Elle ne le serait pas encore assez, si elle vous laissait le moindre doute de l'honnÃÂȘteté de mes sentiments, du regret bien sincÚre de vous avoir déplu, et du profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. De ..., ce 9 septembre17** LETTRE LXV LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES ENVOYEE OUVERTE A LA MARQUISE DE MERTEUIL DANS LA LETTRE LXVI DU VICOMTE. Ô ma Cécile, qu'allons-nous devenir? quel Dieu nous sauvera des malheurs qui nous menacent? Que l'Amour nous donne au moins le courage de les supporter! Comment vous peindre mon étonnement, mon désespoir à la vue de mes Lettres, à la lecture du billet de Madame de Volanges? qui a pu nous trahir? sur qui tombent vos soupçons? auriez-vous commis quelque imprudence? que faites-vous à présent? que vous a-t-on dit? Je voudrais tout savoir, et j'ignore tout. Peut-ÃÂȘtre vous-mÃÂȘme n'ÃÂȘtes-vous pas plus instruite que moi. Je vous envoie le billet de votre maman, et la copie de ma Réponse. J'espÚre que vous approuverez ce que je lui dis. J'ai bien besoin que vous approuviez aussi les démarches que j'ai faites depuis ce fatal événement, elles ont toutes pour but d'avoir de vos nouvelles, de vous donner des miennes; et, que sait- on? peut-ÃÂȘtre de vous revoir encore, et plus librement que jamais. Concevez-vous, ma Cécile, quel plaisir de nous retrouver ensemble, de pouvoir nous jurer de nouveau un amour éternel, et de voir dans nos yeux, de sentir dans nos ùmes que ce serment ne sera pas trompeur? Quelles peines un moment si doux ne ferait-il pas oublier? Hé bien! j'ai l'espoir de le voir naÃtre, et je le dois à ces mÃÂȘmes démarches que je vous supplie d'approuver. Que dis-je? je le dois aux soins consolateurs de l'ami le plus tendre; et mon unique demande est que vous permettiez que cet ami soit aussi le vÎtre. Peut-ÃÂȘtre ne devais-je pas donner votre confiance sans votre aveu? mais j'ai pour excuse le malheur et la nécessité. C'est l'amour qui m'a conduit; c'est lui qui réclame votre indulgence, qui vous demande de pardonner une confidence nécessaire, et sans laquelle nous restions peut-ÃÂȘtre à jamais séparés [M. Danceny n'accuse pas vrai. Il avait déjà fait sa confidence à M. de Valmont avant cet événement. Voyez la Lettre LVII]. Vous connaissez l'ami dont je vous parle; il est celui de la femme que vous aimez le mieux. C'est le Vicomte de Valmont. Mon projet, en m'adressant à lui, était d'abord de le prier d'engager Madame de Merteuil à se charger d'une Lettre pour vous. Il n'a pas cru que ce moyen pût réussir; mais au défaut de la MaÃtresse, il répond de la Femme de chambre, qui lui a des obligations. Ce sera elle qui vous remettra cette Lettre, et vous pourrez lui donner votre Réponse. Ce secours ne nous sera guÚre utile, si, comme le croit M. de Valmont, vous partez incessamment pour la campagne. Mais alors c'est lui-mÃÂȘme qui veut nous servir. La femme chez qui vous allez est sa parente. Il profitera de ce prétexte pour s'y rendre dans le mÃÂȘme temps que vous; et ce sera par lui que passera notre correspondance mutuelle. Il assure mÃÂȘme que, si vous voulez vous laisser conduire, il nous procurera les moyens de nous y voir sans risquer de vous compromettre en rien. A présent, ma Cécile, si vous m'aimez, si vous plaignez mon malheur, si, comme je l'espÚre, vous partagez mes regrets, refuserez-vous votre confiance à un homme qui sera notre ange tutélaire? Sans lui, je serais réduit au désespoir de ne pouvoir mÃÂȘme adoucir les chagrins que je vous cause. Ils finiront, je l'espÚre mais, ma tendre amie, promettez-moi de ne pas trop vous y livrer, de ne point vous en laisser abattre. L'idée de votre douleur m'est un tourment insupportable. Je donnerais ma vie pour vous rendre heureuse! Vous le savez bien. Puisse la certitude d'ÃÂȘtre adorée porter quelque consolation dans votre ùme! La mienne a besoin que vous m'assuriez que vous pardonnez à l'amour les maux qu'il vous fait souffrir. Adieu, ma Cécile, adieu, ma tendre amie. De ..., ce 9 septembre 17** LETTRE LXVI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Vous verrez, ma belle amie, en lisant les deux Lettres ci-jointes, si j'ai bien rempli votre projet. Quoique toutes deux soient datées d'aujourd'hui, elles ont été écrites hier, chez moi, et sous mes yeux celle à la petite fille dit tout ce que nous voulions. On ne peut que s'humilier devant la profondeur de vos vues, si on en juge par le succÚs de vos démarches. Danceny est tout de feu; et sûrement à la premiÚre occasion, vous n'aurez plus de reproches à lui faire. Si sa belle ingénue veut ÃÂȘtre docile, tout sera terminé peu de temps aprÚs son arrivée à la campagne; j'ai cent moyens tout prÃÂȘts. Grùce à vos soins me voilà bien décidément l'ami de Danceny ; il ne lui manque plus que d'ÃÂȘtre Prince [Expression relative à un passage d'un PoÚme de M. de Voltaire]. Il est encore bien jeune, ce Danceny! croiriez-vous que je n'ai jamais pu obtenir de lui qu'il promÃt à la mÚre de renoncer à son amour; comme s'il était bien gÃÂȘnant de promettre, quand on est décidé à ne pas tenir! Ce serait tromper, me répétait-il sans cesse ce scrupule n'est-il pas édifiant, surtout en voulant séduire la fille? Voilà bien les hommes! tous également scélérats dans leurs projets, ce qu'ils mettent de faiblesse dans l'exécution, ils l'appellent probité. C'est votre affaire d'empÃÂȘcher que Madame de Volanges ne s'effarouche des petites échappées que notre jeune homme s'est permises dans sa Lettre; préservez-nous du Couvent; tùchez aussi de faire abandonner la demande des Lettres de la petite. D'abord il ne les rendra point, il ne le veut pas, et je suis de son avis; ici l'amour et la raison sont d'accord. Je les ai lues ces Lettres, j'en ai dévoré l'ennui. Elles peuvent devenir utiles. Je m'explique. Malgré la prudence que nous y mettrons, il peut arriver un éclat; il ferait manquer le mariage, n'est-il pas vrai, et échouer tous nos projets Gercourt? Mais comme, pour mon compte, j'ai aussi à me venger de la mÚre, je me réserve en ce cas de déshonorer la fille. En choisissant bien dans cette correspondance, et n'en produisant qu'une partie, la petite Volanges paraÃtrait avoir fait toutes les premiÚres démarches, et s'ÃÂȘtre absolument jetée à la tÃÂȘte. Quelques-unes des Lettres pourraient mÃÂȘme compromettre la mÚre, et l'entacheraient au moins d'une négligence impardonnable. Je sens bien que le scrupuleux Danceny se révolterait d'abord; mais comme il serait personnellement attaqué, je crois qu'on en viendrait à bout. Il y a mille à parier contre un que la chance ne tournera pas ainsi; mais il faut tout prévoir. Adieu, ma belle amie; vous seriez bien aimable de venir souper demain chez la Maréchale de ***; je n'ai pas pu refuser. J'imagine que je n'ai pas besoin de vous recommander le secret, vis-à -vis de Madame de Volanges, sur mon projet de Campagne; elle aurait bientÎt celui de rester à la Ville au lieu qu'une fois arrivée, elle ne repartira pas le lendemain; et si elle nous donne seulement huit jours, je réponds de tout. De ..., ce 9 septembre 17** LETTRE LXVII LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Je ne voulais plus vous répondre, Monsieur, et peut-ÃÂȘtre l'embarras que j'éprouve en ce moment est-il lui-mÃÂȘme une preuve qu'en effet je ne le devrais pas. Cependant je ne veux vous laisser aucun sujet de plainte contre moi; je veux vous convaincre que j'ai fait pour vous tout ce que je pouvais faire. Je vous ai permis de m'écrire, dites-vous? j'en conviens; mais quand vous me rappelez cette permission, croyez-vous que j'oublie à quelles conditions elle vous fut donnée? Si j'y eusse été aussi fidÚle que vous l'avez été peu, auriez- vous reçu une seule réponse de moi? Voilà pourtant la troisiÚme; et quand vous faites tout ce qu'il faut pour m'obliger à rompre cette correspondance, c'est moi qui m'occupe des moyens de l'entretenir. Il en est un, mais c'est le seul; et si vous refusez de le prendre, ce sera, quoi que vous puissiez dire, me prouver assez combien peu vous y mettez de prix. Quittez donc un langage que je ne puis ni ne veux entendre; renoncez à un sentiment qui m'offense et m'effraie, et auquel, peut-ÃÂȘtre, vous devriez ÃÂȘtre moins attaché en songeant qu'il est l'obstacle qui nous sépare. Ce sentiment est-il donc le seul que vous puissiez connaÃtre, et l'amour aura-t-il ce tort de plus à mes yeux, d'exclure l'amitié? vous-mÃÂȘme, auriez-vous celui de ne pas vouloir pour votre amie celle en qui vous avez désiré des sentiments plus tendres? Je ne veux pas le croire cette idée humiliante me révolterait, m'éloignerait de vous sans retour. En vous offrant mon amitié, Monsieur, je vous donne tout ce qui est à moi, tout ce dont je puis disposer. Que pouvez-vous désirer davantage? Pour me livrer à ce sentiment si doux, si bien fait pour mon cÅ“ur, je n'attends que votre aveu; et la parole que j'exige de vous, que cette amitié suffira à votre bonheur. J'oublierai tout ce qu'on a pu me dire; je me reposerai sur vous du soin de justifier mon choix. Vous voyez ma franchise, elle doit vous prouver ma confiance; il ne tiendra qu'à vous de l'augmenter encore mais je vous préviens que le premier mot d'amour la détruit à jamais, et me rend toutes mes craintes; que surtout il deviendra pour moi le signal d'un silence éternel vis-à -vis de vous. Si, comme vous le dites, vous ÃÂȘtes revenu de vos erreurs , n'aimerez-vous pas mieux ÃÂȘtre l'objet de l'amitié d'une femme honnÃÂȘte, que celui des remords d'une femme coupable? Adieu, Monsieur; vous sentez qu'aprÚs avoir parlé ainsi je ne puis plus rien dire que vous ne m'ayez répondu. De ..., ce 9 septembre 17** LETTRE LXVIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Comment répondre, Madame, à votre derniÚre Lettre? Comment oser ÃÂȘtre vrai, quand ma sincérité peut me perdre auprÚs de vous? N'importe, il le faut; j'en aurai le courage. Je me dis, je me répÚte, qu'il vaut mieux vous mériter que vous obtenir; et dussiez-vous me refuser toujours un bonheur que je désirerai sans cesse, il faut vous prouver au moins que mon cÅ“ur en est digne. Quel dommage que, comme vous le dites, je sois revenu de mes erreurs ! avec quels transports de joie j'aurais lu cette mÃÂȘme Lettre à laquelle je tremble de répondre aujourd'hui! Vous m'y parlez avec franchise , vous me témoignez de la confiance , vous m'offrez enfin votre amitié que de biens, Madame, et quels regrets de ne pouvoir en profiter! Pourquoi ne suis-je plus le mÃÂȘme? Si je l'étais en effet; si je n'avais pour vous qu'un goût ordinaire, que ce goût léger, enfant de la séduction et du plaisir, qu'aujourd'hui pourtant on nomme amour, je me hùterais de tirer avantage de tout ce que je pourrais obtenir. Peu délicat sur les moyens, pourvu qu'ils me procurassent le succÚs, j'encouragerais votre franchise par le besoin de vous deviner; je désirerais votre confiance, dans le dessein de la trahir; j'accepterais votre amitié dans l'espoir de l'égarer. Quoi! Madame, ce tableau vous effraie? hé bien! il serait pourtant tracé d'aprÚs moi, si je vous disais que je consens à n'ÃÂȘtre que votre ami. Qui, moi! je consentirais à partager avec quelqu'un un sentiment émané de votre ùme? Si jamais je vous le dis, ne me croyez plus. De ce moment je chercherai à vous tromper; je pourrai vous désirer encore, mais à coup sûr je ne vous aimerai plus. Ce n'est pas que l'aimable franchise, la douce confiance, la sensible amitié, soient sans prix à mes yeux... Mais l'amour! l'amour véritable, et tel que vous l'inspirez, en réunissant tous ces sentiments, en leur donnant plus d'énergie, ne saurait se prÃÂȘter, comme eux, à cette tranquillité, à cette froideur de l'ùme, qui permet des comparaisons, qui souffre mÃÂȘme des préférences. Non, Madame, je ne serai point votre ami; je vous aimerai de l'amour le plus tendre, et mÃÂȘme le plus ardent, quoique le plus respectueux. Vous pourrez le désespérer, mais non l'anéantir. De quel droit prétendez-vous disposer d'un cÅ“ur dont vous refusez l'hommage? Par quel raffinement de cruauté, m'enviez-vous jusqu'au bonheur de vous aimer? Celui-là est à moi, il est indépendant de vous; je saurai le défendre. S'il est la source de mes maux, il en est aussi le remÚde. Non, encore une fois, non. Persistez dans vos refus cruels; mais laissez-moi mon amour. Vous vous plaisez à me rendre malheureux! eh bien! soit; essayez de lasser mon courage, je saurai vous forcer au moins à décider de mon sort; et peut-ÃÂȘtre, quelque jour, vous me rendrez plus de justice. Ce n'est pas que j'espÚre vous rendre jamais sensible mais sans ÃÂȘtre persuadée, vous serez convaincue, vous vous direz Je l'avais mal jugé. Disons mieux, c'est à vous que vous faites injustice. Vous connaÃtre sans vous aimer, vous aimer sans ÃÂȘtre constant, sont tous deux également impossibles; et malgré la modestie qui vous pare, il doit vous ÃÂȘtre plus facile de vous plaindre, que de vous étonner de sentiments que vous faites naÃtre. Pour moi, dont le seul mérite est d'avoir su vous apprécier, je ne veux pas le perdre; et loin de consentir à vos offres insidieuses, je renouvelle à vos pieds le serment de vous aimer toujours. De ..., ce 10 septembre 17** LETTRE LXIX CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY BILLET ECRIT AU CRAYON, ET RECOPIE PAR DANCENY. Vous me demandez ce que je fais; je vous aime, et je pleure. Ma mÚre ne me parle plus; elle m'a Îté papier, plumes et encre; je me sers d'un crayon, qui par bonheur m'est resté, et je vous écris sur un morceau de votre Lettre. Il faut bien que j'approuve tout ce que vous avez fait; je vous aime trop pour ne pas prendre tous les moyens d'avoir de vos nouvelles et de vous donner des miennes. Je n'aimais pas M. de Valmont, et je ne le croyais pas tant votre ami; je tùcherai de m'accoutumer à lui, et je l'aimerai à cause de vous. Je ne sais pas qui est-ce qui nous a trahis; ce ne peut ÃÂȘtre que ma Femme de chambre ou mon Confesseur. Je suis bien malheureuse nous partons demain pour la campagne; j'ignore pour combien de temps. Mon Dieu! ne plus vous voir! Je n'ai plus de place. Adieu; tùchez de me lire. Ces mots tracés au crayons effaceront peut-ÃÂȘtre, mais jamais les sentiments gravés dans mon cÅ“ur. De ..., ce 10 septembre 17** LETTRE LXX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL J'ai un avis important à vous donner, ma chÚre amie. Je soupai hier, comme vous savez, chez la Maréchale de ***, on y parla de vous, et j'en dis, non pas tout le bien que j'en pense, mais tout celui que je n'en pense pas. Tout le monde paraissait ÃÂȘtre de mon avis, et la conversation languissait, comme il arrive toujours, quand on ne dit que du bien de son prochain, lorsqu'il s'éleva un contradicteur c'était Prévan. " A Dieu ne plaise, dit-il en se levant, que je doute de la sagesse de Madame de Merteuil! mais j'oserais croire qu'elle la doit plus à sa légÚreté qu'à ses principes. Il est peut-ÃÂȘtre plus difficile de la suivre que de lui plaire; et comme on ne manque guÚre, en courant aprÚs une femme, d'en rencontrer d'autres sur son chemin, comme, à tout prendre, ces autres-là peuvent valoir autant et plus qu'elle; les uns sont distraits par un goût nouveau, les autres s'arrÃÂȘtent de lassitude; et c'est peut-ÃÂȘtre la femme de Paris qui a eu le moins à se défendre. Pour moi, ajouta-t-il encouragé par le sourire de quelques femmes, je ne croirai à la vertu de Madame de Merteuil, qu'aprÚs avoir crevé six chevaux à lui faire ma cour. " Cette mauvaise plaisanterie réussit, comme toutes celles qui tiennent à la médisance; et pendant le rire qu'elle excitait, Prévan reprit sa place, et la conversation générale changea. Mais les deux Comtesses de P. , auprÚs de qui était notre incrédule, en firent avec lui leur conversation particuliÚre, qu'heureusement je me trouvais à portée d'entendre. Le défi de vous rendre sensible a été accepté; la parole de tout dire a été donnée; et de toutes celles qui se donneraient dans cette aventure, ce serait sûrement la plus religieusement gardée. Mais vous voilà bien avertie, et vous savez le proverbe. Il me reste à vous dire que ce Prévan, que vous ne connaissez pas, est infiniment aimable, et encore plus adroit. Que si quelquefois vous m'avez entendu dire le contraire, c'est seulement que je ne l'aime pas, que je me plais à contrarier ses succÚs et que je n'ignore pas de quel poids est mon suffrage auprÚs d'une trentaine de nos femmes les plus à la mode. En effet, je l'ai empÃÂȘché longtemps, par ce moyen, de paraÃtre sur ce que nous appelons le grand théùtre; et il faisait des prodiges, sans en avoir plus de réputation. Mais l'éclat de sa triple aventure, en fixant les yeux sur lui, lui a donné cette confiance qui lui manquait jusque-là , et l'a rendu vraiment redoutable. C'est enfin aujourd'hui le seul homme, peut-ÃÂȘtre, que je craindrais de rencontrer sur mon chemin; et votre intérÃÂȘt à part, vous me rendrez un vrai service de lui donner quelque ridicule chemin faisant. Je le laisse en bonnes mains; et j'ai l'espoir qu'à mon retour, ce sera un homme noyé. Je vous promets, en revanche, de mener à bien l'aventure de votre pupille, et de m'occuper d'elle autant que de ma belle Prude. Celle-ci vient de m'envoyer un projet de capitulation. Toute sa Lettre annonce le désir d'ÃÂȘtre trompée. Il est impossible d'en offrir un moyen plus commode et aussi plus usé. Elle veut que je sois son ami . Mais moi, qui aime les méthodes nouvelles et difficiles, je ne prétends pas l'en tenir quitte à si bon marché; et assurément je n'aurai pas pris tant de peine auprÚs d'elle, pour terminer par une séduction ordinaire. Mon projet, au contraire, est qu'elle sente, qu'elle sente bien la valeur et l'étendue de chacun des sacrifices qu'elle me fera; de ne pas la conduire si vite que le remords ne puisse la suivre; de faire expirer sa vertu dans une lente agonie; de la fixer sans cesse sur ce désolant spectacle; et de ne lui accorder le bonheur de m'avoir dans ses bras, qu'aprÚs l'avoir forcée à n'en plus dissimuler le désir. Au fait, je vaux bien peu, si je ne vaux pas la peine d'ÃÂȘtre demandé. Et puis-je me venger moins d'une femme hautaine, qui semble rougir d'avouer qu'elle adore? J'ai donc refusé la précieuse amitié, et m'en suis tenu à mon titre d'Amant. Comme je ne me dissimule point que ce titre, qui ne paraÃt d'abord qu'une dispute de mots, est pourtant d'une importance réelle à obtenir, j'ai mis beaucoup de soin à ma Lettre, et j'ai tùché d'y répandre ce désordre, qui peut seul peindre le sentiment. J'ai enfin déraisonné le plus qu'il m'a été possible car sans déraisonnement, point de tendresse; et c'est, je crois, par cette raison que les femmes nous sont si supérieures dans les Lettres d'Amour. J'ai fini la mienne par une cajolerie, et c'est encore une suite de mes profondes observations. AprÚs que le cÅ“ur d'une femme a été exercé quelque temps, il a besoin de repos; et j'ai remarqué qu'une cajolerie était, pour toutes, l'oreiller le plus doux à leur offrir. Adieu, ma belle amie. Je pars demain. Si vous avez des ordres à me donner pour la Comtesse de ***, je m'arrÃÂȘterai chez elle, au moins pour dÃner. Je suis fùché de partir sans vous voir. Faites-moi passer vos sublimes instructions, et aidez-moi de vos sages conseils, dans ce moment décisif. Surtout, défendez-vous de Prévan; et puissé-je un jour vous dédommager de ce sacrifice! Adieu. De ..., ce 11 septembre 17** LETTRE LXXI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Mon étourdi de Chasseur n'a-t-il pas laissé mon portefeuille à Paris! Les lettres de ma Belle, celles de Danceny pour la petite Volanges, tout est resté, et j'ai besoin de tout. Il va partir pour réparer sa sottise; et tandis qu'il selle son cheval, je vous raconterai mon histoire de cette nuit car je vous prie de croire que je ne perds pas mon temps. L'aventure, par elle-mÃÂȘme, est bien peu de chose; ce n'est qu'un réchauffé avec la Vicomtesse de M... Mais elle m'a intéressé par les détails. Je suis bien aise d'ailleurs de vous faire voir que si j'ai le talent de perdre les femmes, je n'ai pas moins, quand je veux, celui de les sauver. Le parti le plus difficile, ou le plus gai, est toujours celui que je prends; et je ne me reproche pas une bonne action, pourvu qu'elle m'exerce ou m'amuse. J'ai donc trouvé la Vicomtesse ici, et comme elle joignait ses instances aux persécutions qu'on me faisait pour passer la nuit au chùteau " Eh bien! j'y consens, lui dis-je, à condition que je la passerai avec vous. " - " Cela m'est impossible, me répondit-elle, Vressac est ici. " Jusque-là je n'avais cru que lui dire une honnÃÂȘteté mais ce mot d'impossible, me révolta comme de coutume. Je me sentis humilié d'ÃÂȘtre sacrifié à Vressac, et je résolus de ne le pas souffrir j'insistai donc. Les circonstances ne m'étaient pas favorables. Ce Vressac a eu la gaucherie de donner de l'ombrage au Vicomte; en sorte que la Vicomtesse ne peut plus le recevoir chez elle et ce voyage chez la bonne Comtesse avait été concerté entre eux, pour tùcher d'y dérober quelques nuits. Le Vicomte avait mÃÂȘme d'abord montré de l'humeur d'y rencontrer Vressac; mais comme il est encore plus Chasseur que jaloux, il n'en est pas moins resté et la Comtesse, toujours telle que vous la connaissez, aprÚs avoir logé la femme dans le grand corridor, a mis le mari d'un cÎté et l'Amant de l'autre, et les a laissés s'arranger entre eux. Le mauvais destin de tous deux a voulu que je fusse logé vis-à -vis. Ce jour-là mÃÂȘme, c'est-à -dire hier, Vressac, qui, comme vous pouvez croire, cajole le Vicomte, chassait avec lui, malgré son peu de goût pour la chasse, et comptait bien se consoler la nuit, entre les bras de la femme, de l'ennui que le mari lui causait tout le jour mais moi, je jugeai qu'il aurait besoin de repos, et je m'occupai des moyens de décider sa MaÃtresse à lui laisser le temps d'en prendre. Je réussis, et j'obtins qu'elle lui ferait une querelle de cette mÃÂȘme partie de chasse, à laquelle, bien évidemment, il n'avait consenti que pour elle. On ne pouvait prendre un plus mauvais prétexte mais nulle femme n'a mieux que la Vicomtesse ce talent, commun à toutes, de mettre l'humeur à la place de la raison, et de n'ÃÂȘtre jamais si difficile à apaiser que quand elle a tort. Le moment d'ailleurs n'était pas commode pour les explications; et ne voulant qu'une nuit, je consentais qu'ils se raccommodassent le lendemain. Vressac fut donc boudé à son retour. Il voulut en demander la cause, on le querella. Il essaya de se justifier; le mari qui était présent, servit de prétexte pour rompre la conversation; il tenta enfin de profiter d'un moment oÃÂč le mari était absent, pour demander qu'on voulût bien l'entendre le soir ce fut alors que la Vicomtesse devint sublime. Elle s'indigna contre l'audace des hommes qui, parce qu'ils ont éprouvé les bontés d'une femme, croient avoir le droit d'en abuser encore, mÃÂȘme alors qu'elle a à se plaindre d'eux; et ayant changé de thÚse par cette adresse, elle parla si bien délicatesse et sentiment, que Vressac resta muet et confus; et que moi-mÃÂȘme je fus tenté de croire qu'elle avait raison car vous saurez que comme ami de tous deux, j'étais en tiers dans cette conversation. Enfin, elle déclara positivement qu'elle n'ajouterait pas les fatigues de l'amour à celles de la chasse, et qu'elle se reprocherait de troubler d'aussi doux plaisirs. Le mari rentra. Le désolé Vressac, qui n'avait plus la liberté de répondre, s'adressa à moi; et aprÚs m'avoir fort longuement conté ses raisons, que je savais aussi bien que lui, il me pria de parler à la Vicomtesse, et je le lui promis. Je lui parlai en effet; mais ce fut pour la remercier, et convenir avec elle de l'heure et des moyens de notre rendez-vous. Elle me dit que logée entre son mari et son Amant elle avait trouvé plus prudent d'aller chez Vressac, que de le recevoir dans son appartement; et que, puisque je logeais vis-à -vis d'elle, elle croyait plus sûr aussi de venir chez moi; qu'elle s'y rendrait aussitÎt que sa Femme de chambre l'aurait laissée seule; que je n'avais qu'à tenir ma porte entrouverte, et l'attendre. Tout s'exécuta comme nous en étions convenus; et elle arriva chez moi vers une heure du matin ... dans le simple appareil D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil [Racine. Tragédie de Britannicus]. Comme je n'ai point de vanité, je ne m'arrÃÂȘte pas aux détails de la nuit mais vous me connaissez, et j'ai été content de moi. Au point du jour, il a fallu se séparer. C'est ici que l'intérÃÂȘt commence. L'étourdie avait cru laisser sa porte entrouverte, nous la trouvùmes fermée, et la clef était restée en dedans vous n'avez pas d'idée de l'expression de désespoir avec laquelle la Vicomtesse me dit aussitÎt " Ah! je suis perdue. " Il faut convenir qu'il eût été plaisant de la laisser dans cette situation mais pouvais-je souffrir qu'une femme fût perdue pour moi, sans l'ÃÂȘtre par moi? Et devais-je, comme le commun des hommes, me laisser maÃtriser par les circonstances? Il fallait donc trouver un moyen. Qu'eussiez-vous fait, ma belle amie? Voici ma conduite, et elle a réussi. J'eus bientÎt reconnu que la porte en question pouvait s'enfoncer, en se permettant de faire beaucoup de bruit. J'obtins donc de la Vicomtesse, non sans peine, qu'elle jetterait des cris perçants et d'effroi, comme au voleur, à l'assassin, etc. Et nous convÃnmes qu'au premier cri, j'enfoncerais la porte, et qu'elle courrait à son lit. Vous ne sauriez croire combien il fallut de temps pour la décider, mÃÂȘme aprÚs qu'elle eut consenti. Il fallut pourtant finir par là , et au premier coup de pied la porte céda. La Vicomtesse fit bien de ne pas perdre de temps; car au mÃÂȘme instant, le Vicomte et Vressac furent dans le corridor; et la Femme de chambre accourut aussi à la chambre de sa MaÃtresse. J'étais seul de sang-froid, et j'en profitai pour aller éteindre une veilleuse qui brûlait encore et la renverser par terre; car jugez combien il eût été ridicule de feindre cette terreur panique, en ayant de la lumiÚre dans sa chambre. Je querellai ensuite le mari et l'Amant sur leur sommeil léthargique, en les assurant que les cris auxquels j'étais accouru, et mes efforts pour enfoncer la porte, avaient duré au moins cinq minutes. La Vicomtesse qui avait retrouvé son courage dans son lit, me seconda assez bien, et jura ses grands Dieux qu'il y avait un voleur dans son appartement; elle protesta avec plus de sincérité que de la vie elle n'avait eu tant de peur. Nous cherchions partout et nous ne trouvions rien, lorsque je fis apercevoir la veilleuse renversée, et conclus que, sans doute, un rat avait causé le dommage et la frayeur; mon avis passa tout d'une voix, et aprÚs quelques plaisanteries rebattues sur les rats, le Vicomte s'en alla le premier regagner sa chambre et son lit, en priant sa femme d'avoir à l'avenir des rats plus tranquilles. Vressac, resté seul avec nous, s'approcha de la Vicomtesse pour lui dire tendrement que c'était une vengeance de l'Amour; à quoi elle répondit en me regardant " Il était donc bien en colÚre, car il s'est beaucoup vengé, mais, ajouta-t-elle, je suis rendue de fatigue et je veux dormir. " J'étais dans un moment de bonté; en conséquence, avant de nous séparer, je plaidai la cause de Vressac, et j'amenai le raccommodement. Les deux Amants s'embrassÚrent, et je fus, à mon tour, embrassé par tous deux. Je ne me souciais plus des baisers de la Vicomtesse mais j'avoue que celui de Vressac me fit plaisir. Nous sortÃmes ensemble; et aprÚs avoir reçu ses longs remerciements, nous allùmes chacun nous remettre au lit. Si vous trouvez cette histoire plaisante, je ne vous en demande pas le secret. A présent que je m'en suis amusé, il est juste que le Public ait son tour. Pour le moment, je ne parle que de l'histoire, peut-ÃÂȘtre bientÎt en dirons-nous autant de l'héroïne? Adieu, il y a une heure que mon Chasseur attend; je ne prends plus que le moment de vous embrasser, et de vous recommander surtout de vous garder de Prévan. Du Chùteau de ..., ce 13 septembre 17** LETTRE LXXII LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES REMISE SEULEMENT LE 14. Ô ma Cécile! que j'envie le sort de Valmont! demain il vous verra. C'est lui qui vous remettra cette Lettre; et moi, languissant loin de vous, je traÃnerai ma pénible existence entre les regrets et le malheur. Mon amie, ma tendre amie, plaignez-moi de mes maux; surtout plaignez-moi des vÎtres; c'est contre eux que le courage m'abandonne. Qu'il m'est affreux de causer votre malheur! sans moi, vous seriez heureuse et tranquille. Me pardonnez-vous? dites! ah! dites que vous me pardonnez; dites-moi aussi que vous m'aimez, que vous m'aimerez toujours. J'ai besoin que vous me le répétiez. Ce n'est pas que j'en doute mais il me semble que plus on en est sûr, et plus il est doux de se l'entendre dire. Vous m'aimez, n'est-ce pas? oui, vous m'aimez de toute votre ùme. Je n'oublie pas que c'est la derniÚre parole que je vous ai entendue prononcer. Comme je l'ai recueillie dans mon cÅ“ur! comme elle s'y est profondément gravée! et avec quels transports le mien y a répondu! Hélas! dans ce moment de bonheur, j'étais loin de prévoir le sort affreux qui nous attendait. Occupons-nous, ma Cécile, des moyens de l'adoucir. Si j'en crois mon ami il suffira, pour y parvenir, que vous preniez en lui une confiance qu'il mérite. J'ai été peiné, je l'avoue, de l'idée désavantageuse que vous paraissez avoir de lui. J'y ai reconnu les préventions de votre Maman c'était pour m'y soumettre que j'avais négligé, depuis quelque temps, cet homme vraiment aimable, qui aujourd'hui fait tout pour moi; qui enfin travaille à nous réunir, lorsque votre Maman nous a séparés. Je vous en conjure, ma chÚre amie, voyez-le d'un oeil plus favorable. Songez qu'il est mon ami, qu'il veut ÃÂȘtre le vÎtre, qu'il peut me rendre le bonheur de vous voir. Si ces raisons ne vous ramÚnent pas, ma Cécile, vous ne m'aimez pas autant que je vous aime, vous ne m'aimez plus autant que vous m'aimiez. Ah! si jamais vous deviez m'aimer moins... Mais non, le cÅ“ur de ma Cécile est à moi; il y est pour la vie; et si j'ai à craindre les peines d'un amour malheureux, sa constance au moins me sauvera des tourments d'un amour trahi. Adieu, ma charmante amie; n'oubliez pas que je souffre, et qu'il ne tient qu'à vous de me rendre heureux, parfaitement heureux. Ecoutez le vÅ“u de mon cÅ“ur, et recevez les plus tendres baisers de l'amour. Paris, ce 11 septembre 17**. LETTRE LXXIII LE VICOMTE DE VALMONT A CECILE VOLANGES Jointe à la précédente. L'ami qui vous sert a su que vous n'aviez rien de ce qu'il vous fallait pour écrire, et il y a déjà pourvu. Vous trouverez dans l'antichambre de l'appartement que vous occupez, sous la grande armoire à main gauche, une provision de papier, de plumes et d'encre, qu'il renouvellera quand vous voudrez, et qu'il lui semble que vous pouvez laisser à cette mÃÂȘme place si vous n'en trouvez pas de plus sûre. Il vous demande de ne pas vous offenser, s'il a l'air de ne faire aucune attention à vous dans le cercle, et de ne vous y regarder que comme un enfant. Cette conduite lui paraÃt nécessaire pour inspirer la sécurité dont il a besoin, et pouvoir travailler plus efficacement au bonheur de son ami et au vÎtre. Il tùchera de faire naÃtre les occasions de vous parler, quand il aura quelque chose à vous apprendre ou à vous remettre; et il espÚre y parvenir, si vous mettez du zÚle à le seconder. Il vous conseille aussi de lui rendre, à mesure, les Lettres que vous aurez reçues, afin de risquer moins de vous compromettre. Il finit par vous assurer que si vous voulez lui donner votre confiance, il mettra tous ses soins à adoucir la persécution qu'une mÚre trop cruelle fait éprouver à deux personnes, dont l'une est déjà son meilleur ami et l'autre lui paraÃt mériter l'intérÃÂȘt le plus tendre. Du Chùteau de ..., ce 14 septembre 17** LETTRE LXXIV LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Eh! depuis quand, mon ami, vous effrayez-vous si facilement? ce Prévan est donc bien redoutable? Mais voyez combien je suis simple et modeste! Je l'ai rencontré souvent, ce superbe vainqueur; à peine l'avais-je regardé! Il ne fallait pas moins que votre Lettre pour m'y faire faire attention. J'ai réparé mon injustice hier. Il était à l'Opéra, presque vis-à -vis de moi, et je m'en suis occupée. Il est joli au moins, mais trÚs joli; des traits fins et délicats! il doit gagner à ÃÂȘtre vu de prÚs. Et vous dites qu'il veut m'avoir! assurément il me fera honneur et plaisir. Sérieusement, j'en ai fantaisie, et je vous confie ici que j'ai fait les premiÚres démarches. Je ne sais pas si elles réussiront. Voilà le fait. Il était à deux pas de moi, à la sortie de l'Opéra, et j'ai donné, trÚs haut, rendez-vous à la Marquise de *** pour souper le Vendredi chez la Maréchale. C'est, je crois, la seule maison oÃÂč je peux le rencontrer. Je ne doute pas qu'il m'ait entendue. Si l'ingrat allait n'y pas venir? Mais, dites-moi donc, croyez- vous qu'il vienne? Savez-vous que, s'il n'y vient pas, j'aurai de l'humeur toute la soirée? Vous voyez qu'il ne trouvera pas tant de difficulté à me suivre; et ce qui vous étonnera davantage, c'est qu'il en trouvera moins encore à me plaire. Il veut, dit-il, crever six chevaux à me faire sa cour! Oh! je sauverai la vie à ces chevaux-là . Je n'aurai jamais la patience d'attendre si longtemps. Vous savez qu'il n'est pas dans mes principes de faire languir, quand une fois je suis décidée, et je le suis pour lui. Oh! ça, convenez qu'il y a plaisir à me parler raison! Votre avis important n'a-t-il pas un grand succÚs? Mais que voulez-vous? je végÚte depuis si longtemps! il y a plus de six semaines que je ne me suis pas permis une gaieté. Celle-là se présente; puis-je me la refuser? le sujet n'en vaut-il pas la peine? en est-il de plus agréable, dans quelque sens que vous preniez ce mot? Vous-mÃÂȘme, vous ÃÂȘtes forcé de lui rendre justice; vous faites plus que le louer, vous en ÃÂȘtes jaloux. Eh bien! je m'établis juge entre vous deux mais d'abord, il faut s'instruire, et c'est ce que je veux faire. Je serai juge intÚgre, et vous serez pesés tous deux dans la mÃÂȘme balance. Pour vous, j'ai déjà vos mémoires, et votre affaire est parfaitement instruite. N'est-il pas juste que je m'occupe à présent de votre adversaire? Allons, exécutez-vous de bonne grùce; et, pour commencer, apprenez-moi je vous prie, quelle est cette triple aventure dont il est le héros. Vous m'en parlez, comme si je ne connaissais autre chose, et je n'en sais pas le premier mot. Apparemment elle se sera passée pendant mon voyage à GenÚve, et votre jalousie vous aura empÃÂȘché de me l'écrire. Réparez cette faute au plus tÎt; songez que rien de ce qui l'intéresse ne m'est étranger . Il me semble bien qu'on en parlait encore à mon retour mais j'étais occupée d'autre chose, et j'écoute rarement en ce genre tout ce qui n'est pas du jour ou de la veille. Quand ce que je vous demande vous contrarierait un peu, n'est-ce pas le moindre prix que vous deviez aux soins que je me suis donnés pour vous? ne sont-ce pas eux qui vous ont rapproché de votre Présidente, quand vos sottises vous en avaient éloigné? n'est-ce pas encore moi qui ai remis entre vos mains de quoi vous venger du zÚle amer de Madame de Volanges? Vous vous ÃÂȘtes plaint si souvent du temps que vous perdiez à aller chercher vos aventures. A présent vous les avez sous la main. L'amour, la haine, vous n'avez qu'à choisir, tout couche sous le mÃÂȘme toit; et vous pouvez, doublant, votre existence, caresser d'une main et frapper de l'autre. C'est mÃÂȘme encore à moi que vous devez l'aventure de la Vicomtesse. J'en suis assez contente mais, comme vous dites, il faut qu'on en parle car si l'occasion a pu vous engager, comme je le conçois, à préférer pour le moment le mystÚre à l'éclat, il faut convenir pourtant que cette femme ne méritait pas un procédé si honnÃÂȘte. J'ai d'ailleurs à m'en plaindre. Le Chevalier de Belleroche la trouve plus jolie que je ne voudrais; et par beaucoup de raisons, je serai bien aise d'avoir un prétexte pour rompre avec elle or, il n'en est pas de plus commode, que d'avoir à dire On ne peut plus voir cette femme-là . Adieu, Vicomte; songez que, placé oÃÂč vous ÃÂȘtes, le temps est précieux je vais employer le mien à m'occuper du bonheur de Prévan. Paris, ce 15 septembre l7**. LETTRE LXXV Nota Dans cette Lettre, Cécile Volanges rend compte avec le plus grand détail de tout ce qui est relatif à elle dans les événements que le Lecteur a vus Lettre LIX et suivantes. On a cru devoir supprimer cette répétition. Elle parle enfin du Vicomte de Valmont, et elle exprime ainsi CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je t'assure que c'est un homme bien extraordinaire. Maman en dit beaucoup de mal; mais le Chevalier Danceny en dit beaucoup de bien, et je crois que c'est lui qui a raison. Je n'ai jamais vu d'homme aussi adroit. Quand il m'a rendu la Lettre de Danceny, c'était au milieu de tout le monde, et personne n'en a rien vu; il est vrai que j'ai eu bien peur parce que je n'étais prévenue de rien mais à présent je m'y attendrai. J'ai déjà fort bien compris comment il voulait que je fisse pour lui remettre ma Réponse. Il est bien facile de s'entendre avec lui, car il a un regard qui dit tout ce qu'il veut. Je ne sais pas comment il fait il me disait dans le billet dont je t'ai parlé qu'il n'aurait pas l'air de s'occuper de moi devant Maman en effet, on dirait toujours qu'il n'y songe pas; et pourtant toutes les fois que je cherche ses yeux, je suis sûre de les rencontrer tout de suite. Il y a ici une bonne amie de Maman, que je ne connaissais pas, qui a aussi l'air de ne guÚre aimer M. de Valmont, quoiqu'il ait bien des attentions pour elle. J'ai peur qu'il ne s'ennuie bientÎt de la vie qu'on mÚne ici, et qu'il ne s'en retourne à Paris; cela serait bien fùcheux. Il faut qu'il ait bien bon cÅ“ur d'ÃÂȘtre venu exprÚs pour rendre service à son ami et à moi! Je voudrais bien lui en témoigner ma reconnaissance, mais je ne sais comment faire pour lui parler; et quand j'en trouverais l'occasion, je serais si honteuse, que je ne saurais peut-ÃÂȘtre que lui dire. Il n'y a que Madame de Merteuil avec qui je parle librement, quand je parle de mon amour. Peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme qu'avec toi, à qui je dis tout, si c'était en causant, je serais embarrassée. Avec Danceny lui-mÃÂȘme, j'ai souvent senti, comme malgré moi, une certaine crainte qui m'empÃÂȘchait de lui dire tout ce que je pensais. Je me le reproche bien à présent, et je donnerais tout au monde pour trouver le moment de lui dire une fois, une seule fois, combien je l'aime. M. de Valmont lui a promis que, si je me laissais conduire, il nous procurerait l'occasion de nous revoir. Je ferai bien assez ce qu'il voudra; mais je ne peux pas concevoir que cela soit possible. Adieu, ma bonne amie, je n'ai plus de place [Mademoiselle de Volanges ayant, peu de temps aprÚs, changé de confidente, comme on le verra par la suite de ces Lettres, on ne trouvera plus dans ce Recueil aucune de celles qu'elle a continué d'écrire à son amie du Couvent, elles n'apprendraient rien au Lecteur]. Du Chùteau de ..., ce 14 septembre 17** LETTRE LXXVI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Ou votre Lettre est un persiflage, que je n'ai pas compris; ou vous étiez, en me l'écrivant, dans un délire trÚs dangereux. Si je vous connaissais moins, ma belle amie, je serais vraiment trÚs effrayé; et quoi que vous en puissiez dire, je ne m'effraierais pas trop facilement. J'ai beau vous lire et vous relire, je n'en suis pas plus avancé; car, de prendre votre Lettre dans le sens naturel qu'elle présente, il n'y a pas moyen. Qu'avez- vous donc voulu dire? Est-ce seulement qu'il était inutile de se donner tant de soins contre un ennemi si peu redoutable? mais, dans ce cas, vous pourriez avoir tort. Prévan est réellement aimable; il l'est plus que vous ne le croyez; il a surtout le talent trÚs utile d'occuper beaucoup de son amour, par l'adresse qu'il a d'en parler dans le cercle, et devant tout le monde, en se servant de la premiÚre conversation qu'il trouve. Il est peu de femmes qui se sauvent alors du piÚge d'y répondre, parce que toutes ayant des prétentions à la finesse, aucune ne veut perdre l'occasion d'en montrer. Or, vous savez assez que femme qui consent à parler d'amour, finit bientÎt par en prendre, ou au moins par se conduire comme si elle en avait. Il gagne encore à cette méthode, qu'il a réellement perfectionnée, d'appeler souvent les femmes elles-mÃÂȘmes en témoignage de leur défaite; et cela, je vous en parle pour l'avoir vu. Je n'étais dans le secret que de la seconde main; car jamais je n'ai été lié avec Prévan mais enfin nous y étions six et la Comtesse de P***, tout en se croyant bien fine, et ayant l'air en effet, pour tout ce qui n'était pas instruit, de tenir une conversation générale, nous raconta dans le plus grand détail, et comme quoi elle s'était rendue à Prévan, et tout ce qui s'était passé entre eux. Elle faisait ce récit avec une telle sécurité, qu'elle ne fut pas mÃÂȘme troublée par un fou rire qui nous prit à tous six en mÃÂȘme temps; et je me souviendrai toujours qu'un de nous ayant voulu, pour s'excuser, feindre de douter de ce qu'elle disait, ou plutÎt de ce qu'elle avait l'air de dire, elle répondit gravement qu'à coup sûr nous n'étions aucun aussi bien instruits qu'elle; et elle ne craignit pas mÃÂȘme de s'adresser à Prévan, pour lui demander si elle s'était trompée d'un mot. J'ai donc pu croire cet homme dangereux pour tout le monde mais pour vous, Marquise, ne suffisait-il pas qu'il fût joli, trÚs joli , comme vous le dites vous-mÃÂȘme? ou qu'il vous fÃt une de ces attaques, que vous vous plaisiez quelquefois à récompenser, sans autre motif que de les trouver bien faites ? ou que vous eussiez trouvé plaisant de vous rendre par une raison quelconque? ou que sais-je? puis-je deviner les mille caprices qui gouvernent la tÃÂȘte d'une femme, et par qui seuls vous tenez encore à votre sexe? A présent que vous ÃÂȘtes avertie du danger, je ne doute pas que vous ne vous en sauviez facilement mais pourtant fallait-il vous avertir. Je reviens donc à mon texte; qu'avez-vous voulu dire? Si ce n'est qu'un persiflage sur Prévan, outre qu'il est bien long, ce n'était pas vis-à -vis de moi qu'il était utile; c'est dans le monde qu'il faut lui donner quelque bon ridicule, et je vous renouvelle ma priÚre à ce sujet. Ah! je crois tenir le mot de l'énigme! votre Lettre est une prophétie, non de ce que vous ferez, mais de ce qu'il vous croira prÃÂȘte à faire au moment de la chute que vous lui préparez. J'approuve assez ce projet; il exige pourtant de grands ménagements. Vous savez comme moi que, pour l'effet public, avoir un homme ou recevoir ses soins, est absolument la mÃÂȘme chose, à moins que cet homme ne soit un sot; et Prévan ne l'est pas, à beaucoup prÚs. S'il peut gagner seulement une apparence, il se vantera, et tout sera dit. Les sots y croiront, les méchants auront l'air d'y croire quelles seront vos ressources? Tenez, j'ai peur. Ce n'est pas que je doute de votre adresse mais ce sont les bons nageurs qui se noient. Je ne me crois pas plus bÃÂȘte qu'un autre; des moyens de déshonorer une femme, j'en ai trouvé cent, j'en ai trouvé mille mais quand je me suis occupé de chercher comment elle pourrait s'en sauver, je n'en ai jamais vu la possibilité. Vous-mÃÂȘme, ma belle amie, dont la conduite est un chef-d'Å“uvre, cent fois j'ai cru vous voir plus de bonheur que de bien joué. Mais aprÚs tout, je cherche peut-ÃÂȘtre une raison à ce qui n'en a point. J'admire comment, depuis une heure, je traite sérieusement ce qui n'est, à coup sûr, qu'une plaisanterie de votre part. Vous allez vous moquer de moi! Hé bien! soit; mais dépÃÂȘchez-vous, et parlons d'autre chose. D'autre chose! je me trompe, c'est toujours de la mÃÂȘme; toujours des femmes à avoir ou à perdre, et souvent tous les deux. J'ai ici, comme vous l'avez fort bien remarqué, de quoi m'exercer dans les deux genres, mais non pas avec la mÃÂȘme facilité. Je prévois que la vengeance ira plus vite que l'amour. La petite Volanges est rendue, j'en réponds; elle ne dépend plus que de l'occasion, et je me charge de la faire naÃtre. Mais il n'en est pas de mÃÂȘme de Madame de Tourvel cette femme est désolante, je ne la conçois pas; j'ai cent preuves de son amour, mais j'en ai mille de sa résistance; et en vérité, je crains qu'elle ne m'échappe. Le premier effet qu'avait produit mon retour me faisait espérer davantage. Vous devinez que je voulais en juger par moi-mÃÂȘme; et pour m'assurer de voir les premiers mouvements, je ne m'étais fait précéder par personne, et j'avais calculé ma route pour arriver pendant qu'on serait à table. En effet, je tombai des nues, comme une Divinité d'Opéra qui vient faire un dénouement. Ayant fait assez de bruit en entrant pour fixer les regards sur moi, je pus voir du mÃÂȘme coup d'oeil la joie de ma vieille tante, le dépit de Madame de Volanges, et le plaisir décontenancé de sa fille. Ma Belle, par la place qu'elle occupait, tournait le dos à la porte. Occupée dans ce moment à couper quelque chose, elle ne tourna seulement pas la tÃÂȘte mais j'adressai la parole à Madame de Rosemonde; et au premier mot, la sensible Dévote ayant reconnu ma voix, il lui échappa un cri dans lequel je crus reconnaÃtre plus d'amour que de surprise et d'effroi. Je m'étais alors assez avancé pour voir sa figure le tumulte de son ùme, le combat de ses idées et de ses sentiments, s'y peignirent de vingt façons différentes. Je me mis à table à cÎté d'elle; elle ne savait exactement rien de ce qu'elle faisait ni de ce qu'elle disait. Elle essaya de continuer de manger; il n'y eut pas moyen enfin, moins d'un quart d'heure aprÚs, son embarras et son plaisir devenant plus forts qu'elle, elle n'imagina rien de mieux que de demander permission de sortir de table, et elle se sauva dans le parc, sous le prétexte d'avoir besoin de prendre l'air. Madame de Volanges voulut l'accompagner; la tendre Prude ne le permit pas trop heureuse, sans doute, de trouver un prétexte pour ÃÂȘtre seule, et se livrer sans contrainte à la douce émotion de son cÅ“ur. J'abrégeai le dÃner le plus qu'il me fut possible. A peine avait-on servi le dessert, que l'infernale Volanges, pressée apparemment du besoin de me nuire, se leva de sa place pour aller trouver la charmante malade mais j'avais prévu ce projet, et je le traversai. Je feignis donc de prendre ce mouvement particulier pour le mouvement général; et m'étant levé en mÃÂȘme temps, la petite Volanges et le Curé du lieu se laissÚrent entraÃner par ce double exemple; en sorte que Madame de Rosemonde se trouva seule à table avec le vieux Commandeur de T. , et tous deux prirent aussi le parti d'en sortir. Nous allùmes donc tous rejoindre ma Belle, que nous trouvùmes dans le bosquet prÚs du Chùteau; et comme elle avait besoin de solitude et non de promenade, elle aima autant revenir avec nous, que nous faire rester avec elle. DÚs que je fus assuré que Madame de Volanges n'aurait pas l'occasion de lui parler seule, je songeai à exécuter vos ordres, et je m'occupai des intérÃÂȘts de votre pupille. AussitÎt aprÚs le café, je montai chez moi, et j'entrai aussi chez les autres, pour reconnaÃtre le terrain; je fis mes dispositions pour assurer la correspondance de la petite; et aprÚs ce premier bienfait, j'écrivis un mot pour l'en instruire et lui demander sa confiance; je joignis mon billet à la Lettre de Danceny. Je revins au salon. J'y trouvai ma Belle établie sur une chaise longue dans un abandon délicieux. Ce spectacle, en éveillant mes désirs, anima mes regards; je sentis qu'ils devaient ÃÂȘtre tendres et pressants, et je me plaçai de maniÚre à pouvoir en faire usage. Leur premier effet fut de faire baisser les grands yeux modestes de la céleste Prude. Je considérai quelque temps cette figure angélique; puis, parcourant toute sa personne je m'amusais à deviner les contours et les formes à travers un vÃÂȘtement léger, mais toujours importun. AprÚs ÃÂȘtre descendu de la tÃÂȘte aux pieds, je remontais des pieds à la tÃÂȘte. Ma belle amie, le doux regard était fixé sur moi; sur-le-champ il se baissa de nouveau, mais voulant en favoriser le retour, je détournai mes yeux. Alors s'établit entre nous cette convention tacite, premier traité de l'amour timide, qui, pour satisfaire le besoin mutuel de se voir, permet aux regards de se succéder en attendant qu'ils se confondent. Persuadé que ce nouveau plaisir occupait ma Belle tout entiÚre, je me chargeai de veiller à notre commune sûreté mais aprÚs m'ÃÂȘtre assuré qu'une conversation assez vive nous sauvait des remarques du cercle, je tùchai d'obtenir de ses yeux qu'ils parlassent franchement leur langage. Pour cela je surpris d'abord quelques regards; mais avec tant de réserve, que la modestie n'en pouvait ÃÂȘtre alarmée; et pour mettre la timide personne plus à son aise, je paraissais moi-mÃÂȘme aussi embarrassé qu'elle. Peu à peu nos yeux, accoutumés à se rencontrer, se fixÚrent plus longtemps; enfin ils ne se quittÚrent plus, et j'aperçus dans les siens cette douce langueur, signal heureux de l'amour et du désir; mais ce ne fut qu'un moment; et bientÎt revenue à elle-mÃÂȘme, elle changea, non sans quelque honte, son maintien et son regard. Ne voulant pas qu'elle pût douter que j'eusse remarqué ses divers mouvements, je me levai avec vivacité, en lui demandant, avec l'air de l'effroi, si elle se trouvait mal. AussitÎt tout le monde vint l'entourer. Je les laissai tous passer devant moi; et comme la petite Volanges, qui travaillait à la tapisserie auprÚs d'une fenÃÂȘtre, eut besoin de quelque temps pour quitter son métier, je saisis ce moment pour lui remettre la Lettre de Danceny. J'étais un peu loin d'elle; je jetai l'EpÃtre sur ses genoux. Elle ne savait en vérité qu'en faire. Vous auriez trop ri de son air de surprise et d'embarras; pourtant, je ne riais point, car je craignais que tant de gaucherie ne nous trahÃt. Mais un coup d'oeil et un geste fortement prononcés lui firent enfin comprendre qu'il fallait mettre le paquet dans sa poche. Le reste de la journée n'eut rien d'intéressant. Ce qui s'est passé depuis amÚnera peut-ÃÂȘtre des événements dont vous serez contente, au moins pour ce qui regarde votre pupille; mais il vaut mieux employer son temps à exécuter ses projets qu'à les raconter. Voilà d'ailleurs la huitiÚme page que j'écris, et j'en suis fatigué; ainsi, adieu. Vous vous doutez bien, sans que je vous le dise, que la petite a répondu à Danceny [Cette Lettre ne s'est pas retrouvée]. J'ai eu aussi une Réponse de ma Belle, à qui j'avais écrit le lendemain de mon arrivée. Je vous envoie les deux Lettres. Vous les lirez ou vous ne les lirez pas car ce perpétuel rabùchage, qui déjà ne m'amuse pas trop, doit ÃÂȘtre bien insipide, pour toute personne désintéressée. Encore une fois, adieu. Je vous aime toujours beaucoup; mais je vous en prie, si vous me reparlez de Prévan, faites en sorte que je vous entende. Du Chùteau de ..., ce 17 septembre 17** LETTRE LXXVII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL D'oÃÂč peut venir, Madame, le soin cruel que vous mettez à me fuir? comment se peut-il que l'empressement le plus tendre de ma part n'obtienne de la vÎtre que des procédés qu'on se permettrait à peine envers l'homme dont on aurait le plus à se plaindre? Quoi! l'amour me ramÚne à vos pieds; et quand un heureux hasard me place à cÎté de vous, vous aimez mieux feindre une indisposition, alarmer vos amis, que de consentir à rester prÚs de moi! Combien de fois hier n'avez-vous pas détourné vos yeux pour me priver de la faveur d'un regard? et si un seul instant j'ai pu y voir moins de sévérité, ce moment a été si court qu'il semble que vous ayez voulu moins m'en faire jouir que me faire sentir ce que je perdais à en ÃÂȘtre privé. Ce n'est là , j'ose le dire, ni le traitement que mérite l'amour, ni celui que peut se permettre l'amitié; et toutefois, de ces deux sentiments, vous savez si l'un m'anime, et j'étais, ce me semble, autorisé à croire que vous ne vous refusiez pas à l'autre. Cette amitié précieuse, dont sans doute vous m'avez cru digne, puisque vous avez bien voulu me l'offrir, qu'ai-je donc fait pour l'avoir perdue depuis? me serais-je nui par ma confiance, et me puniriez-vous de ma franchise? ne craignez-vous pas au moins d'abuser de l'une et de l'autre? En effet, n'est-ce pas dans le sein de mon amie, que j'ai déposé le secret de mon cÅ“ur? n'est-ce pas vis-à -vis d'elle seule, que j'ai pu me croire obligé de refuser des conditions qu'il me suffisait d'accepter, pour me donner la facilité de ne les pas tenir, et peut-ÃÂȘtre celle d'en abuser utilement? Voudriez-vous enfin, par une rigueur si peu méritée, me forcer à croire qu'il n'eût fallu que vous tromper pour obtenir plus d'indulgence? Je ne me repens point d'une conduite que je vous devais, que je me devais à moi-mÃÂȘme; mais par quelle fatalité, chaque action louable devient-elle pour moi le signal d'un malheur nouveau? C'est aprÚs avoir donné lieu au seul éloge que vous ayez encore daigné faire de ma conduite, que j'ai eu, pour la premiÚre fois, à gémir du malheur de vous avoir déplu. C'est aprÚs vous avoir prouvé ma soumission parfaite, en me privant du bonheur de vous voir, uniquement pour rassurer votre délicatesse, que vous avez voulu rompre toute correspondance avec moi, m'Îter ce faible dédommagement d'un sacrifice que vous aviez exigé, et me ravir jusqu'à l'amour qui seul avait pu vous en donner le droit. C'est enfin aprÚs vous avoir parlé avec une sincérité que l'intérÃÂȘt mÃÂȘme de cet amour n'a pu affaiblir, que vous me fuyez aujourd'hui comme un séducteur dangereux, dont vous auriez reconnu la perfidie. Ne vous lasserez-vous donc jamais d'ÃÂȘtre injuste? Apprenez-moi du moins quels nouveaux torts ont pu vous porter à tant de sévérité, et ne refusez pas de me dicter les ordres que vous voulez que je suive; quand je m'engage à les exécuter, est-ce trop prétendre que de demander à les connaÃtre? De ..., ce 15 septembre 17** LETTRE LXXVIII LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Vous paraissez, Monsieur, surpris de ma conduite, et peu s'en faut mÃÂȘme que vous ne m'en demandiez compte, comme ayant le droit de la blùmer. J'avoue que je me serais crue plus autorisée que vous à m'étonner et à me plaindre; mais depuis le refus contenu dans votre derniÚre réponse, j'ai pris le parti de me renfermer dans une indifférence qui ne laisse plus lieu aux remarques ni aux reproches. Cependant, comme vous me demandez des éclaircissements, et que, grùces au Ciel, je ne sens rien en moi qui puisse m'empÃÂȘcher de vous les donner, je veux bien entrer encore une fois en explication avec vous. Qui lirait vos Lettres me croirait injuste ou bizarre. Je crois mériter que personne n'ait cette idée de moi; il me semble surtout que vous étiez moins qu'un autre dans le cas de la prendre. Sans doute, vous avez senti qu'en nécessitant ma justification vous me forciez à rappeler tout ce qui s'est passé entre nous. Apparemment vous avez cru n'avoir qu'à gagner à cet examen comme, de mon cÎté, je ne crois pas avoir à y perdre, au moins à vos yeux, je ne crains pas de m'y livrer. Peut-ÃÂȘtre est-ce, en effet, le seul moyen de connaÃtre qui de nous deux a le droit de se plaindre de l'autre. A compter, Monsieur, du jour de votre arrivée dans ce Chùteau, vous avouerez, je crois, qu'au moins votre réputation m'autorisait à user de quelque réserve avec vous, et que j'aurais pu, sans craindre d'ÃÂȘtre taxée d'un excÚs de pruderie, m'en tenir aux seules expressions de la politesse la plus froide. Vous-mÃÂȘme m'eussiez traitée avec indulgence, et vous eussiez trouvé simple qu'une femme aussi peu formée n'eût pas mÃÂȘme le mérite nécessaire pour apprécier le vÎtre. C'était sûrement là le parti de la prudence; et il m'eût d'autant moins coûté à suivre, que je ne vous cacherai pas que, quand Madame de Rosemonde vint me faire part de votre arrivée, j'eus besoin de me rappeler mon amitié pour elle, et celle qu'elle a pour vous, pour ne pas lui laisser voir combien cette nouvelle me contrariait. Je conviens volontiers que vous vous ÃÂȘtes montré d'abord sous un aspect plus favorable que je ne l'avais imaginé; mais vous conviendrez à votre tour qu'il a bien peu duré, et que vous vous ÃÂȘtes bientÎt lassé d'une contrainte, dont apparemment vous ne vous ÃÂȘtes pas cru suffisamment dédommagé par l'idée avantageuse qu'elle m'avait fait prendre de vous. C'est alors qu'abusant de ma bonne foi, de ma sécurité, vous n'avez pas craint de m'entretenir d'un sentiment dont vous ne pouviez pas douter que je ne me trouvasse offensée; et moi, tandis que vous ne vous occupiez qu'à aggraver vos torts en les multipliant, je cherchais un motif pour les oublier, en vous offrant l'occasion de les réparer, au moins en partie. Ma demande était si juste que vous-mÃÂȘme ne crûtes pas devoir vous y refuser mais vous faisant un droit de mon indulgence, vous en profitùtes pour me demander une permission, que, sans doute, je n'aurais pas dû accorder, et que pourtant vous avez obtenue. Des conditions qui y furent mises, vous n'en avez tenu aucune; et votre correspondance a été telle, que chacune de vos Lettres me faisait un devoir de ne plus vous répondre. C'est dans le moment mÃÂȘme oÃÂč votre obstination me forçait à vous éloigner de moi que, par une condescendance peut-ÃÂȘtre blùmable, j'ai tenté le seul moyen qui pouvait me permettre de vous en rapprocher mais de quel prix est à vos yeux un sentiment honnÃÂȘte? Vous méprisez l'amitié; et dans votre folle ivresse, comptant pour rien les malheurs et la honte, vous ne cherchez que des plaisirs et des victimes. Aussi léger dans vos démarches qu'inconséquent dans vos reproches, vous oubliez vos promesses, ou plutÎt vous vous faites un jeu de les violer, et aprÚs avoir consenti à vous éloigner de moi, vous revenez ici sans y ÃÂȘtre rappelé; sans égard pour mes priÚres, pour mes raisons, sans avoir mÃÂȘme l'attention de m'en prévenir, vous n'avez pas craint de m'exposer à une surprise dont l'effet, quoique bien simple assurément, aurait pu ÃÂȘtre interprété défavorablement pour moi, par les personnes qui nous entouraient. Ce moment d'embarras que vous aviez fait naÃtre, loin de chercher à en distraire, ou à le dissiper, vous avez paru mettre tous vos soins à l'augmenter encore. A table, vous choisissez précisément votre place à cÎté de la mienne une légÚre indisposition me force d'en sortir avant les autres; et au lieu de respecter ma solitude, vous engagez tout le monde à venir la troubler. Rentrée au salon, si je fais un pas, je vous trouve à cÎté de moi; si je dis une parole, c'est toujours vous qui me répondez. Le mot le plus indifférent vous sert de prétexte pour ramener une conversation que je ne voulais pas entendre, qui pouvait mÃÂȘme me compromettre car enfin, Monsieur, quelque adresse que vous y mettiez, ce que je comprends, je crois que les autres peuvent aussi le comprendre. Forcée ainsi par vous à l'immobilité et au silence, vous n'en continuez pas moins de me poursuivre; je ne puis lever les yeux sans rencontrer les vÎtres. Je suis sans cesse obligée de détourner mes regards; et par une inconséquence bien incompréhensible, vous fixez sur moi ceux du cercle, dans un moment oÃÂč j'aurais voulu pouvoir mÃÂȘme me dérober aux miens. Et vous vous plaignez de mes procédés! et vous vous étonnez de mon empressement à vous fuir! Ah! blùmez-moi plutÎt de mon indulgence, étonnez-vous que je ne sois pas partie au moment de votre arrivée. Je l'aurais dû peut-ÃÂȘtre, et vous me forcerez à ce parti violent mais nécessaire, si vous ne cessez enfin des poursuites offensantes. Non, je n'oublie point, je n'oublierai jamais ce que je me dois, ce que je dois à des nÅ“uds que j'ai formés, que je respecte et que je chéris; et je vous prie de croire que, si jamais je me trouvais réduite à ce choix malheureux de les sacrifier ou de me sacrifier moi-mÃÂȘme, je ne balancerais pas un instant. Adieu, Monsieur. De ..., ce 16 septembre l7**. LETTRE LXXIX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Je comptais aller à la chasse ce matin mais il fait un temps détestable. Je n'ai pour toute lecture qu'un Roman nouveau, qui ennuierait mÃÂȘme une Pensionnaire. On déjeunera au plus tÎt dans deux heures ainsi malgré ma longue Lettre d'hier, je vais encore causer avec vous. Je suis bien sûr de ne pas vous ennuyer, car je vous parlerai du trÚs joli Prévan . Comment n'avez-vous pas su sa fameuse aventure, celle qui a séparé les inséparables . Je parie que vous vous la rappellerez au premier mot. La voici pourtant, puisque vous la désirez. Vous vous souvenez que tout Paris s'étonnait que trois femmes, toutes trois jolies, ayant toutes trois les mÃÂȘmes talents, et pouvant avoir les mÃÂȘmes prétentions, restassent intimement liées entre elles depuis le moment de leur entrée dans le monde. On crut d'abord en trouver la raison dans leur extrÃÂȘme timidité mais bientÎt, entourées d'une cour nombreuse dont elles partageaient les hommages, et éclairées sur leur valeur par l'empressement et les soins dont elles étaient l'objet, leur union n'en devint pourtant que plus forte; et l'on eût dit que le triomphe de l'une était toujours celui des deux autres. On espérait au moins que le moment de l'amour amÚnerait quelque rivalité. Nos agréables se disputaient l'honneur d'ÃÂȘtre la pomme de discorde; et moi-mÃÂȘme, je me serais mis alors sur les rangs, si la grande faveur oÃÂč la Comtesse de ... s'éleva dans ce mÃÂȘme temps, m'eût permis de lui ÃÂȘtre infidÚle avant d'avoir obtenu l'agrément que je demandais. Cependant nos trois Beautés, dans le mÃÂȘme carnaval, firent leur choix comme de concert; et loin qu'il excitùt les orages qu'on s'en était promis, il ne fit que rendre leur amitié plus intéressante, par le charme des confidences. La foule des prétendants malheureux se joignit alors à celle des femmes jalouses, et la scandaleuse constance fut soumise à la censure publique. Les uns prétendaient que dans cette société des inséparables ainsi la nommait-on alors, la loi fondamentale était la communauté de biens, et que l'amour mÃÂȘme y était soumis; d'autres assuraient que les trois Amants, exempts de rivaux, ne l'étaient pas de rivales on alla mÃÂȘme jusqu'à dire qu'ils n'avaient été admis que par décence, et n'avaient obtenu qu'un titre sans fonction. Ces bruits, vrais ou faux, n'eurent pas l'effet qu'on s'en était promis. Les trois couples, au contraire, sentirent qu'ils étaient perdus s'ils se séparaient dans ce moment; ils prirent le parti de faire tÃÂȘte à l'orage. Le public, qui se lasse de tout, se lassa bientÎt d'une satire infructueuse. Emporté par sa légÚreté naturelle, il s'occupa d'autres objets puis, revenant à celui-ci avec son inconséquence ordinaire, il changea la critique en éloge. Comme ici tout est de mode, l'enthousiasme gagna; il devenait un vrai délire, lorsque Prévan entreprit de vérifier ces prodiges, et de fixer sur eux l'opinion publique et la sienne. Il rechercha donc ces modÚles de perfection. Admis facilement dans leur société, il en tira un favorable augure. Il savait assez que les gens heureux ne sont pas d'un accÚs si facile. Il vit bientÎt, en effet, que ce bonheur si vanté était, comme celui des Rois, plus envié que désirable. Il remarqua que, parmi ces prétendus inséparables, on commençait à rechercher les plaisirs du dehors, qu'on s'y occupait mÃÂȘme de distraction; et il en conclut que les liens d'amour ou d'amitié étaient déjà relùchés ou rompus, et que ceux de l'amour- propre et de l'habitude conservaient seuls quelque force. Cependant les femmes, que le besoin rassemblait, conservaient entre elles l'apparence de la mÃÂȘme intimité mais les hommes, plus libres dans leurs démarches, retrouvaient des devoirs à remplir ou des affaires à suivre; ils s'en plaignaient encore, mais ne s'en dispensaient plus, et rarement les soirées étaient complÚtes. Cette conduite de leur part fut profitable à l'assidu Prévan, qui, placé naturellement auprÚs de la délaissée du jour, trouvait à offrir alternativement, et selon les circonstances, le mÃÂȘme hommage aux trois amies. Il sentit facilement que faire un choix entre elles, c'était se perdre; que la fausse honte de se trouver la premiÚre infidÚle effaroucherait la préférée; que la vanité blessée des deux autres les rendrait ennemies du nouvel Amant, et qu'elles ne manqueraient pas de déployer contre lui la sévérité des grands principes; enfin, que la jalousie ramÚnerait à coup sûr les soins d'un rival qui pouvait ÃÂȘtre encore à craindre. Tout fût devenu obstacle; tout devenait facile dans son triple projet; chaque femme était indulgente, parce qu'elle y était intéressée, chaque homme, parce qu'il croyait ne pas l'ÃÂȘtre. Prévan, qui n'avait alors qu'une seule femme à sacrifier, fut assez heureux pour qu'elle prÃt de la célébrité. Sa qualité d'étrangÚre et l'hommage d'un grand Prince assez adroitement, refusé avaient fixé sur elle l'attention de la Cour et de la Ville; son Amant en partageait l'honneur, et en profita auprÚs de ses nouvelles MaÃtresses. La seule difficulté était de mener de front ces trois intrigues, dont la marche devait forcément se régler sur la plus tardive; en effet, je tiens d'un de ses confidents que sa plus grande peine fut d'en arrÃÂȘter une, qui se trouva prÃÂȘte à éclore prÚs de quinze jours avant les autres. Enfin le grand jour arriva. Prévan, qui avait obtenu les trois aveux, se trouvait déjà maÃtre des démarches, et les régla comme vous allez voir. Des trois maris, l'un était absent, l'autre partait le lendemain au point du jour, le troisiÚme était à la Ville. Les inséparables amies devaient souper chez la veuve future; mais le nouveau MaÃtre n'avait pas permis que les anciens Serviteurs y fussent invités. Le matin mÃÂȘme de ce jour, il fait trois lots des Lettres de sa Belle, il accompagne l'un du portrait qu'il avait reçu d'elle le second d'un chiffre amoureux qu'elle-mÃÂȘme avait peint, le troisiÚme d'une boucle de ses cheveux; chacune reçut pour complet ce tiers de sacrifice, et consentit, en échange, à envoyer à l'Amant disgracié une Lettre éclatante de rupture. C'était beaucoup; ce n'était pas assez. Celle dont le mari était à la Ville ne pouvait disposer que de la journée; il fut convenu qu'une feinte indisposition la dispenserait d'aller souper chez son amie, et que la soirée serait toute à Prévan la nuit fut accordée par celle dont le mari fut absent et le point du jour, moment du départ du troisiÚme époux, fut marqué par la derniÚre, pour l'heure du Berger. Prévan qui ne néglige rien, court ensuite chez la belle étrangÚre, y porte et y fait naÃtre l'humeur dont il avait besoin, et n'en sort qu'aprÚs avoir établi une querelle qui lui assure vingt-quatre heures de liberté. Ses dispositions ainsi faites, il rentra chez lui, comptant prendre quelque repos; d'autres affaires l'y attendaient. Les Lettres de rupture avaient été un coup de lumiÚre pour les Amants disgraciés chacun d'eux ne pouvait douter qu'il n'eût été sacrifié à Prévan; et le dépit d'avoir été joué, se joignant à l'humeur que donne presque toujours la petite humiliation d'ÃÂȘtre quitté, tous trois, sans se communiquer, mais comme de concert, avaient résolu d'en avoir raison, et pris le parti de la demander à leur fortuné rival. Celui-ci trouva donc chez lui les trois cartels; il les accepta loyalement mais ne voulant perdre ni les plaisirs, ni l'éclat de cette aventure, il fixa les rendez- vous au lendemain matin, et les assigna tous les trois au mÃÂȘme lieu et à la mÃÂȘme heure. Ce fut à une des portes du bois de Boulogne. Le soir venu, il courut sa triple carriÚre avec un succÚs égal; au moins s'est-il vanté depuis que chacune de ses nouvelles MaÃtresses avait reçu trois fois le gage et le serment de son amour. Ici, comme vous le jugez bien, les preuves manquent à l'histoire; tout ce que peut faire l'Historien impartial, c'est de faire remarquer au Lecteur incrédule que la vanité et l'imagination exaltées peuvent enfanter des prodiges, et de plus, que la matinée qui devait suivre une si brillante nuit, paraissait devoir dispenser de ménagement pour l'avenir. Quoi qu'il en soit, les faits suivants ont plus de certitude. Prévan se rendit exactement au rendez-vous qu'il avait indiqué; il y trouva ses trois rivaux, un peu surpris de leur rencontre, et peut-ÃÂȘtre chacun d'eux déjà consolé en partie, en se voyant des compagnons d'infortune. Il les aborda d'un air affable et cavalier, et leur tint ce discours, qu'on m'a rendu fidÚlement " Messieurs, leur dit-il, en vous trouvant rassemblés ici, vous avez deviné sans doute que vous aviez tous trois le mÃÂȘme sujet de plainte contre moi. Je suis prÃÂȘt à vous rendre raison. Que le sort décide, entre vous, qui des trois tentera le premier une vengeance à laquelle vous avez tous un droit égal. Je n'ai amené ici ni second, ni témoins. Je n'en ai point pris pour l'offense; je n'en demande point pour la réparation. " Puis cédant à son caractÚre joueur " Je sais, ajouta-t-il, qu'on gagne rarement le sept et le va ; mais quel que soit le sort qui m'attend, on a toujours assez vécu, quand on a eu le temps d'acquérir l'amour des femmes et l'estime des hommes. " Pendant que ses adversaires étonnés se regardaient en silence, et que leur délicatesse calculait peut-ÃÂȘtre que ce triple combat ne laissait pas la partie égale, Prévan reprit la parole " Je ne vous cache pas, continua-t-il donc, que la nuit que je viens de passer m'a cruellement fatigué. Il serait généreux à vous de me permettre de réparer mes forces. J'ai donné mes ordres pour qu'on tÃnt ici un déjeuner prÃÂȘt; faites-moi l'honneur de l'accepter. Déjeunons ensemble, et surtout déjeunons gaiement. On peut se battre pour de semblables bagatelles; mais elles ne doivent pas, je crois, altérer notre humeur. " Le déjeuner fut accepté. Jamais, dit-on, Prévan ne fut plus aimable. Il eut l'adresse de n'humilier aucun de ses rivaux; de leur persuader que tous eussent eu facilement les mÃÂȘmes succÚs, et surtout de les faire convenir qu'ils n'en eussent pas plus que lui laissé échapper l'occasion. Ces faits une fois avoués, tout s'arrangeait de soi-mÃÂȘme. Aussi le déjeuner n'était-il pas fini, qu'on y avait déjà répété dix fois que de pareilles femmes ne méritaient pas que d'honnÃÂȘtes gens se battissent pour elles. Cette idée amena la cordialité; le vin la fortifia; si bien que peu de moments aprÚs, ce ne fut pas assez de n'avoir plus de rancune, on se jura amitié sans réserve. Prévan, qui sans doute aimait bien autant ce dénouement que l'autre, ne voulait pourtant y rien perdre de sa célébrité. En conséquence, pliant adroitement ses projets aux circonstances " En effet, dit-il aux trois offensés, ce n'est pas de moi, mais de vos infidÚles MaÃtresses que vous avez à vous venger. Je vous en offre l'occasion. Déjà je ressens, comme vous-mÃÂȘmes, une injure que bien tÎt je partagerai car si chacun de vous n'a pu parvenir à en fixer une seule, puis-je espérer de les fixer toutes trois? Votre querelle devient la mienne. Acceptez pour ce soir un souper dans ma petite maison, et j'espÚre ne pas différer plus long temps votre vengeance. " On voulut le faire expliquer mais lui, avec ce ton de supériorité que la circonstance l'autorisait à prendre " Messieurs, répondit-il, je crois vous avoir prouvé que j'avais quelque esprit de conduite; reposez-vous sur moi. " Tous consentirent; et aprÚs avoir embrassé leur nouvel ami, ils se séparÚrent jusqu'au soir, en attendant l'effet de ses promesses. Celui-ci, sans perdre de temps, retourne à Paris, et va, suivant l'usage, visiter ses nouvelles conquÃÂȘtes. Il obtint de toutes trois qu'elles viendraient le soir mÃÂȘme souper en tÃÂȘte-à -tÃÂȘte à sa petite maison. Deux d'entre elles firent bien quelques difficultés, mais que reste-t-il à refuser le lendemain? Il donna le rendez-vous à une heure de distance, temps nécessaire à ses projets. AprÚs ces préparatifs, il se retira, fit avertir les trois autres conjurés, et tous quatre allÚrent gaiement attendre leurs victimes. On entend arriver la premiÚre. Prévan se présente seul, la reçoit avec l'air de l'empressement, la conduit jusque dans le sanctuaire dont elle se croyait la Divinité; puis, disparaissant sur un léger prétexte, il se fait remplacer aussitÎt par l'Amant outragé. Vous jugez que la confusion d'une femme qui n'a point encore l'usage des aventures rendait, en ce moment, le triomphe bien facile tout reproche qui ne fut pas fait fut compté pour une grùce; et l'esclave fugitive, livrée de nouveau à son ancien maÃtre, fut trop heureuse de pouvoir espérer son pardon, en reprenant sa premiÚre chaÃne. Le traité de paix se ratifia dans un lieu plus solitaire, et la scÚne, restée vide, fut alternativement remplie par les autres Acteurs, à peu prÚs de la mÃÂȘme maniÚre, et surtout avec le mÃÂȘme dénouement. Chacune des femmes pourtant se croyait encore seule en jeu. Leur étonnement et leur embarras augmentÚrent, quand, au moment du souper, les trois couples se réunirent; mais la confusion fut au comble, quand Prévan, qui reparut au milieu de tous, eut la cruauté de faire aux trois infidÚles des excuses, qui, en livrant leur secret, leur apprenaient entiÚrement jusqu'à quel point elles avaient été jouées. Cependant on se mit à table, et peu aprÚs la contenance revint les hommes se livrÚrent, les femmes se soumirent. Tous avaient la haine dans le cÅ“ur; mais les propos n'en étaient pas moins tendres la gaieté éveilla le désir, qui, à son tour, lui prÃÂȘta de nouveaux charmes. Cette étonnante orgie dura jusqu'au matin; et quand on se sépara, les femmes durent se croire pardonnées mais les hommes, qui avaient conservé leur ressentiment, firent dÚs le lendemain une rupture qui n'eut point de retour; et non contents de quitter leurs légÚres MaÃtresses, ils achevÚrent leur vengeance, en publiant leur aventure. Depuis ce temps, une d'elles est au Couvent, et les deux autres languissent exilées dans leurs Terres. Voilà l'histoire de Prévan; c'est à vous de voir si vous voulez ajouter à sa gloire, et vous atteler à son char de triomphe. Votre Lettre m'a vraiment donné de l'inquiétude, et j'attends avec impatience une réponse plus sage et plus claire à la derniÚre que je vous ai écrite. Adieu, ma belle amie, méfiez-vous des idées plaisantes ou bizarres qui vous séduisent toujours trop facilement. Songez que, dans la carriÚre que vous courez, l'esprit ne suffit pas, qu'une seule imprudence y devient un mal sans remÚde. Souffrez enfin que la prudente amitié soit quelquefois le guide de vos plaisirs. Adieu. Je vous aime pourtant comme si vous étiez raisonnable. De ..., ce 18 septembre 17** LETTRE LXXX LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Cécile, ma chÚre Cécile, quand viendra le temps de nous revoir? qui m'apprendra à vivre loin de vous? qui m'en donnera la force et le courage? Jamais, non, jamais, je ne pourrai supporter cette fatale absence. Chaque jour ajoute à mon malheur et n'y point voir de terme! Valmont qui m'avait promis des secours, des consolations, Valmont me néglige, et peut-ÃÂȘtre m'oublie. Il est auprÚs de ce qu'il aime; il ne sait plus ce qu'on souffre quand on en est éloigné. En me faisant passer votre derniÚre Lettre, il ne m'a point écrit. C'est lui pourtant qui doit m'apprendre quand je pourrai vous voir et par quel moyen. N'a-t-il donc rien à me dire? Vous-mÃÂȘme, vous ne m'en parlez pas, serait-ce que vous n'en partagez plus le désir? Ah! Cécile, Cécile, je suis bien malheureux. Je vous aime plus que jamais mais cet amour, qui fait le charme de ma vie, en devient le tourment. Non, je ne peux plus vivre ainsi, il faut que je vous voie, il le faut, ne fût-ce qu'un moment. Quand je me lÚve, je me dis; " Je ne la verrai pas. " Je me couche en disant " Je ne l'ai point vue. " Les journées si longues n'ont pas un moment pour le bonheur. Tout est privation, tout est regret, tout est désespoir; et tous ces maux me viennent d'oÃÂč j'attendais tous mes plaisirs! Ajoutez à ces peines mortelles mon inquiétude sur les vÎtres, et vous aurez une idée de ma situation. Je pense à vous sans cesse, et n'y pense jamais sans trouble. Si je vous vois affligée, malheureuse, je souffre de tous vos chagrins; si je vous vois tranquille et consolée, ce sont les miens qui redoublent. Partout je trouve le malheur. Ah! qu'il n'en était pas ainsi, quand vous habitiez les mÃÂȘmes lieux que moi! Tout alors était plaisir. La certitude de vous voir embellissait mÃÂȘme les moments de l'absence; le temps qu'il fallait passer loin de vous m'approchait de vous en s'écoulant. L'emploi que j'en faisais ne vous était jamais étranger. Si je remplissais des devoirs, ils me rendaient plus digne de vous; si je cultivais quelque talent, j'espérais vous plaire davantage. Lors mÃÂȘme que les distractions du monde m'emportaient loin de vous, je n'en étais point séparé. Au Spectacle, je cherchais à deviner ce qui vous aurait plu; un concert me rappelait vos talents et nos si douces occupations. Dans le cercle, comme aux promenades, je saisissais la plus légÚre ressemblance. Je vous comparais à tout; partout vous aviez l'avantage. Chaque moment du jour était marqué par un hommage nouveau, et chaque soir j'en apportais le tribut à vos pieds. A présent, que me reste-t-il? des regrets douloureux, des privations éternelles, et un léger espoir que le silence de Valmont diminue, que le vÎtre change en inquiétude. Dix lieues seulement nous séparent, et cet espace si facile à franchir devient pour moi seul un obstacle insurmontable! et quand, pour m'aider à le vaincre, j'implore mon ami, ma MaÃtresse, tous deux restent froids et tranquilles! Loin de me secourir, ils ne me répondent mÃÂȘme pas. Qu'est donc devenue l'amitié active de Valmont? que sont devenus, surtout, vos sentiments si tendres, et qui vous rendaient si ingénieuse pour trouver les moyens de nous voir tous les jours? Quelquefois, je m'en souviens, sans cesser d'en avoir le désir, je me trouvais forcé de le sacrifier à des considérations, à des devoirs; que ne me disiez-vous pas alors? par combien de prétextes ne combattiez-vous pas mes raisons! Et qu'il vous en souvienne, ma Cécile, toujours mes raisons cédaient à vos désirs. Je ne m'en fais point un mérite! je n'avais pas mÃÂȘme celui du sacrifice. Ce que vous désiriez d'obtenir, je brûlais de l'accorder. Mais enfin je demande à mon tour et quelle est cette demande? de vous voir un moment, de vous renouveler et de recevoir le serment d'un amour éternel. N'est-ce donc plus votre bonheur comme le mien? Je repousse cette idée désespérante, qui mettrait le comble à mes maux. Vous m'aimez, vous m'aimerez toujours; je le crois, j'en suis sûr, je ne veux jamais en douter mais ma situation est affreuse et je ne puis la soutenir plus longtemps. Adieu, Cécile. Paris, ce 18 septembre 17** LETTRE LXXXI LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Que vos craintes me causent de pitié! Combien elles me prouvent ma supériorité sur vous! et vous voulez m'enseigner, me conduire? Ah! mon pauvre Valmont, quelle distance il y a encore de vous à moi! Non, tout l'orgueil de votre sexe ne suffirait pas pour remplir l'intervalle qui nous sépare. Parce que vous ne pourriez exécuter mes projets, vous les jugez impossibles! Etre orgueilleux et faible, il te sied bien de vouloir calculer mes moyens et juger de mes ressources! Au vrai, Vicomte, vos conseils m'ont donné de l'humeur, et je ne puis vous le cacher. Que pour masquer votre incroyable gaucherie auprÚs de votre Présidente, vous m'étaliez comme un triomphe d'avoir déconcerté un moment cette femme timide et qui vous aime, j'y consens; d'en avoir obtenu un regard, un seul regard, je souris et vous le passe. Que sentant, malgré vous, le peu de valeur de votre conduite, vous espériez la dérober à mon attention, en me flattant de l'effort sublime de rapprocher deux enfants qui, tous deux, brûlent de se voir, et qui, soit dit en passant, doivent à moi seule l'ardeur de ce désir, je le veux bien encore. Qu'enfin vous vous autorisiez de ces actions d'éclat, pour me dire d'un ton doctoral qu'il vaut mieux employer son temps à exécuter ses projets qu'à les raconter ; cette vanité ne me nuit pas, et je la pardonne. Mais que vous puissiez croire que j'aie besoin de votre prudence, que je m'égarerais en ne déférant pas à vos avis, que je dois leur sacrifier un plaisir, une fantaisie en vérité, Vicomte, c'est aussi vous trop enorgueillir de la confiance que je veux bien avoir en vous! Et qu'avez-vous donc fait que je n'aie surpassé mille fois? Vous avez séduit, perdu mÃÂȘme beaucoup de femmes mais quelles difficultés avez-vous eues à vaincre? quels obstacles à surmonter? oÃÂč est le mérite qui soit véritablement à vous? Une belle figure, pur effet du hasard; des grùces, que l'usage donne presque toujours, de l'esprit à la vérité, mais auquel du jargon suppléerait au besoin; une impudence assez louable, mais peut-ÃÂȘtre uniquement due à la facilité de vos premiers succÚs; si je ne me trompe, voilà tous vos moyens car, pour la célébrité que vous avez pu acquérir, vous n'exigerez pas, je crois, que je compte pour beaucoup l'art de faire naÃtre ou de saisir l'occasion d'un scandale. Quant à la prudence, à la finesse, je ne parle pas de moi mais quelle femme n'en aurait pas plus que vous? Eh! votre Présidente vous mÚne comme un enfant. Croyez-moi, Vicomte, on acquiert rarement les qualités dont on peut se passer. Combattant sans risque, vous devez agir sans précaution. Pour vous autres hommes, les défaites ne sont que des succÚs de moins. Dans cette partie si inégale, notre fortune est de ne pas perdre, et votre malheur de ne pas gagner. Quand je vous accorderais autant de talents qu'à nous, de combien encore ne devrions-nous pas vous surpasser, par la nécessité oÃÂč nous sommes d'en faire un continuel usage! Supposons, j'y consens, que vous mettiez autant d'adresse à nous vaincre, que nous à nous défendre ou à céder, vous conviendrez au moins qu'elle vous devient inutile aprÚs le succÚs. Uniquement occupé de votre nouveau goût, vous vous y livrez sans crainte, sans réserve ce n'est pas à vous que sa durée importe. En effet, ces liens réciproquement donnés et reçus, pour parler le jargon de l'amour, vous seul pouvez, à votre choix, les resserrer ou les rompre heureuses encore, si dans votre légÚreté, préférant le mystÚre à l'éclat, vous vous contentez d'un abandon humiliant, et ne faites pas de l'idole de la veille la victime du lendemain. Mais qu'une femme infortunée sente la premiÚre le poids de sa chaÃne, quels risques n'a-t-elle pas à courir, si elle tente de s'y soustraire, si elle ose seulement la soulever? Ce n'est qu'en tremblant qu'elle essaie d'éloigner d'elle l'homme que son cÅ“ur repousse avec effort. S'obstine-t-il à rester, ce qu'elle accordait à l'amour, il faut le livrer à la crainte Ses bras s'ouvrent encor, quand son cÅ“ur est fermé. Sa prudence doit dénouer avec adresse ces mÃÂȘmes liens que vous auriez rompus. A la merci de son ennemi, elle est sans ressource, s'il est sans générosité et comment en espérer de lui, lorsque, si quelquefois on le loue d'en avoir, jamais pourtant on ne le blùme d'en manquer? Sans doute, vous ne nierez pas ces vérités que leur évidence a rendues triviales. Si cependant vous m'avez vue, disposant des événements et des opinions, faire de ces hommes si redoutables le jouet de mes caprices ou de mes fantaisies; Îter aux uns la volonté, aux autres la puissance de me nuire; si j'ai su tour à tour, et suivant mes goûts mobiles, attacher à ma suite ou rejeter loin de moi Ces Tyrans détrÎnés devenus mes esclaves [On ne sait si ce vers, ainsi que celui qui se trouve plus haut, Ses bras s'ouvrent encor, quand son cÅ“ur est fermé , sont des citations d'Ouvrages peu connus; ou s'ils font partie de la prose de Madame de Merteuil. Ce qui le ferait croire, c'est la multitude de fautes de ce genre qui se trouvent dans toutes les Lettres de cette correspondance. Celles du Chevalier Danceny sont les seules qui en soient exemptes peut-ÃÂȘtre que, comme il s'occupait quelquefois de Poésie, son oreille plus exercée lui faisait éviter plus facilement ce défaut.] si, au milieu de ces révolutions fréquentes, ma réputation s'est pourtant conservée pure; n'avez-vous pas dû en conclure que, née pour venger mon sexe et maÃtriser le vÎtre, j'avais su me créer des moyens inconnus jusqu'à moi? Ah! gardez vos conseils et vos craintes pour ces femmes à délire, et qui se disent à sentiment; dont l'imagination exaltée ferait croire que la nature a placé leurs sens dans leur tÃÂȘte; qui, n'ayant jamais réfléchi, confondent sans cesse l'amour et l'Amant; qui, dans leur folle illusion, croient que celui-là seul avec qui elles ont cherché le plaisir en est l'unique dépositaire; et vraies superstitieuses, ont pour le PrÃÂȘtre le respect et la foi qui n'est dû qu'à la Divinité. Craignez encore pour celles qui, plus vaines que prudentes, ne savent pas au besoin consentir à se faire quitter. Tremblez surtout pour ces femmes actives dans leur oisiveté, que vous nommez sensibles, et dont l'amour s'empare si facilement et avec tant de puissance; qui sentent le besoin de s'en occuper encore, mÃÂȘme lorsqu'elles n'en jouissent pas; et s'abandonnant sans réserve à la fermentation de leurs idées, enfantent par elles ces Lettres si douces, mais si dangereuses à écrire; et ne craignent pas de confier ces preuves de leur faiblesse à l'objet qui les cause imprudentes, qui, dans leur Amant actuel, ne savent pas voir leur ennemi futur. Mais moi, qu'ai-je de commun avec ces femmes inconsidérées? quand m'avez-vous vue m'écarter des rÚgles que je me suis prescrites, et manquer à mes principes? je dis mes principes, et je le dis à dessein car ils ne sont pas comme ceux des autres femmes, donnés au hasard, reçus sans examen et suivis par habitude, ils sont le fruit de mes profondes réflexions; je les ai créés, et je puis dire que je suis mon ouvrage. Entrée dans le monde dans le temps oÃÂč, fille encore, j'étais vouée par état au silence et à l'inaction, j'ai su en profiter pour observer et réfléchir. Tandis qu'on me croyait étourdie ou distraite, écoutant peu à la vérité les discours qu'on s'empressait à me tenir, je recueillais avec soin ceux qu'on cherchait à me cacher. Cette utile curiosité, en servant à m'instruire, m'apprit encore à dissimuler forcée souvent de cacher les objets de mon attention aux yeux de ceux qui m'entouraient, j'essayai de guider les miens à mon gré; j'obtins dÚs lors de prendre à volonté ce regard distrait que vous avez loué si souvent. Encouragée par ce premier succÚs, je tùchai de régler de mÃÂȘme les divers mouvements de ma figure. Ressentais-je quelque chagrin, je m'étudiais à prendre l'air de la sérénité, mÃÂȘme celui de la joie; j'ai porté le zÚle jusqu'à me causer des douleurs volontaires, pour chercher pendant ce temps l'expression du plaisir. Je me suis travaillée avec le mÃÂȘme soin et plus de peine, pour réprimer les symptÎmes d'une joie inattendue. C'est ainsi que j'ai su prendre sur ma physionomie cette puissance dont je vous ai vu quelquefois si étonné. J'étais bien jeune encore, et presque sans intérÃÂȘt mais je n'avais à moi que ma pensée, et je m'indignais qu'on pût me la ravir ou me la surprendre contre ma volonté. Munie de ces premiÚres armes, j'en essayai l'usage non contente de ne plus me laisser pénétrer, je m'amusais à me montrer sous des formes différentes; sûre de mes gestes, j'observais mes discours; je réglai les uns et les autres, suivant les circonstances, ou mÃÂȘme seulement suivant mes fantaisies dÚs ce moment, ma façon de penser fut pour moi seule, et je ne montrai plus que celle qu'il m'était utile de laisser voir. Ce travail sur moi-mÃÂȘme avait fixé mon attention sur l'expression des figures et le caractÚre des physionomies; et j'y gagnai ce coup d'oeil pénétrant, auquel l'expérience m'a pourtant appris à ne pas me fier entiÚrement; mais qui, en tout, m'a rarement trompée. Je n'avais pas quinze ans, je possédais déjà les talents auxquels la plus grande partie de nos Politiques doivent leur réputation, et je ne me trouvais encore qu'aux premiers éléments de la science que je voulais acquérir. Vous jugez bien que, comme toutes les jeunes filles, je cherchais à deviner l'amour et ses plaisirs mais n'ayant jamais été au Couvent, n'ayant point de bonne amie, et surveillée par une mÚre vigilante, je n'avais que des idées vagues et que je ne pouvais fixer; la nature mÃÂȘme, dont assurément je n'ai eu qu'à me louer depuis, ne me donnait encore aucun indice. On eût dit qu'elle travaillait en silence à perfectionner son ouvrage. Ma tÃÂȘte seule fermentait; je ne désirais pas de jouir, je voulais savoir; le désir de m'instruire m'en suggéra les moyens. Je sentis que le seul homme avec qui je pouvais parler sur cet objet, sans me compromettre, était mon Confesseur. AussitÎt je pris mon parti; je surmontai ma petite honte; et me vantant d'une faute que je n'avais pas commise, je m'accusai d'avoir fait tout ce que font les femmes . Ce fut mon expression; mais en parlant ainsi je ne savais en vérité quelle idée j'exprimais. Mon espoir ne fut ni tout à fait trompé, ni entiÚrement rempli, la crainte de me trahir m'empÃÂȘchait de m'éclairer mais le bon PÚre me fit le mal si grand que j'en conclus que le plaisir devait ÃÂȘtre extrÃÂȘme; et au désir de le connaÃtre succéda celui de le goûter. Je ne sais oÃÂč ce désir m'aurait conduite; et alors dénuée d'expérience, peut- ÃÂȘtre une seule occasion m'eût perdue heureusement pour moi, ma mÚre m'annonça peu de jours aprÚs que j'allais me marier; sur-le-champ la certitude de savoir éteignit ma curiosité, et j'arrivai vierge entre les bras de M. de Merteuil. J'attendais avec sécurité le moment qui devait m'instruire, et j'eus besoin de réflexion pour montrer de l'embarras et de la crainte. Cette premiÚre nuit, dont on se fait pour l'ordinaire une idée si cruelle ou si douce ne me présentait qu'une occasion d'expérience douleur et plaisir, j'observai tout exactement, et ne voyais dans ces diverses sensations que des faits à recueillir et à méditer. Ce genre d'étude parvint bientÎt à me plaire mais fidÚle à mes principes, et sentant peut-ÃÂȘtre par instinct, que nul ne devait ÃÂȘtre plus loin de ma confiance que mon mari, je résolus, par cela seul que j'étais sensible, de me montrer impassible à ses yeux. Cette froideur apparente fut par la suite le fondement inébranlable de son aveugle confiance j'y joignis, par une seconde réflexion, l'air d'étourderie qu'autorisait mon ùge; et jamais il ne me jugea plus enfant que dans les moments oÃÂč je le jouais avec plus d'audace. Cependant, je l'avouerai, je me laissai d'abord entraÃner par le tourbillon du monde, et je me livrai tout entiÚre à ses distractions futiles. Mais au bout de quelques mois, M. de Merteuil m'ayant menée à sa triste campagne, la crainte de l'ennui fit revenir le goût de l'étude; et ne m'y trouvant entourée que de gens dont la distance avec moi me mettait à l'abri de tout soupçon, j'en profitai pour donner un champ plus vaste à mes expériences. Ce fut là , surtout, que je m'assurai que l'amour que l'on nous vante comme la cause de nos plaisirs n'en est au plus que le prétexte. La maladie de M. de Merteuil vint interrompre de si douces occupations; il fallut le suivre à la Ville, oÃÂč il venait chercher des secours. Il mourut, comme vous savez, peu de temps aprÚs; et quoique à tout prendre, je n'eusse pas à me plaindre de lui, je n'en sentis pas moins vivement le prix de la liberté qu'allait me donner mon veuvage, et je me promis bien d'en profiter. Ma mÚre comptait que j'entrerais au Couvent, ou reviendrais vivre avec elle. Je refusai l'un et l'autre parti; et tout ce que j'accordai à la décence fut de retourner dans cette mÃÂȘme campagne oÃÂč il me restait bien encore quelques observations à faire. Je les fortifiai par le secours de la lecture mais ne croyez pas qu'elle fût toute du genre que vous la supposez. J'étudiai nos mÅ“urs dans les Romans; nos opinions dans les Philosophes; je cherchai mÃÂȘme dans les Moralistes les plus sévÚres ce qu'ils exigeaient de nous, et je m'assurai ainsi de ce qu'on pouvait faire, de ce qu'on devait penser et de ce qu'il fallait paraÃtre. Une fois fixée sur ces trois objets, le dernier seul présentait quelques difficultés dans son exécution; j'espérai les vaincre et j'en méditai les moyens. Je commençais à m'ennuyer de mes plaisirs rustiques, trop peu variés pour ma tÃÂȘte active; je sentais un besoin de coquetterie qui me raccommoda avec l'amour; non pour le ressentir à la vérité, mais pour l'inspirer et le feindre. En vain m'avait-on dit et avais-je lu qu'on ne pouvait feindre ce sentiment, je voyais pourtant que, pour y parvenir, il suffisait de joindre à l'esprit d'un Auteur le talent d'un Comédien. Je m'exerçai dans les deux genres, et peut- ÃÂȘtre avec quelque succÚs mais au lieu de rechercher les vains applaudissements du Théùtre, je résolus d'employer à mon bonheur ce que tant d'autres sacrifiaient à la vanité. Un an se passa dans ces occupations différentes. Mon deuil me permettant alors de reparaÃtre, je revins à la Ville avec mes grands projets; je ne m'attendais pas au premier obstacle que j'y rencontrai. Cette longue solitude, cette austÚre retraite avaient jeté sur moi un vernis de pruderie qui effrayait nos plus agréables; ils se tenaient à l'écart, et me laissaient livrée à une foule d'ennuyeux, qui tous prétendaient à ma main. L'embarras n'était pas de les refuser; mais plusieurs de ces refus déplaisaient à ma famille, et je perdais dans ces tracasseries intérieures le temps dont je m'étais promis un si charmant usage. Je fus donc obligée, pour rappeler les uns et éloigner les autres, d'afficher quelques inconséquences, et d'employer à nuire à ma réputation le soin que je comptais mettre à la conserver. Je réussis facilement, comme vous pouvez croire. Mais n'étant emportée par aucune passion, je ne fis que ce que je jugeai nécessaire et mesurai avec prudence les doses de mon étourderie. DÚs que j'eus touché le but que je voulais atteindre, je revins sur mes pas, et fis honneur de mon amendement à quelques-unes de ces femmes qui, dans l'impuissance d'avoir des prétentions à l'agrément, se rejettent sur celles du mérite et de la vertu. Ce fut un coup de partie qui me valut plus que je n'avais espéré. Ces reconnaissantes DuÚgnes s'établirent mes apologistes; et leur zÚle aveugle pour ce qu'elles appelaient leur ouvrage fut porté au point qu'au moindre propos qu'on se permettait sur moi, tout le parti Prude criait au scandale et à l'injure. Le mÃÂȘme moyen me valut encore le suffrage de nos femmes à prétentions, qui, persuadées que je renonçais à courir la mÃÂȘme carriÚre qu'elles, me choisirent pour l'objet de leurs éloges, toutes les fois qu'elles voulaient prouver qu'elles ne médisaient pas de tout le monde. Cependant ma conduite précédente avait ramené les Amants; et pour me ménager entre eux et mes fidÚles protectrices, je me montrai comme une femme sensible, mais difficile, à qui l'excÚs de sa délicatesse fournissait des armes contre l'amour. Alors je commençai à déployer sur le grand Théùtre les talents que je m'étais donnés. Mon premier soin fut d'acquérir le renom d'invincible. Pour y parvenir, les hommes qui ne me plaisaient point furent toujours les seuls dont j'eus l'air d'accepter les hommages. Je les employais utilement à me procurer les honneurs de la résistance, tandis que je me livrais sans crainte à l'Amant préféré. Mais, celui-là , ma feinte timidité ne lui a jamais permis de me suivre dans le monde; et les regards du cercle ont été, ainsi, toujours fixés sur l'Amant malheureux. Vous savez combien je me décide vite c'est pour avoir observé que ce sont presque toujours les soins antérieurs qui livrent le secret des femmes. Quoi qu'on puisse faire, le ton n'est jamais le mÃÂȘme, avant ou aprÚs le succÚs. Cette différence n'échappe point à l'observateur attentif et j'ai trouvé moins dangereux de me tromper dans le choix, que de le laisser pénétrer. Je gagne encore par là d'Îter les vraisemblances, sur lesquelles seules on peut nous juger. Ces précautions et celle de ne jamais écrire, de ne livrer jamais aucune preuve de ma défaite, pouvaient paraÃtre excessives, et ne m'ont jamais paru suffisantes. Descendue dans mon cÅ“ur, j'y ai étudié celui des autres. J'y ai vu qu'il n'est personne qui n'y conserve un secret qu'il lui importe qui ne soit point dévoilé vérité que l'Antiquité paraÃt avoir mieux connue que nous, et dont l'histoire de Samson pourrait n'ÃÂȘtre qu'un ingénieux emblÚme. Nouvelle Dalila, j'ai toujours, comme elle, employé ma puissance à surprendre ce secret important. Hé! de combien de nos Samsons modernes, ne tiens-je pas la chevelure sous le ciseau! et ceux-là , j'ai cessé de les craindre; ce sont les seuls que je me sois permis d'humilier quelquefois. Plus souple avec les autres, l'art de les rendre infidÚles pour éviter de leur paraÃtre volage, une feinte amitié, une apparente confiance, quelques procédés généreux, l'idée flatteuse et que chacun conserve d'avoir été mon seul Amant, m'ont obtenu leur discrétion. Enfin, quand ces moyens m'ont manqué, j'ai su, prévoyant mes ruptures, étouffer d'avance, sous le ridicule ou la calomnie, la confiance que ces hommes dangereux auraient pu obtenir. Ce que je vous dis là , vous me le voyez pratiquer sans cesse; et vous doutez de ma prudence! Hé bien! rappelez-vous le temps oÃÂč vous me rendÃtes vos premiers soins jamais hommage ne me flatta autant; je vous désirais avant de vous avoir vu. Séduite par votre réputation, il me semblait que vous manquiez à ma gloire; je brûlais de vous combattre corps à corps. C'est le seul de mes goûts qui ait jamais pris un moment d'empire sur moi. Cependant, si vous eussiez voulu me perdre; quels moyens eussiez-vous trouvés? de vains discours qui ne laissent aucune trace aprÚs eux, que votre réputation mÃÂȘme eût aidé à rendre suspects, et une suite de faits sans vraisemblance, dont le récit sincÚre aurait eu l'air d'un Roman mal tissu. A la vérité, je vous ai depuis livré tous mes secrets mais vous savez quels intérÃÂȘts nous unissent, et si de nous deux, c'est moi qu'on doit taxer d'imprudence. [On saura dans la suite, Lettre CLII, non pas le secret de M. de Valmont à peu prÚs de quel genre il était; et le Lecteur sentira qu'on n'a pas pu l'éclaircir davantage sur cet objet] Puisque je suis en train de vous rendre compte, je veux le faire exactement. Je vous entends d'ici me dire que je suis au moins à la merci de ma Femme de chambre; en effet, si elle n'a pas le secret de mes sentiments, elle a celui de mes actions. Quand vous m'en parlùtes jadis, je vous répondis seulement que j'étais sûre d'elle; et la preuve que cette réponse suffit alors à votre tranquillité, c'est que vous lui avez confié depuis, et pour votre compte, des secrets assez dangereux. Mais à présent que Prévan vous donne de l'ombrage, et que la tÃÂȘte vous en tourne, je me doute bien que vous ne me croyez plus sur parole. Il faut donc vous édifier. PremiÚrement, cette fille est ma sÅ“ur de lait, et ce lien qui ne nous en paraÃt pas un, n'est pas sans force pour les gens de cet état de plus, j'ai son secret, et mieux encore; victime d'une folie de l'amour, elle était perdue si je ne l'eusse sauvée. Ses parents, tout hérissés d'honneur, ne voulaient pas moins que la faire enfermer. Ils s'adressÚrent à moi. Je vis, d'un coup d'oeil, combien leur courroux pouvait m'ÃÂȘtre utile. Je le secondai, et sollicitai l'ordre, que j'obtins. Puis passant tout à coup au parti de la clémence auquel j'amenai ses parents, et profitant de mon crédit auprÚs du vieux Ministre, je les fis tous consentir à me laisser dépositaire de cet ordre, et maÃtresse d'en arrÃÂȘter ou demander l'exécution, suivant que je jugerais du mérite de la conduite future de cette fille. Elle sait donc que j'ai son sort entre les mains, et quand, par impossible, ces moyens puissants ne l'arrÃÂȘteraient point, n'est-il pas évident que sa conduite dévoilée et sa punition authentique Îteraient bientÎt toute créance à ses discours? A ces précautions que j'appelle fondamentales, s'en joignent mille autres, ou locales ou d'occasion, que la réflexion et l'habitude font trouver au besoin; dont le détail serait minutieux, mais dont la pratique est importante, et qu'il faut vous donner la peine de recueillir dans l'ensemble de ma conduite, si vous voulez parvenir à les connaÃtre. Mais de prétendre que je me sois donné tant de soins pour n'en pas retirer de fruits; qu'aprÚs m'ÃÂȘtre autant élevée au-dessus des autres femmes par mes travaux pénibles, je consente à ramper comme elles dans ma marche, entre l'imprudence et la timidité; que surtout je pusse redouter un homme au point de ne plus voir mon salut que dans la fuite? Non, Vicomte; jamais. Il faut vaincre ou périr. Quant à Prévan, je veux l'avoir et je l'aurai; il veut le dire, et il ne le dira pas en deux mots, voilà notre Roman. Adieu. De ..., ce 20 septembre 17** LETTRE LXXXII CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Mon Dieu, que votre Lettre m'a fait de peine! J'avais bien besoin d'avoir tant d'impatience de la recevoir! J'espérais y trouver de la consolation, et voilà que je suis plus affligée qu'avant de l'avoir reçue. J'ai bien pleuré en la lisant ce n'est pas cela que je vous reproche; j'ai déjà bien pleuré des fois à cause de vous, sans que ça me fasse de la peine. Mais cette fois-ci, ce n'est pas la mÃÂȘme chose. Qu'est-ce donc que vous voulez dire, que votre amour devient un tourment pour vous, que vous ne pouvez plus vivre ainsi, ni soutenir plus longtemps votre situation? Est-ce que vous allez cesser de m'aimer, parce que cela n'est pas si agréable qu'autrefois? Il me semble que je ne suis pas plus heureuse que vous, bien au contraire; et pourtant je ne vous aime que davantage. Si M. de Valmont ne vous a pas écrit, ce n'est pas ma faute; je n'ai pas pu l'en prier, parce que je n'ai pas été seule avec lui, et que nous sommes convenus que nous ne nous parlerions jamais devant le monde et ça, c'est encore pour vous; afin qu'il puisse faire le plus tÎt ce que vous désirez. Je ne dis pas que je ne le désire pas aussi, et vous devez en ÃÂȘtre bien sûr mais comment voulez- vous que je fasse? Si vous croyez que c'est facile, trouvez donc le moyen, je ne demande pas mieux. Croyez-vous qu'il me soit bien agréable d'ÃÂȘtre grondée tous les jours par Maman, elle qui auparavant ne me disait jamais rien, bien au contraire? A présent, c'est pis que si j'étais au Couvent. Je m'en consolais pourtant en songeant que c'était pour vous; il y avait mÃÂȘme des moments oÃÂč je trouvais que j'en étais bien aise; mais quand je vois que vous ÃÂȘtes fùché aussi, et ça sans qu'il y ait du tout de ma faute, je deviens plus chagrine que pour tout ce qui vient de m'arriver jusqu'ici. Rien que pour recevoir vos Lettres, c'est un embarras, que si M. de Valmont n'était pas aussi complaisant et aussi adroit qu'il l'est, je ne saurais comment faire; et pour vous écrire, c'est plus difficile encore. De toute la matinée, je n'ose pas, parce que Maman est tout prÚs de moi, et qu'elle vient à tout moment dans ma chambre. Quelquefois je le peux l'aprÚs-midi; sous prétexte de chanter ou de jouer de la harpe; encore faut-il que j'interrompe à chaque ligne pour qu'on entende que j'étudie. Heureusement ma Femme de chambre s'endort quelquefois le soir, et je lui dis que je me coucherai bien toute seule, afin qu'elle s'en aille et me laisse de la lumiÚre. Et puis, il faut que je me mette sous mon rideau, pour qu'on ne puisse pas voir de clarté, et puis que j'écoute au moindre bruit pour pouvoir tout cacher dans mon lit, si on venait. Je voudrais que vous y fussiez, pour voir! Vous verriez bien qu'il faut bien aimer pour faire ça. Enfin, il est bien vrai que je fais tout ce que je peux, et que je voudrais en pouvoir faire davantage. Assurément, je ne refuse pas de vous dire que je vous aime et que je vous aimerai toujours; jamais je ne l'ai dit de meilleur cÅ“ur; et vous ÃÂȘtes fùché! Vous m'aviez pourtant bien assuré, avant que je vous l'eusse dit, que cela suffisait pour vous rendre heureux. Vous ne pouvez pas le nier c'est dans vos Lettres. Quoique je ne les aie plus, je m'en souviens comme quand je les lisais tous les jours. Et parce que nous voilà absents, vous ne pensez plus de mÃÂȘme! Mais cette absence ne durera pas toujours, peut-ÃÂȘtre? Mon Dieu, que je suis malheureuse! et c'est bien vous qui en ÃÂȘtes cause! A propos de vos Lettres, j'espÚre que vous avez gardé celles que Maman m'a prises, et qu'elle vous a renvoyées; il faudra bien qu'il vienne un temps oÃÂč je ne serai plus si gÃÂȘnée qu'à présent, et vous me les rendrez toutes. Comme je serai heureuse, quand je pourrai les garder toujours, sans que personne ait rien à y voir! A présent, je les remets à M. de Valmont, parce qu'il y aurait trop à risquer autrement malgré cela je ne lui en rends jamais, que cela ne me fasse bien de la peine. Adieu, mon cher ami. Je vous aime de tout mon cÅ“ur. Je vous aimerai toute ma vie. J'espÚre qu'à présent vous n'ÃÂȘtes plus fùché; et si j'en étais sûre, je ne le serais plus moi-mÃÂȘme. Ecrivez-moi le plus tÎt que vous pourrez, car je sens que jusque-là je serai toujours triste. Du Chùteau de ce 21 septembre 17** LETTRE LXXXIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL De grùce, Madame, renouons cet entretien si malheureusement rompu! Que je puisse achever de vous prouver combien je diffÚre de l'odieux portrait qu'on vous avait fait de moi; que je puisse, surtout, jouir encore de cette aimable confiance que vous commenciez à me témoigner! Que de charmes vous savez prÃÂȘter à la vertu! comme vous embellissez et faites chérir tous les sentiments honnÃÂȘtes! Ah! c'est là votre séduction; c'est la plus forte; c'est la seule qui soit, à la fois, puissante et respectable. Sans doute il suffit de vous voir, pour désirer de vous plaire; de vous entendre dans le cercle, pour que ce désir augmente. Mais celui qui a le bonheur de vous connaÃtre davantage, qui peut quelquefois lire dans votre ùme, cÚde bientÎt à un plus noble enthousiasme, et pénétré de vénération comme d'amour, adore en vous l'image de toutes les vertus. Plus fait qu'un autre, peut-ÃÂȘtre, pour les aimer et les suivre, entraÃné par quelques erreurs qui m'avaient éloigné d'elles, c'est vous qui m'en avez rapproché, qui m'en avez de nouveau fait sentir tout le charme me ferez-vous un crime de ce nouvel amour? blùmerez-vous votre ouvrage? Vous reprocheriez-vous mÃÂȘme l'intérÃÂȘt que vous pourriez y prendre? Quel mal peut-on craindre d'un sentiment si pur, et quelles douceurs n'y aurait-il pas à le goûter? Mon amour vous effraie, vous le trouvez violent, effréné? Tempérez-le par un amour plus doux; ne refusez pas l'empire que je vous offre, auquel je jure de ne jamais me soustraire, et qui, j'ose le croire, ne serait pas entiÚrement perdu pour la vertu. Quel sacrifice pourrait me paraÃtre pénible, sûr que votre cÅ“ur m'en garderait le prix? Quel est donc l'homme assez malheureux pour ne pas savoir jouir des privations qu'il s'impose; pour ne pas préférer un mot, un regard accordés, à toutes les jouissances qu'il pourrait ravir ou surprendre! et vous avez cru que j'étais cet homme-là ! et vous m'avez craint! Ah! pourquoi votre bonheur ne dépend-il pas de moi? comme je me vengerais de vous, en vous rendant heureuse! Mais ce doux empire, la stérile amitié ne le produit pas; il n'est dû qu'à l'amour. Ce mot vous intimide! et pourquoi? un attachement plus tendre, une union plus forte, une seule pensée; le mÃÂȘme bonheur comme les mÃÂȘmes peines, qu'y a-t-il donc là d'étranger à votre ùme? Tel est pourtant l'amour! tel est au moins celui que vous inspirez et que je ressens! C'est lui surtout, qui, calculant sans intérÃÂȘt, sait apprécier les actions sur leur mérite et non sur leur valeur; trésor inépuisable des ùmes sensibles, tout devient précieux, fait par lui ou pour lui. Ces vérités si faciles à saisir, si douces à pratiquer, qu'ont-elles donc d'effrayant? Quelles craintes peut aussi vous causer un homme sensible, à qui l'amour ne permet plus un autre bonheur que le vÎtre? C'est aujourd'hui l'unique vÅ“u que je forme je sacrifierai tout pour le remplir, excepté le sentiment qui l'inspire; et ce sentiment lui-mÃÂȘme, consentez à le partager, et vous le réglerez à votre choix. Mais ne souffrons plus qu'il nous divise, lorsqu'il devrait nous réunir. Si l'amitié que vous m'avez offerte n'est pas un vain mot; si, comme vous me le disiez hier, c'est le sentiment le plus doux que votre ùme connaisse; que ce soit elle qui stipule entre nous, je ne la récuserai point mais juge de l'amour, qu'elle consente à l'écouter; le refus de l'entendre deviendrait une injustice, et l'amitié n'est point injuste. Un second entretien n'aura pas plus d'inconvénients que le premier le hasard peut encore en fournir l'occasion; vous pourriez vous-mÃÂȘme en indiquer le moment. Je veux croire que j'ai tort; n'aimerez-vous pas mieux me ramener que me combattre, et doutez-vous de ma docilité? Si ce tiers importun ne fût pas venu nous interrompre, peut-ÃÂȘtre serais-je déjà entiÚrement revenu à votre avis; qui sait jusqu'oÃÂč peut aller votre pouvoir? Vous le dirai-je? cette puissance invincible, à laquelle je me livre sans oser la calculer, ce charme irrésistible, qui vous rend souveraine de mes pensées comme de mes actions, il m'arrive quelquefois de les craindre. Hélas! cet entretien que je vous demande, peut-ÃÂȘtre est-ce à moi à le redouter! peut-ÃÂȘtre aprÚs, enchaÃné par mes promesses, me verrai-je réduit à brûler d'un amour que je sens bien qui ne pourra s'éteindre, sans oser mÃÂȘme implorer votre secours! Ah! Madame, de grùce, n'abusez pas de votre empire! Mais quoi! si vous devez en ÃÂȘtre plus heureuse, si je dois vous en paraÃtre plus digne de vous, quelles peines ne sont pas adoucies par ces idées consolantes! Oui, je le sens; vous parler encore, c'est vous donner contre moi de plus fortes armes; c'est me soumettre plus entiÚrement à votre volonté. Il est plus aisé de se défendre contre vos Lettres; ce sont bien vos mÃÂȘmes discours, mais vous n'ÃÂȘtes pas là pour leur prÃÂȘter des forces. Cependant, le plaisir de vous entendre m'en fait braver le danger au moins aurai-je ce bonheur d'avoir tout fait pour vous, mÃÂȘme contre moi; et mes sacrifices deviendront un hommage. Trop heureux de vous prouver de mille maniÚres, comme je le sens de mille façons, que, sans m'en excepter, vous ÃÂȘtes, vous serez toujours l'objet le plus cher à mon cÅ“ur. Du Chùteau de ce 23 septembre 17** LETTRE LXXXIV LE VICOMTE DE VALMONT A CECILE VOLANGES Vous avez vu combien nous avons été contrariés hier. De toute la journée je n'ai pas pu vous remettre la Lettre que j'avais pour vous; j'ignore si j'y trouverai plus de facilité aujourd'hui. Je crains de vous compromettre, en y mettant plus de zÚle que d'adresse; et je ne me pardonnerais pas une imprudence qui vous deviendrait si fatale, et causerait le désespoir de mon ami, en vous rendant éternellement malheureuse. Cependant je connais les impatiences de l'amour; je sens combien il doit ÃÂȘtre pénible, dans votre situation, d'éprouver quelque retard à la seule consolation que vous puissiez goûter dans ce moment. A force de m'occuper des moyens d'écarter les obstacles, j'en ai trouvé un dont l'exécution sera aisée, si vous y mettez quelque soin. Je crois avoir remarqué que la clef de la porte de votre Chambre, qui donne sur le corridor, est toujours sur la cheminée de votre Maman. Tout deviendrait facile avec cette clef, vous devez bien le sentir; mais à son défaut, je vous en procurerai une semblable, et qui la suppléera. Il me suffira, pour y parvenir, d'avoir l'autre une heure ou deux à ma disposition. Vous devez trouver aisément l'occasion de la prendre, et pour qu'on ne s'aperçoive pas qu'elle manque, j'en joins ici une à moi, qui est assez semblable, pour qu'on n'en voie pas la différence, à moins qu'on ne l'essaie; ce qu'on ne tentera pas. Il faudra seulement que vous ayez soin d'y mettre un ruban, bleu et passé, comme celui qui est à la vÎtre. Il faudrait tùcher d'avoir cette clef pour demain ou aprÚs-demain, à l'heure du déjeuner; parce qu'il vous sera plus facile de me la donner alors, et qu'elle pourra ÃÂȘtre remise à sa place pour le soir, temps oÃÂč votre Maman pourrait y faire plus d'attention. Je pourrai vous la rendre au moment du dÃner, si nous nous entendons bien. Vous savez que quand on passe du salon à la salle à manger, c'est toujours Madame de Rosemonde qui marche la derniÚre. Je lui donnerai la main. Vous n'aurez qu'à quitter votre métier de tapisserie lentement, ou bien laisser tomber quelque chose, de façon à rester en arriÚre vous saurez bien alors prendre la clef, que j'aurai soin de tenir derriÚre moi. Il ne faudra pas négliger, aussitÎt aprÚs l'avoir prise, de rejoindre ma vieille tante, et de lui faire quelques caresses. Si par hasard vous laissiez tomber cette clef, n'allez pas vous déconcerter; je feindrai que c'est moi, et je vous réponds de tout. Le peu de confiance que vous témoigne votre Maman et ses procédés si durs envers vous autorisent de reste cette petite supercherie. C'est au surplus le seul moyen de continuer à recevoir les Lettres de Danceny, et à lui faire passer les vÎtres; tout autre est réellement trop dangereux, et pourrait vous perdre tous deux sans ressource aussi ma prudente amitié se reprocherait-elle de les employer davantage. Une fois maÃtres de la clef, il nous restera quelques précautions à prendre contre le bruit de la porte et de la serrure mais elles sont bien faciles. Vous trouverez, sous la mÃÂȘme armoire oÃÂč j'avais mis votre papier, de l'huile et une plume. Vous allez quelquefois chez vous à des heures oÃÂč vous y ÃÂȘtes seule il faut en profiter pour huiler la serrure et les gonds. La seule attention à avoir, est de prendre garde aux taches qui déposeraient contre vous. Il faudra aussi attendre que la nuit soit venue, parce que, si cela se fait avec l'intelligence dont vous ÃÂȘtes capable, il n'y paraÃtra plus le lendemain matin. Si pourtant on s'en aperçoit, n'hésitez pas à dire que c'est le Frotteur du Chùteau. Il faudrait, dans ce cas, spécifier le temps, mÃÂȘme les discours qu'il vous aura tenus comme par exemple, qu'il prend ce soin contre la rouille, pour toutes les serrures dont on ne fait pas usage. Car vous sentez qu'il ne serait pas vraisemblable que vous eussiez été témoin de ce tracas sans en demander la cause. Ce sont ces petits détails qui donnent la vraisemblance, et la vraisemblance rend les mensonges sans conséquence, en Îtant le désir de les vérifier. AprÚs que vous aurez lu cette Lettre, je vous prie de la relire, et mÃÂȘme de vous en occuper d'abord, c'est qu'il faut bien savoir ce qu'on veut bien faire; ensuite, pour vous assurer que je n'ai rien omis. Peu accoutumé à employer la finesse pour mon compte, je n'en ai pas grand usage; il n'a pas mÃÂȘme fallu moins que ma vive amitié pour Danceny, et l'intérÃÂȘt que vous inspirez, pour me déterminer à me servir de ces moyens, quelque innocents qu'ils soient. Je hais tout ce qui a l'air de la tromperie; c'est là mon caractÚre. Mais vos malheurs m'ont touché au point que je tenterai tout pour les adoucir. Vous pensez bien que, cette communication une fois établie entre nous, il me sera bien plus facile de vous procurer, avec Danceny, l'entretien qu'il désire. Cependant ne lui parlez pas encore de tout ceci; vous ne feriez qu'augmenter son impatience, et le moment de la satisfaire n'est pas encore tout à fait venu. Vous lui devez, je crois, de la calmer plutÎt que de l'aigrir. Je m'en rapporte là - dessus à votre délicatesse. Adieu, ma belle pupille car vous ÃÂȘtes ma pupille. Aimez un peu votre tuteur, et surtout ayez avec lui de la docilité; vous vous en trouverez bien. Je m'occupe de votre bonheur, et soyez sûre que j'y trouverai le mien. De ..., ce 24 septembre 17** LETTRE LXXXV LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Enfin vous serez tranquille et surtout vous me rendrez justice. Ecoutez, et ne me confondez plus avec les autres femmes. J'ai mis à fin mon aventure avec Prévan; à fin ! entendez-vous bien ce que cela veut dire? A présent vous allez juger qui de lui ou de moi pourra se vanter. Le récit ne sera pas si plaisant que l'action aussi ne serait-il pas juste que, tandis que vous n'avez fait que raisonner bien ou mal sur cette affaire, il vous en revÃnt autant de plaisir qu'à moi, qui y donnais mon temps et ma peine. Cependant, si vous avez quelque grand coup à faire, si vous devez tenter quelque entreprise oÃÂč ce Rival dangereux vous paraisse à craindre, arrivez. Il vous laisse le champ libre, au moins pour quelque temps; peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme ne se relÚvera-t-il jamais du coup que je lui ai porté. Que vous ÃÂȘtes heureux de m'avoir pour amie! Je suis pour vous une Fée bienfaisante. Vous languissez loin de la Beauté qui vous engage; je dis un mot, et vous vous retrouvez auprÚs d'elle. Vous voulez vous venger d'une femme qui vous nuit; je vous marque l'endroit oÃÂč vous devez frapper et la livre à votre discrétion. Enfin, pour écarter de la lice un concurrent redoutable, c'est encore moi que vous invoquez, et je vous exauce. En vérité, si vous ne passez pas votre vie à me remercier, c'est que vous ÃÂȘtes un ingrat. Je reviens à mon aventure et la reprends d'origine. Le rendez-vous, donné si haut, à la sortie de l'Opéra [Voyez la Lettre LXXIV], fut entendu comme je l'avais espéré. Prévan s'y rendit; et quand la Maréchale lui dit obligeamment qu'elle se félicitait de le voir deux fois de suite à ses jours, il eut soin de répondre que depuis Mardi soir il avait défait mille arrangements, pour pouvoir ainsi disposer de cette soirée. A bon entendeur, salut! Comme je voulais pourtant savoir, avec plus de certitude, si j'étais ou non le véritable objet de cet empressement flatteur, je voulus forcer le soupirant nouveau de choisir entre moi et son goût dominant. Je déclarai que je ne jouerais point; en effet, il trouva, de son cÎté, mille prétextes pour ne pas jouer; et mon premier triomphe fut sur le lansquenet. Je m'emparai de l'EvÃÂȘque de ... pour ma conversation; je le choisis à cause de sa liaison avec le héros du jour, à qui je voulais donner toute facilité de m'aborder. J'étais bien aise aussi d'avoir un témoin respectable qui pût, au besoin, déposer de ma conduite et de mes discours. Cet arrangement réussit. AprÚs les propos vagues et d'usage, Prévan, s'étant bientÎt rendu maÃtre de la conversation, prit tour à tour différents tons, pour essayer celui qui pourrait me plaire. Je refusai celui du sentiment, comme n'y croyant pas; j'arrÃÂȘtai par mon sérieux sa gaieté qui me parut trop légÚre pour un début; il se rabattit sur la délicate amitié; et ce fut sous ce drapeau banal que nous commençùmes notre attaque réciproque. Au moment du souper, l'EvÃÂȘque, ne descendait pas; Prévan me donna donc la main, et se trouva naturellement placé à table à cÎté de moi. Il faut ÃÂȘtre juste; il soutint avec beaucoup d'adresse notre conversation particuliÚre, en ne paraissant s'occuper que de la conversation générale, dont il eut l'air de faire tous les frais. Au dessert, on parla d'une PiÚce nouvelle qu'on devait donner le Lundi suivant aux Français. Je témoignai quelques regrets de n'avoir pas ma loge; il m'offrit la sienne que je refusai d'abord, comme cela se pratique à quoi il répondit assez plaisamment que je ne l'entendais pas, qu'à coup sûr il ne ferait pas le sacrifice de sa loge à quelqu'un qu'il ne connaissait pas, mais qu'il m'avertissait seulement que Madame la Maréchale en disposerait. Elle se prÃÂȘta à cette plaisanterie, et j'acceptai. Remonté au salon, il demanda, comme vous pouvez croire, une place dans cette loge; et comme la Maréchale, qui le traite avec beaucoup de bonté, la lui promit s'il était sage , il en prit l'occasion d'une de ces conversations à double entente, pour lesquelles vous m'avez vanté son talent. En effet, s'étant mis à ses genoux, comme un enfant soumis, disait-il, sous prétexte de lui demander ses avis et d'implorer sa raison, il dit beaucoup de choses flatteuses et assez tendres, dont il m'était facile de me faire l'application. Plusieurs personnes ne s'étant pas remises au jeu l'aprÚs-souper, la conversation fut plus générale et moins intéressante mais nos yeux parlÚrent beaucoup. Je dis nos yeux je devrais dire les siens; car les miens n'eurent qu'un langage, celui de la surprise. Il dut penser que je m'étonnais et m'occupais excessivement de l'effet prodigieux qu'il faisait sur moi. Je crois que je le laissai fort satisfait; je n'étais pas moins contente. Le Lundi suivant, je fus aux Français, comme nous en étions convenus. Malgré votre curiosité littéraire, je ne puis vous rien dire du Spectacle, sinon que Prévan a un talent merveilleux pour la cajolerie, et que la PiÚce est tombée voilà tout ce que j'y ai appris. Je voyais avec peine finir cette soirée, qui réellement me plaisait beaucoup; et pour la prolonger, j'offris à la Maréchale de venir souper chez moi ce qui me fournit le prétexte de le proposer à l'aimable Cajoleur, qui ne demanda que le temps de courir, pour se dégager, jusque chez les Comtesses de P. [Voyez la lettre LXX]. Ce nom me rendit toute ma colÚre; je vis clairement qu'il allait commencer les confidences je me rappelai vos sages conseils et me promis bien de poursuivre l'aventure; sûre que je le guérirais de cette dangereuse indiscrétion. Etranger dans ma société, qui ce soir-là était peu nombreuse, il me devait les soins d'usage; aussi, quand on alla souper, m'offrit-il la main. J'eus la malice, en l'acceptant, de mettre dans la mienne un léger frémissement, et d'avoir, pendant ma marche, les yeux baissés et la respiration haute. J'avais l'air de pressentir ma défaite, et de redouter mon vainqueur. Il le remarqua à merveille; aussi le traÃtre changea-t-il sur-le-champ de ton et de maintien. Il était galant, il devint tendre. Ce n'est pas que les propos ne fussent à peu prÚs les mÃÂȘmes; la circonstance y forçait mais son regard, devenu moins vif, était plus caressant; l'inflexion de sa voix plus douce; son sourire n'était plus celui de la finesse, mais du contentement. Enfin dans ses discours, éteignant peu à peu le feu de la saillie, l'esprit fit place à la délicatesse. Je vous le demande, qu'eussiez-vous fait de mieux? De mon cÎté, je devins rÃÂȘveuse, à tel point qu'on fut forcé de s'en apercevoir, et quand on m'en fit le reproche, j'eus l'adresse de m'en défendre maladroitement, et de jeter sur Prévan un coup d'oeil prompt, mais timide et déconcerté, et propre à lui faire croire que toute ma crainte était qu'il ne devinùt la cause de mon trouble. AprÚs souper, je profitai du temps oÃÂč la bonne Maréchale contait une de ces histoires qu'elle conte toujours, pour me placer sur mon Ottomane, dans cet abandon que donne une tendre rÃÂȘverie. Je n'étais pas fùchée que Prévan me vÃt ainsi; il m'honora, en effet, d'une attention toute particuliÚre. Vous jugez bien que mes timides regards n'osaient chercher les yeux de mon vainqueur mais dirigés vers lui d'une maniÚre plus humble, ils m'apprirent bientÎt que j'obtenais l'effet que je voulais produire. Il fallait encore lui persuader que je le partageais aussi, quand la Maréchale annonça qu'elle allait se retirer, je m'écriai d'une voix molle et tendre " Ah Dieu! j'étais si bien là ! " Je me levai pourtant mais avant de me séparer d'elle, je lui demandai ses projets, pour avoir un prétexte de dire les miens et de faire savoir que je resterais chez moi le surlendemain. Là -dessus tout le monde se sépara. Alors je me mis à réfléchir. Je ne doutais pas que Prévan ne profitùt de l'espÚce de rendez-vous que je venais de lui donner; qu'il n'y vÃnt d'assez bonne heure pour me trouver seule, et que l'attaque ne fût vive mais j'étais bien sûre aussi, d'aprÚs ma réputation, qu'il ne me traiterait pas avec cette légÚreté que, pour peu qu'on ait d'usage, on n'emploie qu'avec les femmes à aventures, ou celles qui n'ont aucune expérience; et je voyais mon succÚs certain s'il prononçait le mot d'amour, s'il avait la prétention, surtout, de l'obtenir de moi. Qu'il est commode d'avoir affaire à vous autres gens à principes ! quelquefois un brouillon d'Amoureux vous déconcerte par sa timidité ou vous embarrasse par ses fougueux transports; c'est une fiÚvre qui, comme l'autre, a ses frissons et son ardeur, et quelquefois varie dans ses symptÎmes. Mais votre marche réglée se devine si facilement! L'arrivée, le maintien, le ton, les discours, je savais tout dÚs la veille. Je ne vous rendrai donc pas notre conversation que vous suppléerez aisément. Observez seulement que, dans ma feinte défense, je l'aidais de tout mon pouvoir embarras, pour lui donner le temps de parler; mauvaises raisons, pour ÃÂȘtre combattues; crainte et méfiance, pour ramener les protestations; et ce refrain perpétuel de sa part, je ne vous demande qu'un mot ; et ce silence de la mienne, qui semble ne le laisser attendre que pour le faire désirer davantage; au travers de tout cela, une main cent fois prise, qui se retire toujours et ne se refuse jamais. On passerait ainsi tout un jour; nous y passùmes une mortelle heure nous y serions peut-ÃÂȘtre encore si nous n'avions entendu entrer un carrosse dans ma cour. Cet heureux contretemps rendit, comme de raison, ses instances plus vives; et moi, voyant le moment arrivé, oÃÂč j'étais à l'abri de toute surprise, aprÚs m'ÃÂȘtre préparée par un long soupir, j'accordai le mot précieux. On annonça, et peu de temps aprÚs, j'eus un cercle assez nombreux. Prévan me demanda de venir le lendemain matin, et j'y consentis mais soigneuse de me défendre, j'ordonnai à ma Femme de chambre de rester tout le temps de cette visite dans ma chambre à coucher, d'oÃÂč vous savez qu'on voit tout ce qui se passe dans mon cabinet de toilette, et ce fut là que je le reçus. Libres dans notre conversation, et ayant tous deux le mÃÂȘme désir, nous fûmes bientÎt d'accord mais il fallait se défaire de ce spectateur importun; c'était oÃÂč je l'attendais. Alors, lui faisant à mon gré le tableau de ma vie intérieure, je lui persuadai aisément que nous ne trouverions jamais un moment de liberté; et qu'il fallait regarder comme une espÚce de miracle, celle dont nous avions joui hier, qui mÃÂȘme laisserait encore des dangers trop grands pour m'y exposer, puisque à tout moment on pouvait entrer dans mon salon. Je ne manquai pas d'ajouter que tous ces usages s'étaient établis, parce que, jusqu'à ce jour, ils ne m'avaient jamais contrariée; et j'insistai en mÃÂȘme temps sur l'impossibilité de les changer, sans me compromettre aux yeux de mes Gens. Il essaya de s'attrister, de prendre de l'humeur, de me dire que j'avais peu d'amour; et vous devinez combien tout cela me touchait! Mais voulant frapper le coup décisif, j'appelai les larmes à mon secours. Ce fut exactement le Zaïre, vous pleurez . Cet empire qu'il se crut sur moi, et l'espoir qu'il en conçut de me perdre à son gré, lui tinrent lieu de tout l'amour d'Orosmane. Ce coup de théùtre passé, nous revÃnmes aux arrangements. Au défaut du jour, nous nous occupùmes de la nuit mais mon Suisse devenait un obstacle insurmontable, et je ne permettais pas qu'on essayùt de le gagner. Il me proposa la petite porte de mon jardin mais je l'avais prévu, et j'y créai un chien qui, tranquille et silencieux le jour, était un vrai démon la nuit. La facilité avec laquelle j'entrai dans tous ces détails était bien propre à l'enhardir; aussi vint-il à me proposer l'expédient le plus ridicule, et ce fut celui que j'acceptai. D'abord, son Domestique était sûr comme lui-mÃÂȘme en cela il ne trompait guÚre, l'un l'était bien autant que l'autre. J'aurais un grand souper chez moi; il y serait, il prendrait son temps pour sortir seul. L'adroit confident appellerait la voiture, ouvrirait la portiÚre; et lui Prévan, au lieu de monter, s'esquiverait adroitement. Son cocher ne pouvait s'en apercevoir en aucune façon; ainsi sorti pour tout le monde, et cependant resté chez moi, il s'agissait de savoir s'il pourrait parvenir à mon appartement. J'avoue que d'abord mon embarras fut de trouver, contre ce projet, d'assez mauvaises raisons pour qu'il pût avoir l'air de les détruire; il y répondit par des exemples. A l'entendre, rien n'était plus ordinaire que ce moyen; lui-mÃÂȘme s'en était beaucoup servi; c'était mÃÂȘme celui dont il faisait le plus d'usage, comme le moins dangereux. Subjuguée par ces autorités irrécusables, je convins, avec candeur, que j'avais bien un escalier dérobé qui conduisait trÚs prÚs de mon boudoir; que je pouvais y laisser la clef, et qu'il lui serait possible de s'y enfermer, et d'attendre, sans beaucoup de risques, que mes Femmes fussent retirées; et puis, pour donner plus de vraisemblance à mon consentement, le moment d'aprÚs je ne voulais plus, je ne revenais à consentir qu'à condition d'une soumission parfaite, d'une sagesse... Ah! quelle sagesse! Enfin je voulais bien lui prouver mon amour, mais non pas satisfaire le sien. La sortie, dont j'oubliais de vous parler, devait se faire par la petite porte du jardin il ne s'agissait que d'attendre le point du jour, le CerbÚre ne dirait plus mot. Pas une ùme ne passe à cette heure-là , et les gens sont dans le plus fort du sommeil. Si vous vous étonnez de ce tas de mauvais raisonnements, c'est que vous oubliez notre situation réciproque. Qu'avions-nous besoin d'en faire de meilleurs? Il ne demandait pas mieux que tout cela se sût, et moi, j'étais bien sûre qu'on ne le saurait pas. Le jour fixé fut au surlendemain. Remarquez que voilà une affaire arrangée, et que personne n'a encore vu Prévan dans ma société. Je le rencontre à souper chez une de mes amies, il lui offre sa loge pour une piÚce nouvelle, et j'y accepte une place. J'invite cette femme à souper, pendant le Spectacle et devant Prévan; je ne puis presque pas me dispenser de lui proposer d'en ÃÂȘtre. Il accepte et me fait, deux jours aprÚs, une visite que l'usage exige. Il vient, à la vérité, me voir le lendemain matin mais, outre que les visites du matin ne marquent plus, il ne tient qu'à moi de trouver celle-ci trop leste; et je le mets en effet dans la classe des gens moins liés avec moi, par une invitation écrite, pour un souper de cérémonie. Je puis bien dire comme Annette Mais voilà tout, pourtant! Le jour fatal arrivé, ce jour oÃÂč je devais perdre ma vertu et ma réputation, je donnai mes instructions à ma fidÚle Victoire, et elle les exécuta comme vous le verrez bientÎt. Cependant le soir vint. J'avais déjà beaucoup de monde chez moi, quand on y annonça Prévan. Je le reçus avec une politesse marquée, qui constatait mon peu de liaison avec lui; et je le mis à la partie de la Maréchale, comme étant celle par qui j'avais fait cette connaissance. La soirée ne produisit rien qu'un trÚs petit billet, que le discret Amoureux trouva moyen de me remettre, et que j'ai brûlé suivant ma coutume. Il m'y annonçait que je pouvais compter sur lui; et ce mot essentiel était entouré de tous les mots parasites, d'amour, de bonheur, etc., qui ne manquent jamais de se trouver à pareille fÃÂȘte. A minuit, les parties étant finies, je proposai une courte macédoine [Quelques personnes ignorent peut-ÃÂȘtre qu'une macédoine est un assemblage de plusieurs jeux de hasard, parmi lesquels chaque Coupeur a droit de choisir lorsque c'est à lui à tenir la main. C'est une des inventions du siÚcle.]. J'avais le double projet de favoriser l'évasion de Prévan, et en mÃÂȘme temps de la faire remarquer; ce qui ne pouvait pas manquer d'arriver, vu sa réputation de Joueur. J'étais bien aise aussi qu'on pût se rappeler au besoin que je n'avais pas été pressée de rester seule. Le jeu dura plus que je n'avais pensé. Le Diable me tentait, et je succombai au désir d'aller consoler l'impatient prisonnier. Je m'acheminais ainsi à ma perte, quand je réfléchis qu'une fois rendue tout à fait, je n'aurais plus sur lui l'empire de le tenir dans le costume de décence nécessaire à mes projets. J'eus la force de résister. Je rebroussai chemin, et revins, non sans humeur, reprendre place à ce jeu éternel. Il finit pourtant, et chacun s'en alla. Pour moi, je sonnai mes femmes, je me déshabillai fort vite, et les renvoyai de mÃÂȘme. Me voyez-vous, Vicomte, dans ma toilette légÚre, marcher d'un pas timide et circonspect, et d'une main mal assurée ouvrir la porte à mon vainqueur? Il m'aperçut, l'éclair n'est pas plus prompt. Que vous dirai-je? je fus vaincue, tout à fait vaincue, avant d'avoir pu dire un mot pour l'arrÃÂȘter ou me défendre. Il voulut ensuite prendre une situation plus commode et plus convenable aux circonstances. Il maudissait sa parure, qui, disait-il, l'éloignait de moi, il voulait me combattre à armes égales mais mon extrÃÂȘme timidité s'opposa à ce projet, et mes tendres caresses ne lui en laissÚrent pas le temps. Il s'occupa d'autre chose. Ses droits étaient doublés, et ses prétentions revinrent; mais alors " Ecoutez- moi, lui dis-je; vous aurez jusqu'ici un assez agréable récit à faire aux deux Comtesses de P***, et à mille autres mais je suis curieuse de savoir comment vous raconterez la fin de l'aventure. " En parlant ainsi, je sonnais de toutes mes forces. Pour le coup j'eus mon tour, et mon action fut plus vive que sa parole. Il n'avait encore que balbutié, quand j'entendis Victoire accourir, et appeler les Gens qu'elle avait gardés chez elle, comme je le lui avais ordonné. Là , prenant mon ton de Reine, et élevant la voix " Sortez, Monsieur, continuai-je, et ne reparaissez jamais devant moi. " Là -dessus, la foule de mes gens entra. Le pauvre Prévan perdit la tÃÂȘte, et croyant voir un guet-apens dans ce qui n'était au fond qu'une plaisanterie, il se jeta sur son épée. Mal lui en prit car mon Valet de chambre, brave et vigoureux, le saisit au corps et le terrassa. J'eus, je l'avoue, une frayeur mortelle. Je criai qu'on arrÃÂȘtùt, et ordonnai qu'on laissùt sa retraite libre, en s'assurant seulement qu'il sortÃt de chez moi. Mes gens m'obéirent mais la rumeur était grande parmi eux ils s'indignaient qu'on eût osé manquer à leur vertueuse MaÃtresse . Tous accompagnÚrent le malheureux Chevalier, avec bruit et scandale, comme je le souhaitais. La seule Victoire resta, et nous nous occupùmes pendant ce temps à réparer le désordre de mon lit. Mes gens remontÚrent toujours en tumulte; et moi, encore tout émue , je leur demandai par quel bonheur ils s'étaient encore trouvés levés; et Victoire me raconta qu'elle avait donné à souper à deux de ses amies, qu'on avait veillé chez elle, et enfin tout ce dont nous étions convenues ensemble. Je les remerciai tous, et les fis retirer, en ordonnant pourtant à l'un d'eux d'aller sur- le-champ chercher mon Médecin. Il me parut que j'étais autorisée à craindre l'effet de mon saisissement mortel ; et c'était un moyen sûr de donner du cours et de la célébrité à cette nouvelle. Il vint en effet, me plaignit beaucoup, et ne m'ordonna que du repos. Moi, j'ordonnai de plus à Victoire d'aller le matin de bonne heure bavarder dans le voisinage. Tout a si bien réussi qu'avant midi, et aussitÎt qu'il a été jour chez moi, ma dévote Voisine était déjà au chevet de mon lit, pour savoir la vérité et les détails de cette horrible aventure. J'ai été obligée de me désoler avec elle, pendant une heure, sur la corruption du siÚcle. Un moment aprÚs, j'ai reçu de la Maréchale le billet que je joins ici. Enfin, avant cinq heures, j'ai vu arriver, à mon grand étonnement, M... [Le Commandant du corps dans lequel M. de Prévan servait]. Il venait, m'a-t-il dit, me faire ses excuses, de ce qu'un Officier de son corps avait pu me manquer à ce point. Il ne l'avait appris qu'à dÃner chez la Maréchale, et avait sur-le-champ envoyé ordre à Prévan de se rendre en prison. J'ai demandé grùce, et il me l'a refusée. Alors j'ai pensé que, comme complice, il fallait m'exécuter de mon cÎté, et garder au moins de rigides arrÃÂȘts. J'ai fait fermer ma porte, et dire que j'étais incommodée. C'est à ma solitude que vous devez cette longue Lettre. J'en écrirai une à Madame de Volanges, dont sûrement elle fera lecture publique et oÃÂč vous verrez cette histoire telle qu'il faut la raconter. J'oubliais de vous dire que Belleroche est outré, et veut absolument se battre avec Prévan. Le pauvre garçon! heureusement j'aurai le temps de calmer sa tÃÂȘte. En attendant, je vais reposer la mienne, qui est fatiguée d'écrire. Adieu, Vicomte. Paris, ce 25 septembre 17**, au soir. LETTRE LXXXVI LA MARECHALE DE *** A LA MARQUISE DE MERTEUIL BILLET INCLUS DANS LA PRECEDENTE. Mon Dieu! qu'est-ce donc que j'apprends, ma chÚre Madame? est-il possible que ce petit Prévan fasse de pareilles abominations? et encore vis-à -vis de vous! A quoi on est exposé! on ne sera donc plus en sûreté chez soi! En vérité, ces événements-là consolent d'ÃÂȘtre vieille. Mais de quoi je ne me consolerai jamais, c'est d'avoir été en partie cause de ce que vous avez reçu un pareil monstre chez vous. Je vous promets bien que si ce qu'on m'en a dit est vrai, il ne remettra plus les pieds chez moi; c'est le parti que tous les honnÃÂȘtes gens prendront avec lui, s'ils font ce qu'ils doivent. On m'a dit que vous vous étiez trouvée bien mal, et je suis inquiÚte de votre santé. Donnez-moi, je vous prie, de vos chÚres nouvelles; ou faites-m'en donner par une de vos Femmes, si vous ne le pouvez pas vous-mÃÂȘme. Je ne vous demande qu'un mot pour me tranquilliser. Je serais accourue chez vous ce matin, sans mes bains que mon Docteur ne me permet pas d'interrompre; et il faut que j'aille cet aprÚs-midi à Versailles, toujours pour l'affaire de mon neveu. Adieu, ma chÚre Madame; comptez pour la vie sur ma sincÚre amitié. Paris, ce 25 septembre 17** LETTRE LXXXVII LA MARQUISE DE MERTEUIL A MADAME DE VOLANGES Je vous écris de mon lit, ma chÚre bonne amie. L'événement le plus désagréable et le plus impossible à prévoir, m'a rendue malade de saisissement et de chagrin. Ce n'est pas qu'assurément j'aie rien à me reprocher mais il est toujours si pénible pour une femme honnÃÂȘte et qui conserve la modestie convenable à son sexe, de fixer sur elle l'attention publique, que je donnerais tout au monde pour avoir pu éviter cette malheureuse aventure, et que je ne sais encore si je ne prendrai pas le parti d'aller à la campagne, attendre qu'elle soit oubliée. Voici ce dont il s'agit. J'ai rencontré chez la Maréchale de ... un M. de Prévan que vous connaissez sûrement de nom, et que je ne connaissais pas autrement. Mais en le trouvant dans cette maison, j'étais bien autorisée, ce me semble, à le croire bonne compagnie. Il est assez bien fait de sa personne, et m'a paru ne pas manquer d'esprit. Le hasard et l'ennui du jeu me laissÚrent seule de femme entre lui et l'EvÃÂȘque de ... , tandis que tout le monde était occupé au lansquenet. Nous causùmes tous trois jusqu'au moment du souper. A table, une nouveauté dont on parla lui donna l'occasion d'offrir sa loge à la Maréchale, qui l'accepta; et il fut convenu que j'y aurais une place. C'était pour Lundi dernier, aux Français. Comme la Maréchale venait souper chez moi au sortir du Spectacle, je proposai à ce Monsieur de l'y accompagner, et il y vint. Le surlendemain il me fit une visite qui se passa en propos d'usage, et sans qu'il y eût du tout rien de marqué. Le lendemain il vint me voir le matin, ce qui me parut bien un peu leste mais je crus qu'au lieu de le lui faire sentir par ma façon de le recevoir, il valait mieux l'avertir par une politesse, que nous n'étions pas encore aussi intimement liés qu'il paraissait le croire. Pour cela je lui envoyai, le jour mÃÂȘme, une invitation bien sÚche et bien cérémonieuse, pour un souper que je donnais avant-hier. Je ne lui adressai pas la parole quatre fois dans toute la soirée; et lui de son cÎté se retira aussitÎt sa partie finie. Vous conviendrez que jusque-là rien n'a moins l'air de conduire à une aventure on fit, aprÚs les parties, une macédoine qui nous mena jusqu'à prÚs de deux heures; et enfin je me mis au lit. Il y avait au moins une mortelle demi-heure que mes femmes étaient retirées, quand j'entendis du bruit dans mon appartement. J'ouvris mon rideau avec beaucoup de frayeur, et vis un homme entrer par la porte qui conduit à mon boudoir. Je jetai un cri perçant; et je reconnus, à la clarté de ma veilleuse, ce M. de Prévan, qui, avec une effronterie inconcevable, me dit de ne pas m'alarmer; qu'il allait m'éclaircir le mystÚre de sa conduite, et qu'il me suppliait de ne faire aucun bruit. En parlant ainsi, il allumait une bougie; j'étais saisie au point que je ne pouvais parler. Son air aisé et tranquille me pétrifiait, je crois, encore davantage. Mais il n'eut pas dit deux mots, que je vis quel était ce prétendu mystÚre; et ma seule réponse fut, comme vous pouvez le croire, de me pendre à ma sonnette. Par un bonheur incroyable, tous les Gens de l'office avaient veillé chez une de mes Femmes, et n'étaient pas encore couchés. Ma Femme de chambre, qui, en venant chez moi, m'entendit parler avec beaucoup de chaleur, fut effrayée, et appela tout ce monde-là . Vous jugez quel scandale! Mes Gens étaient furieux; je vis le moment oÃÂč mon Valet de chambre tuait Prévan. J'avoue que, pour l'instant, je fus fort aise de me voir en force en y réfléchissant aujourd'hui, j'aimerais mieux qu'il ne fût venu que ma Femme de chambre; elle aurait suffi, et j'aurais peut-ÃÂȘtre évité cet éclat qui m'afflige. Au lieu de cela, le tumulte a réveillé les voisins, les Gens ont parlé, et c'est depuis hier la nouvelle de tout Paris. M. de Prévan est en prison par ordre du Commandant de son corps, qui a eu l'honnÃÂȘteté de passer chez moi, pour me faire des excuses, m'a-t-il dit. Cette prison va encore augmenter le bruit mais je n'ai jamais pu obtenir que cela fût autrement. La Ville et la Cour se sont fait écrire à ma porte, que j'ai fermée à tout le monde. Le peu de personnes que j'ai vues m'a dit qu'on me rendait justice, et que l'indignation publique était au comble contre M. de Prévan assurément, il le mérite bien, mais cela n'Îte pas le désagrément de cette aventure. De plus, cet homme a sûrement quelques amis, et ses amis doivent ÃÂȘtre méchants qui sait, qui peut savoir ce qu'ils inventeront pour me nuire? Mon Dieu, qu'une jeune femme est malheureuse! elle n'a rien fait encore, quand elle s'est mise à l'abri de la médisance; il faut qu'elle en impose mÃÂȘme à la calomnie. Mandez-moi, je vous prie, ce que vous auriez fait, ce que vous feriez à ma place; enfin tout ce que vous pensez. C'est toujours de vous que j'ai reçu les consolations les plus douces et les avis les plus sages; c'est de vous aussi que j'aime le mieux à en recevoir. Adieu, ma chÚre et bonne amie; vous connaissez les sentiments qui m'attachent à vous pour jamais. J'embrasse votre aimable fille. Paris, ce 26 septembre 17** TROISIEME PARTIE LETTRE LXXXVIII CECILE VOLANGES AU VICOMTE DE VALMONT Malgré tout le plaisir que j'ai, Monsieur, à recevoir les Lettres de M. le Chevalier Danceny, et quoique je ne désire pas moins que lui que nous puissions nous voir encore, sans qu'on puisse nous en empÃÂȘcher, je n'ai pas osé cependant faire ce que vous me proposez. PremiÚrement, c'est trop dangereux; cette clef que vous voulez que je mette à la place de l'autre lui ressemble bien assez à la vérité mais pourtant, il ne laisse pas d'y avoir encore de la différence, et Maman regarde à tout, et s'aperçoit de tout. De plus, quoiqu'on ne s'en soit pas encore servi depuis que nous sommes ici, il ne faut qu'un malheur; et si on s'en apercevait, je serais perdue pour toujours. Et puis, il me semble aussi que ce serait bien mal; faire comme cela une double clef c'est bien fort! Il est vrai que c'est vous qui auriez la bonté de vous en charger; mais malgré cela, si on le savait, je n'en porterais pas moins le blùme et la faute, puisque ce serait pour moi que vous l'auriez faite. Enfin, j'ai voulu essayer deux fois de la prendre, et certainement cela serait bien facile, si c'était toute autre chose mais je ne sais pas pourquoi je me suis toujours mise à trembler, et n'en ai jamais eu le courage. Je crois donc qu'il vaut mieux rester comme nous sommes. Si vous avez toujours la bonté d'ÃÂȘtre aussi complaisant que jusqu'ici, vous trouverez toujours bien le moyen de me remettre une Lettre. MÃÂȘme pour la derniÚre, sans le malheur qui a voulu que vous vous retourniez tout de suite dans un certain moment, nous aurions eu bien aisé. Je sens bien que vous ne pouvez pas, comme moi, ne songer qu'à ça; mais j'aime mieux avoir plus de patience et ne pas tant risquer. Je suis sûre que M. Danceny dirait comme moi car toutes les fois qu'il voulait quelque chose qui me faisait trop de peine, il consentait toujours que cela ne fût pas. Je vous remettrai, Monsieur, en mÃÂȘme temps que cette Lettre, la vÎtre, celle de M. Danceny, et votre clef. Je n'en suis pas moins reconnaissante de toutes vos bontés et je vous prie bien de me les continuer. Il est bien vrai que je suis bien malheureuse, et que sans vous je le serais encore bien davantage mais, aprÚs tout, c'est ma mÚre; il faut bien prendre patience. Et pourvu que M. Danceny m'aime toujours, et que vous ne m'abandonniez pas, il viendra peut- ÃÂȘtre un temps plus heureux. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, Monsieur, avec bien de la reconnaissance, votre trÚs humble et trÚs obéissante servante. De ..., ce 26 septembre 17** LETTRE LXXXIX LE VICOMTE DE VALMONT AU CHEVALIER DANCENY Si vos affaires ne vont pas toujours aussi vite que vous le voudriez, mon ami, ce n'est pas tout à fait à moi qu'il faut vous en prendre. J'ai ici plus d'un obstacle à vaincre. La vigilance et la sévérité de Madame de Volanges ne sont pas les seuls; votre jeune amie m'en oppose aussi quelques-uns. Soit froideur, ou timidité, elle ne fait pas toujours ce que je lui conseille; et je crois cependant savoir mieux qu'elle ce qu'il faut faire. J'avais trouvé un moyen simple, commode et sûr de lui remettre vos Lettres, et mÃÂȘme de faciliter, par la suite, les entrevues que vous désirez mais je n'ai pu la décider à s'en servir. J'en suis d'autant plus affligé, que je n'en vois pas d'autre pour vous rapprocher d'elle; et que mÃÂȘme pour votre correspondance, je crains sans cesse de nous compromettre tous trois. Or, vous jugez que je ne veux ni courir ce risque-là , ni vous y exposer l'un et l'autre. Je serais pourtant vraiment peiné que le peu de confiance de votre petite amie m'empÃÂȘchùt de vous ÃÂȘtre utile; peut-ÃÂȘtre feriez-vous bien de lui en écrire. Voyez ce que vous voulez faire, c'est à vous seul à décider; car ce n'est pas assez de servir ses amis, il faut encore les servir à leur maniÚre. Ce pourrait ÃÂȘtre aussi une façon de plus de vous assurer de ses sentiments pour vous; car la femme qui garde une volonté à elle n'aime pas autant qu'elle le dit. Ce n'est pas que je soupçonne votre MaÃtresse d'inconstance mais elle est bien jeune elle a grand-peur de sa Maman, qui, comme vous le savez, ne cherche qu'à vous nuire; et peut-ÃÂȘtre serait-il dangereux de rester trop longtemps sans l'occuper de vous. N'allez pas cependant vous inquiéter à un certain point de ce que je vous dis là . Je n'ai dans le fond nulle raison de méfiance; c'est uniquement la sollicitude de l'amitié. Je ne vous écris pas plus longuement, parce que j'ai bien aussi quelques affaires pour mon compte. Je ne suis pas aussi avancé que vous mais j'aime autant, et cela console; et quand je ne réussirais pas pour moi, si je parviens à vous ÃÂȘtre utile, je trouverai que j'ai bien employé mon temps. Adieu, mon ami. Du Chùteau de ..., ce 26 septembre 17** LETTRE XC LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Je désire beaucoup, Monsieur, que cette Lettre ne vous fasse aucune peine; ou, si elle doit vous en causer, qu'au moins elle puisse ÃÂȘtre adoucie par celle que j'éprouve en vous l'écrivant. Vous devez me connaÃtre assez à présent pour ÃÂȘtre bien sûr que ma volonté n'est pas de vous affliger; mais vous, sans doute, vous ne voudriez pas non plus me plonger dans un désespoir éternel. Je vous conjure donc, au nom de l'amitié tendre que je vous ai promise, au nom mÃÂȘme des sentiments peut-ÃÂȘtre plus vifs, mais à coup sûr pas plus sincÚres, que vous avez pour moi, ne nous voyons plus; partez; et, jusque-là , fuyons surtout ces entretiens particuliers et trop dangereux, oÃÂč, par une inconcevable puissance, sans jamais parvenir à vous dire ce que je veux, je passe mon temps à écouter ce que je ne devrais pas entendre. Hier encore, quand vous vÃntes me joindre dans le parc, j'avais bien pour unique objet de vous dire ce que je vous écris aujourd'hui; et cependant qu'ai- je fait? que m'occuper de votre amour;... de votre amour, auquel jamais je ne dois répondre! Ah! de grùce, éloignez-vous de moi. Ne craignez pas que votre absence altÚre jamais mes sentiments pour vous; comment parviendrais-je à les vaincre, quand je n'ai plus le courage de les combattre? Vous le voyez, je vous dis tout, je crains moins d'avouer ma faiblesse, que d'y succomber mais cet empire que j'ai perdu sur mes sentiments, je le conserverai sur mes actions; oui, je le conserverai, j'y suis résolue; fût-ce aux dépens de ma vie. Hélas! le temps n'est pas loin, oÃÂč je me croyais bien sûre de n'avoir jamais de pareils combats à soutenir. Je m'en félicitais; je m'en glorifiais peut-ÃÂȘtre trop. Le Ciel a puni, cruellement puni cet orgueil mais plein de miséricorde au moment mÃÂȘme qu'il nous frappe, il m'avertit encore avant ma chute; et je serais doublement coupable, si je continuais à manquer de prudence, déjà prévenue que je n'ai plus de force. Vous m'avez dit cent fois que vous ne voudriez pas d'un bonheur acheté par mes larmes. Ah! ne parlons plus de bonheur, mais laissez-moi reprendre quelque tranquillité. En accordant ma demande, quels nouveaux droits n'acquerrez-vous pas sur mon cÅ“ur? Et ceux-là , fondés sur la vertu, je n'aurai point à m'en défendre. Combien je me plairai dans ma reconnaissance! Je vous devrai la douceur de goûter sans remords un sentiment délicieux. A présent, au contraire, effrayée de mes sentiments, de mes pensées, je crains également de m'occuper de vous et de moi; votre idée mÃÂȘme m'épouvante quand je ne peux la fuir, je la combats; je ne l'éloigne pas, mais je la repousse. Ne vaut-il pas mieux pour tous deux faire cesser cet état de trouble et d'anxiété? Ô vous, dont l'ùme toujours sensible, mÃÂȘme au milieu de ses erreurs, est restée amie de la vertu, vous aurez égard à ma situation douloureuse, vous ne rejetterez pas ma priÚre! Un intérÃÂȘt plus doux, mais non moins , ces agitations violentes alors respirant par vos bienfaits, je chérirai mon existence, et je dirai dans la joie de mon cÅ“ur " Ce calme que je ressens, je le dois à mon ami " . En vous soumettant à quelques privations légÚres, que je ne vous impose point, mais que je vous demande, croirez-vous donc acheter trop cher la fin de mes tourments? Ah! si, pour vous rendre heureux, il ne fallait que consentir à ÃÂȘtre malheureuse, vous pouvez m'en croire, je n'hésiterais pas un moment... Mais devenir coupable!... non, mon ami, non, plutÎt mourir mille fois. Déjà assaillie par la honte, à la veille des remords, je redoute et les autres et moi-mÃÂȘme; je rougis dans le cercle, et frémis dans la solitude; je n'ai plus qu'une vie de douleur; je n'aurai de tranquillité que par votre consentement. Mes résolutions les plus louables ne suffisent pas pour me rassurer; j'ai formé celle-ci dÚs hier, et cependant j'ai passé la nuit dans les larmes. Voyez votre amie, celle que vous aimez, confuse et suppliante, vous demander le repos et l'innocence. Ah Dieu! sans vous, eût-elle jamais été réduite à cette humiliante demande? Je ne vous reproche rien; je sens trop par moi-mÃÂȘme combien il est difficile de résister à un sentiment impérieux. Une plainte n'est pas un murmure. Faites par générosité ce que je fais par devoir; et à tous les sentiments que vous m'avez inspirés, je joindrai celui d'une éternelle reconnaissance. Adieu, adieu, Monsieur. De ..., ce 27 septembre 17** LETTRE XCI LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Consterné par votre Lettre, j'ignore encore, Madame, comment je pourrai y répondre. Sans doute, s'il faut choisir entre votre malheur et le mien, c'est à moi à me sacrifier, et je ne balance pas; mais de si grands intérÃÂȘts méritent bien, ce me semble, d'ÃÂȘtre avant tout discutés et éclaircis; et comment y parvenir, si nous ne devons plus nous parler ni nous voir? Quoi! tandis que les sentiments les plus doux nous unissent, une vaine terreur suffira pour nous séparer, peut-ÃÂȘtre sans retour! En vain l'amitié tendre, l'ardent amour, réclameront leurs droits; leurs voix ne seront point entendues et pourquoi? quel est donc ce danger pressant qui vous menace? Ah! croyez- moi, de pareilles craintes, et si légÚrement conçues, sont déjà , ce me semble, d'assez puissants motifs de sécurité. Permettez-moi de vous le dire, je retrouve ici la trace des impressions défavorables qu'on vous a données sur moi. On ne tremble point auprÚs de l'homme qu'on estime; on n'éloigne pas, surtout, celui qu'on a jugé digne de quelque amitié c'est l'homme dangereux qu'on redoute et qu'on fuit. Cependant, qui fut jamais plus respectueux et plus soumis que moi? Déjà , vous le voyez, je m'observe dans mon langage; je ne me permets plus ces noms si doux, si chers à mon cÅ“ur, et qu'il ne cesse de vous donner en secret. Ce n'est plus l'amant fidÚle et malheureux, recevant les conseils et les consolations d'une amie tendre et sensible; c'est l'accusé devant son juge, l'esclave devant son maÃtre. Ces nouveaux titres imposent sans doute de nouveaux devoirs; je m'engage à les remplir tous. Ecoutez-moi, et si vous me condamnez, j'y souscris et je pars. Je promets davantage; préférez-vous ce despotisme qui juge sans entendre? vous sentez-vous le courage d'ÃÂȘtre injuste? ordonnez et j'obéis encore. Mais ce jugement, ou cet ordre, que je l'entende de votre bouche. Et pourquoi? m'allez-vous dire à votre tour. Ah! que si vous faites cette question, vous connaissez peu l'amour et mon cÅ“ur! N'est-ce donc rien que de vous voir encore une fois? Eh! quand vous porterez le désespoir dans mon ùme, peut-ÃÂȘtre un regard consolateur l'empÃÂȘchera d'y succomber. Enfin s'il me faut renoncer à l'amour, à l'amitié, pour qui seuls j'existe, au moins vous verrez votre ouvrage, et votre pitié me restera cette faveur légÚre, quand mÃÂȘme je ne la mériterais pas, je me soumets, ce me semble, à la payer assez cher, pour espérer de l'obtenir. Quoi! vous allez m'éloigner de vous! Vous consentez donc à ce que nous devenions étrangers l'un à l'autre! que dis-je? vous le désirez; et tandis que vous m'assurez que mon absence n'altérera point vos sentiments, vous ne pressez mon départ que pour travailler plus facilement à les détruire. Déjà , vous me parlez de les remplacer par de la reconnaissance. Ainsi le sentiment qu'obtiendrait de vous un inconnu pour le plus léger service, votre ennemi mÃÂȘme en cessant de vous nuire, voilà ce que vous m'offrez! et vous voulez que mon cÅ“ur s'en contente! Interrogez le vÎtre si votre amant, si votre ami, venaient un jour vous parler de leur reconnaissance, ne leur diriez-vous pas avec indignation " Retirez-vous, vous ÃÂȘtes des ingrats " ? Je m'arrÃÂȘte et réclame votre indulgence. Pardonnez l'expression d'une douleur que vous faites naÃtre elle ne nuira point à ma soumission parfaite. Mais je vous en conjure à mon tour, au nom de ces sentiments si doux, que vous- mÃÂȘme vous réclamez, ne refusez pas de m'entendre; et par pitié du moins pour le trouble mortel oÃÂč vous m'avez plongé, n'en éloignez pas le moment. Adieu, Madame. De ..., ce 27 septembre 17**, au soir. LETTRE XCII LE CHEVALIER DANCENY AU VICOMTE DE VALMONT Ô mon ami! votre Lettre m'a glacé d'effroi. Cécile... Ô Dieu! est-il possible? Cécile ne m'aime plus. Oui, je vois cette affreuse vérité à travers le voile dont votre amitié l'entoure. Vous avez voulu me préparer à recevoir ce coup mortel. Je vous remercie de vos soins, mais peut-on en imposer à l'amour? Il court au-devant de ce qui l'intéresse; il n'apprend pas son sort, il le devine. Je ne doute plus du mien parlez-moi sans détour, vous le pouvez, et je vous en prie. Mandez-moi tout; ce qui a fait naÃtre vos soupçons, ce qui les a confirmés. Les moindres détails sont précieux. Tùchez, surtout, de vous rappeler ses paroles. Un mot pour l'autre peut changer toute une phrase; le mÃÂȘme a quelquefois deux sens... Vous pouvez vous ÃÂȘtre trompé hélas, je cherche à me flatter encore. Que vous a-t-elle dit? me fait-elle quelque reproche? au moins ne se défend-elle pas de ses torts? J'aurais dû prévoir ce changement, par les difficultés que, depuis un temps, elle trouve à tout. L'amour ne connaÃt pas tant d'obstacles. Quel parti dois-je prendre? que me conseillez-vous? Si je tentais de la voir? cela est-il donc impossible? L'absence est si cruelle, si funeste... et elle a refusé un moyen de me voir! Vous ne me dites pas quel il était; s'il y avait en effet trop de danger, elle sait bien que je ne veux pas qu'elle se risque trop. Mais aussi je connais votre prudence; et pour mon malheur, je ne peux pas ne pas y croire. Que vais-je faire à présent? comment lui écrire? Si je lui laisse voir mes soupçons, ils la chagrineront peut-ÃÂȘtre; et s'ils sont injustes, me pardonnerais- je de l'avoir affligée? Si je les lui cache, c'est la tromper, et je ne sais point dissimuler avec elle. Oh! si, elle pouvait savoir ce que je souffre, ma peine la toucherait. Je la connais sensible; elle a le cÅ“ur excellent et j'ai mille preuves de son amour. Trop de timidité, quelque embarras, elle est si jeune! et sa mÚre la traite avec tant de sévérité! Je vais lui écrire; je me contiendrai; je lui demanderai seulement de s'en remettre entiÚrement à vous. Quand mÃÂȘme elle refuserait encore, elle ne pourra pas au moins se fùcher de ma priÚre, et peut-ÃÂȘtre elle consentira. Vous, mon ami, je vous fais mille excuses, et pour elle et pour moi. Je vous assure qu'elle sent le prix de vos soins, qu'elle en est reconnaissante. Ce n'est pas méfiance, c'est timidité. Ayez de l'indulgence; c'est le plus beau caractÚre de l'amitié. La vÎtre m'est bien précieuse, et je ne sais comment reconnaÃtre tout ce que vous faites pour moi. Adieu, je vais écrire tout de suite. Je sens toutes mes craintes revenir; qui m'eût dit que jamais il m'en coûterait de lui écrire! Hélas! hier encore, c'était mon plaisir le plus doux. Adieu, mon ami; continuez-moi vos soins, et plaignez-moi beaucoup. Paris, ce 27 septembre 17** LETTRE XCIII LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES JOINTE A LA PRECEDENTE. Je ne puis vous dissimuler combien j'ai été affligé en apprenant de Valmont le peu de confiance que vous continuez à avoir en lui. Vous n'ignorez pas qu'il est mon ami, qu'il est la seule personne qui puisse nous rapprocher l'un de l'autre j'avais cru que ces titres seraient suffisants auprÚs de vous; je vois avec peine que je me suis trompé. Puis-je espérer qu'au moins vous m'instruirez de vos raisons? Ne trouverez-vous pas encore quelques difficultés qui vous en empÃÂȘcheront? Je ne puis cependant deviner, sans vous, le mystÚre de cette conduite. Je n'ose soupçonner votre amour, sans doute aussi vous n'oseriez trahir le mien. Ah! Cécile!... Il est donc vrai que vous avez refusé un moyen de me voir? un moyen simple, commode et sûr [Danceny ne sait pas quel était ce moyen; il répÚte seulement l'expression de Valmont]? Et c'est ainsi que vous m'aimez! Une si courte absence a bien changé vos sentiments. Mais pourquoi me tromper? pourquoi me dire que vous m'aimez toujours, que vous m'aimez davantage? Votre Maman, en détruisant votre amour, a-t-elle aussi détruit votre candeur? Si au moins elle vous a laissé quelque pitié, vous n'apprendrez pas sans peine les tourments affreux que vous me causez. Ah! je souffrirais moins pour mourir. Dites-moi donc, votre cÅ“ur m'est-il fermé sans retour? m'avez-vous entiÚrement oublié? Grùce à vos refus, je ne sais, ni quand vous entendrez mes plaintes, ni quand vous y répondrez. L'amitié de Valmont avait assuré notre correspondance mais vous, vous n'avez pas voulu; vous la trouviez pénible, vous avez préféré qu'elle fût rare. Non, je ne croirai plus à l'amour, à la bonne foi. Eh! qui peut-on croire, si Cécile m'a trompé? Répondez-moi donc est-il vrai que vous ne m'aimez plus? Non cela n'est pas possible; vous vous faites illusion; vous calomniez votre cÅ“ur. Une crainte passagÚre, un moment de découragement, mais que l'amour a bientÎt fait disparaÃtre; n'est-il pas vrai, ma Cécile? ah! sans doute, et j'ai tort de vous accuser. Que je serais heureux d'avoir tort! que j'aimerais à vous faire de tendres excuses, à réparer ce moment d'injustice par une éternité d'amour! Cécile, Cécile, ayez pitié de moi! Consentez à me voir, prenez-en tous les moyens! Voyez ce que produit l'absence! des craintes, des soupçons, peut- ÃÂȘtre de la froideur! un seul regard, un seul mot et nous serons heureux. Mais quoi! puis-je encore parler de bonheur? peut-ÃÂȘtre est-il perdu pour moi, perdu pour jamais. Tourmenté par la crainte, cruellement pressé entre les soupçons injustes et la vérité plus cruelle, je ne puis m'arrÃÂȘter à aucune pensée; je ne conserve d'existence que pour souffrir et vous aimer. Ah! Cécile! vous seule avez le droit de me la rendre chÚre; et j'attends du premier mot que vous prononcerez le retour du bonheur ou la certitude d'un désespoir éternel. Paris, ce 27 septembre 17** LETTRE XCIV CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Je ne conçois rien à votre Lettre, sinon la peine qu'elle me cause. Qu'est-ce que M. de Valmont vous a donc mandé, et qu'est-ce qui a pu vous faire croire que je ne vous aimais plus? Cela serait peut-ÃÂȘtre bien heureux pour moi, car sûrement j'en serais moins tourmentée; et il est bien dur, quand je vous aime comme je fais, de voir que vous croyez toujours que j'ai tort, et qu'au lieu de me consoler, ce soit de vous que me viennent toujours les peines qui me font le plus de chagrin. Vous croyez que je vous trompe, et que je vous dis ce qui n'est pas! vous avez là une jolie idée de moi! Mais quand je serais menteuse comme vous me le reprochez, quel intérÃÂȘt y aurais-je? Assurément, si je ne vous aimais plus je n'aurais qu'à le dire, et tout le monde m'en louerait; mais, par malheur, c'est plus fort que moi; et il faut que ce soit pour quelqu'un qui ne m'en a pas d'obligation du tout! Qu'est-ce que j'ai donc fait pour vous tant fùcher? Je n'ai pas osé prendre une clef, parce que je craignais que Maman ne s'en aperçût, et que cela ne me causùt encore du chagrin, et à vous aussi à cause de moi; et puis encore, parce qu'il me semble que c'est mal fait. Mais ce n'était que M. de Valmont qui m'en avait parlé; je ne pouvais pas savoir si vous le vouliez ou non, puisque vous n'en saviez rien. A présent que je sais que vous le désirez, est-ce que je refuse de la prendre, cette clef? je la prendrai dÚs demain; et puis nous verrons ce que vous aurez, encore à dire. M. de Valmont a beau ÃÂȘtre votre ami, je crois que je vous aime bien autant qu'il peut vous aimer, pour le moins; et cependant c'est toujours lui qui a raison, et moi j'ai toujours tort. Je vous assure que je suis bien fùchée. Ça vous est bien égal, parce que vous savez que je m'apaise tout de suite mais à présent que j'aurai la clef, je pourrai vous voir quand je voudrai; et je vous assure que je ne voudrai pas quand vous agirez comme ça. J'aime mieux avoir du chagrin qui me vienne de moi, que s'il me venait de vous voyez ce que vous voulez faire. Si vous vouliez, nous nous aimerions tant! et au moins n'aurions-nous de peines que celles qu'on nous fait! Je vous assure bien que si j'étais maÃtresse, vous n'auriez jamais à vous plaindre de moi mais si vous ne me croyez pas, nous serons toujours bien malheureux, et ce ne sera pas ma faute. J'espÚre que bientÎt nous pourrons nous voir, et qu'alors nous n'aurons plus d'occasions de nous chagriner comme à présent. Si j'avais pu prévoir ça, j'aurais pris cette clef tout de suite mais, en vérité, je croyais bien faire. Ne m'en voulez donc pas, je vous en prie. Ne soyez plus triste, et aimez-moi toujours autant que je vous aime; alors je serai bien contente. Adieu, mon cher ami. Du Chùteau de ..., ce 28 septembre 17** LETTRE XCV CECILE VOLANGES AU VICOMTE DE VALMONT Je vous prie, Monsieur, de vouloir bien avoir la bonté de me remettre cette clef que vous m'aviez donnée pour mettre à la place de l'autre; puisque tout le monde le veut, il faut bien que j'y consente aussi. Je ne sais pas pourquoi vous avez mandé à M. Danceny que je ne l'aimais plus je ne crois pas vous avoir jamais donné lieu de le penser; et cela lui a fait bien de la peine, et à moi aussi. Je sais bien que vous ÃÂȘtes son ami; mais ce n'est pas une raison pour le chagriner, ni moi non plus. Vous me feriez bien plaisir de lui mander le contraire, la premiÚre fois que vous lui écrirez, et que vous en ÃÂȘtes sûr car c'est en vous qu'il a le plus confiance; et moi, quand j'ai dit une chose, et qu'on ne la croit pas, je ne sais plus comment faire. Pour ce qui est de la clef, vous pouvez ÃÂȘtre tranquille; j'ai bien retenu tout ce que vous me recommandiez dans votre Lettre. Cependant, si vous l'avez encore, et que vous vouliez me la donner en mÃÂȘme temps, je vous promets que j'y ferai bien attention. Si ce pouvait ÃÂȘtre demain en allant dÃner, je vous donnerais l'autre clef aprÚs-demain à déjeuner, et vous me la remettriez de la mÃÂȘme façon que la premiÚre. Je voudrais bien que cela ne fût pas long, parce qu'il y aurait moins de temps à risquer que Maman ne s'en aperçût. Et puis, quand une fois vous aurez cette clef-là , vous aurez bien la bonté de vous en servir aussi pour prendre mes Lettres; et comme cela, M. Danceny aura plus souvent de mes nouvelles. Il est vrai que ce sera bien plus commode qu'à présent; mais c'est que d'abord, cela m'a fait trop peur je vous prie de m'excuser, et j'espÚre que vous n'en continuerez pas moins d'ÃÂȘtre aussi complaisant que par le passé. J'en serai aussi toujours bien reconnaissante. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, Monsieur, votre trÚs humble et trÚs obéissante servante. De ..., ce 28 septembre 17**LETTRE XCVI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Je parie bien que, depuis votre aventure, vous attendez chaque jour mes compliments et mes éloges; je ne doute mÃÂȘme pas que vous n'ayez pris un peu d'humeur de mon long silence mais que voulez-vous? j'ai toujours pensé que quand il n'y avait plus que des louanges à donner à une femme, on pouvait s'en reposer sur elle, et s'occuper d'autre chose. Cependant je vous remercie pour mon compte, et vous félicite pour le vÎtre. Je veux bien mÃÂȘme, pour vous rendre parfaitement heureuse, convenir que pour cette fois vous avez surpassé mon attente. AprÚs cela, voyons si de mon cÎté j'aurai du moins rempli la vÎtre en partie. Ce n'est pas de Madame de Tourvel dont je veux vous parler; sa marche trop lente vous déplaÃt. Vous n'aimez que les affaires faites. Les scÚnes filées vous ennuient; et moi, jamais je n'avais goûté le plaisir que j'éprouve dans ces lenteurs prétendues. Oui, j'aime à voir, à considérer cette femme prudente, engagée, sans s'en ÃÂȘtre aperçue, dans un sentier qui ne permet plus de retour, et dont la pente rapide et dangereuse l'entraÃne malgré elle, et la force à me suivre. Là , effrayée du péril qu'elle court, elle voudrait s'arrÃÂȘter et ne peut se retenir. Ses soins et son adresse peuvent bien rendre ses pas moins grands; mais il faut qu'ils se succÚdent. Quelquefois, n'osant fixer le danger, elle ferme les yeux, et se laissant aller, s'abandonne à mes soins. Plus souvent, une nouvelle crainte ranime ses efforts dans son effroi mortel, elle veut tenter encore de retourner en arriÚre; elle épuise ses forces pour gravir péniblement un court espace; et bientÎt un magique pouvoir la replace plus prÚs de ce danger, que vainement elle avait voulu fuir. Alors n'ayant plus que moi pour guide et pour appui, sans songer à me reprocher davantage une chute inévitable, elle m'implore pour la retarder. Les ferventes priÚres, les humbles supplications, tout ce que les mortels, dans leur crainte, offrent à la Divinité, c'est moi qui les reçois d'elle; et vous voulez que, sourd à ses vÅ“ux, et détruisant moi-mÃÂȘme le culte qu'elle me rend, j'emploie à la précipiter la puissance qu'elle invoque pour la soutenir! Ah! laissez-moi du moins le temps d'observer ces touchants combats entre l'amour et la vertu. Eh quoi! ce mÃÂȘme spectacle qui vous fait courir au Théùtre avec empressement, que vous y applaudissez avec fureur, le croyez-vous moins attachant dans la réalité? Ces sentiments d'une ùme pure et tendre, qui redoute le bonheur qu'elle désire, et ne cesse pas de se défendre, mÃÂȘme alors qu'elle cesse de résister, vous les écoutez avec enthousiasme ne seraient-ils sans prix que pour celui qui les fait naÃtre? Voilà pourtant, voilà les délicieuses jouissances que cette femme céleste m'offre chaque jour; et vous me reprochez d'en savourer les douceurs! Ah! le temps ne viendra que trop tÎt, oÃÂč, dégradée par sa chute, elle ne sera plus pour moi qu'une femme ordinaire. Mais j'oublie, en vous parlant d'elle, que je ne voulais pas vous en parler. Je ne sais quelle puissance m'y attache, m'y ramÚne sans cesse, mÃÂȘme alors que je l'outrage. Ecartons sa dangereuse idée; que je redevienne moi-mÃÂȘme pour traiter un sujet plus gai. Il s'agit de votre pupille, à présent devenue la mienne, et j'espÚre qu'ici vous allez me reconnaÃtre. Depuis quelques jours, mieux traité par ma tendre Dévote, et par conséquent moins occupé d'elle, j'avais remarqué que la petite Volanges était en effet fort jolie; et que s'il y avait de la sottise à en ÃÂȘtre amoureux comme Danceny, peut-ÃÂȘtre n'y en avait-il pas moins de ma part à ne pas chercher auprÚs d'elle une distraction que ma solitude me rendait nécessaire. Il me parut juste aussi de me payer des soins que je me donnais pour elle je me rappelais en outre que vous me l'aviez offerte, avant que Danceny eût rien à y prétendre; et je me trouvais fondé à réclamer quelques droits sur un bien qu'il ne possédait qu'à mon refus et par mon abandon. La jolie mine de la petite personne, sa bouche si fraÃche, son air enfantin, sa gaucherie mÃÂȘme fortifiaient ces sages réflexions; je résolus d'agir en conséquence, et le succÚs a couronné l'entreprise. Déjà vous cherchez par quel moyen j'ai supplanté si tÎt l'amant chéri; quelle séduction convient à cet ùge, à cette inexpérience. Epargnez-vous tant de peine, je n'en ai employé aucune. Tandis que, maniant avec adresse les armes de votre sexe, vous triomphiez par la finesse; moi, rendant à l'homme ses droits imprescriptibles, je subjuguais par l'autorité. Sûr de saisir ma proie si je pouvais la joindre, je n'avais besoin de ruse que pour m'en approcher, et mÃÂȘme celle dont je me suis servi ne mérite presque pas ce nom. Je profitai de la premiÚre lettre que je reçus de Danceny pour sa Belle, et aprÚs l'en avoir avertie par le signal convenu entre nous, au lieu de mettre mon adresse à la lui rendre, je la mis à n'en pas trouver le moyen cette impatience que je faisais naÃtre, je feignais de la partager, et aprÚs avoir causé le mal, j'indiquai le remÚde. La jeune personne habite une chambre dont une porte donne sur le corridor; mais comme de raison, la mÚre en avait pris la clef. Il ne s'agissait que de s'en rendre maÃtre. Rien de plus facile dans l'exécution; je ne demandais que d'en disposer deux heures, et je répondais d'en avoir une semblable. Alors correspondances, entrevues, rendez-vous nocturnes; tout devenait commode et sûr cependant, le croiriez-vous? l'enfant timide prit peur et refusa. Un autre s'en serait désolé; moi, je n'y vis que l'occasion d'un plaisir plus piquant. J'écrivis à Danceny pour me plaindre de ce refus, et je fis si bien que notre étourdi n'eut de cesse qu'il n'eût obtenu, exigé mÃÂȘme de sa craintive MaÃtresse, qu'elle accordùt ma demande et se livrùt toute à ma discrétion. J'étais bien aise, je l'avoue, d'avoir ainsi changé de rÎle, et que le jeune homme fÃt pour moi ce qu'il comptait que je ferais pour lui. Cette idée doublait, à mes yeux, le prix de l'aventure aussi dÚs que j'ai eu la précieuse clef, me suis-je hùté d'en faire usage, c'était la nuit derniÚre. AprÚs m'ÃÂȘtre assuré que tout était tranquille dans le Chùteau; armé de ma lanterne sourde, et dans la toilette que comportait l'heure et qu'exigeait la circonstance, j'ai rendu ma premiÚre visite à votre pupille. J'avais tout fait préparer et cela par elle-mÃÂȘme, pour pouvoir entrer sans bruit. Elle était dans son premier sommeil, et dans celui de son ùge; de façon que je suis arrivé jusqu'à son lit, sans qu'elle se soit réveillée. J'ai d'abord été tenté d'aller plus avant, et d'essayer de passer pour un songe; mais craignant l'effet de la surprise et le bruit qu'elle entraÃne, j'ai préféré d'éveiller avec précaution la jolie dormeuse, et suis en effet parvenu à prévenir le cri que je redoutais. AprÚs avoir calmé ses premiÚres craintes, comme je n'étais pas venu là pour causer, j'ai risqué quelques libertés. Sans doute on ne lui a pas bien appris dans son Couvent à combien de périls divers est exposée la timide innocence, et tout ce qu'elle a à garder pour n'ÃÂȘtre pas surprise car, portant toute son attention, toutes ses forces à se défendre d'un baiser, qui n'était qu'une fausse attaque, tout le reste était laissé sans défense; le moyen de n'en pas profiter! J'ai donc changé ma marche, et sur le champ j'ai pris poste. Ici nous avons pensé ÃÂȘtre perdus tous deux la petite fille, tout effarouchée, a voulu crier de bonne foi; heureusement sa voix s'est éteinte dans les pleurs. Elle s'était jetée aussi au cordon de sa sonnette, mais mon adresse a retenu son bras à temps. " Que voulez-vous faire lui ai-je dit alors, vous perdre pour toujours? Qu'on vienne, et que m'importe? à qui persuaderez-vous que je ne sois pas ici de votre aveu? Quel autre que vous m'aura fourni le moyen de m'y introduire? et cette clef que je tiens de vous, que je n'ai pu avoir que par vous, vous chargerez-vous d'en indiquer l'usage? " Cette courte harangue n'a calmé ni la douleur, ni la colÚre, mais elle a amené la soumission. Je ne sais si j'avais le ton de l'éloquence; au moins est-il vrai que je n'en avais pas le geste. Une main occupée pour la force, l'autre pour l'amour, quel Orateur pourrait prétendre à la grùce en pareille situation? Si vous vous la peignez bien, vous conviendrez qu'au moins elle était favorable à l'attaque mais moi, je n'entends rien à rien, et comme vous dites, la femme la plus simple, une pensionnaire, me mÚne comme un enfant. Celle-ci, tout en se désolant, sentait qu'il fallait prendre un parti, et entrer en composition. Les priÚres me trouvant inexorable, il a fallu passer aux offres. Vous croyez que j'ai vendu bien cher ce poste important non, j'ai tout promis pour un baiser. Il est vrai que, le baiser pris, je n'ai pas tenu ma promesse mais j'avais de bonnes raisons. Etions-nous convenus qu'il serait pris ou donné? A force de marchander, nous sommes tombés d'accord pour un second, et celui-là , il était dit qu'il serait reçu. Alors ayant guidé ses bras timides autour de mon corps, et la pressant de l'un des miens plus amoureusement, le doux baiser a été reçu en effet; mais bien, mais parfaitement reçu tellement enfin que l'Amour n'aurait pas pu mieux faire. Tant de bonne foi méritait récompense, aussi ai-je aussitÎt accordé la demande. La main s'est retirée; mais je ne sais par quel hasard je me suis trouvé moi-mÃÂȘme à sa place. Vous me supposez là bien empressé, bien actif, n'est-il pas vrai? point du tout. J'ai pris goût aux lenteurs, vous dis-je. Une fois sûr d'arriver, pourquoi tant presser le voyage? Sérieusement, j'étais bien aise d'observer une fois la puissance de l'occasion, et je la trouvais ici dénuée de tout secours étranger. Elle avait pourtant à combattre l'amour, et l'amour soutenu par la pudeur ou la honte, et fortifié surtout par l'humeur que j'avais donnée, et dont on avait beaucoup pris. L'occasion était seule; mais elle était là , toujours offerte, toujours présente, et l'Amour était absent. Pour assurer mes observations, j'avais la malice de n'employer de force que ce qu'on en pouvait combattre. Seulement si ma charmante ennemie, abusant de ma facilité, se trouvait prÃÂȘte à m'échapper, je la contenais par cette mÃÂȘme crainte, dont j'avais déjà éprouvé les heureux effets. Hé bien! sans autre soin, la tendre amoureuse, oubliant ses serments, a cédé d'abord et fini par consentir non pas qu'aprÚs ce premier moment les reproches et les larmes ne soient revenus de concert; j'ignore s'ils étaient vrais ou feints mais, comme il arrive toujours, ils ont cessé, dÚs que je me suis occupé à y donner lieu de nouveau. Enfin, de faiblesse en reproche, et de reproche en faiblesse, nous ne nous sommes séparés que satisfaits l'un de l'autre, et également d'accord pour le rendez-vous de ce soir. Je ne me suis retiré chez moi qu'au point du jour, et j'étais rendu de fatigue et de sommeil cependant j'ai sacrifié l'un et l'autre au désir de me trouver ce matin au déjeuner j'aime, de passion, les mines de lendemain. Vous n'avez pas d'idée de celle-ci. C'était un embarras dans le maintien! une difficulté dans la marche! des yeux toujours baissés, et si gros et si battus! Cette figure si ronde s'était tant allongée! rien n'était si plaisant. Et pour la premiÚre fois, sa mÚre, alarmée de ce changement extrÃÂȘme, lui témoignait un intérÃÂȘt assez tendre! et la Présidente aussi, qui s'empressait autour d'elle! Oh! pour ces soins-là ils ne sont que prÃÂȘtés; un jour viendra oÃÂč on pourra les lui rendre, et ce jour n'est pas loin. Adieu, ma belle amie. Du Chùteau de ..., ce 1er octobre 17** LETTRE XCVII CECILE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Ah! mon Dieu, Madame, que je suis affligée! que je suis malheureuse! Qui me consolera dans mes peines? qui me conseillera dans l'embarras oÃÂč je me trouve? Ce M. de Valmont... et Danceny! non, l'idée de Danceny me met au désespoir... Comment vous raconter? comment vous dire?... Je ne sais comment faire. Cependant mon cÅ“ur est plein... Il faut que je parle à quelqu'un, et vous ÃÂȘtes la seule à qui je puisse, à qui j'ose me confier. Vous avez tant de bonté pour moi! Mais n'en ayez pas dans ce moment-ci; je n'en suis pas digne que vous dirai-je? je ne le désire point. Tout le monde ici m'a témoigné de l'intérÃÂȘt aujourd'hui... ils ont tous augmenté ma peine. Je sentais tant que je ne le méritais pas! Grondez-moi au contraire; grondez-moi bien, car je suis bien coupable mais aprÚs, sauvez-moi; si vous n'avez pas la bonté de me conseiller, je mourrai de chagrin. Apprenez donc... ma main tremble, comme vous voyez, je ne peux presque pas écrire, je me sens le visage tout en feu... Ah! c'est bien le rouge de la honte. Hé bien! je la souffrirai; ce sera la premiÚre punition de ma faute. Oui, je vous dirai tout. Vous saurez donc que M. de Valmont, qui m'a remis jusqu'ici les Lettres de M. Danceny, a trouvé tout d'un coup que c'était trop difficile; il a voulu avoir une clef de ma chambre. Je puis bien vous assurer que je ne voulais pas; mais il a été en écrire à Danceny, et Danceny l'a voulu aussi; et moi, ça me fait tant de peine quand je lui refuse quelque chose, surtout depuis mon absence qui le rend si malheureux, que j'ai fini par y consentir. Je ne prévoyais pas le malheur qui en arriverait. Hier, M. de Valmont s'est servi de cette clef pour venir dans ma chambre, comme j'étais endormie; je m'y attendais si peu, qu'il m'a fait bien peur en me réveillant; mais comme il m'a parlé tout de suite, je l'ai reconnu, et je n'ai pas crié; et puis l'idée m'est venue d'abord qu'il venait peut-ÃÂȘtre m'apporter une Lettre de Danceny. C'en était bien loin. Un petit moment aprÚs, il a voulu m'embrasser; et pendant que je me défendais, comme c'est naturel, il a si bien fait, que je n'aurais pas voulu pour toute chose au monde... mais, lui voulait un baiser auparavant. Il a bien fallu, car comment faire? d'autant que j'avais essayé d'appeler, mais outre que je n'ai pas pu, il a bien su me dire que, s'il venait quelqu'un, il saurait bien rejeter toute la faute sur moi; et, en effet, c'était bien facile, à cause de cette clef. Ensuite il ne s'est pas retiré davantage. Il en a voulu un second; et celui-là , je ne savais pas ce qui en était, mais il m'a toute troublée; et aprÚs, c'était encore pis qu'auparavant. Oh! par exemple, c'est bien mal ça. Enfin aprÚs... , vous m'exempterez bien de dire le reste; mais je suis malheureuse autant qu'on puisse l'ÃÂȘtre. Ce que je me reproche le plus, et dont pourtant il faut que je vous parle, c'est que j'ai peur de ne pas m'ÃÂȘtre défendue autant que je le pouvais. Je ne sais pas comment cela se faisait sûrement, je n'aime pas M. de Valmont, bien au contraire; et il y avait des moments oÃÂč j'étais comme si je l'aimais... Vous jugez bien que ça ne m'empÃÂȘchait pas de lui dire toujours que non mais je sentais bien que je ne faisais pas comme je disais; et ça, c'était comme malgré moi; et puis aussi, j'étais bien troublée! S'il est toujours aussi difficile que ça de se défendre, il faut y ÃÂȘtre bien accoutumée! Il est vrai que M. de Valmont a des façons de dire, qu'on ne sait pas comment faire pour lui répondre enfin, croiriez-vous que quand il s'en est allé, j'en étais comme fùchée, et que j'ai eu la faiblesse de consentir qu'il revÃnt ce soir ça me désole encore plus que tout le reste. Oh! malgré ça, je vous promets bien que je l'empÃÂȘcherai d'y venir. Il n'a pas été sorti, que j'ai bien senti que j'avais eu bien tort de lui promettre. Aussi, j'ai pleuré tout le reste du temps. C'est surtout Danceny qui me faisait de la peine! toutes les fois que je songeais à lui, mes pleurs redoublaient que j'en étais suffoquée, et j'y songeais toujours... et à présent encore, vous en voyez l'effet; voilà mon papier tout trempé. Non, je ne me consolerai jamais, ne fût-ce qu'à cause de lui... Enfin, je n'en pouvais plus, et pourtant je n'ai pas pu dormir une minute. Et ce matin en me levant, quand je me suis regardée au miroir, je faisais peur, tant j'étais changée. Maman s'en est aperçue dÚs qu'elle m'a vue et elle m'a demandé ce que j'avais. Moi, je me suis mise à pleurer tout de suite. Je croyais qu'elle m'allait gronder, et peut-ÃÂȘtre ça m'aurait fait moins de peine mais, au contraire. Elle m'a parlé avec douceur! Je ne le méritais guÚre. Elle m'a dit de ne pas m'affliger comme ça. Elle ne savait pas le sujet de mon affliction. Que je me rendrais malade! Il y a des moments oÃÂč je voudrais ÃÂȘtre morte. Je n'ai pas pu y tenir. Je me suis jetée dans ses bras en sanglotant, et en lui disant " Ah! Maman, votre fille est bien malheureuse! " Maman n'a pu s'empÃÂȘcher de pleurer un peu; et tout cela n'a fait qu'augmenter mon chagrin heureusement elle ne m'a pas demandé pourquoi j'étais si malheureuse, car je n'aurais su que lui dire. Je vous en supplie, Madame, écrivez-moi le plus tÎt que vous pourrez, et dites-moi ce que je dois faire, car je n'ai le courage de songer à rien, et je ne fais que m'affliger. Vous voudrez bien m'adresser votre Lettre par M. de Valmont; mais je vous en prie, si vous lui écrivez en mÃÂȘme temps, ne lui parlez pas que je vous aie rien dit. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, Madame, avec toujours bien de l'amitié, votre trÚs humble et trÚs obéissante servante... Je n'ose pas signer cette Lettre. Du Chùteau de ..., ce 1er octobre 17**. LETTRE XCVIII MADAME DE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Il y a bien peu de jours, ma charmante amie, que c'était vous qui me demandiez des consolations et des conseils aujourd'hui, c'est mon tour; et je vous fais pour moi la mÃÂȘme demande que vous me faisiez pour vous. Je suis bien réellement affligée, et je crains de n'avoir pas pris les meilleurs moyens pour éviter les chagrins que j'éprouve. C'est ma fille qui cause mon inquiétude. Depuis mon départ je l'avais bien vue toujours triste et chagrine; mais je m'y attendais, et j'avais armé mon cÅ“ur d'une sévérité que je jugeais nécessaire. J'espérais que l'absence, les distractions détruiraient bientÎt un amour que je regardais plutÎt comme une erreur de l'enfance que comme une véritable passion. Cependant, loin d'avoir rien gagné depuis mon séjour ici, je m'aperçois que cet enfant se livre de plus en plus à une mélancolie dangereuse; et je crains, tout de bon, que sa santé ne s'altÚre. ParticuliÚrement depuis quelques jours elle change à vue d'oeil. Hier, surtout, elle me frappa, et tout le monde ici en fut vraiment alarmé. Ce qui me prouve encore combien elle est affectée vivement, c'est que je la vois prÃÂȘte à surmonter la timidité qu'elle a toujours eue avec moi. Hier matin, sur la simple demande que je lui fis si elle était malade, elle se précipita dans mes bras en me disant qu'elle était bien malheureuse; et elle pleura aux sanglots. Je ne puis vous rendre la peine qu'elle m'a faite; les larmes me sont venues aux yeux tout de suite et je n'ai eu que le temps de me détourner, pour empÃÂȘcher qu'elle ne me vÃt. Heureusement j'ai eu la prudence de ne lui faire aucune question, et elle n'a pas osé m'en dire davantage mais il n'en est pas moins clair que c'est cette malheureuse passion qui la tourmente. Quel parti prendre pourtant, si cela dure? ferai-je le malheur de ma fille? tournerai-je contre elle les qualités les plus précieuses de l'ùme, la sensibilité et la constance? est-ce pour cela que je suis sa mÚre? et quand j'étoufferais ce sentiment si naturel qui nous fait vouloir le bonheur de nos enfants; quand je regarderais comme une faiblesse ce que je crois, au contraire, le premier, le plus sacré de nos devoirs; si je force son choix, n'aurai-je pas à répondre des suites funestes qu'il peut avoir? Quel usage à faire de l'autorité maternelle que de placer sa fille entre le crime et le malheur! Mon amie, je n'imiterai pas ce que j'ai blùmé si souvent. J'ai pu, sans doute, tenter de faire un choix pour ma fille; je ne faisais en cela que l'aider de mon expérience ce n'était pas un droit que j'exerçais, je remplissais un devoir. J'en trahirais un, au contraire, en disposant d'elle au mépris d'un penchant que je n'ai pas su empÃÂȘcher de naÃtre et dont ni elle, ni moi ne pouvons connaÃtre ni l'étendue ni la durée. Non, je ne souffrirai point qu'elle épouse celui-ci pour aimer celui-là , et j'aime mieux compromettre mon autorité que sa vertu. Je crois donc que je vais prendre le parti le plus sage de retirer la parole que j'ai donnée à M. de Gercourt. Vous venez d'en voir les raisons; elles me paraissent devoir l'emporter sur mes promesses. Je dis plus dans l'état oÃÂč sont les choses, remplir mon engagement, ce serait véritablement le violer. Car enfin, si je dois à ma fille de ne pas livrer son secret à M. de Gercourt, je dois au moins à celui-ci de ne pas abuser de l'ignorance oÃÂč je le laisse, et de faire pour lui tout ce que je crois qu'il ferait lui-mÃÂȘme, s'il était instruit. Irai-je, au contraire, le trahir indignement, quand il se livre à ma foi, et, tandis qu'il m'honore en me choisissant pour sa seconde mÚre, le tromper dans le choix qu'il veut faire de la mÚre de ses enfants? Ces réflexions si vraies et auxquelles je ne peux me refuser m'alarment plus que je ne puis vous dire. Aux malheurs qu'elles me font redouter, je compare ma fille, heureuse avec l'époux que son cÅ“ur a choisi, ne connaissant ses devoirs que par la douceur qu'elle trouve à les remplir; mon gendre également satisfait et se félicitant, chaque jour, de son choix; chacun d'eux ne trouvant de bonheur que dans le bonheur de l'autre, et celui de tous deux se réunissant pour augmenter le mien. L'espoir d'un avenir si doux doit-il ÃÂȘtre sacrifié à de vaines considérations? Et quelles sont celles qui me retiennent? uniquement des vues d'intérÃÂȘt. De quel avantage sera-t-il donc pour ma fille d'ÃÂȘtre née riche, si elle n'en doit pas moins ÃÂȘtre esclave de la fortune? Je conviens que M. de Gercourt est un parti meilleur, peut-ÃÂȘtre, que je ne devais l'espérer pour ma fille; j'avoue mÃÂȘme que j'ai été extrÃÂȘmement flattée du choix qu'il a fait d'elle. Mais enfin, Danceny est d'une aussi bonne maison que lui; il ne lui cÚde en rien pour les qualités personnelles; il a sur M. de Gercourt l'avantage d'aimer et d'ÃÂȘtre aimé il n'est pas riche à la vérité; mais ma fille ne l'est-elle pas assez pour eux deux? Ah! pourquoi lui ravir la satisfaction si douce d'enrichir ce qu'elle aime! Ces mariages qu'on calcule au lieu de les assortir, qu'on appelle de convenance, et oÃÂč tout se convient en effet, hors les goûts et les caractÚres, ne sont-ils pas la source la plus féconde de ces éclats scandaleux qui deviennent tous les jours plus fréquents? J'aime mieux différer au moins j'aurai le temps d'étudier ma fille que je ne connais pas. Je me sens bien le courage de lui causer un chagrin passager, si elle en doit recueillir un bonheur plus solide mais de risquer de la livrer à un désespoir éternel, cela n'est pas dans mon cÅ“ur. Voilà , ma chÚre amie, les idées qui me tourmentent, et sur quoi je réclame vos conseils. Ces objets sévÚres contrastent beaucoup avec votre aimable gaieté, et ne paraissent guÚre de votre ùge mais votre raison l'a tant devancé! Votre amitié d'ailleurs aidera votre prudence; et je ne crains point que l'une ou l'autre se refusent à la sollicitude maternelle qui les implore. Adieu, ma charmante amie; ne doutez jamais de la sincérité de mes sentiments. Du Chùteau de ..., ce 2 octobre 17**. LETTRE XCIX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Encore de petits événements, ma belle amie; mais des scÚnes seulement, point d'actions. Ainsi, armez-vous de patience; prenez-en mÃÂȘme beaucoup car tandis que ma Présidente marche à si petits pas, votre pupille recule, et c'est bien pis encore. Hé bien! j'ai le bon esprit de m'amuser de ces misÚres-là . Véritablement je m'accoutume fort bien à mon séjour ici; et je puis dire que dans le triste Chùteau de ma vieille tante, je n'ai pas éprouvé un moment d'ennui. Au fait, n'y ai-je pas jouissances, privations, espoir, incertitude? Qu'a- t-on de plus sur un plus grand théùtre? des spectateurs? Hé! laissez faire, ils ne me manqueront pas. S'ils ne me voient pas à l'ouvrage, je leur montrerai ma besogne faite; ils n'auront plus qu'à admirer et applaudir. Oui, ils applaudiront; car je puis enfin prédire, avec certitude, le moment de la chute de mon austÚre Dévote. J'ai assisté ce soir à l'agonie de la vertu. La douce faiblesse va régner à sa place. Je n'en fixe pas l'époque plus tard qu'à notre premiÚre entrevue mais déjà je vous entends crier à l'orgueil. Annoncer sa victoire, se vanter à l'avance. Hé, là , là , calmez-vous! Pour vous prouver ma modestie, je vais commencer par l'histoire de ma défaite. En vérité, votre pupille est une petite personne bien ridicule! C'est bien un enfant qu'il faudrait traiter comme tel, et à qui on ferait grùce en ne le mettant qu'en pénitence! Croiriez-vous qu'aprÚs ce qui s'est passé avant-hier entre elle et moi, aprÚs la façon amicale dont nous nous sommes quittés hier matin; lorsque j'ai voulu y retourner le soir, comme elle en était convenue, j'ai trouvé sa porte fermée en dedans? Qu'en dites-vous? on éprouve quelquefois de ces enfantillages-là la veille mais le lendemain! cela n'est-il pas plaisant? Je n'en ai pourtant pas ri d'abord, jamais je n'avais autant senti l'empire de mon caractÚre. Assurément j'allais à ce rendez-vous sans plaisir, et uniquement par procédé. Mon lit, dont j'avais grand besoin, me semblait, pour le moment, préférable à celui de tout autre, et je ne m'en étais éloigné qu'à regret. Cependant je n'ai pas eu plutÎt trouvé un obstacle que je brûlais de le franchir; j'étais humilié, surtout, qu'un enfant m'eût joué. Je me retirai donc avec beaucoup d'humeur et dans le projet de ne plus me mÃÂȘler de ce sot enfant, ni de ses affaires, je lui avais écrit, sur-le-champ, un billet que je comptais lui remettre aujourd'hui, et oÃÂč je l'évaluais à son juste prix. Mais, comme on dit, la nuit porte conseil; j'ai trouvé ce matin que, n'ayant pas ici le choix des distractions, il fallait garder celle-là ; j'ai donc supprimé le sévÚre billet. Depuis que j'y ai réfléchi, je ne reviens pas d'avoir eu l'idée de finir une aventure, avant d'avoir en main de quoi en perdre l'Héroïne. OÃÂč nous mÚne pourtant un premier mouvement! Heureux, ma belle amie, qui a su, comme vous, s'accoutumer à n'y jamais céder. Enfin j'ai différé ma vengeance; j'ai fait ce sacrifice à vos vues sur Gercourt. A présent que je ne suis plus en colÚre, je ne vois plus que du ridicule dans la conduite de votre pupille. En effet, je voudrais bien savoir ce qu'elle espÚre gagner par là ! pour moi je m'y perds si ce n'est que pour se défendre, il faut convenir qu'elle s'y prend un peu tard. Il faudra bien qu'un jour elle me dise le mot de cette énigme! J'ai grande envie de le savoir. C'est peut-ÃÂȘtre seulement qu'elle se trouvait fatiguée? franchement cela se pourrait; car sans doute elle ignore encore que les flÚches de l'Amour, comme la lance d'Achille, portent avec elles le remÚde aux blessures qu'elles font. Mais non, à sa petite grimace de toute la journée, je parierais qu'il entre là -dedans du repentir... là ... quelque chose... comme de la vertu... De la vertu!... c'est bien à elle qu'il convient d'en avoir! Ah! qu'elle la laisse à la femme véritablement née pour elle, la seule qui sache l'embellir, qui la ferait aimer!... Pardon, ma belle amie mais c'est ce soir mÃÂȘme que s'est passée, entre Madame de Tourvel et moi, la scÚne dont j'ai à vous rendre compte, et j'en conserve encore quelque émotion. J'ai besoin de me faire violence pour me distraire de l'impression qu'elle m'a faite, c'est mÃÂȘme pour m'y aider, que je me suis mis à vous écrire. Il faut pardonner quelque chose à ce premier moment. Il y a déjà quelques jours que nous sommes d'accord, Madame de Tourvel et moi, sur nos sentiments; nous ne disputons plus que sur les mots. C'était toujours, à la vérité, son amitié qui répondait à mon amour mais ce langage de convention ne changeait pas le fond des choses; et quand nous serions restés ainsi, j'en aurais peut-ÃÂȘtre été moins vite, mais non pas moins sûrement. Déjà mÃÂȘme il n'était plus question de m'éloigner, comme elle le voulait d'abord; et pour les entretiens que nous avons journellement, si je mets mes soins à lui en offrir l'occasion, elle met les siens à la saisir. Comme c'est ordinairement à la promenade que se passent nos petits rendez- vous, le temps affreux qu'il a fait tout aujourd'hui ne me laissait rien espérer j'en étais mÃÂȘme vraiment contrarié; je ne prévoyais pas combien je devais gagner à ce contretemps. Ne pouvant se promener, on s'est mis à jouer en sortant de table; et comme je joue peu, et que je ne suis plus nécessaire, j'ai pris ce temps pour monter chez moi, sans autre projet que d'y attendre, à peu prÚs, la fin de la partie. Je retournais joindre le cercle, quand j'ai trouvé la charmante femme qui entrait dans son appartement, et qui, soit imprudence ou faiblesse, m'a dit de sa douce voix " OÃÂč allez-vous donc? Il n'y a personne au salon. " Il ne m'en a pas fallu davantage, comme vous pouvez croire, pour essayer d'entrer chez elle; j'y ai trouvé moins de résistance que je ne m'y attendais. Il est vrai que j'avais eu la précaution de commencer la conversation à la porte, et de la commencer indifférente; mais à peine avons-nous été établis, que j'ai ramené la véritable, et que j'ai parlé de mon amour à mon amie . Sa premiÚre réponse, quoique simple, m'a paru assez expressive " Oh! tenez, m'a-t-elle dit, ne parlons pas de cela ici " , et elle tremblait. La pauvre femme! elle se voit mourir. Pourtant elle avait tort de craindre. Depuis quelque temps, assuré du succÚs un jour ou l'autre, et la voyant user tant de force dans d'inutiles combats, j'avais résolu de ménager les miennes, et d'attendre sans effort qu'elle se rendÃt de lassitude. Vous sentez bien qu'ici il faut un triomphe complet, et que je ne veux rien devoir à l'occasion. C'était mÃÂȘme d'aprÚs ce plan formé, et pour pouvoir ÃÂȘtre pressant, sans m'engager trop, que je suis revenu à ce mot d'amour, si obstinément refusé; sûr qu'on me croyait assez d'ardeur, j'ai essayé un ton plus tendre. Ce refus ne me fùchait plus, il m'affligeait; ma sensible amie ne me devait-elle pas quelques consolations? Tout en me consolant, une main était restée dans la mienne; le joli corps était appuyé sur mon bras, et nous étions extrÃÂȘmement rapprochés. Vous avez sûrement remarqué combien, dans cette situation, à mesure que la défense mollit, les demandes et les refus se passent de plus prÚs; comment la tÃÂȘte se détourne et les regards se baissent, tandis que les discours, toujours prononcés d'une voix faible, deviennent rares et entrecoupés. Ces symptÎmes précieux annoncent, d'une maniÚre non équivoque, le consentement de l'ùme mais rarement a-t-il encore passé jusqu'aux sens; je crois mÃÂȘme qu'il est toujours dangereux de tenter alors quelque entreprise trop marquée; parce que cet état d'abandon n'étant jamais sans un plaisir trÚs doux, on ne saurait forcer d'en sortir, sans causer une humeur qui tourne infailliblement au profit de la défense. Mais, dans le cas présent, la prudence m'était d'autant plus nécessaire, que j'avais surtout à redouter l'effroi que cet oubli d'elle-mÃÂȘme ne manquerait pas de causer à ma tendre rÃÂȘveuse. Aussi cet aveu que je demandais, je n'exigeais pas mÃÂȘme qu'il fût prononcé; un regard pouvait suffire; un seul regard, et j'étais heureux. Ma belle amie, les beaux yeux se sont en effet levés sur moi, la bouche céleste a mÃÂȘme prononcé " Eh bien! oui, je... " Mais tout à coup le regard s'est éteint, la voix a manqué, et cette femme adorable est tombée dans mes bras. A peine avais-je eu le temps de l'y recevoir, que se dégageant avec une force convulsive, la vue égarée, et les mains élevées vers le Ciel... " Dieu... Î mon Dieu, sauvez-moi " , s'est-elle écriée; et sur-le-champ, plus prompte que l'éclair, elle était à genoux à dix pas de moi. Je l'entendais prÃÂȘte à suffoquer. Je me suis avancé pour la secourir; mais elle, prenant mes mains qu'elle baignait de pleurs, quelquefois mÃÂȘme embrassant mes genoux " Oui, ce sera vous, disait-elle, ce sera vous qui me sauverez! Vous ne voulez pas ma mort, laissez-moi; sauvez-moi; laissez-moi; au nom de Dieu, laissez-moi! " Et ces discours peu suivis s'échappaient à peine à travers des sanglots redoublés. Cependant elle me tenait avec une force qui ne m'aurait pas permis de m'éloigner; alors rassemblant les miennes, je l'ai soulevée dans mes bras. Au mÃÂȘme instant les pleurs ont cessé; elle ne parlait plus; tous ses membres se sont roidis, et de violentes convulsions ont succédé à cet orage. J'étais, je l'avoue, vivement ému, et je crois que j'aurais consenti à sa demande, quand les circonstances ne m'y auraient pas forcé. Ce qu'il y a de vrai, c'est qu'aprÚs lui avoir donné quelques secours, je l'ai laissée comme elle m'en priait, et que je m'en félicite. Déjà j'en ai presque reçu le prix. Je m'attendais qu'ainsi que le jour de ma premiÚre déclaration, elle ne se montrerait pas de la soirée. Mais vers les huit heures, elle est descendue au salon, et a seulement annoncé au cercle qu'elle s'était trouvée fort incommodée. Sa figure était abattue, sa voix faible, et son maintien composé; mais son regard était doux, et souvent il s'est fixé sur moi. Son refus de jouer m'ayant mÃÂȘme obligé de prendre sa place, elle a pris la sienne à mon cÎté. Pendant le souper, elle est restée seule dans le salon. Quand on y est revenu, j'ai cru m'apercevoir qu'elle avait pleuré pour m'en éclaircir, je lui ai dit qu'il me semblait qu'elle s'était encore ressentie de son incommodité; à quoi elle m'a obligeamment répondu " Ce mal-là ne s'en va pas si vite qu'il vient! " Enfin quand on s'est retiré, je lui ai donné la main; et à la porte de son appartement elle a serré la mienne avec force. Il est vrai que ce mouvement m'a paru avoir quelque chose d'involontaire mais tant mieux; c'est une preuve de plus de mon empire. Je parierais qu'à présent elle est enchantée d'en ÃÂȘtre là tous les frais sont faits; il ne reste plus qu'à jouir. Peut-ÃÂȘtre, pendant que je vous écris, s'occupe-t-elle déjà de cette douce idée! et quand mÃÂȘme elle s'occuperait, au contraire, d'un nouveau projet de défense, ne savons-nous pas bien ce que deviennent tous ces projets-là ? Je vous le demande, cela peut-il aller plus loin que notre prochaine entrevue? Je m'attends bien, par exemple, qu'il y aura quelques façons pour l'accorder, mais bon! le premier pas franchi, ces Prudes austÚres savent-elles s'arrÃÂȘter? leur amour est une véritable explosion; la résistance y donne plus de force. Ma farouche Dévote courrait aprÚs moi, si je cessais de courir aprÚs elle. Enfin, ma belle amie, incessamment j'arriverai chez vous, pour vous sommer de votre parole. Vous n'avez pas oublié sans doute ce que vous m'avez promis aprÚs le succÚs; cette infidélité à votre Chevalier? ÃÂȘtes-vous prÃÂȘte? pour moi je le désire comme si nous ne nous étions jamais connus. Au reste, vous connaÃtre est peut-ÃÂȘtre une raison pour le désirer davantage Je suis juste, et ne suis point galant [VOLTAIRE, Comédie de Nanine]. Aussi ce sera la premiÚre infidélité que je ferai à ma grave conquÃÂȘte; et je vous promets de profiter du premier prétexte pour m'absenter vingt-quatre heures d'auprÚs d'elle. Ce sera sa punition, de m'avoir tenu si longtemps éloigné de vous. Savez-vous que voilà plus de deux mois que cette aventure m'occupe? oui, deux mois et trois jours; il est vrai que je compte demain, puisqu'elle ne sera véritablement consommée qu'alors. Cela me rappelle que Mademoiselle de B*** a résisté les trois mois complets. Je suis bien aise de voir que la franche coquetterie a plus de défense que l'austÚre vertu. Adieu, ma belle amie; il faut vous quitter, car il est fort tard. Cette Lettre m'a mené plus loin que je ne comptais; mais comme j'envoie demain matin à Paris, j'ai voulu en profiter, pour vous faire partager un jour plus tÎt la joie de votre ami. Du Chùteau de ..., ce 2 octobre 17**, au soir. LETTRE C LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Mon amie, je suis joué, trahi, perdu; je suis au désespoir Madame de Tourvel est partie. Elle est partie, et je ne l'ai pas su! et je n'étais pas là pour m'opposer à son départ, pour lui reprocher son indigne trahison! Ah! ne croyez pas que je l'eusse laissée partir, elle serait restée; oui, elle serait restée, eussé-je dû employer la violence. Mais quoi! dans ma crédule sécurité, je dormais tranquillement; je dormais, et la foudre est tombée sur moi. Non, je ne conçois rien à ce départ il faut renoncer à connaÃtre les femmes. Quand je me rappelle la journée d'hier! que dis-je? la soirée mÃÂȘme! Ce regard si doux, cette voix si tendre! et cette main serrée! et pendant ce temps, elle projetait de me fuir! Ô femmes, femmes! Plaignez-vous donc, si l'on vous trompe! Mais oui, toute perfidie qu'on emploie est un vol qu'on vous fait. Quel plaisir j'aurai à me venger! je la retrouverai, cette femme perfide; je reprendrai mon empire sur elle. Si l'amour m'a suffi pour en trouver les moyens, que ne fera-t-il pas, aidé de la vengeance? Je la verrai encore à mes genoux, tremblante et baignée de pleurs, me criant merci de sa trompeuse voix; et moi, je serai sans pitié. Que fait-elle à présent? que pense-t-elle? Peut-ÃÂȘtre elle s'applaudit de m'avoir trompé; et fidÚle aux goûts de son sexe, ce plaisir lui paraÃt le plus doux. Ce que n'a pu la vertu tant vantée, l'esprit de ruse l'a produit sans effort. Insensé! je redoutais sa sagesse; c'était sa mauvaise foi que je devais craindre. Et ÃÂȘtre obligé de dévorer mon ressentiment! n'oser montrer qu'une tendre douleur, quand j'ai le cÅ“ur rempli de rage! me voir réduit à supplier encore une femme rebelle, qui s'est soustraite à mon empire! devais-je donc ÃÂȘtre humilié à ce point? et par qui? par une femme timide, et qui jamais ne s'est exercée à combattre. A quoi me sert de m'ÃÂȘtre établi dans son cÅ“ur, de l'avoir embrasé de tous les feux de l'amour, d'avoir porté jusqu'au délire le trouble de ses sens; si tranquille dans sa retraite, elle peut aujourd'hui s'enorgueillir de sa fuite plus que moi de mes victoires? Et je le souffrirais? mon amie, vous ne le croyez pas; vous n'avez pas de moi cette humiliante idée! Mais quelle fatalité m'attache à cette femme? cent autres ne désirent-elles pas mes soins? ne s'empresseront-elles pas d'y répondre? quand mÃÂȘme aucune ne vaudrait celle-ci, l'attrait de la variété, le charme des nouvelles conquÃÂȘtes, l'éclat de leur nombre, n'offrent-ils pas des plaisirs assez doux? Pourquoi courir aprÚs celui qui nous fuit, et négliger ceux qui se présentent? Ah! pourquoi?... Je l'ignore, mais je l'éprouve fortement. Il n'est plus pour moi de bonheur, de repos, que par la possession de cette femme que je hais et que j'aime avec une égale fureur. Je ne supporterai mon sort que du moment oÃÂč je disposerai du sien. Alors tranquille et satisfait, je la verrai, à son tour, livrée aux orages que j'éprouve en ce moment, j'en exciterai mille autres encore. L'espoir et la crainte, la méfiance et la sécurité, tous les maux inventés par la haine, tous les biens accordés par l'amour, je veux qu'ils remplissent son cÅ“ur, qu'ils s'y succÚdent à ma volonté. Ce temps viendra... Mais que de travaux encore! que j'en étais prÚs hier, et qu'aujourd'hui je m'en vois éloigné! Comment m'en rapprocher? je n'ose tenter aucune démarche; je sens que pour prendre un parti il faudrait ÃÂȘtre plus calme, et mon sang bout dans mes veines. Ce qui redouble mon tourment, c'est le sang-froid avec lequel chacun répond ici à mes questions sur cet événement, sur sa cause, sur tout ce qu'il offre d'extraordinaire. Personne ne sait rien, personne ne désire de rien savoir à peine en aurait-on parlé, si j'avais consenti qu'on parlùt d'autre chose. Madame de Rosemonde, chez qui j'ai couru ce matin quand j'ai appris cette nouvelle, m'a répondu avec le froid de son ùge que c'était la suite naturelle de l'indisposition que Madame de Tourvel avait eue hier; qu'elle avait craint une maladie, et qu'elle avait préféré d'ÃÂȘtre chez elle elle trouve cela tout simple, elle en aurait fait autant, m'a-t-elle dit, comme s'il pouvait y avoir quelque chose de commun entre elles deux! entre elle, qui n'a plus qu'à mourir; et l'autre, qui fait le charme et le tourment de ma vie! Madame de Volanges, que d'abord j'avais soupçonnée d'ÃÂȘtre complice, ne paraÃt affectée que de n'avoir pas été consultée sur cette démarche. Je suis bien aise, je l'avoue, qu'elle n'ait pas eu le plaisir de me nuire. Cela me prouve encore qu'elle n'a pas, autant que je le craignais, la confiance de cette femme; c'est toujours une ennemie de moins. Comme elle se féliciterait, si elle savait que c'est moi qu'on a fui! comme elle se serait gonflée d'orgueil, si c'eût été par ses conseils! comme son importance en aurait redoublé! Mon Dieu! que je la hais! Oh! je renouerai avec sa fille; je veux la travailler à ma fantaisie aussi bien, je crois que je resterai ici quelque temps; au moins, le peu de réflexions que j'ai pu faire me porte à ce parti. Ne croyez-vous pas, en effet, qu'aprÚs une démarche aussi marquée, mon ingrate doit redouter ma présence? Si donc l'idée lui est venue que je pourrais la suivre, elle n'aura pas manqué de me fermer sa porte; et je ne veux pas plus l'accoutumer à ce moyen, qu'en souffrir l'humiliation. J'aime mieux lui annoncer au contraire que je reste ici; je lui ferai mÃÂȘme des instances pour qu'elle y revienne; et quand elle sera bien persuadée de mon absence, j'arriverai chez elle nous verrons comment elle supportera cette entrevue. Mais il faut la différer pour en augmenter l'effet, et je ne sais encore si j'en aurai la patience j'ai eu, vingt fois dans la journée, la bouche ouverte pour demander mes chevaux. Cependant je prendrai sur moi; je m'engage à recevoir votre réponse ici; je vous demande seulement, ma belle amie, de ne pas me la faire attendre. Ce qui me contrarierait le plus serait de ne pas savoir ce qui se passe mais mon Chasseur, qui est à Paris, a des droits à quelque accÚs auprÚs de la Femme de chambre il pourra me servir. Je lui envoie une instruction et de l'argent. Je vous prie de trouver bon que je joigne l'un et l'autre à cette Lettre, et aussi d'avoir soin de les lui envoyer par un de vos gens, avec ordre de les lui remettre à lui-mÃÂȘme. Je prends cette précaution, parce que le drÎle a l'habitude de n'avoir jamais reçu les Lettres que je lui écris, quand elles lui prescrivent quelque chose qui le gÃÂȘne; et que, pour le moment, il ne me paraÃt pas aussi épris de sa conquÃÂȘte que je voudrais qu'il le fût. Adieu, ma belle amie; s'il vous vient quelque idée heureuse, quelque moyen de hùter ma marche, faites-m'en part. J'ai éprouvé plus d'une fois combien votre amitié pouvait ÃÂȘtre utile; je l'éprouve encore en ce moment; car je me sens plus calme depuis que je vous écris; au moins, je parle à quelqu'un qui m'entend, et non aux automates prÚs de qui je végÚte depuis ce matin. En vérité, plus je vais, et plus je suis tenté de croire qu'il n'y a que vous et moi dans le monde, qui valions quelque chose. Du Chùteau de ..., ce 3 octobre 17**. LETTRE CI LE VICOMTE DE VALMONT A AZOLAN, SON CHASSEUR. JOINTE A LA PRECEDENTE. Il faut que vous soyez bien imbécile, vous qui ÃÂȘtes parti d'ici ce matin, de n'avoir pas su que Madame de Tourvel en partait aussi; ou, si vous l'avez su, de n'ÃÂȘtre pas venu m'en avertir. A quoi sert-il donc que vous dépensiez mon argent à vous enivrer avec les Valets; que le temps que vous devriez employer à me servir, vous le passiez à faire l'agréable auprÚs des Femmes de chambre, si je n'en suis pas mieux informé de ce qui se passe? Voilà pourtant de vos négligences! Mais je vous préviens que s'il vous en arrive une seule dans cette affaire-ci, ce sera la derniÚre que vous aurez à mon service. Il faut que vous m'instruisiez de tout ce qui se passe chez Madame de Tourvel de sa santé, si elle dort; si elle est triste ou gaie; si elle sort souvent, et chez qui elle va; si elle reçoit du monde chez elle, et qui y vient; à quoi elle passe son temps, si elle a de l'humeur avec ses Femmes, particuliÚrement avec celle qu'elle avait amenée ici; ce qu'elle fait, quand elle est seule; si, quand elle lit, elle lit de suite, ou si elle interrompt sa lecture pour rÃÂȘver; de mÃÂȘme quand elle écrit. Songez aussi à vous rendre l'ami de celui qui porte ses Lettres à la Poste. Offrez-vous souvent à lui pour faire cette commission à sa place et quand il acceptera, ne faites partir que celles qui vous paraÃtront indifférentes, et envoyez-moi les autres, surtout celles à Madame de Volanges, si vous en rencontrez. Arrangez-vous pour ÃÂȘtre encore quelque temps l'amant heureux de votre Julie. Si elle en a un autre, comme vous l'avez cru, faites-la consentir à se partager; et n'allez pas vous piquer d'une ridicule délicatesse vous serez dans le cas de bien d'autres, qui valent mieux que vous. Si pourtant votre second se rendait trop importun; si vous vous aperceviez, par exemple, qu'il occupùt trop Julie pendant la journée, et qu'elle en fût moins souvent auprÚs de sa MaÃtresse, écartez-le par quelque moyen, ou cherchez-lui querelle n'en craignez pas les suites, je vous soutiendrai. Surtout ne quittez pas cette maison. C'est par l'assiduité qu'on voit tout, et qu'on voit bien. Si mÃÂȘme le hasard faisait renvoyer quelqu'un des Gens, présentez-vous pour le remplacer, comme n'étant plus à moi. Dites, dans ce cas, que vous m'avez quitté pour chercher une maison plus tranquille et plus réglée. Tùchez enfin de vous faire accepter. Je ne vous en garderai pas moins à mon service pendant ce temps; ce sera comme chez la Duchesse de ***; et par la suite, Madame de Tourvel vous en récompensera de mÃÂȘme. Si vous aviez assez d'adresse et de zÚle, cette instruction devrait suffire; mais pour suppléer à l'un et à l'autre, je vous envoie de l'argent. Le billet ci-joint vous autorise, comme vous verrez, à toucher vingt-cinq louis chez mon homme d'affaires; car je ne doute pas que vous ne soyez sans le sou. Vous emploierez de cette somme ce qui sera nécessaire pour décider Julie à établir une correspondance avec moi. Le reste servira à faire boire les Gens. Ayez soin, autant que cela se pourra, que ce soit chez le Suisse de la maison, afin qu'il aime à vous y voir venir. Mais n'oubliez pas que ce ne sont pas vos plaisirs que je veux payer, mais vos services. Accoutumez Julie à observer tout et à tout rapporter, mÃÂȘme ce qui lui paraÃtrait minutieux. Il vaut mieux qu'elle écrive dix phrases inutiles, que d'en omettre une intéressante; et souvent ce qui paraÃt indifférent ne l'est pas. Comme il faut que je puisse ÃÂȘtre instruit sur-le-champ, s'il arrivait quelque chose qui vous parût mériter attention, aussitÎt cette Lettre reçue, vous enverrez Philippe, sur le cheval de commission, s'établir à ... [Village à moitié chemin de Paris au chùteau de Madame de Rosemonde]; il y restera jusqu'à nouvel ordre; ce sera un relais en cas de besoin. Pour la correspondance courante, la Poste suffira. Prenez garde de perdre cette Lettre. Relisez-la tous les jours, tant pour vous assurer de ne rien oublier, que pour ÃÂȘtre sûr de l'avoir encore. Faites enfin tout ce qu'il faut faire, quand on est honoré de ma confiance. Vous savez que, si je suis content de vous, vous le serez de moi. Du Chùteau de ..., ce 3 octobre 17**. LETTRE CII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE ROSEMONDE Vous serez bien étonnée, Madame, en apprenant que je pars de chez vous aussi précipitamment. Cette démarche va vous paraÃtre bien extraordinaire mais que votre surprise va redoubler encore quand vous en saurez les raisons! Peut-ÃÂȘtre trouverez-vous qu'en vous les confiant, je ne respecte pas assez la tranquillité nécessaire à votre ùge; que je m'écarte mÃÂȘme des sentiments de vénération qui vous sont dus à tant de titres? Ah! Madame, pardon mais mon cÅ“ur est oppressé; il a besoin d'épancher sa douleur dans le sein d'une amie également douce et prudente quelle autre que vous pouvait-il choisir? Regardez-moi comme votre enfant. Ayez pour moi les bontés maternelles; je les implore. J'y ai peut-ÃÂȘtre quelques droits par mes sentiments pour vous. OÃÂč est le temps oÃÂč, tout entiÚre à ces sentiments louables, je ne connaissais point ceux qui, portant dans l'ùme le trouble mortel que j'éprouve, Îtent la force de les combattre en mÃÂȘme temps qu'ils en imposent le devoir? Ah! ce fatal voyage m'a perdue... Que vous dirai-je enfin? j'aime, oui, j'aime éperdument. Hélas! ce mot que j'écris pour la premiÚre fois, ce mot si souvent demandé sans ÃÂȘtre obtenu, je payerais de ma vie la douceur de pouvoir une fois seulement le faire entendre à celui qui l'inspire; et pourtant il faut le refuser sans cesse! Il va douter encore de mes sentiments; il croira avoir à s'en plaindre. Je suis bien malheureuse! Que ne lui est-il aussi facile de lire dans mon cÅ“ur que d'y régner? Oui, je souffrirais moins, s'il savait tout ce que je souffre; mais vous-mÃÂȘme, à qui je le dis, vous n'en aurez encore qu'une faible idée. Dans peu de moments, je vais le fuir et l'affliger. Tandis qu'il se croira encore prÚs de moi, je serai déjà loin de lui à l'heure oÃÂč j'avais coutume de le voir chaque jour, je serai dans des lieux oÃÂč il n'est jamais venu, oÃÂč je ne dois pas permettre qu'il vienne. Déjà tous mes préparatifs sont faits; tout est là , sous mes yeux; je ne puis les reposer sur rien qui ne m'annonce ce cruel départ. Tout est prÃÂȘt, excepté moi!... et plus mon cÅ“ur s'y refuse, plus il me prouve la nécessité de m'y soumettre. Je m'y soumettrai sans doute, il vaut mieux mourir que de vivre coupable. Déjà , je le sens, je ne le suis que trop; je n'ai sauvé que ma sagesse, la vertu s'est évanouie. Faut-il vous l'avouer, ce qui me reste encore, je le dois à sa générosité. Enivrée du plaisir de le voir, de l'entendre, de la douceur de le sentir auprÚs de moi, du bonheur plus grand de pouvoir faire le sien, j'étais sans puissance et sans force; à peine m'en restait-il pour combattre, je n'en avais plus pour résister; je frémissais de mon danger, sans pouvoir le fuir. Hé bien! il a vu ma peine, et il a eu pitié de moi. Comment ne le chérirais-je pas? Je lui dois bien plus que la vie. Ah! si en restant auprÚs de lui je n'avais à trembler que pour elle, ne croyez pas que jamais je consentisse à m'éloigner. Que m'est-elle sans lui, ne serais-je pas trop heureuse de la perdre? Condamnée à faire éternellement son malheur et le mien; à n'oser ni me plaindre, ni le consoler; à me défendre chaque jour contre lui, contre moi-mÃÂȘme; à mettre mes soins à causer sa peine, quand je voudrais les consacrer tous à son bonheur. Vivre ainsi n'est-ce pas mourir mille fois? Voilà pourtant quel va ÃÂȘtre mon sort. Je le supporterai cependant, j'en aurai le courage. Ô vous, que je choisis pour ma mÚre, recevez-en le serment! Recevez aussi celui que je fais de ne vous dérober aucune de mes actions; recevez-le, je vous en conjure; je vous le demande comme un secours dont j'ai besoin ainsi, engagée à vous dire tout, je m'accoutumerai à me croire toujours en votre présence. Votre vertu remplacera la mienne. Jamais, sans doute, je ne consentirai à rougir à vos yeux; et retenue par ce frein puissant, tandis que je chérirai en vous l'indulgente amie, confidente de ma faiblesse, j'y honorerai encore l'Ange tutélaire qui me sauvera de la honte. C'est bien en éprouver assez que d'avoir à faire cette demande. Fatal effet d'une présomptueuse confiance! pourquoi n'ai-je pas redouté plus tÎt ce penchant que j'ai senti naÃtre? Pourquoi me suis-je flattée de pouvoir à mon gré le maÃtriser ou le vaincre? Insensée! je connaissais bien peu l'amour! Ah! si je l'avais combattu avec plus de soin, peut-ÃÂȘtre eût-il pris moins d'empire! peut-ÃÂȘtre alors ce départ n'eût pas été nécessaire; ou mÃÂȘme, en me soumettant à ce parti douloureux, j'aurais pu ne pas rompre entiÚrement une liaison qu'il eût suffi de rendre moins fréquente! Mais tout perdre à la fois! et pour jamais! Ô mon amie!... Mais quoi! mÃÂȘme en vous écrivant, je m'égare encore dans des vÅ“ux criminels. Ah! partons, partons, et que du moins ces torts involontaires soient expiés par mes sacrifices. Adieu, ma respectable amie; aimez-moi comme votre fille, adoptez-moi pour telle; et soyez sûre que, malgré ma faiblesse, j'aimerais mieux mourir que de me rendre indigne de votre choix. De ..., ce 3 octobre 17**, à une heure du matin. LETTRE CIII MADAME DE ROSEMONDE A LA PRESIDENTE DE TOURVEL J'ai été, ma chÚre Belle, plus affligée de votre départ que surprise de sa cause; une longue expérience et l'intérÃÂȘt que vous inspirez avaient suffi pour m'éclairer sur l'état de votre cÅ“ur; et s'il faut tout dire, vous ne m'avez rien ou presque rien appris par votre Lettre. Si je n'avais été instruite que par elle, j'ignorerais encore quel est celui que vous aimez; car en me parlant de lui tout le temps, vous n'avez pas écrit son nom une seule fois. Je n'en avais pas besoin; je sais bien qui c'est. Mais je le remarque, parce que je me suis rappelé que c'est toujours là le style de l'amour. Je vois qu'il en est encore comme au temps passé. Je ne croyais guÚre ÃÂȘtre jamais dans le cas de revenir sur des souvenirs si éloignés de moi, et si étrangers à mon ùge. Pourtant, depuis hier, je m'en suis vraiment beaucoup occupée, par le désir que j'avais d'y trouver quelque chose qui pût vous ÃÂȘtre utile. Mais que puis-je faire, que vous admirer et vous plaindre? Je loue le parti sage que vous avez pris mais il m'effraie, parce que j'en conclus que vous l'avez jugé nécessaire; et quand on en est là , il est bien difficile de se tenir toujours éloignée de celui dont notre cÅ“ur nous rapproche sans cesse. Cependant ne vous découragez pas. Rien ne doit ÃÂȘtre impossible à votre belle ùme; et quand vous devriez un jour avoir le malheur de succomber ce qu'à Dieu ne plaise!, croyez-moi, ma chÚre Belle, réservez-vous au moins la consolation d'avoir combattu de toute votre puissance. Et puis, ce que ne peut la sagesse humaine, la grùce divine l'opÚre quand il lui plaÃt. Peut-ÃÂȘtre ÃÂȘtes- vous à la veille de ses secours; et votre vertu, éprouvée dans ces combats terribles, en sortira plus pure, et plus brillante. La force que vous n'avez pas aujourd'hui, espérez que vous la recevrez demain. N'y comptez pas pour vous en reposer sur elle, mais pour vous encourager à user de toutes les vÎtres. En laissant à la Providence le soin de vous secourir dans un danger contre lequel je ne peux rien, je me réserve de vous soutenir et vous consoler autant qu'il sera en moi. Je ne soulagerai pas vos peines, mais je les partagerai. C'est à ce titre que je recevrai volontiers vos confidences. Je sens que votre cÅ“ur doit avoir besoin de s'épancher. Je vous ouvre le mien; l'ùge ne l'a pas encore refroidi au point d'ÃÂȘtre insensible à l'amitié. Vous le trouverez toujours prÃÂȘt à vous recevoir. Ce sera un faible soulagement à vos douleurs, mais au moins vous ne pleurerez pas seule et quand ce malheureux amour, prenant trop d'empire sur vous, vous forcera d'en parler, il vaut mieux que ce soit avec moi qu'avec lui . Voilà que je parle comme vous; et je crois qu'à nous deux nous ne parviendrons pas à le nommer; au reste, nous nous entendons. Je ne sais si je fais bien de vous dire qu'il m'a paru vivement affecté de votre départ; il serait peut-ÃÂȘtre plus sage de ne vous en pas parler mais je n'aime pas cette sagesse qui afflige ses amis. Je suis pourtant forcée de n'en pas parler plus longtemps. Ma vue débile et ma main tremblante ne me permettent pas de longues Lettres, quand il faut les écrire moi-mÃÂȘme. Adieu donc, ma chÚre Belle; adieu, mon aimable enfant; oui, je vous adopte volontiers pour ma fille, et vous avez bien tout ce qu'il faut pour faire l'orgueil et le plaisir d'une mÚre. Du Chùteau de ..., ce 3 octobre 17**. LETTRE CIV LA MARQUISE DE MERTEUIL A MADAME DE VOLANGES En vérité, ma chÚre et bonne amie, j'ai eu peine à me défendre d'un mouvement d'orgueil, en lisant votre Lettre. Quoi! vous m'honorez de votre entiÚre confiance! vous allez mÃÂȘme jusqu'à me demander des conseils! Ah! je suis bien heureuse, si je mérite cette opinion favorable de votre part si je ne la dois pas seulement à la prévention de l'amitié. Au reste, quel qu'en soit le motif, elle n'en est pas moins précieuse à mon cÅ“ur; et l'avoir obtenue n'est à mes yeux qu'une raison de plus pour travailler davantage à la mériter. Je vais donc mais sans prétendre vous donner un avis vous dire librement ma façon de penser. Je m'en méfie, parce qu'elle diffÚre de la vÎtre; mais quand je vous aurai exposé mes raisons, vous les jugerez; et si vous les condamnez, je souscris d'avance à votre jugement. J'aurai au moins cette sagesse de ne pas me croire plus sage que vous. Si pourtant, et pour cette seule fois, mon avis se trouvait préférable, il faudrait en chercher la cause dans les illusions de l'amour maternel. Puisque ce sentiment est louable, il doit se trouver en vous. Qu'il se reconnaÃt bien en effet dans le parti que vous ÃÂȘtes tentée de prendre! c'est ainsi que, s'il vous arrive d'errer quelquefois, ce n'est jamais que dans le choix des vertus. La prudence est, à ce qu'il me semble, celle qu'il faut préférer, quand on dispose du sort des autres, et surtout quand il s'agit de le fixer par un lien indissoluble et sacré, tel que celui du mariage. C'est alors qu'une mÚre, également sage et tendre, doit comme vous le dites si bien, aider sa fille de son expérience . Or, je vous le demande, qu'a-t-elle à faire pour y parvenir? sinon de distinguer pour elle, entre ce qui plaÃt et ce qui convient. Ne serait-ce donc pas avilir l'autorité maternelle, ne serait-ce pas l'anéantir, que de la subordonner à un goût frivole dont la puissance illusoire ne se fait sentir qu'à ceux qui la redoutent, et disparaÃt sitÎt qu'on la méprise? Pour moi, je l'avoue, je n'ai jamais cru à ces passions entraÃnantes et irrésistibles, dont il semble qu'on soit convenu de faire l'excuse générale de nos dérÚglements. Je ne conçois point comment un goût, qu'un moment voit naÃtre et qu'un autre voit mourir, peut avoir plus de force que les principes inaltérables de pudeur, d'honnÃÂȘteté et de modestie; et je n'entends pas plus qu'une femme qui les trahit puisse ÃÂȘtre justifiée par sa passion prétendue, qu'un voleur ne le serait par la passion de l'argent, ou un assassin par celle de la vengeance. Eh! qui peut dire n'avoir jamais eu à combattre? Mais j'ai toujours cherché à me persuader que, pour résister, il suffisait de le vouloir, et jusqu'alors au moins, mon expérience a confirmé mon opinion. Que serait la vertu, sans les devoirs qu'elle impose? son culte est dans nos sacrifices, sa récompense dans nos cÅ“urs. Ces vérités ne peuvent ÃÂȘtre niées que par ceux qui ont intérÃÂȘt de les méconnaÃtre; et qui, déjà dépravés, espÚrent faire un moment illusion, en essayant de justifier leur mauvaise conduite par de mauvaises raisons. Mais pourrait-on le craindre d'un enfant simple et timide; d'un enfant né de vous, et dont l'éducation modeste et pure n'a pu que fortifier l'heureux naturel? C'est pourtant à cette crainte, que j'ose dire humiliante pour votre fille, que vous voulez sacrifier le mariage avantageux que votre prudence avait ménagé pour elle! J'aime beaucoup Danceny; et depuis longtemps, comme vous savez, je vois peu M. de Gercourt; mais mon amitié pour l'un, mon indifférence pour l'autre, ne m'empÃÂȘchent point de sentir l'énorme différence qui se trouve entre ces deux partis. Leur naissance est égale, j'en conviens; mais l'un est sans fortune, et celle de l'autre est telle que, mÃÂȘme sans naissance, elle aurait suffi pour le mener à tout. J'avoue bien que l'argent ne fait pas le bonheur; mais il faut avouer aussi qu'il le facilite beaucoup. Mademoiselle de Volanges est, comme vous le dites, assez riche pour deux cependant, soixante mille livres de rente dont elle va jouir ne sont pas déjà tant quand on porte le nom de Danceny, quand il faut monter et soutenir une maison qui y réponde. Nous ne sommes plus au temps de Madame de Sévigné. Le luxe absorbe tout on le blùme, mais il faut l'imiter, et le superflu finit par priver du nécessaire. Quant aux qualités personnelles que vous comptez pour beaucoup, et avec beaucoup de raison, assurément M. de Gercourt est sans reproche de ce cÎté; et à lui, ses preuves sont faites. J'aime à croire, et je crois qu'en effet Danceny ne lui cÚde en rien; mais en sommes-nous aussi sûres? Il est vrai qu'il a paru jusqu'ici exempt des défauts de son ùge, et que malgré le ton du jour il montre un goût pour la bonne compagnie qui fait augurer favorablement de lui mais qui sait si cette sagesse apparente, il ne la doit pas à la médiocrité de sa fortune? Pour peu qu'on craigne d'ÃÂȘtre fripon ou crapuleux, il faut de l'argent pour ÃÂȘtre joueur et libertin, et l'on peut encore aimer les défauts dont on redoute les excÚs. Enfin il ne serait pas le milliÚme qui aurait vu la bonne compagnie uniquement faute de pouvoir mieux faire. Je ne dis pas à Dieu ne plaise! que je croie tout cela de lui mais ce serait toujours un risque à courir; et quels reproches n'auriez-vous pas à vous faire, si l'événement n'était pas heureux! Que répondriez-vous à votre fille, qui vous dirait " Ma mÚre, j'étais jeune et sans expérience; j'étais mÃÂȘme séduite par une erreur pardonnable à mon ùge mais le Ciel, qui avait prévu ma faiblesse, m'avait accordé une mÚre sage, pour y remédier et m'en garantir. Pourquoi donc, oubliant votre prudence, avez-vous consenti à mon malheur? était-ce à moi à me choisir un époux, quand je ne connaissais rien de l'état du mariage? Quand je l'aurais voulu, n'était-ce pas à vous à vous y opposer? Mais je n'ai jamais eu cette folle volonté. Décidée à vous obéir, j'ai attendu votre choix avec une respectueuse résignation; jamais je ne me suis écartée de la soumission que je vous devais, et cependant je porte aujourd'hui la peine qui n'est due qu'aux enfants rebelles. Ah! votre faiblesse m'a perdue ... " Peut-ÃÂȘtre son respect étoufferait-il ces plaintes; mais l'amour maternel les devinerait et les larmes de votre fille, pour ÃÂȘtre dérobées, n'en couleraient pas moins sur votre cÅ“ur. OÃÂč chercherez-vous alors vos consolations? Sera-ce dans ce fol amour, contre lequel vous auriez dû l'armer, et par qui au contraire vous vous serez laissé séduire? J'ignore, ma chÚre amie, si j'ai contre cette passion une prévention trop forte; mais je la crois redoutable, mÃÂȘme dans le mariage. Ce n'est pas que je désapprouve qu'un sentiment honnÃÂȘte et doux vienne embellir le lien conjugal, et adoucir en quelque sorte les devoirs qu'il impose; mais ce n'est pas à lui qu'il appartient de le former; ce n'est pas à l'illusion d'un moment à régler le choix de notre vie. En effet, pour choisir, il faut comparer; et comment le pouvoir, quand un seul objet nous occupe; quand celui-là mÃÂȘme on ne peut le connaÃtre, plongé que l'on est dans l'ivresse et l'aveuglement? J'ai rencontré, comme vous pouvez croire, plusieurs femmes atteintes de ce mal dangereux; j'ai reçu les confidences de quelques-unes. A les entendre, il n'en est point dont l'Amant ne soit un ÃÂȘtre parfait mais ces perfections chimériques n'existent que dans leur imagination. Leur tÃÂȘte exaltée ne rÃÂȘve qu'agréments et vertus; elles en parent à plaisir celui qu'elles préfÚrent c'est la draperie d'un Dieu, portée souvent par un modÚle abject mais quel qu'il soit, à peine l'en ont-elles revÃÂȘtu, que, dupes de leur propre ouvrage, elles se prosternent pour l'adorer. Ou votre fille n'aime pas Danceny, ou elle éprouve cette mÃÂȘme illusion; elle est commune à tous deux, si leur amour est réciproque. Ainsi votre raison pour les unir à jamais se réduit à la certitude qu'ils ne se connaissent pas, qu'ils ne peuvent se connaÃtre. Mais me direz-vous, M. de Gercourt et ma fille se connaissent-ils davantage? Non, sans doute; mais au moins ne s'abusent-ils pas, ils s'ignorent seulement. Qu'arrive-t-il dans ce cas entre deux époux que je suppose honnÃÂȘtes? c'est que chacun d'eux étudie l'autre, s'observe vis-à -vis de lui, cherche et reconnaÃt bientÎt ce qu'il faut qu'il cÚde de ses goûts et de ses volontés, pour la tranquillité commune. Ces légers sacrifices se font sans peine, parce qu'ils sont réciproques et qu'on les a prévus bientÎt ils font naÃtre une bienveillance mutuelle; et l'habitude, qui fortifie tous les penchants qu'elle ne détruit pas, amÚne peu à peu cette douce amitié, cette tendre confiance, qui, jointes à l'estime, forment, ce me semble, le véritable, le solide bonheur des mariages. Les illusions de l'amour peuvent ÃÂȘtre plus douces; mais qui ne sait aussi qu'elles sont moins durables? et quels dangers n'amÚne pas le moment qui les détruit! C'est alors que les moindres défauts paraissent choquants et insupportables, par le contraste qu'ils forment avec l'idée de perfection qui nous avait séduits. Chacun des deux époux croit cependant que l'autre seul a changé, et que lui vaut toujours ce qu'un moment d'erreur l'avait fait apprécier. Le charme qu'il n'éprouve plus, il s'étonne de ne le plus faire naÃtre; il en est humilié la vanité blessée aigrit les esprits, augmente les torts, produit l'humeur, enfante la haine; et de frivoles plaisirs sont payés enfin par de longues infortunes. Voilà , ma chÚre amie, ma façon de penser sur l'objet qui nous occupe; je ne la défends pas, je l'expose seulement; c'est à vous à décider. Mais si vous persistez dans votre avis, je vous demande de me faire connaÃtre les raisons qui auront combattu les miennes je serai bien aise de m'éclairer auprÚs de vous, et surtout d'ÃÂȘtre rassurée sur le sort de votre aimable enfant, dont je désire bien ardemment le bonheur, et par mon amitié pour elle, et par celle qui m'unit à vous pour la vie. Paris, ce 4 octobre 17**. LETTRE CV LA MARQUISE DE MERTEUIL A CECILE VOLANGES Hé bien! Petite, vous voilà donc bien fùchée, bien honteuse, et ce M. de Valmont est un méchant homme, n'est-ce pas? Comment! il ose vous traiter comme la femme qu'il aimerait le mieux! Il vous apprend ce que vous mouriez d'envie de savoir! En vérité, ces procédés-là sont impardonnables. Et vous, de votre cÎté, vous voulez garder votre sagesse pour votre Amant qui n'en abuse pas; vous ne chérissez de l'amour que les peines, et non les plaisirs! Rien de mieux, et vous figurerez à merveille dans un Roman. De la passion, de l'infortune, de la vertu par-dessus tout, que de belles choses! Au milieu de ce brillant cortÚge, on s'ennuie quelquefois à la vérité, mais on le rend bien. Voyez donc, la pauvre enfant, comme elle est à plaindre! Elle avait les yeux battus le lendemain! Et que diriez-vous donc, quand ce seront ceux de votre Amant? Allez, mon bel Ange, vous ne les aurez pas toujours ainsi; tous les hommes ne sont pas des Valmont. Et puis, ne plus oser lever ces yeux-là ! Oh! par exemple, vous avez eu bien raison; tout le monde y aurait lu votre aventure. Croyez-moi cependant, s'il en était ainsi, nos Femmes et mÃÂȘme nos Demoiselles auraient le regard plus modeste. Malgré les louanges que je suis forcée de vous donner, comme vous voyez, il faut convenir pourtant que vous avez manqué votre chef-d'Å“uvre; c'était de tout dire à votre Maman. Vous aviez si bien commencé! déjà vous vous étiez jetée dans ses bras, vous sanglotiez, elle pleurait aussi; quelle scÚne pathétique! et quel dommage de ne l'avoir pas achevée! Votre tendre mÚre, toute ravie d'aise, et pour aider à votre vertu, vous aurait cloÃtrée, pour toute votre vie; et là vous auriez aimé Danceny tant que vous auriez voulu, sans rivaux et sans péché; vous vous seriez désolée tout à votre aise; et Valmont, à coup sûr, n'aurait pas été troubler votre douleur par de contrariants plaisirs. Sérieusement peut-on, à quinze ans passés, ÃÂȘtre enfant comme vous l'ÃÂȘtes? Vous avez bien raison de dire que vous ne méritez pas mes bontés. Je voulais pourtant ÃÂȘtre votre amie vous en avez besoin peut-ÃÂȘtre avec la mÚre que vous avez, et le mari qu'elle veut vous donner! Mais si vous ne vous formez pas davantage, que voulez-vous qu'on fasse de vous? Que peut-on espérer, si ce qui fait venir l'esprit aux filles semble au contraire vous l'Îter? Si vous pouviez prendre sur vous de raisonner un moment, vous trouveriez bientÎt que vous devez vous féliciter au lieu de vous plaindre. Mais vous ÃÂȘtes honteuse, et cela vous gÃÂȘne! Hé! tranquillisez-vous; la honte que cause l'amour est comme sa douleur on ne l'éprouve qu'une fois. On peut encore la feindre aprÚs; mais on ne la sent plus. Cependant le plaisir reste, et c'est bien quelque chose. Je crois mÃÂȘme avoir démÃÂȘlé, à travers votre petit bavardage, que vous pourriez le compter pour beaucoup. Allons, un peu de bonne foi. Là , ce trouble qui vous empÃÂȘchait de faire comme vous disiez , qui vous faisait trouver si difficile de se défendre , qui vous rendait comme fùchée , quand Valmont s'en est allé, était-ce bien la honte qui le causait? ou si c'était le plaisir? et ses façons de dire auxquelles on ne sait comment répondre , cela ne viendrait-il pas de ses façons de faire? Ah! petite fille, vous mentez, et vous mentez à votre amie! Cela n'est pas bien. Mais brisons là . Ce qui pour tout le monde serait un plaisir, et pourrait n'ÃÂȘtre que cela, devient dans votre situation un véritable bonheur. En effet, placée entre une mÚre dont il vous importe d'ÃÂȘtre aimée, et un Amant dont vous désirez de l'ÃÂȘtre toujours, comment ne voyez-vous pas que le seul moyen d'obtenir ces succÚs opposés est de vous occuper d'un tiers? Distraite par cette nouvelle aventure, tandis que vis-à -vis de votre Maman vous aurez l'air de sacrifier à votre soumission pour elle un goût qui lui déplaÃt, vous acquerrez vis-à -vis de votre Amant l'honneur d'une belle défense. En l'assurant sans cesse de votre amour, vous ne lui en accorderez pas les derniÚres preuves. Ces refus, si peu pénibles dans le cas oÃÂč vous serez, il ne manquera pas de les mettre sur le compte de votre vertu; il s'en plaindra peut-ÃÂȘtre, mais il vous en aimera davantage, et pour avoir le double mérite, aux yeux de l'un de sacrifier l'amour, à ceux de l'autre, d'y résister, il ne vous en coûtera que d'en goûter les plaisirs. Oh! combien de femmes ont perdu leur réputation, qui l'eussent conservée avec soin, si elles avaient pu la soutenir par de pareils moyens! Ce parti que je vous propose, ne vous paraÃt-il pas le plus raisonnable, comme le plus doux? Savez-vous ce que vous avez gagné à celui que vous avez pris? c'est que votre Maman a attribué votre redoublement de tristesse à un redoublement d'amour, qu'elle en est outrée, et que pour vous en punir elle n'attend que d'en ÃÂȘtre plus sûre. Elle vient de m'en écrire; elle tentera tout pour obtenir cet aveu de vous-mÃÂȘme. Elle ira, peut-ÃÂȘtre, me dit-elle, jusqu'à vous proposer Danceny pour époux; et cela pour vous engager à parler. Et si, vous laissant séduire par cette trompeuse tendresse, vous répondiez, selon votre cÅ“ur, bientÎt renfermée pour longtemps, peut-ÃÂȘtre pour toujours, vous pleureriez à loisir votre aveugle crédulité. Cette ruse qu'elle veut employer contre vous, il faut la combattre par une autre. Commencez donc, en lui montrant moins de tristesse, à lui faire croire que vous songez moins à Danceny. Elle se le persuadera d'autant plus facilement, que c'est l'effet ordinaire de l'absence; et elle vous en saura d'autant plus de gré, qu'elle y trouvera une occasion de s'applaudir de sa prudence, qui lui a suggéré ce moyen. Mais si, conservant quelque doute, elle persistait pourtant à vous éprouver, et qu'elle vÃnt à vous parler de mariage, renfermez-vous, en fille bien née, dans une parfaite soumission. Au fait, qu'y risquez-vous? Pour ce qu'on fait d'un mari, l'un vaut toujours bien l'autre; et le plus incommode est encore moins gÃÂȘnant qu'une mÚre. Une fois plus contente de vous, votre Maman vous mariera enfin; et alors, plus libre dans vos démarches, vous pourrez, à votre choix, quitter Valmont pour prendre Danceny, ou mÃÂȘme les garder tous deux. Car, prenez-y garde, votre Danceny est gentil mais c'est un de ces hommes qu'on a quand on veut et tant qu'on veut; on peut donc se mettre à l'aise avec lui. Il n'en est pas de mÃÂȘme de Valmont on le garde difficilement; et il est dangereux de le quitter. Il faut avec lui beaucoup d'adresse, ou, quand on n'en a pas, beaucoup de docilité. Mais, aussi, si vous pouviez parvenir à vous l'attacher comme ami, ce serait là un bonheur! il vous mettrait tout de suite au premier rang de nos femmes à la mode. C'est comme cela qu'on acquiert une consistance dans le monde, et non pas à rougir et à pleurer, comme quand vos Religieuses vous faisaient dÃner à genoux. Vous tùcherez donc, si vous ÃÂȘtes sage, de vous raccommoder avec Valmont, qui doit ÃÂȘtre trÚs en colÚre contre vous; et comme il faut savoir réparer ses sottises, ne craignez pas de lui faire quelques avances; aussi bien apprendrez- vous bientÎt, que si les hommes nous font les premiÚres, nous sommes presque toujours obligées de faire les secondes. Vous avez un prétexte pour celles-ci car il ne faut pas que vous gardiez cette Lettre; et j'exige de vous de la remettre à Valmont aussitÎt que vous l'aurez lue. N'oubliez pas pourtant de la recacheter auparavant. D'abord, c'est qu'il faut vous laisser le mérite de la démarche que vous ferez vis-à -vis de lui, et qu'elle n'ait pas l'air de vous avoir été conseillée; et puis, c'est qu'il n'y a que vous au monde dont je sois assez l'amie pour vous parler comme je fais. Adieu, bel Ange, suivez mes conseils, et vous me manderez si vous vous en trouvez bien. A propos, j'oubliais... un mot encore. Voyez donc à soigner davantage votre style. Vous écrivez toujours comme un enfant. Je vois bien d'oÃÂč cela vient; c'est que vous dites tout ce que vous pensez, et rien de ce que vous ne pensez pas. Cela peut passer ainsi de vous à moi, qui devons n'avoir rien de caché l'une pour l'autre mais avec tout le monde! avec votre Amant surtout! vous auriez toujours l'air d'une petite sotte. Vous voyez bien que, quand vous écrivez à quelqu'un, c'est pour lui et non pas pour vous vous devez donc moins chercher à lui dire ce que vous pensez, que ce qui lui plaÃt davantage. Adieu, mon cÅ“ur je vous embrasse au lieu de vous gronder dans l'espérance que vous serez plus raisonnable. Paris, ce 4 octobre 17**. LETTRE CVI LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT A merveille, Vicomte, et pour le coup, je vous aime à la fureur! Au reste, aprÚs la premiÚre de vos deux Lettres, on pouvait s'attendre à la seconde aussi ne m'a-t-elle point étonnée; et tandis que déjà fier de vos succÚs à venir, vous en sollicitiez la récompense, et que vous me demandiez si j'étais prÃÂȘte, je voyais bien que je n'avais pas tant besoin de me presser. Oui, d'honneur, en lisant le beau récit de cette scÚne tendre, et qui vous avait si vivement ému ; en voyant votre retenue, digne des plus beaux temps de notre Chevalerie, j'ai dit vingt fois " Voilà une affaire manquée! " Mais c'est que cela ne pouvait pas ÃÂȘtre autrement. Que voulez-vous que fasse une pauvre femme qui se rend et qu'on ne prend pas? Ma foi, dans ce cas-là , il faut au moins sauver l'honneur; et c'est ce qu'a fait votre Présidente. Je sais bien que pour moi, qui ai senti que la marche qu'elle a prise n'est vraiment pas sans quelque effet, je me propose d'en faire usage, pour mon compte, à la premiÚre occasion un peu sérieuse qui se présentera mais je promets bien que si celui pour qui j'en ferai les frais n'en profite pas mieux que vous, il peut assurément renoncer à moi pour toujours. Vous voilà donc absolument réduit à rien et cela entre deux femmes, dont l'une était déjà au lendemain, et l'autre ne demandait pas mieux que d'y ÃÂȘtre! Hé bien! vous allez croire que je me vante, et dire qu'il est facile de prophétiser aprÚs l'événement; mais je peux vous jurer que je m'y attendais. C'est que réellement vous n'avez pas le génie de votre état; vous n'en savez que ce que vous en avez appris, et vous n'inventez rien. Aussi, dÚs que les circonstances ne se prÃÂȘtent plus à vos formules d'usage, et qu'il vous faut sortir de la route ordinaire, vous restez court comme un Ecolier. Enfin, un enfantillage, d'une part; de l'autre, un retour de pruderie, parce qu'on ne les éprouve pas tous les jours suffisent pour vous déconcerter et vous ne savez ni les prévenir, ni y remédier. Ah! Vicomte! Vicomte! vous m'apprenez à ne pas juger les hommes par leurs succÚs; et bientÎt, il faudra dire de vous; " Il fut brave un tel jour. " Et quand vous avez fait sottises sur sottises, vous recourez à moi! Il semble que je n'aie rien autre chose à faire que de les réparer. Il est vrai que ce serait bien assez d'ouvrage. Quoi qu'il en soit, de ces deux aventures, l'une est entreprise contre mon gré, et je ne m'en mÃÂȘle point; pour l'autre, comme vous y avez mis quelque complaisance pour moi, j'en fais mon affaire. La Lettre que je joins ici, que vous lirez d'abord, et que vous remettrez ensuite à la petite Volanges, est plus que suffisante pour vous la ramener mais, je vous en prie, donnez quelques soins à cet enfant, et faisons-en, de concert, le désespoir de sa mÚre et de Gercourt. Il n'y a pas à craindre de forcer les doses. Je vois clairement que la petite personne n'en sera point effrayée; et nos vues sur elle une fois remplies, elle deviendra ce qu'elle pourra. Je me désintéresse entiÚrement sur son compte. J'avais eu quelque envie d'en faire au moins une intrigante subalterne, et de la prendre pour jouer les seconds sous moi mais je vois qu'il n'y a pas d'étoffe; elle a une sotte ingénuité qui n'a pas cédé mÃÂȘme au spécifique que vous avez employé, lequel pourtant n'en manque guÚre; et c'est selon moi la maladie la plus dangereuse que femme puisse avoir. Elle dénote, surtout, une faiblesse de caractÚre presque toujours incurable et qui s'oppose à tout; de sorte que, tandis que nous nous occuperions à former cette petite fille pour l'intrigue, nous n'en ferions qu'une femme facile. Or, je ne connais rien de si plat que cette facilité de bÃÂȘtise, qui se rend sans savoir ni comment ni pourquoi, uniquement parce qu'on l'attaque et qu'elle ne sait pas résister. Ces sortes de femmes ne sont absolument que des machines à plaisir. Vous me direz qu'il n'y a qu'à n'en faire que cela, et que c'est assez pour nos projets. A la bonne heure! mais n'oublions pas que de ces machines-là , tout le monde parvient bientÎt à en connaÃtre les ressorts et les moteurs; ainsi, que pour se servir de celle-ci sans danger, il faut se dépÃÂȘcher, s'arrÃÂȘter de bonne heure, et la briser ensuite. A la vérité, les moyens ne nous manqueront pas pour nous en défaire, et Gercourt la fera toujours bien enfermer quand nous voudrons. Au fait, quand il ne pourra plus douter de sa déconvenue, quand elle sera bien publique et bien notoire, que nous importe qu'il se venge, pourvu qu'il ne se console pas? Ce que je dis du mari, vous le pensez sans doute de la mÚre; ainsi cela vaut fait. Ce parti que je crois le meilleur, et auquel je me suis arrÃÂȘtée, m'a décidée à mener la jeune personne un peu vite, comme vous verrez par ma Lettre; cela rend aussi trÚs important de ne rien laisser entre ses mains qui puisse nous compromettre, et je vous prie d'y avoir attention. Cette précaution une fois prise, je me charge du moral, le reste vous regarde. Si pourtant nous voyons par la suite que l'ingénuité se corrige, nous serons toujours à temps de changer de projet. Il n'en aurait pas moins fallu, un jour ou l'autre, nous occuper de ce que nous allons faire dans aucun cas, nos soins ne seront perdus. Savez-vous que les miens ont risqué de l'ÃÂȘtre, et que l'étoile de Gercourt a pensé l'emporter sur ma prudence? Madame de Volanges n'a-t-elle pas eu un moment de faiblesse maternelle? ne voulait-elle pas donner sa fille à Danceny? C'était là ce qu'annonçait cet intérÃÂȘt plus tendre, que vous aviez remarqué le lendemain . C'est encore vous qui auriez été cause de ce beau chef-d'Å“uvre! Heureusement la tendre mÚre m'en a écrit, et j'espÚre que ma réponse l'en dégoûtera. J'y parle tant de vertu, et surtout je la cajole tant, qu'elle doit trouver que j'ai raison. Je suis fùchée de n'avoir pas eu le temps de prendre copie de ma Lettre, pour vous édifier sur l'austérité de ma morale. Vous verriez comme je méprise les femmes assez dépravées pour avoir un Amant! Il est si commode d'ÃÂȘtre rigoriste dans ses discours! cela ne nuit jamais qu'aux autres, et ne nous gÃÂȘne aucunement... Et puis je n'ignore pas que la bonne Dame a eu ses petites faiblesses comme une autre, dans son jeune temps, et je n'étais pas fùchée de l'humilier au moins dans sa conscience; cela me consolait un peu des louanges que je lui donnais contre la mienne. C'est ainsi que dans la mÃÂȘme Lettre, l'idée de nuire à Gercourt m'a donné le courage d'en dire du bien. Adieu, Vicomte; j'approuve beaucoup le parti que vous prenez de rester quelque temps oÃÂč vous ÃÂȘtes. Je n'ai point de moyens pour hùter votre marche; mais je vous invite à vous désennuyer avec notre commune Pupille. Pour ce qui est de moi, malgré votre citation polie, vous voyez bien qu'il faut encore attendre; et vous conviendrez, sans doute, que ce n'est pas ma faute. Paris, ce 4 octobre 17**. LETTRE CVII AZOLAN AU VICOMTE DE VALMONT Monsieur, Conformément à vos ordres, j'ai été, aussitÎt la réception de votre Lettre, chez M. Bertrand, qui m'a remis les vingt-cinq louis, comme vous lui aviez ordonné. Je lui en avais demandé deux de plus pour Philippe, à qui j'avais dit de partir sur-le-champ, comme Monsieur me l'avait mandé, et qui n'avait pas d'argent; mais Monsieur votre homme d'affaires n'a pas voulu, en disant qu'il n'avait pas d'ordre de ça de vous. J'ai donc été obligé de les donner de moi et Monsieur m'en tiendra compte, si c'est sa bonté. Philippe est parti hier au soir. Je lui ai bien recommandé de ne pas quitter le cabaret, afin qu'on puisse ÃÂȘtre sûr de le trouver si on en a besoin. J'ai été tout de suite aprÚs chez Madame la Présidente pour voir Mademoiselle Julie mais elle était sortie, et je n'ai parlé qu'à La Fleur, de qui je n'ai pu rien savoir, parce que depuis son arrivée il n'avait été à l'hÎtel qu'à l'heure des repas. C'est le second qui a fait tout le service, et Monsieur sait bien que je ne connaissais pas celui-là . Mais j'ai commencé aujourd'hui. Je suis retourné ce matin chez Mademoiselle Julie, et elle a paru bien aise de me voir. Je l'ai interrogée sur la cause du retour de sa MaÃtresse; mais elle m'a dit n'en rien savoir, et je crois qu'elle a dit vrai. Je lui ai reproché de ne pas m'avoir averti de son départ, et elle m'a assuré qu'elle ne l'avait su que le soir mÃÂȘme en allant coucher Madame si bien qu'elle a passé toute la nuit à ranger, et que la pauvre fille n'a pas dormi deux heures. Elle n'est sortie ce soir-là de la chambre de sa MaÃtresse qu'à une heure passée, et elle l'a laissée qui se mettait seulement à écrire. Le matin, Madame de Tourvel, en partant, a remis une Lettre au Concierge du Chùteau. Mademoiselle Julie ne sait pas pour qui elle dit que c'était peut-ÃÂȘtre pour Monsieur; mais Monsieur ne m'en parle pas. Pendant tout le voyage, Madame a eu un grand capuchon sur sa figure, ce qui faisait qu'on ne pouvait la voir; mais Mademoiselle Julie croit ÃÂȘtre sûre qu'elle a pleuré souvent. Elle n'a pas dit une parole pendant la route, et elle n'a pas voulu s'arrÃÂȘter à ... [Toujours le mÃÂȘme village, à moitié chemin de la route], comme elle avait fait en allant, ce qui n'a pas fait trop de plaisir à Mademoiselle Julie, qui n'avait pas déjeuné. Mais, comme je lui ai dit, les MaÃtres sont les MaÃtres. En arrivant, Madame s'est couchée; mais elle n'est restée au lit que deux heures. En se levant, elle a fait venir son Suisse, et lui a donné ordre de ne laisser entrer personne. Elle n'a point fait de toilette du tout. Elle s'est mise à table pour dÃner; mais elle n'a mangé qu'un peu de potage, et elle en est sortie tout de suite. On lui a porté son café chez elle et Mademoiselle Julie est entrée en mÃÂȘme temps. Elle a trouvé sa MaÃtresse qui rangeait des papiers dans son secrétaire, et elle a vu que c'était des Lettres. Je parierais bien que ce sont celles de Monsieur; et des trois qui lui sont arrivées dans l'aprÚs-midi, il y en a une qu'elle avait encore devant elle tout au soir! Je suis bien sûr que c'est encore une de Monsieur. Mais pourquoi donc est-ce qu'elle s'en est allée comme ça? ça m'étonne, moi! au reste, sûrement que Monsieur le sait bien? Et ce ne sont pas mes affaires. Madame la Présidente est allée l'aprÚs-midi dans la BibliothÚque, et elle y a pris deux Livres qu'elle a emportés dans son boudoir mais Mademoiselle Julie assure qu'elle n'a pas lu dedans un quart d'heure dans toute la journée, et qu'elle n'a fait que lire cette Lettre, rÃÂȘver et ÃÂȘtre appuyée sur sa main. Comme j'ai imaginé que Monsieur serait bien aise de savoir quels sont ces Livres-là , et que Mademoiselle Julie ne le savait pas, je me suis fait mener aujourd'hui dans la BibliothÚque, sous prétexte de la voir. Il n'y a de vide que pour deux livres l'un est le second volume des Pensées chrétiennes et l'autre le premier d'un Livre qui a pour titre Clarisse . J'écris bien comme il y a Monsieur saura peut-ÃÂȘtre ce que c'est. Hier au soir, Madame n'a pas soupé; elle n'a pris que du thé. Elle a sonné de bonne heure ce matin; elle a demandé ses chevaux tout de suite, et elle a été avant neuf heures aux Feuillants, oÃÂč elle a entendu la Messe. Elle a voulu se confesser; mais son Confesseur était absent, et il ne reviendra pas de huit à dix jours. J'ai cru qu'il était bon de mander cela à Monsieur. Elle est rentrée ensuite, elle a déjeuné, et puis s'est mise à écrire, et elle y est restée jusqu'à prÚs d'une heure. J'ai trouvé occasion de faire bientÎt ce que Monsieur désirait le plus car c'est moi qui ai porté les Lettres à la poste. Il n'y en avait pas pour Madame de Volanges; mais j'en envoie une à Monsieur, qui était pour M. le Président il m'a paru que ça devait ÃÂȘtre la plus intéressante. Il y en avait une aussi pour Madame de Rosemonde; mais j'ai imaginé que Monsieur la verrait toujours bien quand il voudrait, et je l'ai laissée partir. Au reste, Monsieur saura bien tout, puisque Madame la Présidente lui écrit aussi. J'aurai par la suite toutes celles qu'il voudra; car c'est presque toujours Mademoiselle Julie qui les remet aux Gens, et elle m'a assuré que, par amitié pour moi, et puis aussi pour Monsieur, elle ferait volontiers ce que je voudrais. Elle n'a pas mÃÂȘme voulu de l'argent que je lui ai offert mais je pense bien que Monsieur voudra lui faire quelque petit présent; et si c'est sa volonté, et qu'il veuille m'en charger, je saurai aisément ce qui lui fera plaisir. J'espÚre que Monsieur ne trouvera pas que j'aie mis de la négligence à le servir, et j'ai bien à cÅ“ur de me justifier des reproches qu'il me fait. Si je n'ai pas su le départ de Madame la Présidente, c'est au contraire mon zÚle pour le service de Monsieur qui en est cause, puisque c'est lui qui m'a fait partir à trois heures du matin; ce qui fait que je n'ai pas vu Mademoiselle Julie la veille, au soir, comme de coutume, ayant été coucher au Tournebride, pour ne pas réveiller dans le Chùteau. Quant à ce que Monsieur me reproche d'ÃÂȘtre souvent sans argent, d'abord c'est que j'aime à me tenir proprement, comme Monsieur peut voir; et puis, il faut bien soutenir l'honneur de l'habit qu'on porte; je sais bien que je devrais peut-ÃÂȘtre un peu épargner pour la suite; mais je me confie entiÚrement dans la générosité de Monsieur, qui est si bon MaÃtre. Pour ce qui est d'entrer au service de Madame de Tourvel, en restant à celui de Monsieur, j'espÚre que Monsieur ne l'exigera pas de moi. C'était bien différent chez Madame la Duchesse; mais assurément je n'irai pas porter la livrée, et encore une livrée de Robe, aprÚs avoir eu l'honneur d'ÃÂȘtre Chasseur de Monsieur. Pour tout ce qui est du reste, Monsieur peut disposer de celui qui a l'honneur d'ÃÂȘtre, avec autant de respect que d'affection, son trÚs humble. Serviteur. Roux Azolan, Chasseur. Paris, ce 5 octobre 17**, à onze heures du soir. LETTRE CVIII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE ROSEMONDE Ô mon indulgente mÚre! que j'ai de grùces à vous rendre, et que j'avais besoin de votre Lettre! Je l'ai lue et relue sans cesse; je ne pouvais pas m'en détacher. Je lui dois les seuls moments moins pénibles que j'aie passés depuis mon départ. Comme vous ÃÂȘtes bonne! la sagesse, la vertu savent donc compatir à la faiblesse! vous avez pitié de mes maux! ah! si vous les connaissiez... ils sont affreux. Je croyais avoir éprouvé les peines de l'amour, mais le tourment inexprimable, celui qu'il faut avoir senti pour en avoir l'idée, c'est de se séparer de ce qu'on aime, de s'en séparer pour toujours!... Oui, la peine qui m'accable aujourd'hui reviendra demain, aprÚs-demain, toute ma vie! Mon Dieu, que je suis jeune encore, et qu'il me reste de temps à souffrir! Etre soi-mÃÂȘme l'artisan de son malheur; se déchirer le cÅ“ur de ses propres mains; et tandis qu'on souffre ces douleurs insupportables, sentir à chaque instant qu'on peut les faire cesser d'un mot et que ce mot soit un crime! ah! mon amie!... Quand j'ai pris ce parti si pénible de m'éloigner de lui, j'espérais que l'absence augmenterait mon courage et mes forces combien je me suis trompée! il semble au contraire qu'elle ait achevé de les détruire. J'avais plus à combattre, il est vrai mais mÃÂȘme en résistant, tout n'était pas privation; au moins je le voyais quelquefois; souvent mÃÂȘme, sans oser porter mes regards sur lui, je sentais les siens fixés sur moi oui, mon amie, je les sentais, il semblait qu'ils réchauffassent mon ùme; et sans passer par mes yeux, ils n'en arrivaient pas moins à mon cÅ“ur. A présent, dans ma pénible solitude, isolée de tout ce qui m'est cher, tÃÂȘte à tÃÂȘte avec mon infortune, tous les moments de ma triste existence sont marqués par mes larmes, et rien n'en adoucit l'amertume, nulle consolation ne se mÃÂȘle à mes sacrifices; et ceux que j'ai faits jusqu'à présent n'ont servi qu'à me rendre plus douloureux ceux qui me restent à faire. Hier encore, je l'ai bien vivement senti. Dans les Lettres qu'on m'a remises, il y en avait une de lui; on était encore à deux pas de moi, que je l'avais reconnue entre les autres. Je me suis levée involontairement je tremblais, j'avais peine à cacher mon émotion; et cet état n'était pas sans plaisir. Restée seule le moment d'aprÚs, cette trompeuse douceur s'est bientÎt évanouie, et ne m'a laissé qu'un sacrifice de plus à faire. En effet, pouvais-je ouvrir cette Lettre, que pourtant je brûlais de lire? Par la fatalité qui me poursuit, les consolations qui paraissent se présenter à moi ne font, au contraire, que m'imposer de nouvelles privations; et celles-ci deviennent plus cruelles encore, par l'idée que M. de Valmont les partage. Le voilà enfin, ce nom qui m'occupe sans cesse, et que j'ai eu tant de peine à écrire; l'espÚce de reproche que vous m'en faites m'a véritablement alarmée. Je vous supplie de croire qu'une fausse honte n'a point altéré ma confiance en vous; et pourquoi craindrais-je de le nommer? ah! je rougis de mes sentiments, et non de l'objet qui les cause. Quel autre que lui est plus digne de les inspirer! Cependant je ne sais pourquoi ce nom ne se présente point naturellement sous ma plume; et cette fois encore, j'ai eu besoin de réflexion pour le placer. Je reviens à lui. Vous me mandez qu'il vous a paru vivement affecté de mon départ . Qu'a- t-il donc fait? qu'a-t-il dit? a-t-il parlé de revenir à Paris? Je vous prie de l'en détourner autant que vous pourrez. S'il m'a bien jugée, il ne doit pas m'en vouloir de cette démarche mais il doit sentir aussi que c'est un parti pris sans retour. Un de mes plus grands tourments est de ne pas savoir ce qu'il pense. J'ai bien encore là sa Lettre... , mais vous ÃÂȘtes sûrement de mon avis, je ne dois pas l'ouvrir. Ce n'est que par vous, mon indulgente amie, que je puis ne pas ÃÂȘtre entiÚrement séparée de lui. Je ne veux pas abuser de vos bontés; je sens à merveille que vos Lettres ne peuvent pas ÃÂȘtre longues mais vous ne refuserez pas deux mots à votre enfant; un pour soutenir son courage, et l'autre pour l'en consoler. Adieu, ma respectable amie. Paris, ce 5 octobre 17**. LETTRE CIX CECILE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Ce n'est que d'aujourd'hui, Madame, que j'ai remis à M. de Valmont la Lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire. Je l'ai gardée quatre jours, malgré les frayeurs que j'avais souvent qu'on ne la trouvùt, mais je la cachais avec bien du soin; et quand le chagrin me reprenait, je m'enfermais pour la relire. Je vois bien que ce que je croyais un si grand malheur n'en est presque pas un; et il faut avouer qu'il y a bien du plaisir; de façon que je ne m'afflige presque plus. Il n'y a que l'idée de M. Danceny qui me tourmente toujours quelquefois. Mais il y a déjà tout plein de moments oÃÂč je n'y songe pas du tout! aussi c'est que M. de Valmont est bien aimable! Je me suis raccommodée avec lui depuis deux jours ça m'a été bien facile; car je ne lui avais encore dit que deux paroles, qu'il m'a dit que si j'avais quelque chose à lui dire, il viendrait le soir dans ma chambre, et je n'ai eu qu'à répondre que je le voulais bien. Et puis, dÚs qu'il y a été, il n'a pas paru plus fùché que si je ne lui avais jamais rien fait. Il ne m'a grondée qu'aprÚs, et encore bien doucement, et c'était d'une maniÚre... Tout comme vous; ce qui m'a prouvé qu'il avait aussi bien de l'amitié pour moi. Je ne saurais vous dire combien il m'a raconté de drÎles de choses et que je n'aurais jamais crues, particuliÚrement sur Maman. Vous me feriez bien plaisir de me mander si tout cela est vrai. Ce qui est bien sûr, c'est que je ne pouvais pas me retenir de rire; si bien qu'une fois j'ai ri aux éclats, ce qui nous a fait bien peur; car Maman aurait pu entendre; et si elle était venue voir, qu'est-ce que je serais devenue? C'est bien pour le coup qu'elle m'aurait remise au Couvent! Comme il faut ÃÂȘtre prudent, et que, comme M. de Valmont m'a dit lui-mÃÂȘme, pour rien au monde il ne voudrait risquer de me compromettre, nous sommes convenus que dorénavant il viendrait seulement ouvrir la porte, et que nous irions dans sa chambre. Pour là , il n'y a rien à craindre; j'y ai déjà été hier, et actuellement que je vous écris, j'attends encore qu'il vienne. A présent, Madame, j'espÚre que vous ne me gronderez plus. Il y a pourtant une chose qui m'a bien surprise dans votre Lettre; c'est ce que vous me mandez pour quand je serai mariée, au sujet de Danceny et de M. de Valmont. Il me semble qu'un jour à l'Opéra vous me disiez au contraire qu'une fois mariée, je ne pourrais plus aimer que mon mari, et qu'il me faudrait mÃÂȘme oublier Danceny au reste, peut-ÃÂȘtre que j'avais mal entendu, et j'aime bien mieux que cela soit autrement, parce qu'à présent je ne craindrai plus tant le moment de mon mariage. Je le désire mÃÂȘme, puisque j'aurai plus de liberté; et j'espÚre qu'alors je pourrai m'arranger de façon à ne plus songer qu'à Danceny. Je sens bien que je ne serai véritablement heureuse qu'avec lui; car à présent son idée me tourmente toujours et je n'ai de bonheur que quand je peux ne pas penser à lui, ce qui est bien difficile; et dÚs que j'y pense, je redeviens chagrine tout de suite. Ce qui me console un peu c'est que vous m'assurez que Danceny m'en aimera davantage; mais en ÃÂȘtes-vous bien sûre?... Oh! oui, vous ne voudriez pas me tromper. C'est pourtant plaisant que ce soit Danceny que j'aime et que M. de Valmont... Mais, comme vous dites, c'est peut-ÃÂȘtre un bonheur! Enfin, nous verrons. Je n'ai pas trop entendu ce que vous me marquez au sujet de ma façon d'écrire. Il me semble que Danceny trouve mes Lettres bien comme elles sont. Je sens pourtant bien que je ne dois rien lui dire de tout ce qui se passe avec M. de Valmont; ainsi vous n'avez que faire de craindre. Maman ne m'a point encore parlé de mon mariage mais laissez faire; quand elle m'en parlera, puisque c'est pour m'attraper, je vous promets que je saurai mentir. Adieu, ma bien bonne amie; je vous remercie bien, et je vous promets que je n'oublierai jamais toutes vos bontés pour moi. Il faut que je finisse, car il est prÚs d'une heure; ainsi M. de Valmont ne doit pas tarder. Du Chùteau de .. , ce 10 octobre 17**. LETTRE CX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Puissances du Ciel, j'avais une ùme pour la douleur donnez-m'en une pour la félicité [Nouvelle Héloïse]! C'est, je crois, le tendre Saint-Preux qui s'exprime ainsi. Mieux partagé que lui, je possÚde à la fois les deux existences. Oui, mon amie, je suis, en mÃÂȘme temps, trÚs heureux et trÚs malheureux; et puisque vous avez mon entiÚre confiance, je vous dois le double récit de mes peines et de mes plaisirs. Sachez donc que mon ingrate Dévote me tient toujours rigueur. J'en suis à ma quatriÚme Lettre renvoyée. J'ai peut-ÃÂȘtre tort de dire la quatriÚme; car ayant bien deviné dÚs le premier renvoi qu'il serait suivi de beaucoup d'autres, et ne voulant pas perdre ainsi mon temps, j'ai pris le parti de mettre mes doléances en lieux communs, et de ne point dater et depuis le second Courrier, c'est toujours la mÃÂȘme Lettre qui va et vient; je ne fais que changer d'enveloppe. Si ma Belle finit comme finissent ordinairement les Belles, et s'attendrit un jour, au moins de lassitude, elle gardera enfin la missive, et il sera temps alors de me remettre au courant. Vous voyez qu'avec ce nouveau genre de correspondance, je ne peux pas ÃÂȘtre parfaitement instruit. J'ai découvert pourtant que la légÚre personne a changé de Confidente, au moins me suis-je assuré que, depuis son départ du Chùteau, il n'y est venu aucune Lettre d'elle pour Madame de Volanges, tandis qu'il en est venu deux pour la vieille Rosemonde; et comme celle-ci ne nous en a rien dit, comme elle n'ouvre plus la bouche de sa chÚre Belle , dont auparavant elle parlait sans cesse, j'en ai conclu que c'était elle qui avait la confidence. Je présume que d'une part, le besoin de parler de moi, et de l'autre, la petite honte de revenir vis-à -vis de Madame de Volanges sur un sentiment si longtemps désavoué, ont produit cette grande révolution. Je crains d'avoir encore perdu au change car plus les femmes vieillissent, et plus elles deviennent rÃÂȘches et sévÚres. La premiÚre lui aurait dit bien plus de mal de moi; mais celle-ci lui en dira plus de l'amour; et la sensible Prude a bien plus de frayeur du sentiment que de la personne. Le seul moyen de me mettre au fait, est, comme vous voyez, d'intercepter le commerce clandestin. J'en ai déjà envoyé l'ordre à mon Chasseur; et j'en attends l'exécution de jour en jour. Jusque-là , je ne puis rien faire qu'au hasard aussi, depuis huit jours, je repasse inutilement tous les moyens connus, tous ceux des Romans et de mes Mémoires secrets; je n'en trouve aucun qui convienne, ni aux circonstances de l'aventure, ni au caractÚre de l'Héroïne. La difficulté ne serait pas de m'introduire chez elle, mÃÂȘme la nuit, mÃÂȘme encore de l'endormir, et d'en faire une nouvelle Clarisse mais aprÚs plus de deux mois de soins et de peines, recourir à des moyens qui me soient étrangers! me traÃner servilement sur la trace des autres, et triompher sans gloire!... Non, elle n'aura pas les plaisirs du vice et les honneurs de la vertu [Nouvelle Héloïse]. Ce n'est pas assez pour moi de la posséder, je veux qu'elle se livre. Or, il faut pour cela non seulement pénétrer jusqu'à elle, mais y arriver de son aveu; la trouver seule et dans l'intention de m'écouter; surtout, lui fermer les yeux sur le danger, car si elle le voit, elle saura le surmonter ou mourir. Mais mieux je sais ce qu'il faut faire, plus j'en trouve l'exécution difficile; et dussiez-vous encore vous moquer de moi, je vous avouerai que mon embarras redouble à mesure que je m'en occupe davantage. La tÃÂȘte m'en tournerait, je crois, sans les heureuses distractions que me donne notre commune Pupille; c'est à elle que je dois d'avoir encore à faire autre chose que des Elégies. Croiriez-vous que cette petite fille était tellement effarouchée, qu'il s'est passé trois grands jours avant que votre Lettre ait produit tout son effet? Voilà comme une seule idée fausse peut gùter le plus heureux naturel! Enfin, ce n'est que Samedi qu'on est venu tourner autour de moi et me balbutier quelques mots; encore prononcés si bas et tellement étouffés par la honte, qu'il était impossible de les entendre. Mais la rougeur qu'ils causÚrent m'en fit deviner le sens. Jusque-là , je m'étais tenu fier mais fléchi par un si plaisant repentir je voulus bien promettre d'aller trouver le soir mÃÂȘme la jolie Pénitente; et cette grùce de ma part fut reçue avec toute la reconnaissance due à un si grand bienfait. Comme je ne perds jamais de vue ni vos projets ni les miens, j'ai résolu de profiter de cette occasion pour connaÃtre au juste la valeur de cette enfant, et aussi pour accélérer son éducation. Mais pour suivre ce travail avec plus de liberté j'avais besoin de changer le lieu de nos rendez-vous; car un simple cabinet, qui sépare la chambre de votre Pupille de celle de sa mÚre, ne pouvait lui inspirer assez de sécurité, pour la laisser se déployer à l'aise. Je m'étais donc promis de faire innocemment quelque bruit, qui pût lui causer assez de crainte pour la décider à prendre, à l'avenir, un asile plus sûr; elle m'a encore épargné ce soin. La petite personne est rieuse; et, pour favoriser sa gaieté, je m'avisai, dans nos entractes, de lui raconter toutes les aventures scandaleuses qui me passaient par la tÃÂȘte; et pour les rendre plus piquantes et fixer davantage son attention, je les mettais toutes sur le compte de sa Maman, que je me plaisais à chamarrer ainsi de vices et de ridicules. Ce n'était pas sans motif que j'avais fait ce choix; il encourageait mieux que tout autre ma timide écoliÚre, et je lui inspirais en mÃÂȘme temps le plus profond mépris pour sa mÚre. J'ai remarqué depuis longtemps, que si ce moyen n'est pas toujours nécessaire à employer pour séduire une jeune fille, il est indispensable, et souvent mÃÂȘme le plus efficace, quand on veut la dépraver; car celle qui ne respecte pas sa mÚre ne se respectera pas elle-mÃÂȘme vérité morale que je crois si utile que j'ai été bien aise de fournir un exemple à l'appui du précepte. Cependant votre Pupille, qui ne songeait pas à la morale, étouffait de rire à chaque instant; et enfin, une fois, elle pensa éclater. Je n'eus pas de peine à lui faire croire qu'elle avait fait un bruit affreux . Je feignis une grande frayeur, qu'elle partagea facilement. Pour qu'elle s'en ressouvÃnt mieux, je ne permis plus au plaisir de reparaÃtre, et la laissai seule trois heures plus tÎt que de coutume aussi convÃnmes-nous, en nous séparant, que dÚs le lendemain ce serait dans ma chambre que nous nous rassemblerions. Je l'y ai déjà reçue deux fois, et dans ce court intervalle l'écoliÚre est devenue presque aussi savante que le maÃtre. Oui, en vérité, je lui ai tout appris, jusqu'aux complaisances! je n'ai excepté que les précautions. Ainsi occupé toute la nuit, j'y gagne de dormir une grande partie du jour; et, comme la société actuelle du Chùteau n'a rien qui m'attire, à peine parais-je une heure au salon dans la journée. J'ai mÃÂȘme, d'aujourd'hui, pris le parti de manger dans ma chambre, et je ne compte plus la quitter que pour de courtes promenades. Ces bizarreries passent sur le compte de ma santé. J'ai déclaré que j'étais perdu de vapeurs ; j'ai annoncé aussi un peu de fiÚvre. Il ne m'en coûte que de parler d'une voix lente et éteinte. Quant au changement de ma figure, fiez-vous-en à votre Pupille. L'amour y pourvoira . [Regnard, Folies amoureuses] J'occupe mon loisir en rÃÂȘvant aux moyens de reprendre sur mon ingrate les avantages que j'ai perdus, et aussi à composer une espÚce de catéchisme de débauche, à l'usage de mon écoliÚre. Je m'amuse à n'y rien nommer que par le mot technique; et je ris d'avance de l'intéressante conversation que cela doit fournir entre elle et Gercourt la premiÚre nuit de leur mariage. Rien n'est plus plaisant que l'ingénuité avec laquelle elle se sert déjà du peu qu'elle sait de cette langue! elle n'imagine pas qu'on puisse parler autrement. Cette enfant est réellement séduisante! Ce contraste de la candeur naïve avec le langage de l'effronterie ne laisse pas de faire de l'effet; et, je ne sais pourquoi, il n'y a plus que les choses bizarres qui me plaisent. Peut-ÃÂȘtre je me livre trop à celle-ci, puisque j'y compromets mon temps et ma santé mais j'espÚre que ma feinte maladie, outre qu'elle me sauvera de l'ennui du salon, pourra m'ÃÂȘtre encore de quelque utilité auprÚs de l'austÚre Dévote, dont la vertu tigresse s'allie pourtant avec la douce sensibilité! Je ne doute pas qu'elle ne soit déjà instruite de ce grand événement, et j'ai beaucoup d'envie de savoir ce qu'elle en pense; d'autant plus que je parierais bien qu'elle ne manquera pas de s'en attribuer l'honneur. Je réglerai l'état de ma santé sur l'impression qu'il fera sur elle. Vous voilà , ma belle amie, au courant de mes affaires comme moi-mÃÂȘme. Je désire avoir bientÎt des nouvelles plus intéressantes à vous apprendre; et je vous prie de croire que, dans le plaisir que je m'en promets, je compte pour beaucoup la récompense que j'attends de vous. Du Chùteau de .. , ce 11 octobre 17**. LETTRE CXI LE COMTE DE GERCOURT A MADAME DE VOLANGES Tout paraÃt, Madame, devoir ÃÂȘtre tranquille dans ce pays; et nous attendons, de jour en jour, la permission de rentrer en France. J'espÚre que vous ne douterez pas que je n'aie toujours le mÃÂȘme empressement à m'y rendre, et à y former les nÅ“uds qui doivent m'unir à vous et à Mademoiselle de Volanges. Cependant M. le Duc de ***, mon cousin, et à qui vous savez que j'ai tant d'obligations, vient de me faire part de son rappel de Naples. Il me mande qu'il compte passer par Rome, et voir, dans sa route, la partie d'Italie qui lui reste à connaÃtre. Il m'engage à l'accompagner dans ce voyage, qui sera environ de six semaines ou deux mois. Je ne vous cache pas qu'il me serait agréable de profiter de cette occasion; sentant bien qu'une fois marié, je prendrai difficilement le temps de faire d'autres absences que celles que mon service exigera. Peut-ÃÂȘtre aussi serait-il plus convenable d'attendre l'hiver pour ce mariage; puisque ce ne peut ÃÂȘtre qu'alors que tous mes parents seront rassemblés à Paris; et nommément M. le Marquis de *** à qui je dois l'espoir de vous appartenir. Malgré ces considérations, mes projets à cet égard seront absolument subordonnés aux vÎtres; et pour peu que vous préfériez vos premiers arrangements, je suis prÃÂȘt à renoncer aux miens. Je vous prie seulement de me faire savoir le plus tÎt possible vos intentions à ce sujet. J'attendrai votre réponse ici, et elle seule réglera ma conduite. Je suis avec respect, Madame, et avec tous les sentiments qui conviennent à un fils, votre trÚs humble, etc, Le Comte de Gercourt. Bastia, ce 10 octobre 17**. LETTRE CXII MADAME DE ROSEMONDE A LA PRESIDENTE DE TOURVEL DICTEE SEULEMENT. Je ne reçois qu'à l'instant mÃÂȘme, ma chÚre Belle, votre Lettre du 11 [Cette Lettre ne s'est pas retrouvée] et les doux reproches qu'elle contient. Convenez que vous aviez bien envie de m'en faire davantage; et que si vous ne vous étiez pas ressouvenue que vous étiez ma fille , vous m'auriez réellement grondée. Vous auriez été pourtant bien injuste! C'était le désir et l'espoir de pouvoir vous répondre moi-mÃÂȘme, qui me faisait différer chaque jour, et vous voyez qu'encore aujourd'hui, je suis obligée d'emprunter la main de ma Femme de chambre. Mon malheureux rhumatisme m'a reprise, il, s'est niché cette fois sur le bras droit, et je suis absolument manchote. Voilà ce que c'est, jeune et fraÃche comme vous ÃÂȘtes, d'avoir une si vieille amie! on souffre de ses incommodités. AussitÎt que mes douleurs me donneront un peu de relùche, je me promets bien de causer longuement avec vous. En attendant, sachez seulement que j'ai reçu vos deux Lettres; qu'elles auraient redoublé, s'il était possible, ma tendre amitié pour vous; et que je ne cesserai jamais de prendre part, bien vivement, à tout ce qui vous intéresse. Mon neveu est aussi un peu indisposé, mais sans aucun danger et sans qu'il faille en prendre aucune inquiétude; c'est une incommodité légÚre, qui, à ce qu'il me semble, affecte plus son humeur que sa santé. Nous ne le voyons presque plus. Sa retraite et votre départ ne rendent pas notre petit cercle plus gai. La petite Volanges, surtout, vous trouve furieusement à dire, et baille, tant que la journée dure, à avaler ses poings. ParticuliÚrement depuis quelques jours, elle nous fait l'honneur de s'endormir profondément toutes les aprÚs-dÃners. Adieu, ma chÚre Belle; je suis pour toujours votre bien bonne amie, votre maman, votre sÅ“ur mÃÂȘme, si mon grand ùge me permettait ce titre. Enfin je vous suis attachée par tous les plus tendres sentiments. Signé Adélaïde, pour Madame de Rosemonde. Du Chùteau de .. , ce 14 octobre 17**. LETTRE CXIII LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Je crois devoir vous prévenir, Vicomte, qu'on commence à s'occuper de vous à Paris; qu'on y remarque votre absence, et que déjà on en devine la cause. J'étais hier à un souper fort nombreux; il y fut dit positivement que vous étiez retenu au Village par un amour romanesque et malheureux aussitÎt la joie se peignit sur le visage de tous les envieux de vos succÚs et de toutes les femmes que vous avez négligées. Si vous m'en croyez, vous ne laisserez pas prendre consistance à ces bruits dangereux, et vous viendrez sur-le-champ les détruire par votre présence. Songez que si une fois vous laissez perdre l'idée qu'on ne vous résiste pas, vous éprouverez bientÎt qu'on vous résistera en effet plus facilement; que vos rivaux vont aussi perdre de leur respect pour vous, et oser vous combattre car lequel d'entre eux ne se croit pas plus fort que la vertu? Songez surtout que dans la multitude des femmes que vous avez affichées, toutes celles que vous n'avez pas eues vont tenter de détromper le Public, tandis que les autres s'efforceront de l'abuser. Enfin, il faut vous attendre à ÃÂȘtre apprécié peut-ÃÂȘtre autant au-dessous de votre valeur, que vous l'avez été au-dessus jusqu'à présent. Revenez donc, Vicomte, et ne sacrifiez pas votre réputation à un caprice puéril. Vous avez fait tout ce que nous voulions de la petite Volanges; et pour votre Présidente, ce ne sera pas apparemment en restant à dix lieues d'elle, que vous vous en passerez la fantaisie. Croyez-vous qu'elle ira vous chercher? Peut-ÃÂȘtre ne songe-t-elle déjà plus à vous, ou ne s'en occupe-t-elle encore que pour se féliciter de vous avoir humilié. Au moins ici, pourrez-vous trouver quelque occasion de reparaÃtre avec éclat, et vous en avez besoin; et quand vous vous obstineriez à votre ridicule aventure, je ne vois pas que votre retour y puisse nuire... ; au contraire. En effet, si votre Présidente vous adore , comme vous me l'avez tant dit et si peu prouvé, son unique consolation, son seul plaisir, doivent ÃÂȘtre à présent de parler de vous, et de savoir ce que vous faites, ce que vous dites, ce que vous pensez, et jusqu'à la moindre des choses qui vous intéressent. Ces misÚres-là prennent du prix, en raison des privations qu'on éprouve. Ce sont les miettes de pain tombantes de la table du riche celui-ci les dédaigne; mais le pauvre les recueille avidement et s'en nourrit. Or, la pauvre Présidente reçoit à présent toutes ces miettes-là et plus elle en aura, moins elle sera pressée de se livrer à l'appétit du reste. De plus, depuis que vous connaissez sa Confidente, vous ne doutez pas que chaque Lettre d'elle ne contienne au moins un petit sermon, et tout ce qu'elle croit propre à corroborer sa sagesse et fortifier sa vertu [On ne s'avise jamais de tout! Comédie]. Pourquoi donc laisser à l'une des ressources pour se défendre, et à l'autre pour vous nuire? Ce n'est pas que je sois du tout de votre avis sur la perte que vous croyez avoir faite au changement de Confidente. D'abord, Madame de Volanges vous hait, et la haine est toujours plus clairvoyante et plus ingénieuse que l'amitié. Toute la vertu de votre vieille tante ne l'engagera pas à médire un seul instant de son cher neveu; car la vertu a aussi ses faiblesses. Ensuite vos craintes portent sur une remarque absolument fausse. Il n'est pas vrai que plus les femmes vieillissent, et plus elles deviennent rÃÂȘches et sévÚres . C'est de quarante à cinquante ans que le désespoir de voir leur figure se flétrir, la rage de se sentir obligées d'abandonner des prétentions et des plaisirs auxquels elles tiennent encore, rendent presque toutes les femmes bégueules et acariùtres. Il leur faut ce long intervalle pour faire en entier ce grand sacrifice mais dÚs qu'il est consommé, toutes se partagent en deux classes. La plus nombreuse, celle des femmes qui n'ont eu pour elles que leur figure et leur jeunesse, tombe dans une imbécile apathie, et n'en sort plus que pour le jeu et pour quelques pratiques de dévotion; celle-là est toujours ennuyeuse, souvent grondeuse, quelquefois un peu tracassiÚre, mais rarement méchante. On ne peut pas dire non plus que ces femmes soient ou ne soient pas sévÚres sans idées et sans existence, elles répÚtent, sans le comprendre et indifféremment, tout ce qu'elles entendent dire, et restent par elles-mÃÂȘmes absolument nulles. L'autre classe, beaucoup plus rare, mais véritablement précieuse, est celle des femmes qui, ayant eu un caractÚre et n'ayant pas négligé de nourrir leur raison, savent se créer une existence, quand celle de la nature leur manque, et prennent le parti de mettre à leur esprit les parures qu'elles employaient avant pour leur figure. Celles-ci ont pour l'ordinaire le jugement trÚs sain, et l'esprit à la fois solide, gai et gracieux. Elles remplacent les charmes séduisants par l'attachante bonté, et encore par l'enjouement dont le charme augmente en proportion de l'ùge c'est ainsi qu'elles parviennent en quelque sorte à se rapprocher de la jeunesse en s'en faisant aimer. Mais alors, loin d'ÃÂȘtre, comme vous le dites, rÃÂȘches et sévÚres , l'habitude de l'indulgence, leurs longues réflexions sur la faiblesse humaine, et surtout les souvenirs de leur jeunesse, par lesquels seuls elles tiennent encore à la vie, les placeraient plutÎt peut-ÃÂȘtre trop prÚs de la facilité. Ce que je peux vous dire enfin, c'est qu'ayant toujours recherché les vieilles femmes, dont j'ai reconnu de bonne heure l'utilité des suffrages, j'ai rencontré plusieurs d'entre elles auprÚs de qui l'inclination me ramenait autant que l'intérÃÂȘt. Je m'arrÃÂȘte là ; car à présent que vous vous enflammez si vite et si moralement, j'aurais peur que vous ne devinssiez subitement amoureux de votre vieille tante, et que vous ne vous enterrassiez avec elle dans le tombeau oÃÂč vous vivez déjà depuis si longtemps. Je reviens donc. Malgré l'enchantement oÃÂč vous me paraissez ÃÂȘtre de votre petite écoliÚre, je ne peux pas croire qu'elle entre pour quelque chose dans vos projets. Vous l'avez trouvée sous la main, vous l'avez prise à la bonne heure! mais ce ne peut pas ÃÂȘtre là un goût. Ce n'est mÃÂȘme pas, à vrai dire, une entiÚre jouissance vous ne possédez absolument que sa personne! je ne parle pas de son cÅ“ur, dont je me doute bien que vous ne vous souciez guÚre mais vous n'occupez seulement pas sa tÃÂȘte. Je ne sais pas si vous vous en ÃÂȘtes aperçu, mais moi j'en ai la preuve dans la derniÚre Lettre qu'elle m'a écrite [Voyez la Lettre CIX]; je vous l'envoie pour que vous en jugiez. Voyez donc que quand elle y parle de vous, c'est toujours M. de Valmont ; que toutes ses idées, mÃÂȘme celles que vous lui faites naÃtre, n'aboutissent jamais qu'à Danceny; et lui, elle ne l'appelle pas Monsieur, c'est bien toujours Danceny seulement. Par là , elle le distingue de tous les autres; et mÃÂȘme en se livrant à vous, elle ne se familiarise qu'avec lui. Si une telle conquÃÂȘte vous paraÃt séduisante , si les plaisirs qu'elle donne vous attachent , assurément vous ÃÂȘtes modeste et peu difficile! Que vous la gardiez, j'y consens; cela entre mÃÂȘme dans mes projets. Mais il me semble que cela ne vaut pas de se déranger un quart d'heure; qu'il faudrait aussi avoir quelque empire, et ne lui permettre, par exemple, de se rapprocher de Danceny qu'aprÚs le lui avoir fait un peu plus oublier. Avant de cesser de m'occuper de vous, pour venir à moi, je veux encore vous dire que ce moyen de maladie que vous m'annoncez vouloir prendre est bien connu et bien usé. En vérité, Vicomte, vous n'ÃÂȘtes pas inventif! Moi, je me répÚte aussi quelquefois, comme vous allez voir; mais je tùche de me sauver par les détails, et surtout le succÚs me justifie. Je vais encore en tenter un, et courir une nouvelle aventure. Je conviens qu'elle n'aura pas le mérite de la difficulté; mais au moins sera-ce une distraction, et je m'ennuie à périr. Je ne sais pourquoi, depuis l'aventure de Prévan, Belleroche m'est devenu insupportable. Il a tellement redoublé d'attention, de tendresse, de vénération , que je n'y peux plus tenir. Sa colÚre, dans le premier moment, m'avait paru plaisante; il a pourtant bien fallu la calmer, car c'eût été me compromettre que de le laisser faire; et il n'y avait pas moyen de lui faire entendre raison. J'ai donc pris le parti de lui montrer plus d'amour, pour en venir à bout plus facilement mais lui a pris cela au sérieux; et depuis ce temps il m'excÚde par son enchantement éternel. Je remarque surtout l'insultante confiance qu'il prend en moi, et la sécurité avec laquelle il me regarde comme à lui pour toujours. J'en suis vraiment humiliée. Il me prise donc bien peu, s'il croit valoir assez pour me fixer! Ne me disait-il pas derniÚrement que je n'aurais jamais aimé un autre que lui? Oh! pour le coup, j'ai eu besoin de toute ma prudence, pour ne pas le détromper sur-le-champ, en lui disant ce qui en était. Voilà , certes, un plaisant Monsieur, pour avoir un droit exclusif! Je conviens qu'il est bien fait et d'une assez belle figure mais, à tout prendre, ce n'est, au fait, qu'un ManÅ“uvre d'amour. Enfin le moment est venu, il faut nous séparer. J'essaie déjà depuis quinze jours, et j'ai employé, tour à tour, la froideur, le caprice, l'humeur, les querelles; mais le tenace personnage ne quitte pas prise ainsi il faut donc prendre un parti plus violent; en conséquence je l'emmÚne à ma campagne. Nous partons aprÚs-demain. Il n'y aura avec nous que quelques personnes désintéressées et peu clairvoyantes, et nous y aurons presque autant de liberté que si nous y étions seuls. Là , je le surchargerai à tel point d'amour et de caresses, nous y vivrons si bien l'un pour l'autre uniquement, que je parie bien qu'il désirera plus que moi la fin de ce voyage, dont il se fait un si grand bonheur; et s'il n'en revient pas plus ennuyé de moi que je ne le suis de lui, dites, j'y consens, que je n'en sais pas plus que vous. Le prétexte de cette espÚce de retraite est de m'occuper sérieusement de mon grand procÚs, qui en effet se jugera enfin au commencement de l'hiver. J'en suis bien aise; car il est vraiment désagréable d'avoir ainsi toute sa fortune en l'air. Ce n'est pas que je sois inquiÚte de l'événement; d'abord j'ai raison, tous mes Avocats me l'assurent; et quand je ne l'aurais pas! je serais donc bien maladroite, si je ne savais pas gagner un procÚs, oÃÂč je n'ai pour adversaires que des mineures encore en bas ùge, et leur vieux tuteur! Comme il ne faut pourtant rien négliger dans une affaire si importante, j'aurai effectivement avec moi deux Avocats. Ce voyage ne vous paraÃt-il pas gai? cependant s'il me fait gagner mon procÚs et perdre Belleroche, je ne regretterai pas mon temps. A présent, Vicomte, devinez le successeur; je vous le donne en cent. Mais bon! ne sais-je pas que vous ne devinez jamais rien? hé bien, c'est Danceny. Vous ÃÂȘtes étonné, n'est-ce pas? car enfin je ne suis pas encore réduite à l'éducation des enfants! Mais celui-ci mérite d'ÃÂȘtre excepté; il n'a que les grùces de la jeunesse, et non la frivolité. Sa grande réserve dans le cercle est trÚs propre à éloigner tous les soupçons, et on ne l'en trouve que plus aimable, quand il se livre, dans le tÃÂȘte-à -tÃÂȘte. Ce n'est pas que j'en aie déjà eu avec lui pour mon compte, je ne suis encore que sa confidente; mais sous ce voile de l'amitié, je crois lui voir un goût trÚs vif pour moi, et je sens que j'en prends beaucoup pour lui. Ce serait bien dommage que tant d'esprit et de délicatesse allassent se sacrifier et s'abrutir auprÚs de cette petite imbécile de Volanges! J'espÚre qu'il se trompe en croyant l'aimer elle est si loin de le mériter! Ce n'est pas que je sois jalouse d'elle; mais c'est que ce serait un meurtre, et je veux en sauver Danceny. Je vous prie donc, Vicomte, de mettre vos soins à ce qu'il ne puisse se rapprocher de sa Cécile comme il a encore la mauvaise habitude de la nommer. Un premier goût a toujours plus d'empire qu'on ne croit et je ne serais sûre de rien s'il la revoyait à présent; surtout pendant mon absence. A mon retour, je me charge de tout et j'en réponds. J'ai bien songé à emmener le jeune homme avec moi mais j'en ai fait le sacrifice à ma prudence ordinaire; et puis, j'aurais craint qu'il ne s'aperçût de quelque chose entre Belleroche et moi, et je serais au désespoir qu'il eût la moindre idée de ce qui se passe. Je veux au moins m'offrir à son imagination, pure et sans tache; telle enfin qu'il faudrait ÃÂȘtre, pour ÃÂȘtre vraiment digne de lui. Paris, ce 15 octobre 17**. LETTRE CXIV LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE ROSEMONDE Ma chÚre amie, je cÚde à ma vive inquiétude; et sans savoir si vous serez en état de me répondre, je ne puis m'empÃÂȘcher de vous interroger. L'état de M. de Valmont, que vous me dites sans danger , ne me laisse pas autant de sécurité que vous paraissez en avoir. Il n'est pas rare que la mélancolie et le dégoût du monde soient des symptÎmes avant-coureurs de quelque maladie grave; les souffrances du corps, comme celles de l'esprit, font désirer la solitude; et souvent on reproche de l'humeur à celui dont on devrait seulement plaindre les maux. Il me semble qu'il devrait au moins consulter quelqu'un. Comment, étant malade vous-mÃÂȘme, n'avez-vous pas un Médecin auprÚs de vous? Le mien, que j'ai vu ce matin, et que je ne vous cache pas que j'ai consulté indirectement, est d'avis que, dans les personnes naturellement actives, cette espÚce d'apathie subite n'est jamais à négliger; et, comme il me disait encore, les maladies ne cÚdent plus au traitement, quand elles n'ont pas été prises à temps. Pourquoi faire courir ce risque à quelqu'un qui vous est si cher? Ce qui redouble mon inquiétude, c'est que, depuis quatre jours, je ne reçois plus de nouvelles de lui. Mon Dieu! ne me trompez-vous point sur son état? Pourquoi aurait-il cessé de m'écrire tout à coup? Si c'était seulement l'effet de mon obstination à lui renvoyer ses Lettres, je crois qu'il aurait pris ce parti plus tÎt. Enfin, sans croire aux pressentiments, je suis depuis quelques jours d'une tristesse qui m'effraie. Ah! peut-ÃÂȘtre suis-je à la veille du plus grand des malheurs! Vous ne sauriez croire, et j'ai honte de vous dire, combien je suis peinée de ne plus recevoir ces mÃÂȘmes Lettres, que pourtant je refuserais encore de lire. J'étais sûre au moins qu'il était occupé de moi! et je voyais quelque chose qui venait de lui. Je ne les ouvrais pas, ces Lettres, mais je pleurais en les regardant mes larmes étaient plus douces et plus faciles; et celles-là seules dissipaient en partie l'oppression habituelle que j'éprouve depuis mon retour. Je vous en conjure, mon indulgente amie, écrivez-moi, vous-mÃÂȘme, aussitÎt que vous le pourrez, et en attendant, faites-moi donner chaque jour de vos nouvelles et des siennes. Je m'aperçois qu'à peine je vous ai dit un mot pour vous mais vous connaissez mes sentiments, mon attachement sans réserve, ma tendre reconnaissance pour votre sensible amitié; vous pardonnerez au trouble oÃÂč je suis, à mes peines mortelles, au tourment affreux d'avoir à redouter des maux dont peut-ÃÂȘtre je suis la cause. Grand Dieu! cette idée désespérante me poursuit et déchire mon cÅ“ur; ce malheur me manquait, et je sens que je suis née pour les éprouver tous. Adieu, ma chÚre amie, aimez-moi, plaignez-moi. Aurai-je une Lettre de vous aujourd'hui? Paris, ce 16 octobre 17**. LETTRE CXV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL C'est une chose inconcevable, ma belle amie, comme aussitÎt qu'on s'éloigne, on cesse facilement de s'entendre. Tant que j'étais auprÚs de vous, nous n'avions jamais qu'un mÃÂȘme sentiment, une mÃÂȘme façon de voir; et parce que, depuis prÚs de trois mois, je ne vous vois plus, nous ne sommes plus du mÃÂȘme avis sur rien. Qui de nous deux a tort? sûrement vous n'hésiteriez pas sur la réponse mais moi, plus sage, ou plus poli, je ne décide pas. Je vais seulement répondre à votre Lettre, et continuer de vous exposer ma conduite. D'abord, je vous remercie de l'avis que vous me donnez des bruits qui courent sur mon compte; mais je ne m'en inquiÚte pas encore je me crois sûr d'avoir bientÎt de quoi les faire cesser. Soyez tranquille, je ne reparaÃtrai dans le monde que plus célÚbre que jamais, et toujours plus digne de vous. J'espÚre qu'on me comptera mÃÂȘme pour quelque chose l'aventure de la petite Volanges, dont vous paraissez faire si peu de cas comme si ce n'était rien que d'enlever en une soirée une jeune fille à son Amant aimé, d'en user ensuite tant qu'on le veut et absolument comme de son bien, et sans plus d'embarras; d'en obtenir ce qu'on n'ose pas mÃÂȘme exiger de toutes les filles dont c'est le métier; et cela, sans la déranger en rien de son tendre amour; sans la rendre inconstante, pas mÃÂȘme infidÚle car, en effet, je n'occupe seulement pas sa tÃÂȘte! en sorte qu'aprÚs ma fantaisie passée, je la remettrai entre les bras de son Amant, pour ainsi dire, sans qu'elle se soit aperçue de rien. Est-ce donc là une marche si ordinaire? et puis croyez-moi, une fois sortie de mes mains, les principes que je lui donne ne s'en développeront pas moins; et je prédis que la timide écoliÚre prendra bientÎt un essor propre à faire honneur à son maÃtre. Si pourtant on aime mieux le genre héroïque, je montrerai la Présidente, ce modÚle cité de toutes les vertus! respectée mÃÂȘme de nos plus libertins! telle enfin qu'on avait perdu jusqu'à l'idée de l'attaquer! je la montrerai, dis-je, oubliant ses devoirs et sa vertu, sacrifiant sa réputation et deux ans de sagesse, pour courir aprÚs le bonheur de me plaire, pour s'enivrer de celui de m'aimer, se trouvant suffisamment dédommagée de tant de sacrifices, par un mot, par un regard qu'encore elle n'obtiendra pas toujours. Je ferai plus, je la quitterai; et je ne connais pas cette femme, ou je n'aurai point de successeur. Elle résistera au besoin de consolation, à l'habitude du plaisir, au désir mÃÂȘme de la vengeance. Enfin, elle n'aura existé que pour moi; et que sa carriÚre soit plus ou moins longue, j'en aurai seul ouvert et fermé la barriÚre. Une fois parvenu à ce triomphe, je dirai à mes rivaux " Voyez mon ouvrage, et cherchez-en dans le siÚcle un second exemple! " Vous allez me demander d'oÃÂč vient aujourd'hui cet excÚs de confiance? c'est que depuis huit jours je suis dans la confidence de ma Belle; elle ne me dit pas ses secrets, mais je les surprends. Deux Lettres d'elle à Madame de Rosemonde m'ont suffisamment instruit, et je ne lirai plus les autres que par curiosité. Je n'ai absolument besoin, pour réussir, que de me rapprocher d'elle, et mes moyens sont trouvés. Je vais incessamment les mettre en usage. Vous ÃÂȘtes curieuse, je crois?... Mais non, pour vous punir de ne pas croire à mes inventions, vous ne les saurez pas. Tout de bon, vous mériteriez que je vous retirasse ma confiance, au moins pour cette aventure; en effet, sans le doux prix attaché par vous à ce succÚs, je ne vous en parlerais plus. Vous voyez que je suis fùché. Cependant, dans l'espoir que vous vous corrigerez, je veux bien m'en tenir à cette punition légÚre; et revenant à l'indulgence, j'oublie un moment mes grands projets, pour raisonner des vÎtres avec vous. Vous voilà donc à la campagne, ennuyeuse comme le sentiment, et triste comme la fidélité! Et ce pauvre Belleroche! vous ne vous contentez pas de lui faire boire l'eau d'oubli, vous lui en donnez la question! Comment s'en trouve- t-il? supporte-t-il bien les nausées de l'amour? Je voudrais pour beaucoup qu'il ne vous en devÃnt que plus attaché; je suis curieux de voir quel remÚde plus efficace vous parviendriez à employer. Je vous plains, en vérité, d'avoir été obligée de recourir à celui-là . Je n'ai fait qu'une fois, dans ma vie, l'amour par procédé. J'avais certainement un grand motif, puisque c'était à la Comtesse de ***; et vingt fois, entre ses bras, j'ai été tenté de lui dire " Madame, je renonce à la place que je sollicite, et permettez-moi de quitter celle que j'occupe. " Aussi, de toutes les femmes que j'ai eues, c'est la seule dont j'ai vraiment plaisir à dire du mal. Pour votre motif à vous, je le trouve, à vrai dire, d'un ridicule rare; et vous aviez raison de croire que je ne devinerais pas le successeur. Quoi! c'est pour Danceny que vous vous donnez toute cette peine-là ! Eh! ma chÚre amie, laissez-le adorer sa vertueuse Cécile , et ne vous compromettez pas dans ces jeux d'enfants. Laissez les écoliers se former auprÚs des Bonnes , ou jouer avec les pensionnaires à de petits jeux innocents . Comment allez- vous vous charger d'un novice qui ne saura ni vous prendre, ni vous quitter, et avec qui il vous faudra tout faire? Je vous le dis sérieusement, je désapprouve ce choix, et quelque secret qu'il restùt, il vous humilierait au moins à mes yeux et dans votre conscience. Vous prenez, dites-vous, beaucoup de goût pour lui allons donc, vous vous trompez sûrement, et je crois mÃÂȘme avoir trouvé la cause de votre erreur. Ce beau dégoût de Belleroche vous est venu dans un temps de disette, et Paris ne vous offrant pas de choix, vos idées, toujours trop vives, se sont portées sur le premier objet que vous avez rencontré. Mais songez qu'à votre retour, vous pourrez choisir entre mille; et si enfin vous redoutez l'inaction dans laquelle vous risquez de tomber en différant, je m'offre à vous pour amuser vos loisirs. D'ici à votre arrivée, mes grandes affaires seront terminées de maniÚre ou d'autre; et sûrement, ni la petite Volanges, ni la Présidente elle-mÃÂȘme, ne m'occuperont pas assez alors pour que je ne sois pas à vous autant que vous le désiriez. Peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme, d'ici là , aurai-je déjà remis la petite fille aux mains de son discret Amant. Sans convenir, quoi que vous en disiez, que ce ne soit pas une jouissance attachante , comme j'ai le projet qu'elle garde de moi toute sa vie une idée supérieure à celle de tous les autres hommes, je me suis mis, avec elle, sur un ton que je ne pourrais soutenir longtemps sans altérer ma santé; et dÚs ce moment, je ne tiens plus à elle que par le soin qu'on doit aux affaires de famille... Vous ne m'entendez pas? C'est que j'attends une seconde époque pour confirmer mon espoir, et m'assurer que j'ai pleinement réussi dans mes projets. Oui, ma belle amie, j'ai déjà un premier indice que le mari de mon écoliÚre ne courra pas le risque de mourir sans postérité; et que le Chef de la maison de Gercourt ne sera à l'avenir qu'un Cadet de celle de Valmont. Mais laissez-moi finir, à ma fantaisie, cette aventure que je n'ai entreprise qu'à votre priÚre. Songez que si vous rendez Danceny inconstant, vous Îtez tout le piquant de cette histoire. Considérez enfin que, m'offrant pour le représenter auprÚs de vous, j'ai, ce me semble, quelques droits à la préférence. J'y compte si bien, que je n'ai pas craint de contrarier vos vues, en concourant moi-mÃÂȘme à augmenter la tendre passion du discret Amoureux, pour le premier et digne objet de son choix. Ayant donc trouvé hier votre Pupille occupée à lui écrire, et l'ayant dérangée d'abord de cette douce occupation pour une autre plus douce encore, je lui ai demandé, aprÚs, de voir sa Lettre; et comme je l'ai trouvée froide et contrainte, je lui ai fait sentir que ce n'était pas ainsi qu'elle consolerait son Amant, et je l'ai décidée à en écrire une autre sous ma dictée; oÃÂč, en imitant du mieux que j'ai pu son petit radotage, j'ai tùché de nourrir l'amour du jeune homme par un espoir plus certain. La petite personne était toute ravie, me disait-elle, de se trouver parler si bien; et dorénavant, je serai chargé de la correspondance. Que n'aurai-je pas fait pour ce Danceny? J'aurai été à la fois son ami, son confident, son rival et sa maÃtresse! Encore, en ce moment, je lui rends le service de le sauver de vos liens dangereux; oui, sans doute, dangereux, car vous posséder et vous perdre, c'est acheter un moment de bonheur par une éternité de regrets. Adieu, ma belle amie; ayez le courage de dépÃÂȘcher Belleroche le plus que vous pourrez. Laissez là Danceny, et préparez-vous à retrouver, et à me rendre, les délicieux plaisirs de notre premiÚre liaison. Je vous fais compliment sur le jugement prochain du grand procÚs. Je serai fort aise que cet heureux événement arrive sous mon rÚgne. Du Chùteau de ..., ce 19 octobre 17**. LETTRE CXVI LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Madame de Merteuil est partie ce matin pour la campagne; ainsi, ma charmante Cécile, me voilà privé du seul plaisir qui me restait en votre absence, celui de parler de vous à votre amie et à la mienne. Depuis quelque temps, elle m'a permis de lui donner ce titre; et j'en ai profité avec d'autant plus d'empressement, qu'il me semblait, par là , me rapprocher de vous davantage. Mon Dieu! que cette femme est aimable et quel charme flatteur elle sait donner à l'amitié! Il semble que ce doux sentiment s'embellisse et se fortifie chez elle de tout ce qu'elle refuse à l'amour. Si vous saviez comme elle vous aime, comme elle se plaÃt à m'entendre lui parler de vous!... C'est là sans doute ce qui m'attache autant à elle. Quel bonheur de pouvoir vivre uniquement pour vous deux, de passer sans cesse des délices de l'amour aux douceurs de l'amitié, d'y consacrer toute mon existence, d'ÃÂȘtre en quelque sorte le point de réunion de votre attachement réciproque; et de sentir toujours que, m'occupant du bonheur de l'une, je travaillerais également à celui de l'autre! Aimez, aimez beaucoup, ma charmante amie, cette femme adorable. L'attachement que j'ai pour elle, donnez-y plus de prix encore, en le partageant. Depuis que j'ai goûté le charme de l'amitié, je désire que vous l'éprouviez à votre tour. Les plaisirs que je ne partage pas avec vous, il me semble n'en jouir qu'à moitié. Oui, ma Cécile, je voudrais entourer votre cÅ“ur de tous les sentiments les plus doux; que chacun de ses mouvements vous fÃt éprouver une sensation de bonheur; et je croirais encore ne pouvoir jamais vous rendre qu'une partie de la félicité que je tiendrais de vous. Pourquoi faut-il que ces projets charmants ne soient qu'une chimÚre de mon imagination, et que la réalité ne m'offre au contraire que des privations douloureuses et indéfinies? L'espoir que vous m'aviez donné de vous voir à cette campagne, je m'aperçois bien qu'il faut y renoncer. Je n'ai plus de consolation que celle de me persuader qu'en effet cela ne vous est pas possible. Et vous négligez de me le dire, de vous en affliger avec moi! Déjà , deux fois, mes plaintes à ce sujet sont restées sans réponse. Ah! Cécile! Cécile, je crois bien que vous m'aimez de toutes les facultés de votre ùme, mais votre ùme n'est pas brûlante comme la mienne! Que n'est-ce à moi à lever les obstacles? Pourquoi ne sont-ce pas mes intérÃÂȘts qu'il me faille ménager, au lieu des vÎtres? je saurais bientÎt vous prouver que rien n'est impossible à l'amour. Vous ne me mandez pas non plus quand doit finir cette absence cruelle au moins, ici, peut-ÃÂȘtre vous verrais-je. Vos charmants regards ranimeraient mon ùme abattue; leur touchante expression rassurerait mon cÅ“ur, qui quelquefois en a besoin. Pardon, ma Cécile; cette crainte n'est pas un soupçon. Je crois à votre amour, à votre constance. Ah! je serais trop malheureux, si j'en doutais. Mais tant d'obstacles! et toujours renouvelés! Mon amie, je suis triste, bien triste. Il semble que ce départ de Madame de Merteuil ait renouvelé en moi le sentiment de tous mes malheurs. Adieu, ma Cécile; adieu, ma bien-aimée. Songez que votre Amant s'afflige, et que vous pouvez seule lui rendre le bonheur. Paris, ce 17 octobre 17**. LETTRE CXVII CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY DICTEE PAR VALMONT. Croyez-vous donc, mon bon ami, que j'aie besoin d'ÃÂȘtre grondée pour ÃÂȘtre triste, quand je sais que vous vous affligez? et doutez-vous que je ne souffre autant que vous de toutes vos peines? Je partage mÃÂȘme celles que je vous cause volontairement; et j'ai de plus que vous, de voir que vous ne me rendez pas justice. Oh! cela n'est pas bien. Je vois bien ce qui vous fùche; c'est que les deux derniÚres fois que vous m'avez demandé de venir ici je ne vous ai pas répondu à cela mais cette réponse est-elle donc si aisée à faire? Croyez-vous que je ne sache pas que ce que vous voulez est bien mal? Et pourtant, si j'ai déjà tant de peine à vous refuser de loin, que serait-ce donc si vous étiez là ? Et puis pour avoir voulu vous consoler un moment, je resterais affligée toute ma vie. Tenez, je n'ai rien de caché pour vous, moi voilà mes raisons, jugez vous- mÃÂȘme. J'aurais peut-ÃÂȘtre fait ce que vous voulez, sans ce que je vous ai mandé, que ce M. de Gercourt, qui cause tout notre chagrin, n'arrivera pas encore de sitÎt; et comme, depuis quelque temps, Maman me témoigne beaucoup plus d'amitié; comme, de mon cÎté, je la caresse le plus que je peux; qui sait ce que je pourrai obtenir d'elle? Et si nous pouvions ÃÂȘtre heureux sans que j'aie rien à me reprocher, est-ce que cela ne vaudrait pas bien mieux? Si j'en crois ce qu'on m'a dit souvent, les hommes mÃÂȘme n'aiment plus tant leurs femmes, quand elles les ont trop aimés avant de l'ÃÂȘtre. Cette crainte-là me retient encore plus que tout le reste. Mon ami, n'ÃÂȘtes-vous pas sûr de mon cÅ“ur, et ne sera-t-il pas toujours temps? Ecoutez, je vous promets que, si je ne peux pas éviter le malheur d'épouser M. de Gercourt, que je hais déjà tant avant de le connaÃtre, rien ne me retiendra plus pour ÃÂȘtre à vous autant que je pourrai, et mÃÂȘme avant tout. Comme je ne me soucie d'ÃÂȘtre aimée que de vous, et que vous verrez bien si je fais mal, il n'y aura pas de ma faute, le reste me sera bien égal; pourvu que vous me promettiez de m'aimer toujours autant que vous faites. Mais, mon ami, jusque-là , laissez-moi continuer comme je fais; et ne me demandez plus une chose que j'ai de bonnes raisons pour ne pas faire, et que pourtant il me fùche de vous refuser. Je voudrais bien aussi que M. de Valmont ne fût pas si pressant pour vous; cela ne sert qu'à me rendre plus chagrine encore. Oh! vous avez là un bien bon ami, je vous assure! Il fait tout comme vous feriez vous-mÃÂȘme. Mais adieu, mon cher ami; j'ai commencé bien tard à vous écrire, et j'y ai passé une partie de la nuit. Je vas me coucher et réparer le temps perdu. Je vous embrasse, mais ne me grondez plus. Du Chùteau de ..., ce 18 octobre 17**. LETTRE CXVIII LE CHEVALIER DANCENY A LA MARQUISE DE MERTEUIL Si j'en crois mon Almanach, il n'y a, mon adorable amie, que deux jours que vous ÃÂȘtes absente; mais si j'en crois mon cÅ“ur, il y a deux siÚcles. Or, je le tiens de vous-mÃÂȘme, c'est toujours son cÅ“ur qu'il faut croire; il est donc bien temps que vous reveniez, et toutes vos affaires doivent ÃÂȘtre plus que finies. Comment voulez-vous que je m'intéresse à votre procÚs, si, perte ou gain, j'en dois également payer les frais par l'ennui de votre absence? Oh! que j'aurais envie de quereller! et qu'il est triste, avec un si beau sujet d'avoir de l'humeur, de n'avoir pas le droit d'en montrer! N'est-ce pas cependant une véritable infidélité, une noire trahison, que de laisser votre ami loin de vous, aprÚs l'avoir accoutumé à ne pouvoir plus se passer de votre présence? Vous aurez beau consulter vos Avocats, ils ne vous trouveront pas de justification pour ce mauvais procédé et puis, ces gens-là ne disent que des raisons, et des raisons ne suffisent pas pour répondre à des sentiments. Pour moi, vous m'avez tant dit que c'était par raison que vous faisiez ce voyage, que vous m'avez tout à fait brouillé avec elle. Je ne veux plus du tout l'entendre; pas mÃÂȘme quand elle me dit de vous oublier. Cette raison-là est pourtant bien raisonnable; et au fait, cela ne serait pas si difficile que vous pourriez le croire. Il suffirait seulement de perdre l'habitude de penser toujours à vous, et rien ici, je vous assure, ne vous rappellerait à moi. Nos plus jolies femmes, celles qu'on dit les plus aimables, sont encore si loin de vous qu'elles ne pourraient en donner qu'une bien faible idée. Je crois mÃÂȘme qu'avec des yeux exercés, plus on a cru d'abord qu'elles vous ressemblaient, plus on y trouve aprÚs de différence elles ont beau faire, beau y mettre tout ce qu'elles savent, il leur manque toujours d'ÃÂȘtre vous, et c'est positivement là qu'est le charme. Malheureusement, quand les journées sont si longues, et qu'on est désoccupé, on rÃÂȘve, on fait des chùteaux en Espagne, on se crée sa chimÚre; peu à peu l'imagination s'exalte on veut embellir son ouvrage, on rassemble tout ce qui peut plaire, on arrive enfin à la perfection; et dÚs qu'on en est là , le portrait ramÚne au modÚle, et on est tout étonné de voir qu'on n'a fait que songer à vous. Dans ce moment mÃÂȘme, je suis encore la dupe d'une erreur à peu prÚs semblable. Vous croyez peut-ÃÂȘtre que c'était pour m'occuper de vous, que je me suis mis à vous écrire? point du tout c'était pour m'en distraire. J'avais cent choses à vous dire dont vous n'étiez pas l'objet, qui, comme vous savez, m'intéressent bien vivement; et ce sont celles-là pourtant dont j'ai été distrait. Et depuis quand le charme de l'amitié distrait-il donc de celui de l'amour? Ah! si j'y regardais de bien prÚs, peut-ÃÂȘtre aurais-je un petit reproche à me faire! Mais chut! oublions cette légÚre faute de peur d'y retomber; et que mon amie elle-mÃÂȘme l'ignore. Aussi pourquoi n'ÃÂȘtes-vous pas là pour me répondre, pour me ramener si je m'égare; pour me parler de ma Cécile, pour augmenter, s'il est possible, le bonheur que je goûte à l'aimer, par l'idée si douce que c'est votre amie que j'aime? Oui, je l'avoue, l'amour qu'elle m'inspire m'est devenu plus précieux encore, depuis que vous avez bien voulu en recevoir la confidence. J'aime tant à vous ouvrir mon cÅ“ur, à occuper le vÎtre de mes sentiments, à les y déposer sans réserve! il me semble que je les chéris davantage, à mesure que vous daignez les recueillir; et puis, je vous regarde et je me dis C'est en elle qu'est renfermé tout mon bonheur. Je n'ai rien de nouveau à vous apprendre sur ma situation. La derniÚre Lettre que j'ai reçue d'elle augmente et assure mon espoir, mais le retarde encore. Cependant ses motifs sont si tendres et si honnÃÂȘtes que je ne puis l'en blùmer ni m'en plaindre. Peut-ÃÂȘtre n'entendrez-vous pas trop bien ce que je vous dis là ; mais pourquoi n'ÃÂȘtes-vous pas ici? Quoiqu'on dise tout à son amie, on n'ose pas tout écrire. Les secrets de l'amour, surtout, sont si délicats qu'on ne peut les laisser aller ainsi sur leur bonne foi. Si quelquefois on leur permet de sortir, il ne faut pas au moins les perdre de vue; il faut en quelque sorte les voir entrer dans leur nouvel asile. Ah! revenez donc, mon adorable amie; vous voyez bien que votre retour est nécessaire. Oubliez enfin les mille raisons qui vous retiennent oÃÂč vous ÃÂȘtes, ou apprenez-moi à vivre oÃÂč vous n'ÃÂȘtes pas. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. Paris, ce 19 octobre 17**. LETTRE CXIX MADAME DE ROSEMONDE A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Quoique je souffre encore beaucoup, ma chÚre Belle, j'essaie de vous écrire moi-mÃÂȘme, afin de pouvoir vous parler de ce qui vous intéresse. Mon neveu garde toujours sa misanthropie. Il envoie fort réguliÚrement savoir de mes nouvelles tous les jours; mais il n'est pas venu une fois s'en informer lui- mÃÂȘme, quoique je l'en aie fait prier en sorte que je ne le vois pas plus que s'il était à Paris. Je l'ai pourtant rencontré ce matin, oÃÂč je ne l'attendais guÚre. C'est dans ma Chapelle, oÃÂč je suis descendue pour la premiÚre fois depuis ma douloureuse incommodité. J'ai appris aujourd'hui que depuis quatre jours il y va réguliÚrement entendre la Messe. Dieu veuille que cela dure! Quand je suis entrée, il est venu à moi, et m'a félicitée fort affectueusement sur le meilleur état de ma santé. Comme la Messe commençait, j'ai abrégé la conversation, que je comptais bien reprendre aprÚs; mais il a disparu avant que j'aie pu le joindre. Je ne vous cacherai pas que je l'ai trouvé un peu changé. Mais, ma chÚre Belle, ne me faites pas repentir de ma confiance en votre raison, par des inquiétudes trop vives; et surtout soyez sûre que j'aimerais encore mieux vous affliger, que vous tromper. Si mon neveu continue à me tenir rigueur, je prendrai le parti, aussitÎt que je serai mieux, de l'aller voir dans sa chambre; et je tùcherai de pénétrer la cause de cette singuliÚre manie, dans laquelle je crois bien que vous ÃÂȘtes pour quelque chose. Je vous manderai ce que j'aurai appris. Je vous quitte, ne pouvant plus remuer les doigts et puis, si Adélaïde savait que j'ai écrit, elle me gronderait toute la soirée. Adieu, ma chÚre Belle. Du Chùteau de ..., ce 20 octobre 17**. LETTRE CXX LE VICOMTE DE VALMONT AU PERE ANSELME FEUILLANT DU COUVENT DE LA RUE SAINT-HONORE. Je n'ai pas l'honneur d'ÃÂȘtre connu de vous, Monsieur mais je sais la confiance entiÚre qu'a en vous Madame la Présidente de Tourvel, et je sais de plus combien cette confiance est dignement placée. Je crois donc pouvoir sans indiscrétion m'adresser à vous, pour en obtenir un service bien essentiel, vraiment digne de votre saint ministÚre, et oÃÂč l'intérÃÂȘt de Madame de Tourvel se trouve joint au mien. J'ai entre les mains des papiers importants qui la concernent, qui ne peuvent ÃÂȘtre confiés à personne, et que je ne dois ni ne veux remettre qu'entre ses mains. Je n'ai aucun moyen de l'en instruire, parce que des raisons, que peut- ÃÂȘtre vous aurez sues d'elle, mais dont je ne crois pas qu'il me soit permis de vous instruire, lui ont fait prendre le parti de refuser toute correspondance avec moi parti que j'avoue volontiers aujourd'hui ne pouvoir blùmer, puisqu'elle ne pouvait prévoir des événements auxquels j'étais moi-mÃÂȘme bien loin de m'attendre, et qui n'étaient possibles qu'à la force plus qu'humaine qu'on est forcé d'y reconnaÃtre. Je vous prie donc, Monsieur, de vouloir bien l'informer de mes nouvelles résolutions, et de lui demander pour moi une entrevue particuliÚre, oÃÂč je puisse au moins réparer, en partie, mes torts par mes excuses; et, pour dernier sacrifice, anéantir à ses yeux les seules traces existantes d'une erreur ou d'une faute qui m'avait rendu coupable envers elle. Ce ne sera qu'aprÚs cette expiation préliminaire, que j'oserai déposer à vos pieds l'humiliant aveu de mes longs égarements; et implorer votre médiation pour une réconciliation bien plus importante encore, et malheureusement plus difficile. Puis-je espérer, Monsieur, que vous ne me refuserez pas des soins si nécessaires et si précieux? et que vous daignerez soutenir ma faiblesse, et guider mes pas dans un sentier nouveau, que je désire bien ardemment de suivre, mais que j'avoue en rougissant ne pas connaÃtre encore? J'attends votre réponse avec l'impatience du repentir qui désire de réparer, et je vous prie de me croire avec autant de reconnaissance que de vénération. Votre trÚs humble, etc. Je vous autorise, Monsieur, au cas que vous le jugiez convenable, à communiquer cette Lettre en entier à Madame de Tourvel, que je me ferai toute ma vie un devoir de respecter, et en qui je ne cesserai jamais d'honorer celle dont le Ciel s'est servi pour ramener mon ùme à la vertu, par le touchant spectacle de la sienne. Du Chùteau de ..., ce 22 octobre 17** LETTRE CXXI LA MARQUISE DE MERTEUIL AU CHEVALIER DANCENY J'ai reçu votre Lettre, mon trop jeune ami; mais avant de vous remercier, il faut que je vous gronde, et je vous préviens que si vous ne vous corrigez pas, vous n'aurez plus de réponse de moi. Quittez donc, si vous m'en croyez, ce ton de cajolerie, qui n'est plus que du jargon, dÚs qu'il n'est pas l'expression de l'amour. Est-ce donc là le style de l'amitié? non, mon ami, chaque sentiment a son langage qui lui convient; et se servir d'un autre, c'est déguiser la pensée que l'on exprime. Je sais bien que nos petites femmes n'entendent rien de ce qu'on peut leur dire, s'il n'est traduit, en quelque sorte, dans ce jargon d'usage; mais je croyais mériter, je l'avoue, que vous me distinguassiez d'elles. Je suis vraiment fùchée, et peut-ÃÂȘtre plus que je ne devrais l'ÃÂȘtre, que vous m'ayez si mal jugée. Vous ne trouverez donc dans ma Lettre que ce qui manque à la vÎtre, franchise et simplesse. Je vous dirai bien, par exemple, que j'aurais grand plaisir à vous voir, et que je suis contrariée de n'avoir auprÚs de moi que des gens qui m'ennuient, au lieu de gens qui me plaisent; mais vous, cette mÃÂȘme phrase, vous la traduisez ainsi Apprenez-moi à vivre oÃÂč vous n'ÃÂȘtes pas ; en sorte que quand vous serez, je suppose, auprÚs de votre MaÃtresse, vous ne sauriez pas y vivre que je n'y sois en tiers. Quelle pitié! et ces femmes, à qui il manque toujours d'ÃÂȘtre moi , vous trouvez peut-ÃÂȘtre aussi que cela manque à votre Cécile! voilà pourtant oÃÂč conduit un langage qui, par l'abus qu'on en fait aujourd'hui, est encore au-dessous du jargon des compliments, et ne devient plus qu'un simple protocole, auquel on ne croit pas davantage qu'au trÚs humble serviteur! Mon ami, quand vous m'écrivez, que ce soit pour me dire votre façon de penser et de sentir, et non pour m'envoyer des phrases que je trouverai, sans vous, plus ou moins bien dites dans le premier Roman du jour. J'espÚre que vous ne vous fùcherez pas de ce que je vous dis là , quand mÃÂȘme vous y verriez un peu d'humeur; car je ne nie pas d'en avoir mais pour éviter jusqu'à l'air du défaut que je vous reproche, je ne vous dirai pas que cette humeur est peut-ÃÂȘtre un peu augmentée par l'éloignement oÃÂč je suis de vous. Il me semble qu'à tout prendre vous valez mieux qu'un procÚs et deux Avocats, et peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme encore que l'attentif Belleroche. Vous voyez qu'au lieu de vous désoler de mon absence, vous devriez vous en féliciter; car jamais je ne vous avais fait un aussi beau compliment. Je crois que l'exemple me gagne, et que je veux vous dire aussi des cajoleries mais non, j'aime mieux m'en tenir à ma franchise; c'est donc elle seule qui vous assure de ma tendre amitié, et de l'intérÃÂȘt qu'elle m'inspire. Il est fort doux d'avoir un jeune ami, dont le cÅ“ur est occupé ailleurs. Ce n'est pas là le systÚme de toutes les femmes; mais c'est le mien. Il me semble qu'on se livre, avec plus de plaisir, à un sentiment dont on ne peut rien avoir à craindre aussi j'ai passé pour vous, d'assez bonne heure peut-ÃÂȘtre, au rÎle de confidente. Mais vous choisissez vos MaÃtresses si jeunes, que vous m'avez fait apercevoir pour la premiÚre fois que je commence à ÃÂȘtre vieille! C'est bien fait à vous de vous préparer ainsi une longue carriÚre de constance, et je vous souhaite de tout mon cÅ“ur qu'elle soit réciproque. Vous avez raison de vous rendre aux motifs tendres et honnÃÂȘtes qui, à ce que vous me mandez, retardent votre bonheur . La longue défense est le seul mérite qui reste à celles qui ne résistent pas toujours; et ce que je trouverais impardonnable à toute autre qu'à un enfant comme la petite Volanges, serait de ne pas savoir fuir un danger dont elle a été suffisamment avertie par l'aveu qu'elle a fait de son amour. Vous autres hommes, vous n'avez pas d'idées de ce qu'est la vertu, et de ce qu'il en coûte pour la sacrifier! Mais pour peu qu'une femme raisonne, elle doit savoir qu'indépendamment de la faute qu'elle commet, une faiblesse est pour elle le plus grand des malheurs; et je ne conçois pas qu'aucune s'y laisse jamais prendre, quand elle peut avoir un moment pour y réfléchir. N'allez pas combattre cette idée, car c'est elle qui m'attache principalement à vous. Vous me sauverez des dangers de l'amour; et quoique j'aie bien su sans vous m'en défendre jusqu'à présent, je consens à en avoir de la reconnaissance, et je vous en aimerai mieux et davantage. Sur ce, mon cher Chevalier, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde. Du Chùteau de ..., ce 22 octobre 17**. LETTRE CXXII MADAME DE ROSEMONDE A LA PRESIDENTE DE TOURVEL J'espérais, mon aimable fille, pouvoir enfin calmer vos inquiétudes, et je vois au contraire avec chagrin que je vais les augmenter encore! Calmez-vous cependant; mon neveu n'est pas en danger on ne peut pas mÃÂȘme dire qu'il soit réellement malade. Mais il se passe sûrement en lui quelque chose d'extraordinaire. Je n'y comprends rien; mais je suis sortie de sa chambre avec un sentiment de tristesse, peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme d'effroi, que je me reproche de vous faire partager, et dont cependant je ne puis m'empÃÂȘcher de causer avec vous. Voici le récit de ce qui s'est passé vous pouvez ÃÂȘtre sûre qu'il est fidÚle; car je vivrais quatre-vingts autres années, que je n'oublierais pas l'impression que m'a faite cette triste scÚne. J'ai donc été ce matin chez mon neveu; je l'ai trouvé écrivant, et entouré de différents tas de papiers, qui avaient l'air d'ÃÂȘtre l'objet de son travail. Il s'en occupait au point que j'étais déjà au milieu de sa chambre qu'il n'avait pas encore tourné la tÃÂȘte pour savoir qui entrait. AussitÎt qu'il m'a aperçue, j'ai trÚs bien remarqué qu'en se levant, il s'efforçait de composer sa figure, et peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme est-ce là ce qui m'y a fait faire plus d'attention. Il était, à la vérité, sans toilette et sans poudre; mais je l'ai trouvé pùle et défait, et ayant surtout la physionomie altérée. Son regard que nous avons vu si vif et si gai, était triste et abattu; enfin, soit dit entre nous, je n'aurais pas voulu que vous le vissiez ainsi car il avait l'air trÚs touchant et trÚs propre, à ce que je crois, à inspirer cette tendre pitié qui est un des plus dangereux piÚges de l'amour. Quoique frappée de mes remarques, j'ai pourtant commencé la conversation comme si je ne m'étais aperçue de rien. Je lui ai d'abord parlé de sa santé, et sans me dire qu'elle soit bonne, il ne m'a point articulé pourtant qu'elle fût mauvaise. Alors je me suis plainte de sa retraite, qui avait un peu l'air d'une manie, et je tùchais de mÃÂȘler un peu de gaieté à ma petite réprimande; mais lui m'a répondu seulement, d'un ton pénétré " C'est un tort de plus, je l'avoue; mais il sera réparé avec les autres. " Son air, plus encore que ses discours, a un peu dérangé mon enjouement, et je me suis hùtée de lui dire qu'il mettait trop d'importance à un simple reproche de l'amitié. Nous nous sommes donc remis à causer tranquillement. Il m'a dit, peu de temps aprÚs, que peut-ÃÂȘtre une affaire, la plus grande affaire de sa vie, le rappellerait bientÎt à Paris mais comme j'avais peur de la deviner, ma chÚre Belle, et que ce début ne me menùt à une confidence dont je ne voulais pas, je ne lui ai fait aucune question, et je me suis contentée de lui répondre que plus de dissipation serait utile à sa santé. J'ai ajouté que, pour cette fois, je ne lui ferais aucune instance, aimant mes amis pour eux-mÃÂȘmes; c'est à cette phrase si simple, que serrant mes mains, et parlant avec une véhémence que je ne puis vous rendre " Oui, ma tante, m'a-t-il dit, aimez, aimez beaucoup un neveu qui vous respecte et vous chérit; et, comme vous dites, aimez-le pour lui-mÃÂȘme. Ne vous affligez pas de son bonheur, et ne troublez, par aucun regret, l'éternelle tranquillité dont il espÚre jouir bientÎt. Répétez-moi que vous m'aimez, que vous me pardonnez; oui, vous me pardonnerez; je connais votre bonté mais comment espérer la mÃÂȘme indulgence de ceux que j'ai tant offensés? " Alors il s'est baissé sur moi, pour me cacher, je crois, des marques de douleur, que le son de sa voix me décelait malgré lui. Emue plus que je ne puis vous dire, je me suis levée précipitamment; et sans doute il a remarqué mon effroi; car sur-le-champ, se composant davantage " Pardon, a-t-il repris; pardon, Madame, je sens que je m'égare malgré moi. Je vous prie d'oublier mes discours, et de vous souvenir seulement de mon profond respect. Je ne manquerai pas, a-t-il ajouté, d'aller vous en renouveler l'hommage avant mon départ. " Il m'a semblé que cette derniÚre phrase m'engageait à terminer ma visite; et je me suis en allée, en effet. Mais plus j'y réfléchis, et moins je devine ce qu'il a voulu dire. Quelle est cette affaire, la plus grande de sa vie ? à quel sujet me demande-t-il pardon? d'oÃÂč lui est venu cet attendrissement, involontaire en me parlant? Je me suis déjà fait ces questions mille fois, sans pouvoir y répondre. Je ne vois mÃÂȘme rien là qui ait rapport à vous cependant, comme les yeux de l'amour sont plus clairvoyants que ceux de l'amitié, je n'ai voulu vous laisser rien ignorer de ce qui s'est passé entre mon neveu et moi. Je me suis reprise à quatre fois pour écrire cette longue Lettre, que je ferais plus longue encore, sans la fatigue que je ressens. Adieu, ma chÚre Belle. Du Chùteau de ..., ce 25 octobre 17**. LETTRE CXXIII LE PERE ANSELME AU VICOMTE DE VALMONT J'ai reçu, Monsieur le Vicomte, la Lettre dont vous m'avez honoré; et dÚs hier, je me suis transporté, suivant vos désirs, chez la personne en question. Je lui ai exposé l'objet et les motifs de la démarche que vous demandiez de faire auprÚs d'elle. Quelque attachée que je l'aie trouvée au parti sage qu'elle avait pris d'abord, sur ce que je lui ai remontré qu'elle risquait peut-ÃÂȘtre par son refus de mettre obstacle à votre heureux retour, et de s'opposer ainsi, en quelque sorte, aux vues miséricordieuses de la Providence, elle a consenti à recevoir votre visite, à condition toutefois que ce sera la derniÚre, et m'a chargé de vous annoncer qu'elle serait chez elle Jeudi prochain, 28. Si ce jour ne pouvait pas vous convenir, vous voudrez bien l'en informer et lui en indiquer un autre. Votre Lettre sera reçue. Cependant, Monsieur le Vicomte, permettez-moi de vous inviter à ne pas différer sans de fortes raisons, afin de pouvoir vous livrer plus tÎt et plus entiÚrement aux dispositions louables que vous me témoignez. Songez que celui qui tarde à profiter du moment de la grùce s'expose à ce qu'elle lui soit retirée; que si la bonté divine est infinie, l'usage en est pourtant réglé par la justice; et qu'il peut venir un moment oÃÂč le Dieu de miséricorde se change en un Dieu de vengeance. Si vous continuez à m'honorer de votre confiance, je vous prie de croire que tous mes soins vous seront acquis, aussitÎt que vous le désirerez quelques grandes que soient mes occupations, mon affaire la plus importante sera toujours de remplir les devoirs du saint MinistÚre, auquel je me suis particuliÚrement dévoué; et le moment le plus beau de ma vie, celui oÃÂč je verrai mes efforts prospérer par la bénédiction du Tout-Puissant. Faibles pécheurs que nous sommes, nous ne pouvons rien par nous-mÃÂȘmes! Mais le Dieu qui vous rappelle peut tout; et nous devrons également à sa bonté, vous, le désir constant de vous rejoindre à lui, et moi, les moyens de vous y conduire. C'est avec son secours que j'espÚre vous convaincre bientÎt que la Religion sainte peut donner seule, mÃÂȘme en ce monde, le bonheur solide et durable qu'on cherche vainement dans l'aveuglement des passions humaines. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, avec une respectueuse considération, etc. Paris, ce 25 octobre 17**. LETTRE CXXIV LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE ROSEMONDE Au milieu de l'étonnement oÃÂč m'a jetée, Madame, la nouvelle que j'ai apprise hier, je n'oublie pas la satisfaction qu'elle doit vous causer, et je me hùte de vous en faire part. M. de Valmont ne s'occupe plus ni de moi ni de son amour; et ne veut plus que réparer, par une vie plus édifiante, les fautes ou plutÎt les erreurs de sa jeunesse. J'ai été informée de ce grand événement par le PÚre Anselme, auquel il s'est adressé pour le diriger à l'avenir, et aussi pour lui ménager une entrevue avec moi, dont je juge que l'objet principal est de me rendre mes Lettres qu'il avait gardées jusqu'ici, malgré la demande contraire que je lui en avais faite. Je ne puis, sans doute, qu'applaudir à cet heureux changement, et m'en féliciter, si, comme il le dit, j'ai pu y concourir en quelque chose. Mais pourquoi fallait-il que j'en fusse l'instrument, et qu'il m'en coûtùt le repos de ma vie? Le bonheur de M. de Valmont ne pouvait-il arriver jamais que par mon infortune? Oh! mon indulgente amie, pardonnez-moi cette plainte. Je sais qu'il ne m'appartient pas de sonder les décrets de Dieu; mais tandis que je lui demande sans cesse, et toujours vainement, la force de vaincre mon malheureux amour, il la prodigue à celui qui ne la lui demandait pas, et me laisse, sans secours, entiÚrement livrée à ma faiblesse. Mais étouffons ce coupable murmure. Ne sais-je pas que l'Enfant prodigue, à son retour, obtint plus de grùces de son pÚre que le fils qui ne s'était jamais absenté? Quel compte avons-nous à demander à celui qui ne nous doit rien? Et quand il serait possible que nous eussions quelques droits auprÚs de lui, quels pourraient ÃÂȘtre les miens? Me vanterais-je d'une sagesse que déjà je ne dois qu'à Valmont? Il m'a sauvée, et j'oserais me plaindre en souffrant pour lui! Non mes souffrances me seront chÚres, si son bonheur en est le prix. Sans doute il fallait qu'il revÃnt à son tour au PÚre commun. Le Dieu qui l'a formé devait chérir son ouvrage. Il n'avait point créé cet ÃÂȘtre charmant, pour n'en faire qu'un réprouvé. C'est à moi de porter la peine de mon audacieuse imprudence; ne devais-je pas sentir que, puisqu'il m'était défendu de l'aimer, je ne devais pas me permettre de le voir? Ma faute ou mon malheur est de m'ÃÂȘtre refusée trop longtemps à cette vérité. Vous m'ÃÂȘtes témoin, ma chÚre et digne amie, que je me suis soumise à ce sacrifice, aussitÎt que j'en ai reconnu la nécessité mais, pour qu'il fût entier, il y manquait que M. de Valmont ne le partageùt point. Vous avouerai-je que cette idée est à présent ce qui me tourmente le plus? Insupportable orgueil, qui adoucit les maux que nous éprouvons par ceux que nous faisons souffrir! Ah! je vaincrai ce cÅ“ur rebelle, je l'accoutumerai aux humiliations. C'est surtout pour y parvenir que j'ai enfin consenti à recevoir Jeudi prochain la pénible visite de M. de Valmont. Là , je l'entendrai me dire lui-mÃÂȘme que je ne lui suis plus rien, que l'impression faible et passagÚre que j'avais faite sur lui est entiÚrement effacée! Je verrai ses regards se porter sur moi, sans émotion, tandis que la crainte de déceler la mienne me fera baisser les yeux. Ces mÃÂȘmes Lettres qu'il refusa si longtemps à mes demandes réitérées, je les recevrai de son indifférence; il me les remettra comme des objets inutiles, et qui ne l'intéressent plus; et mes mains tremblantes, en recevant ce dépÎt honteux, sentiront qu'il leur est remis d'une main ferme et tranquille! Enfin, je le verrai s'éloigner... s'éloigner pour jamais, et mes regards, qui le suivront ne verront pas les siens se retourner sur moi! Et j'étais réservée à tant d'humiliations! Ah! que du moins je me la rende utile, en me pénétrant par elle du sentiment de ma faiblesse. Oui, ces Lettres qu'il ne se soucie plus de garder, je les conserverai précieusement. Je m'imposerai la honte de les relire chaque jour, jusqu'à ce que mes larmes en aient effacé les derniÚres traces; et les siennes, je les brûlerai comme infectées du poison dangereux qui a corrompu mon ùme. Oh! qu'est-ce donc que l'amour, s'il nous fait regretter jusqu'aux dangers auxquels il nous expose; si surtout on peut craindre de le ressentir encore, mÃÂȘme alors qu'on ne l'inspire plus! Fuyons cette passion funeste, qui ne laisse de choix qu'entre la honte et le malheur, et souvent mÃÂȘme les réunit tous deux, et qu'au moins la prudence remplace la vertu. Que ce Jeudi est encore loin! que ne puis-je consommer à l'instant ce douloureux sacrifice, et en oublier à la fois et la cause et l'objet! Cette visite m'importune; je me repens d'avoir promis. Hé! qu'a-t-il besoin de me revoir encore? que sommes-nous à présent l'un à l'autre? S'il m'a offensée, je le lui pardonne. Je le félicite mÃÂȘme de vouloir réparer ses torts; je l'en loue. Je ferai plus, je l'imiterai; et séduite par les mÃÂȘmes erreurs, son exemple me ramÚnera. Mais quand son projet est de me fuir, pourquoi commencer par me chercher? Le plus pressé pour chacun de nous n'est-il pas d'oublier l'autre? Ah! sans doute, et ce sera dorénavant mon unique soin. Si vous le permettez, mon aimable amie, ce sera auprÚs de vous que j'irai m'occuper de ce travail difficile. Si j'ai besoin de secours, peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme de consolation, je n'en veux recevoir que de vous. Vous seule savez m'entendre et parler à mon cÅ“ur. Votre précieuse amitié remplira toute mon existence. Rien ne me paraÃtra difficile pour seconder les soins que vous voudrez bien vous donner. Je vous devrai ma tranquillité, mon bonheur, ma vertu; et le fruit de vos bontés pour moi sera de m'en avoir enfin rendue digne. Je me suis, je crois, beaucoup égarée dans cette Lettre; je le présume au moins par le trouble oÃÂč je n'ai pas cessé d'ÃÂȘtre en vous écrivant. S'il s'y trouvait quelques sentiments dont j'aie à rougir, couvrez-les de votre indulgente amitié. Je m'en remets entiÚrement à elle. Ce n'est pas à vous que je veux dérober aucun des mouvements de mon cÅ“ur. Adieu, ma respectable amie. J'espÚre, sous peu de jours, vous annoncer celui de mon arrivée. Paris, ce 25 octobre 17**. QUATRIEME PARTIE LETTRE CXXV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL La voilà donc vaincue, cette femme superbe qui avait osé croire qu'elle pourrait me résister! Oui, mon amie, elle est à moi, entiÚrement à moi; et depuis hier, elle n'a plus rien à m'accorder. Je suis encore trop plein de mon bonheur, pour pouvoir l'apprécier, mais je m'étonne du charme inconnu que j'ai ressenti. Serait-il donc vrai que la vertu augmentùt le prix d'une femme, jusque dans le moment mÃÂȘme de sa faiblesse? Mais reléguons cette idée puérile avec les contes de bonnes femmes. Ne rencontre-t-on pas presque partout une résistance plus ou moins bien feinte au premier triomphe? et ai-je trouvé nulle part le charme dont je parle? ce n'est pourtant pas non plus celui de l'amour; car enfin, si j'ai eu quelquefois auprÚs de cette femme étonnante des moments de faiblesse qui ressemblaient à cette passion pusillanime, j'ai toujours su les vaincre et revenir à mes principes. Quand mÃÂȘme la scÚne d'hier m'aurait, comme je le crois, emporté un peu plus loin que je ne comptais; quand j'aurais, un moment, partagé le trouble et l'ivresse que je faisais naÃtre cette illusion passagÚre serait dissipée à présent; et cependant le mÃÂȘme charme subsiste. J'aurais mÃÂȘme, je l'avoue, un plaisir assez doux à m'y livrer, s'il ne me causait quelque inquiétude. Serai-je donc, à mon ùge, maÃtrisé comme un écolier, par un sentiment involontaire et inconnu? Non il faut, avant tout, le combattre et l'approfondir. Peut-ÃÂȘtre, au reste, en ai-je déjà entrevu la cause! Je me plais au moins dans cette idée, et je voudrais qu'elle fût vraie. Dans la foule des femmes auprÚs desquelles j'ai rempli jusqu'à ce jour le rÎle et les fonctions d'Amant, je n'en avais encore rencontré aucune qui n'eût, au moins, autant d'envie de se rendre que j'en avais de l'y déterminer; je m'étais mÃÂȘme accoutumé à appeler prudes celles qui ne faisaient que la moitié du chemin, par opposition à tant d'autres, dont la défense provocante ne couvre jamais qu'imparfaitement les premiÚres avances qu'elles ont faites. Ici, au contraire, j'ai trouvé une premiÚre prévention défavorable et fondée depuis sur les conseils et les rapports d'une femme haineuse, mais clairvoyante; une timidité naturelle et extrÃÂȘme, que fortifiait une pudeur éclairée; un attachement à la vertu, que la Religion dirigeait, et qui comptait déjà deux années de triomphe, enfin des démarches éclatantes, inspirées par ces différents motifs et qui toutes n'avaient pour but que de se soustraire à mes poursuites. Ce n'est donc pas, comme dans mes autres aventures, une simple capitulation plus ou moins avantageuse, et dont il est plus facile de profiter que de s'enorgueillir; c'est une victoire complÚte, achetée par une campagne pénible, et décidée par de savantes manÅ“uvres. Il n'est donc pas surprenant que ce succÚs, dû à moi seul, m'en devienne plus précieux; et le surcroÃt de plaisir que j'ai éprouvé dans mon triomphe, et que je ressens encore, n'est que la douce impression du sentiment de la gloire. Je chéris cette façon de voir, qui me sauve l'humiliation de penser que je puisse dépendre en quelque maniÚre de l'esclave mÃÂȘme que je me serais asservie; que je n'aie pas en moi seul la plénitude de mon bonheur; et que la faculté de m'en faire jouir dans toute son énergie soit réservée à telle ou telle femme, exclusivement à toute autre. Ces réflexions sensées régleront ma conduite dans cette importante occasion; et vous pouvez ÃÂȘtre sûre que je ne me laisserai pas tellement enchaÃner, que je ne puisse toujours briser ces nouveaux liens, en me jouant et à ma volonté. Mais déjà je vous parle de ma rupture; et vous ignorez encore par quels moyens j'en ai acquis le droit; lisez donc, et voyez à quoi s'expose la sagesse, en essayant de secourir la folie. J'étudiais si attentivement mes discours et les réponses que j'obtenais, que j'espÚre vous rendre les uns et les autres avec une exactitude dont vous serez contente. Vous verrez par les deux copies des Lettres ci-jointes, quel médiateur j'avais choisi pour me rapprocher de ma Belle, et avec quel zÚle le saint personnage s'est employé pour nous réunir. Ce qu'il faut vous dire encore, et que j'avais appris par une Lettre interceptée suivant l'usage, c'est que la crainte et la petite humiliation d'ÃÂȘtre quittée avaient un peu dérangé la pruderie de l'austÚre Dévote; et avaient rempli son cÅ“ur et sa tÃÂȘte de sentiments et d'idées, qui, pour n'avoir pas le sens commun, n'en étaient pas moins intéressants. C'est aprÚs ces préliminaires, nécessaires à savoir, qu'hier Jeudi 28, jour préfix et donné par l'ingrate, je me suis présenté chez elle en esclave timide et repentant, pour en sortir en vainqueur couronné. Il était six heures du soir quand j'arrivai chez la belle Recluse, car depuis son retour, sa porte était restée fermée à tout le monde. Elle essaya de se lever quand on m'annonça; mais ses genoux tremblants ne lui permirent pas de rester dans cette situation elle se rassit sur-le-champ. Comme le Domestique qui m'avait introduit eut quelque service à faire dans l'appartement, elle en parut impatientée. Nous remplÃmes cet intervalle par les compliments d'usage. Mais pour ne rien perdre d'un temps dont tous les moments étaient précieux, j'examinais soigneusement le local; et dÚs lors, je marquai de l'oeil le théùtre de ma victoire. J'aurais pu en choisir un plus commode car, dans cette mÃÂȘme chambre, il se trouvait une ottomane. Mais je remarquai qu'en face d'elle était un portrait du mari; et j'eus peur, je l'avoue, qu'avec une femme si singuliÚre, un seul regard que le hasard dirigerait de ce cÎté ne détruisÃt en un moment l'ouvrage de tant de soins. Enfin, nous restùmes seuls et j'entrai en matiÚre. AprÚs avoir exposé, en peu de mots, que le PÚre Anselme l'avait dû informer des motifs de ma visite, je me suis plaint du traitement rigoureux que j'avais éprouvé; et j'ai particuliÚrement appuyé sur le mépris qu'on m'avait témoigné. On s'en est défendu, comme je m'y attendais; et, comme vous vous y attendiez bien aussi, j'en ai fondé la preuve sur la méfiance et l'effroi que j'avais inspirés, sur la fuite scandaleuse qui s'en était suivie, le refus de répondre à mes Lettres, celui mÃÂȘme de les recevoir, etc. Comme on commençait une justification qui aurait été bien facile, j'ai cru devoir l'interrompre; et pour me faire pardonner cette maniÚre brusque je l'ai couverte aussitÎt par une cajolerie. - " Si tant de charmes, ai-je donc repris, ont fait sur mon cÅ“ur une impression si profonde, tant de vertus n'en ont pas moins fait sur mon ùme. Séduit, sans doute, par le désir de m'en rapprocher, j'avais osé m'en croire digne. Je ne vous reproche point d'en avoir jugé autrement; mais je me punis de mon erreur. " Comme on gardait le silence de l'embarras, j'ai continué. - " J ai désiré, Madame, ou de me justifier à vos yeux, ou d'obtenir de vous le pardon des torts que vous me supposez; afin de pouvoir au moins terminer, avec quelque tranquillité, des jours auxquels je n'attache plus de prix, depuis que vous avez refusé de les embellir. " Ici, on a pourtant essayé de répondre. - " Mon devoir ne me permettait pas... " - Et la difficulté d'achever le mensonge que le devoir exigeait n'a pas permis de finir la phrase. J'ai donc repris du ton le plus tendre - " Il est donc vrai que c'est moi que vous avez fui? - Ce départ était nécessaire. - Et que vous m'éloignez de vous? - Il le faut. - Et pour toujours? - Je le dois. " Je n'ai pas besoin de vous dire que pendant ce court dialogue, la voix de la tendre Prude était oppressée, et que ses yeux ne s'élevaient pas jusqu'à moi. Je jugeai devoir animer un peu cette scÚne languissante; ainsi, me levant avec l'air du dépit " Votre fermeté, dis-je alors, me rend toute la mienne. Hé bien! oui, Madame, nous serons séparés, séparés mÃÂȘme plus que vous ne pensez et vous vous féliciterez à loisir de votre ouvrage. " Un peu surprise de ce ton de reproche, elle voulut répliquer. - " La résolution que vous avez prise... , dit- elle, - n'est que l'effet de mon désespoir, repris-je avec emportement. Vous avez voulu que je sois malheureux; je vous prouverai que vous avez réussi au-delà de vos souhaits. - Je désire votre bonheur " , répondit-elle. Et le son de sa voix commençait à annoncer une émotion assez forte. Aussi me précipitant à ses genoux, et du ton dramatique que vous me connaissez - " Ah! cruelle, me suis-je écrié, peut-il exister pour moi un bonheur que vous ne partagiez pas? OÃÂč donc le trouver loin de vous? Ah! jamais! jamais! " J'avoue qu'en me livrant à ce point j'avais beaucoup compté sur le secours des larmes mais soit mauvaise disposition, soit peut-ÃÂȘtre seulement l'effet de l'attention pénible et continuelle que je mettais à tout, il me fut impossible de pleurer. Par bonheur je me ressouvins que pour subjuguer une femme tout moyen était également bon; et qu'il suffisait de l'étonner par un grand mouvement, pour que l'impression en restùt profonde et favorable. Je suppléai donc, par la terreur, à la sensibilité qui se trouvait en défaut; et pour cela, changeant seulement l'inflexion de ma voix, et gardant la mÃÂȘme posture - " Oui, continuai-je, j'en fais le serment à vos pieds, vous posséder ou mourir. " En prononçant ces derniÚres paroles, nos regards se rencontrÚrent. Je ne sais ce que la timide personne vit ou crut voir dans les miens, mais elle se leva d'un air effrayé, et s'échappa de mes bras dont je l'avais entourée. Il est vrai que je ne fis rien pour la retenir; car j'avais remarqué plusieurs fois que les scÚnes de désespoir menées trop vivement tombaient dans le ridicule dÚs qu'elles devenaient longues, ou ne laissaient que des ressources vraiment tragiques et que j'étais fort éloigné de vouloir prendre. Cependant, tandis qu'elle se dérobait à moi, j'ajoutai d'un ton bas et sinistre, mais de façon qu'elle pût m'entendre - " Hé bien! la mort! " Je me relevai alors; et gardant un moment le silence, je jetais sur elle, comme au hasard, des regards farouches qui, pour avoir l'air d'ÃÂȘtre égarés, n'en étaient pas moins clairvoyants et observateurs. Le maintien mal assuré, la respiration haute, la contraction de tous les muscles, les bras tremblants, et à demi élevés, tout me prouvait assez que l'effet était tel que j'avais voulu le produire; mais, comme en amour rien ne se finit que de trÚs prÚs, et que nous étions alors assez loin l'un de l'autre, il fallait avant tout se rapprocher. Ce fut pour y parvenir que je passai le plus tÎt possible à une apparente tranquillité, propre à calmer les effets de cet état violent, sans en affaiblir l'impression. Ma transition fut " Je suis bien malheureux. J'ai voulu vivre pour votre bonheur, et je l'ai troublé. Je me dévoue pour votre tranquillité, et je la trouble encore. " Ensuite d'un air composé, mais contraint - " Pardon, Madame; peu accoutumé aux orages des passions, je sais mal en réprimer les mouvements. Si j'ai eu tort de m'y livrer, songez au moins que c'est pour la derniÚre fois. Ah! calmez-vous, calmez-vous, je vous en conjure. " Et pendant ce long discours je me rapprochais insensiblement. - " Si vous voulez que je me calme, répondit la Belle effarouchée, vous-mÃÂȘme soyez donc plus tranquille. - Hé bien! oui, je vous le promets " , lui dis-je. J'ajoutai d'une voix plus faible - " Si l'effort est grand, au moins ne doit-il pas ÃÂȘtre long. Mais, repris-je aussitÎt d'un air égaré, je suis venu, n'est-il pas vrai, pour vous rendre vos Lettres? De grùce, daignez les reprendre. Ce douloureux sacrifice me reste à faire ne me laissez rien qui puisse affaiblir mon courage. " Et tirant de ma poche le précieux recueil - " Le voilà , dis-je, ce dépÎt trompeur des assurances de votre amitié! Il m'attachait à la vie, reprenez-le. Donnez ainsi vous-mÃÂȘme le signal qui doit me séparer de vous pour jamais. " Ici l'Amante craintive céda entiÚrement à sa tendre inquiétude. - " Mais, Monsieur de Valmont, qu'avez-vous, et que voulez-vous dire? la démarche que vous faites aujourd'hui n'est-elle pas volontaire? n'est-ce pas le fruit de vos propres réflexions? et ne sont-ce pas elles qui vous ont fait approuver vous-mÃÂȘme le parti nécessaire que j'ai suivi par devoir? - Hé bien, ai-je repris, ce parti a décidé le mien. - Et quel est-il? - Le seul qui puisse, en me séparant de vous, mettre un terme à mes peines. - Mais, répondez-moi, quel est-il? " Là , je la pressai de mes bras, sans qu'elle se défendÃt aucunement; et jugeant par cet oubli des bienséances combien l'émotion était forte et puissante - " Femme adorable, lui dis-je en risquant l'enthousiasme, vous n'avez pas d'idée de l'amour que vous inspirez; vous ne saurez jamais jusqu'à quel point vous fûtes adorée, et de combien ce sentiment m'était plus cher que l'existence! Puissent tous vos jours ÃÂȘtre fortunés et tranquilles; puissent-ils s'embellir de tout le bonheur dont vous m'avez privé! Payez au moins ce vÅ“u sincÚre par un regret, par une larme; et croyez que le dernier de mes sacrifices ne sera pas le plus pénible à mon cÅ“ur. Adieu. " Tandis que je parlais ainsi, je sentais son cÅ“ur palpiter avec violence; j'observais l'altération de sa figure; je voyais, surtout, les larmes la suffoquer, et ne couler cependant que rares et pénibles. Ce ne fut qu'alors que je pris le parti de feindre de m'éloigner; aussi, me retenant avec force - " Non, écoutez- moi, dit-elle vivement. - Laissez-moi, répondis-je. - Vous m'écouterez, je le veux. - Il faut vous fuir, il le faut! - Non! " s'écria-t-elle... A ce dernier mot, elle se précipita ou plutÎt tomba évanouie entre mes bras. Comme je doutais encore d'un si heureux succÚs, je feignis un grand effroi; mais tout en m'effrayant, je la conduisais, ou la portais vers le lieu précédemment désigné pour le champ de ma gloire; et en effet elle ne revint à elle que soumise et déjà livrée à son heureux vainqueur. Jusque-là , ma belle amie, vous me trouverez, je crois, une pureté de méthode qui vous fera plaisir; et vous verrez que je ne me suis écarté en rien des vrais principes de cette guerre, que nous avons remarqué souvent ÃÂȘtre si semblable à l'autre. Jugez-moi donc comme Turenne ou Frédéric. J'ai forcé à combattre l'ennemi qui ne voulait que temporiser; je me suis donné, par de savantes manÅ“uvres, le choix du terrain et celui des dispositions; j'ai su inspirer la sécurité à l'ennemi, pour le joindre plus facilement dans sa retraite; j'ai su y faire succéder la terreur, avant d'en venir au combat; je n'ai rien mis au hasard, que par la considération d'un grand avantage en cas de succÚs, et la certitude des ressources en cas de défaite; enfin, je n'ai engagé l'action qu'avec une retraite assurée, par oÃÂč je pusse couvrir et conserver tout ce que j'avais conquis précédemment. C'est, je crois, tout ce qu'on peut faire; mais je crains, à présent, de m'ÃÂȘtre amolli comme Annibal dans les délices de Capoue. Voilà ce qui s'est passé depuis. Je m'attendais bien qu'un si grand événement ne se passerait pas sans les larmes et le désespoir d'usage; et si je remarquai d'abord un peu plus de confusion, et une sorte de recueillement, j'attribuai l'un et l'autre à l'état de Prude aussi, sans m'occuper de ces légÚres différences que je croyais purement locales, je suivais simplement la grande route des consolations, bien persuadé que, comme il arrive d'ordinaire, les sensations aideraient le sentiment et qu'une seule action ferait plus que tous les discours, que pourtant je ne négligeais pas. Mais je trouvai une résistance vraiment effrayante, moins encore par son excÚs que par la forme sous laquelle elle se montrait. Figurez-vous une femme assise, d'une raideur immobile, et d'une figure invariable; n'ayant l'air ni de penser, ni d'écouter, ni d'entendre; dont les yeux fixes laissent échapper des larmes assez continues, mais qui coulent sans effort. Telle était Madame de Tourvel, pendant mes discours; mais si j'essayais de ramener son attention vers moi par une caresse, par le geste mÃÂȘme le plus innocent, à cette apparente apathie succédaient aussitÎt la terreur, la suffocation, les convulsions, les sanglots, et quelques cris par intervalles, mais sans un mot articulé. Ces crises revinrent plusieurs fois, et toujours plus fortes; la derniÚre mÃÂȘme fut si violente que j'en fus entiÚrement découragé et craignis un moment d'avoir remporté une victoire inutile. Je me rabattis sur les lieux communs d'usage; et dans le nombre se trouva celui-ci " Et vous ÃÂȘtes dans le désespoir, parce que vous avez fait mon bonheur? " A ce mot, l'adorable femme se tourna vers moi; et sa figure, quoique encore un peu égarée, avait pourtant déjà repris son expression céleste. " Votre bonheur " , me dit-elle. Vous devinez ma réponse. - Vous ÃÂȘtes donc heureux? " Je redoublai les protestations. - " Et heureux par moi! " J'ajoutai les louanges et les tendres propos. Tandis que je parlais, tous ses membres s'assouplirent; elle retomba avec mollesse, appuyée sur son fauteuil; et m'abandonnant une main que j'avais osé prendre - " Je sens, dit-elle, que cette idée me console et me soulage. " Vous jugez qu'ainsi remis sur la voie, je ne la quittai plus; c'était réellement la bonne, et peut-ÃÂȘtre la seule. Aussi quand je voulus tenter un second succÚs, j'éprouvai d'abord quelque résistance, et ce qui s'était passé auparavant me rendait circonspect mais ayant appelé à mon secours cette mÃÂȘme idée de mon bonheur, j'en ressentis bientÎt les favorables effets - " Vous avez raison, me dit la tendre personne et je ne puis plus supporter mon existence qu'autant qu'elle servira à vous rendre heureux. Je m'y consacre tout entiÚre dÚs ce moment je me donne à vous, et vous n'éprouverez de ma part ni refus, ni regrets. " Ce fut avec cette candeur naïve ou sublime qu'elle me livra sa personne et ses charmes, et qu'elle augmenta mon bonheur en le partageant. L'ivresse fut complÚte et réciproque; et, pour la premiÚre fois, la mienne survécut au plaisir. Je ne sortis de ses bras que pour tomber à ses genoux, pour lui jurer un amour éternel; et, il faut tout avouer, je pensais ce que je disais. Enfin, mÃÂȘme aprÚs nous ÃÂȘtre séparés, son idée ne me quittait point, et j'ai eu besoin de me travailler pour m'en distraire. Ah! pourquoi n'ÃÂȘtes-vous pas ici, pour balancer au moins le charme de l'action par celui de la récompense? Mais je ne perdrai rien pour attendre, n'est-il pas vrai? et j'espÚre pouvoir regarder, comme convenu entre nous, l'heureux arrangement que je vous ai proposé dans ma derniÚre Lettre. Vous voyez que je m'exécute, et que, comme je vous l'ai promis, mes affaires seront assez avancées pour pouvoir vous donner une partie de mon temps. DépÃÂȘchez-vous donc de renvoyer votre pesant Belleroche et laissez là le doucereux Danceny, pour ne vous occuper que de moi. Mais que faites-vous donc tant à cette campagne que vous ne me répondez seulement pas? Savez- vous que je vous gronderais volontiers? Mais le bonheur porte à l'indulgence. Et puis je n'oublie pas qu'en me replaçant au nombre de vos soupirants je dois me soumettre, de nouveau, à vos petites fantaisies. Souvenez-vous cependant que le nouvel Amant ne veut rien perdre des anciens droits de l'ami. Adieu, comme autrefois... Oui, adieu, mon Ange! Je t'envoie tous les baisers de l'amour. Savez-vous que Prévan, au bout de son mois de prison, a été obligé de quitter son Corps? C'est aujourd'hui la nouvelle de tout Paris. En vérité, le voilà cruellement puni d'un tort qu'il n'a pas eu, et votre succÚs est complet! Paris, ce 29 octobre 17**. LETTRE CXXVI MADAME DE ROSEMONDE A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Je vous aurais répondu plus tÎt, mon aimable Enfant, si la fatigue de ma derniÚre Lettre ne m'avait rendu mes douleurs, ce qui m'a encore privée tous ces jours-ci de l'usage de mon bras. J'étais bien pressée de vous remercier des bonnes nouvelles que vous m'avez données de mon neveu, et je ne l'étais pas moins de vous en faire pour votre compte de sincÚres félicitations. On est forcé de reconnaÃtre véritablement là un coup de la Providence, qui, en touchant l'un, a aussi sauvé l'autre. Oui, ma chÚre Belle, Dieu, qui ne voulait que vous éprouver, vous a secourue au moment oÃÂč vos forces étaient épuisées; et malgré votre petit murmure, vous avez, je crois, quelques actions de grùces à lui rendre. Ce n'est pas que je ne sente fort bien qu'il vous eût été plus agréable que cette résolution vous fût venue la premiÚre, et que celle de Valmont n'en eût été que la suite; il semble mÃÂȘme, humainement parlant, que les droits de notre sexe en eussent été mieux conservés, et nous ne voulons en perdre aucun! Mais qu'est-ce que ces considérations légÚres, auprÚs des objets importants qui se trouvent remplis? Voit-on celui qui se sauve du naufrage se plaindre de n'avoir pas eu le choix des moyens? Vous éprouverez bientÎt, ma chÚre fille, que les peines que vous redoutez s'allégeront d'elles-mÃÂȘmes; et quand elles devraient subsister toujours et dans leur entier, vous n'en sentiriez pas moins qu'elles seraient encore plus faciles à supporter, que les remords du crime et le mépris de soi-mÃÂȘme. Inutilement vous aurais-je parlé plus tÎt avec cette apparente sévérité l'amour est un sentiment indépendant, que la prudence peut faire éviter, mais qu'elle ne saurait vaincre; et qui, une fois né, ne meurt que de sa belle mort ou du défaut absolu d'espoir. C'est ce dernier cas, dans lequel vous ÃÂȘtes, qui me rend le courage et le droit de vous dire librement mon avis. Il est cruel d'effrayer un malade désespéré, qui n'est plus susceptible que de consolations et de palliatifs mais il est sage d'éclairer un convalescent sur les dangers qu'il a courus, pour lui inspirer la prudence dont il a besoin, et la soumission aux conseils qui peuvent encore lui ÃÂȘtre nécessaires. Puisque vous me choisissez pour votre Médecin, c'est comme tel que je vous parle, et que je vous dis que les petites incommodités que vous ressentez à présent, et qui peut-ÃÂȘtre exigent quelques remÚdes, ne sont pourtant rien en comparaison de la maladie effrayante dont voilà la guérison assurée. Ensuite comme votre amie, comme l'amie d'une femme raisonnable et vertueuse, je me permettrai d'ajouter que cette passion, qui vous avait subjuguée, déjà si malheureuse par elle-mÃÂȘme, le devenait encore plus par son objet. Si j'en crois ce qu'on m'en dit, mon neveu, que j'avoue aimer peut-ÃÂȘtre avec faiblesse, et qui réunit en effet beaucoup de qualités louables à beaucoup d'agréments, n'est ni sans danger pour les femmes, ni sans torts vis-à -vis d'elles, et met presque un prix égal à les séduire et à les perdre. Je crois bien que vous l'auriez converti. Jamais personne sans doute n'en fut plus digne mais tant d'autres s'en sont flattées de mÃÂȘme, dont l'espoir a été déçu, que j'aime bien mieux que vous n'en soyez pas réduite à cette ressource. Considérez à présent, ma chÚre Belle, qu'au lieu de tant de dangers que vous auriez eu à courir, vous aurez, outre le repos de votre conscience et votre propre tranquillité, la satisfaction d'avoir été la principale cause de l'heureux retour de Valmont. Pour moi, je ne doute pas que ce ne soit en grande partie l'ouvrage de votre courageuse résistance, et qu'un moment de faiblesse de votre part n'eût peut-ÃÂȘtre laissé mon neveu dans un égarement éternel. J'aime à penser ainsi, et désire vous voir penser de mÃÂȘme; vous y trouverez vos premiÚres consolations, et moi, de nouvelles raisons de vous aimer davantage. Je vous attends ici sous peu de jours, mon aimable fille, comme vous me l'annoncez. Venez retrouver le calme et le bonheur dans les mÃÂȘmes lieux oÃÂč vous l'aviez perdu; venez surtout vous réjouir avec votre tendre mÚre d'avoir si heureusement tenu la parole que vous lui aviez donnée, de ne rien faire qui ne fût digne d'elle et de vous! Du Chùteau de ..., ce 30 octobre 17**. LETTRE CXXVII LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Si je n'ai pas répondu, Vicomte, à votre Lettre du 19, ce n'est pas que je n'en aie eu le temps; c'est tout simplement qu'elle m'a donné de l'humeur, et que je ne lui ai pas trouvé le sens commun. J'avais donc cru n'avoir rien de mieux à faire que de la laisser dans l'oubli; mais puisque vous revenez sur elle, que vous paraissez tenir aux idées qu'elle contient, et que vous prenez mon silence pour un consentement, il faut vous dire clairement mon avis. J'ai pu avoir quelquefois la prétention de remplacer à moi seule tout un sérail; mais il ne m'a jamais convenu d'en faire partie. Je croyais que vous saviez cela. Au moins à présent que vous ne pouvez plus l'ignorer, vous jugerez facilement combien votre proposition a dû me paraÃtre ridicule. Qui, moi! je sacrifierais un goût, et encore un goût nouveau, pour m'occuper de vous? Et pour m'en occuper comment? en attendant à mon tour, et en esclave soumise, les sublimes faveurs de votre Hautesse . Quand, par exemple, vous voudrez vous distraire un moment de ce charme inconnu que l'adorable, la céleste Madame de Tourvel vous a fait seule éprouver, ou quand vous craindrez de compromettre, auprÚs de l'attachante Cécile , l'idée supérieure que vous ÃÂȘtes bien aise qu'elle conserve de vous alors descendant jusqu'à moi, vous y viendrez chercher des plaisirs, moins vifs à la vérité, mais sans conséquence; et vos précieuses bontés, quoique un peu rares, suffiront de reste à mon bonheur! Certes, vous ÃÂȘtes riche en bonne opinion de vous-mÃÂȘme mais apparemment je ne le suis pas en modestie; car j'ai beau me regarder, je ne peux pas me trouver déchue jusque-là . C'est peut-ÃÂȘtre un tort que j'ai; mais je vous préviens que j'en ai beaucoup d'autres encore. J'ai surtout celui de croire que l'écolier, le doucereux Danceny, uniquement occupé de moi, me sacrifiant, sans s'en faire un mérite, une premiÚre passion, avant mÃÂȘme qu'elle ait été satisfaite, et m'aimant enfin comme on aime à son ùge, pourrait, malgré ses vingt ans, travailler plus efficacement que vous à mon bonheur et à mes plaisirs. Je me permettrai mÃÂȘme d'ajouter que, s'il me venait en fantaisie de lui donner un adjoint, ce ne serait pas vous, au moins pour le moment. Et par quelles raisons, m'allez-vous demander? Mais d'abord il pourrait fort bien n'y en avoir aucune car le caprice qui vous ferait préférer peut également vous faire exclure. Je veux pourtant bien, par politesse, vous motiver mon avis. Il me semble que vous auriez trop de sacrifices à me faire; et moi, au lieu d'en avoir la reconnaissance que vous ne manqueriez pas d'en attendre, je serais capable de croire que vous m'en devriez encore! Vous voyez bien, qu'aussi éloignés l'un de l'autre par notre façon de penser, nous ne pouvons nous rapprocher d'aucune maniÚre; et je crains qu'il ne me faille beaucoup de temps, mais beaucoup, avant de changer de sentiment. Quand je serai corrigée, je vous promets de vous avertir. Jusque-là croyez-moi, faites d'autres arrangements, et gardez vos baisers, vous avez tant à les placer mieux!... Adieu, comme autrefois , dites-vous? Mais autrefois, ce me semble, vous faisiez un peu plus de cas de moi; vous ne m'aviez pas destinée tout à fait aux troisiÚmes RÎles; et surtout vous vouliez bien attendre que j'eusse dit oui, avant d'ÃÂȘtre sûr de mon consentement. Trouvez donc bon qu'au lieu de vous dire aussi adieu comme autrefois, je vous dise adieu comme à présent. Votre servante, Monsieur le Vicomte. Du Chùteau de ..., ce 31 octobre 17**. LETTRE CXXVIII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE ROSEMONDE Je n'ai reçu qu'hier, Madame, votre tardive réponse. Elle m'aurait tuée sur-le- champ, si j'avais eu encore mon existence en moi mais un autre en est possesseur, et cet autre est M. de Valmont. Vous voyez que je ne vous cache rien. Si vous devez ne me plus trouver digne de votre amitié, je crains moins encore de la perdre que de la surprendre. Tout ce que je puis vous dire, c'est que, placée par M. de Valmont entre sa mort ou son bonheur, je me suis décidée pour ce dernier parti. Je ne m'en vante, ni ne m'en accuse je dis simplement ce qui est. Vous sentirez aisément, d'aprÚs cela, quelle impression a dû me faire votre Lettre, et les vérités sévÚres qu'elle contient. Ne croyez pas cependant qu'elle ait pu faire naÃtre un regret en moi, ni qu'elle puisse jamais me faire changer de sentiment ni de conduite. Ce n'est pas que je n'aie des moments cruels mais quand mon cÅ“ur est le plus déchiré, quand je crains de ne pouvoir plus supporter mes tourments, je me dis Valmont est heureux; et tout disparaÃt devant cette idée, ou plutÎt elle change tout en plaisirs. C'est donc à votre neveu que je me suis consacrée; c'est pour lui que je me suis perdue. Il est devenu le centre unique de mes pensées, de mes sentiments, de mes actions. Tant que ma vie sera nécessaire à son bonheur, elle me sera précieuse, et je la trouverai fortunée. Si quelque jour il en juge autrement ... , il n'entendra de ma part ni plainte ni reproche. J'ai déjà osé fixer les yeux sur ce moment fatal et mon parti est pris. Vous voyez à présent combien peu doit m'affecter la crainte que vous paraissez avoir, qu'un jour M. de Valmont ne me perde car avant de le vouloir, il aura donc cessé de m'aimer; et que me feront alors de vains reproches que je n'entendrai pas? Seul, il sera mon juge. Comme je n'aurai vécu que pour lui, ce sera en lui que reposera ma mémoire; et s'il est forcé de reconnaÃtre que je l'aimais, je serai suffisamment justifiée. Vous venez, Madame, de lire dans mon cÅ“ur. J'ai préféré le malheur de perdre votre estime par ma franchise, à celui de m'en rendre indigne par l'avilissement du mensonge. J'ai cru devoir cette entiÚre confiance à vos anciennes bontés pour moi. Ajouter un mot de plus pourrait vous faire soupçonner que j'ai l'orgueil d'y compter encore, quand au contraire je me rends justice en cessant d'y prétendre. Je suis avec respect, Madame, votre trÚs humble et trÚs obéissante servante. Paris, ce 1er novembre 17**. LETTRE CXXIX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Dites-moi donc, ma belle amie, d'oÃÂč peut venir ce ton d'aigreur et de persiflage qui rÚgne dans votre derniÚre Lettre? Quel est donc ce crime que j'ai commis, apparemment sans m'en douter, et qui vous donne tant d'humeur? J'ai eu l'air, me reprochez-vous, de compter sur votre consentement avant de l'avoir obtenu mais je croyais que ce qui pourrait paraÃtre de la présomption pour tout le monde ne pouvait jamais ÃÂȘtre pris, de vous à moi, que pour de la confiance et depuis quand ce sentiment nuit-il à l'amitié ou à l'amour? En réunissant l'espoir au désir, je n'ai fait que céder à l'impulsion naturelle, qui nous fait nous placer toujours le plus prÚs possible du bonheur que nous cherchons; et vous avez pris pour l'effet de l'orgueil ce qui ne l'était que de mon empressement. Je sais fort bien que l'usage a introduit, dans ce cas, un doute respectueux mais vous savez aussi que ce n'est qu'une forme, un simple protocole; et j'étais, ce me semble, autorisé à croire que ces précautions minutieuses n'étaient plus nécessaires entre nous. Il me semble mÃÂȘme que cette marche franche et libre, quand elle est fondée sur une ancienne liaison, est bien préférable à l'insipide cajolerie qui affadit si souvent l'amour. Peut-ÃÂȘtre, au reste, le prix que je trouve à cette maniÚre ne vient-il que de celui que j'attache au bonheur qu'elle me rappelle mais par là mÃÂȘme, il me serait plus pénible encore de vous voir en juger autrement. Voilà pourtant le seul tort que je me connaisse car je n'imagine pas que vous ayez pu penser sérieusement qu'il existùt une femme dans le monde qui me parût préférable à vous; et encore moins que j'aie pu vous apprécier aussi mal que vous feignez de le croire. Vous vous ÃÂȘtes regardée, me dites-vous, à ce sujet, et vous ne vous ÃÂȘtes pas trouvée déchue à ce point. Je le crois bien, et cela prouve seulement que votre miroir est fidÚle. Mais n'auriez-vous pas pu en conclure avec plus de facilité et de justice qu'à coup sûr je n'avais pas jugé ainsi de vous? Je cherche vainement une cause à cette étrange idée. Il me semble pourtant qu'elle tient, de plus ou moins prÚs, aux éloges que je me suis permis de donner à d'autres femmes. Je l'infÚre au moins de votre affectation à relever les épithÚtes d'adorable, de céleste, d'attachante , dont je me suis servi en vous parlant de Madame de Tourvel, ou de la petite Volanges. Mais ne savez- vous pas que ces mots, plus souvent pris au hasard que par réflexion, expriment moins le cas que l'on fait de la personne que la situation dans laquelle on se trouve quand on en parle? Et si, dans le moment mÃÂȘme oÃÂč j'étais si vivement affecté ou par l'une ou par l'autre, je ne vous en désirais pourtant pas moins; si je vous donnais une préférence marquée sur toutes deux, puisque enfin je ne pouvais renouveler notre premiÚre liaison qu'au préjudice des deux autres, je ne crois pas qu'il y ait là si grand sujet de reproche. Il ne me sera pas plus difficile de me justifier sur le charme inconnu dont vous me paraissez aussi un peu choquée car d'abord, de ce qu'il est inconnu, il ne s'ensuit pas qu'il soit plus fort. Hé! qui pourrait l'emporter sur les délicieux plaisirs que vous seule savez rendre toujours nouveaux, comme toujours plus vifs? J'ai donc voulu dire seulement que celui-là était d'un genre que je n'avais pas encore éprouvé; mais sans prétendre lui assigner de classe; et j'avais ajouté, ce que je répÚte aujourd'hui, que, quel qu'il soit, je saurai le combattre et le vaincre. J'y mettrai bien plus de zÚle encore, si je peux voir dans ce léger travail un hommage à vous offrir. Pour la petite Cécile, je crois bien inutile de vous en parler. Vous n'avez pas oublié que c'est à votre demande que je me suis chargé de cette enfant, et je n'attends que votre congé pour m'en défaire. J'ai pu remarquer son ingénuité et sa fraÃcheur; j'ai pu mÃÂȘme la croire un moment attachante , parce que, plus ou moins, on se complaÃt toujours un peu dans son ouvrage mais assurément, elle n'a assez de consistance en aucun genre pour fixer en rien l'attention. A présent, ma belle amie, j'en appelle à votre justice, à vos premiÚres bontés pour moi; à la longue et parfaite amitié, à l'entiÚre confiance qui depuis ont resserré nos liens ai-je mérité le ton rigoureux que vous prenez avec moi? Mais qu'il vous sera facile de m'en dédommager quand vous voudrez! Dites seulement un mot, et vous verrez si tous les charmes et tous les attachements me retiendront ici, non pas un jour mais une minute. Je volerai à vos pieds et dans vos bras, et je vous prouverai, mille fois et de mille maniÚres, que vous ÃÂȘtes, que vous serez toujours, la véritable souveraine de mon cÅ“ur. Adieu, ma belle amie; j'attends votre Réponse avec beaucoup d'empressement. Paris, ce 3 novembre 17**. LETTRE CXXX MADAME DE ROSEMONDE A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Et pourquoi, ma chÚre Belle, ne voulez-vous plus ÃÂȘtre ma fille? pourquoi semblez-vous m'annoncer que toute correspondance va ÃÂȘtre rompue entre nous? Est-ce pour me punir de n'avoir pas deviné ce qui était contre toute vraisemblance? ou me soupçonnez-vous de vous avoir affligée volontairement? Non, je connais trop bien votre cÅ“ur, pour croire qu'il pense ainsi du mien. Aussi la peine que m'a faite votre lettre est-elle bien moins relative à moi qu'à vous-mÃÂȘme! Ô ma jeune amie! je vous le dis avec douleur; mais vous ÃÂȘtes bien trop digne d'ÃÂȘtre aimée, pour que jamais l'amour vous rende heureuse. Hé! quelle femme vraiment délicate et sensible n'a pas trouvé l'infortune dans ce mÃÂȘme sentiment qui lui promettait tant de bonheur! Les hommes savent-ils apprécier la femme qu'ils possÚdent? Ce n'est pas que plusieurs ne soient honnÃÂȘtes dans leurs procédés, et constants dans leur affection mais, parmi ceux-là mÃÂȘme, combien peu savent encore se mettre à l'unisson de notre cÅ“ur! Ne croyez pas, ma chÚre Enfant, que leur amour soit semblable au nÎtre. Ils éprouvent bien la mÃÂȘme ivresse; souvent mÃÂȘme ils y mettent plus d'emportement mais ils ne connaissent pas cet empressement inquiet, cette sollicitude délicate, qui produit en nous ces soins tendres et continus, et dont l'unique but est toujours l'objet aimé. L'homme jouit du bonheur qu'il ressent, et la femme de celui qu'elle procure. Cette différence, si essentielle et si peu remarquée, influe pourtant, d'une maniÚre bien sensible, sur la totalité de leur conduite respective. Le plaisir de l'un est de satisfaire des désirs, celui de l'autre est surtout de les faire naÃtre. Plaire n'est pour lui qu'un moyen de succÚs; tandis que pour elle, c'est le succÚs lui-mÃÂȘme. Et la coquetterie, si souvent reprochée aux femmes, n'est autre chose que l'abus de cette façon de sentir, et par là mÃÂȘme en prouve la réalité. Enfin, ce goût exclusif, qui caractérise particuliÚrement l'amour, n'est dans l'homme qu'une préférence, qui sert, au plus, à augmenter un plaisir, qu'un autre objet affaiblirait peut-ÃÂȘtre, mais ne détruirait pas; tandis que dans les femmes, c'est un sentiment profond, qui non seulement anéantit tout désir étranger, mais qui, plus fort que la nature, et soustrait à son empire, ne leur laisse éprouver que répugnance et dégoût, là mÃÂȘme oÃÂč semble devoir naÃtre la volupté. Et n'allez pas croire que des exceptions plus ou moins nombreuses, et qu'on peut citer, puissent s'opposer avec succÚs à ces vérités générales! Elles ont pour garant la voix publique, qui, pour les hommes seulement, a distingué l'infidélité de l'inconstance distinction dont ils se prévalent, quand ils devraient en ÃÂȘtre humiliés; et qui, pour notre sexe, n'a jamais été adoptée que par ces femmes dépravées qui en sont la honte, et à qui tout moyen paraÃt bon, qu'elles espÚrent pouvoir les sauver du sentiment pénible de leur bassesse. J'ai cru, ma chÚre Belle, qu'il pourrait vous ÃÂȘtre utile d'avoir ces réflexions à opposer aux idées chimériques d'un bonheur parfait dont l'amour ne manque jamais d'abuser notre imagination espoir trompeur, auquel on tient encore, mÃÂȘme alors qu'on se voit forcé de l'abandonner, et dont la perte irrite et multiplie les chagrins déjà trop réels, inséparables d'une passion vive! Cet emploi d'adoucir vos peines ou d'en diminuer le nombre est le seul que je veuille, que je puisse remplir en ce moment. Dans les maux sans remÚdes, les conseils ne peuvent plus porter que sur le régime. Ce que je vous demande seulement, c'est de vous souvenir que plaindre un malade, ce n'est pas le blùmer. Eh! qui sommes-nous, pour nous blùmer les uns les autres? Laissons le droit de juger à celui-là seul qui lit dans les cÅ“urs; et j'ose mÃÂȘme croire qu'à ses yeux paternels une foule de vertus peut racheter une faiblesse. Mais, je vous en conjure, ma chÚre amie, défendez-vous surtout de ces résolutions violentes, qui annoncent moins la force qu'un entier découragement n'oubliez pas qu'en rendant un autre possesseur de votre existence pour me servir de votre expression, vous n'avez pas pu cependant frustrer vos amis de ce qu'ils en possédaient à l'avance, et qu'ils ne cesseront jamais de réclamer. Adieu, ma chÚre fille; songez quelquefois à votre tendre mÚre et croyez que vous serez toujours, et par-dessus tout, l'objet de ses plus chÚres pensées. Du Chùteau de ..., ce 4 novembre 17**. LETTRE CXXXI LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT A la bonne heure, Vicomte, et je suis plus contente de vous cette fois-ci que l'autre; mais à présent, causons de bonne amitié et j'espÚre vous convaincre que, pour vous comme pour moi, l'arrangement que vous paraissez désirer serait une véritable folie. N'avez-vous pas encore remarqué que le plaisir, qui est bien en effet l'unique mobile de la réunion des deux sexes, ne suffit pourtant pas pour former une liaison entre eux? et que, s'il est précédé du désir qui rapproche, il n'est pas moins suivi du dégoût qui repousse? C'est une loi de la nature, que l'amour seul peut changer; et de l'amour, en a-t-on quand on veut? Il en faut pourtant toujours et cela serait vraiment fort embarrassant, si on ne s'était pas aperçu qu'heureusement il suffisait qu'il en existùt d'un cÎté. La difficulté est devenue par là de moitié moindre, et mÃÂȘme sans qu'il y ait eu beaucoup à perdre; en effet, l'un jouit du bonheur d'aimer, l'autre de celui de plaire, un peu moins vif à la vérité, mais auquel se joint le plaisir de tromper, ce qui fait équilibre; et tout s'arrange. Mais dites-moi, Vicomte, qui de nous deux se chargera de tromper l'autre? Vous savez l'histoire de ces deux fripons qui se reconnurent en jouant " Nous ne nous ferons rien, se dirent-ils, payons les cartes par moitié " ; et ils quittÚrent la partie. Suivons, croyez-moi, ce prudent exemple, et ne perdons pas ensemble un temps que nous pouvons si bien employer ailleurs. Pour vous prouver qu'ici votre intérÃÂȘt me décide autant que le mien, et que je n'agis ni par humeur, ni par caprice, je ne vous refuse pas le prix convenu entre nous je sens à merveille que pour une seule soirée nous nous suffirons de reste; et je ne doute mÃÂȘme pas que nous ne sachions assez l'embellir pour ne la voir finir qu'à regret. Mais n'oublions pas que ce regret est nécessaire au bonheur; et quelque douce que soit notre illusion, n'allons pas croire qu'elle puisse ÃÂȘtre durable. Vous voyez que je m'exécute à mon tour, et cela, sans que vous vous soyez encore mis en rÚgle avec moi; car enfin je devais avoir la premiÚre Lettre de la céleste Prude; et pourtant, soit que vous y teniez encore, soit que vous ayez oublié les conditions d'un marché qui vous intéresse peut-ÃÂȘtre moins que vous ne voulez me le faire croire, je n'ai rien reçu, absolument rien. Cependant, ou je me trompe, ou la tendre Dévote doit beaucoup écrire car que ferait-elle quand elle est seule? elle n'a sûrement pas le bon esprit de se distraire. J'aurais donc, si je voulais, quelques petits reproches à vous faire; mais je les passe sous silence, en compensation d'un peu d'humeur que j'ai eu peut-ÃÂȘtre dans ma derniÚre Lettre. A présent, Vicomte, il ne me reste plus qu'à vous faire une demande et elle est encore autant pour vous que pour moi c'est de différer un moment que je désire peut-ÃÂȘtre autant que vous, mais dont il me semble que l'époque doit ÃÂȘtre retardée jusqu'à mon retour à la Ville. D'une part, nous n'aurions pas ici la liberté nécessaire; et, de l'autre, j'y aurais quelque risque à courir car il ne faudrait qu'un peu de jalousie, pour me rattacher de plus belle ce triste Belleroche, qui pourtant ne tient plus qu'à un fil. Il en est déjà à se battre les flancs pour m'aimer; c'est au point qu'à présent je mets autant de malice que de prudence dans les caresses dont je le surcharge. Mais, en mÃÂȘme temps, vous voyez bien que ce ne serait pas là un sacrifice à vous faire! une infidélité réciproque rendra le charme bien plus piquant. Savez-vous que je regrette quelquefois que nous en soyons réduits à ces ressources! Dans le temps oÃÂč nous nous aimions, car je crois que c'était de l'amour, j'étais heureuse; et vous, Vicomte?... Mais pourquoi s'occuper encore d'un bonheur qui ne peut revenir? Non, quoi que vous en disiez, c'est un retour impossible. D'abord, j'exigerais des sacrifices que sûrement vous ne pourriez ou ne voudriez pas me faire, et qu'il se peut bien que je ne mérite pas; et puis, comment vous fixer? Oh! non, non, je ne veux seulement pas m'occuper de cette idée; et malgré le plaisir que je trouve en ce moment à vous écrire, j'aime mieux vous quitter brusquement. Adieu, Vicomte. Du Chùteau de ..., ce 6 novembre 17*'*. LETTRE CXXXII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE ROSEMONDE Pénétrée, Madame, de vos bontés pour moi, je m'y livrerais tout entiÚre, si je n'étais retenue, en quelque sorte, par la crainte de les profaner en les acceptant. Pourquoi faut-il, quand je les vois si précieuses, que je sente en mÃÂȘme temps que je n'en suis plus digne? Ah! j'oserai du moins vous en témoigner ma reconnaissance; j'admirerai, surtout, cette indulgence de la vertu, qui ne connaÃt nos faiblesses que pour y compatir, et dont le charme puissant conserve sur les cÅ“urs un empire si doux et si fort, mÃÂȘme à cÎté du charme de l'amour. Mais puis-je mériter encore une amitié qui ne suffit plus à mon bonheur? Je dis de mÃÂȘme de vos conseils, j'en sens le prix et ne puis les suivre. Et comment ne croirais-je pas à un bonheur parfait, quand je l'éprouve en ce moment? Oui, si les hommes sont tels que vous le dites, il faut les fuir, ils sont haïssables; mais qu'alors Valmont est loin de leur ressembler! S'il a comme eux cette violence de passion, que vous nommez emportement, combien n'est-elle pas surpassée en lui par l'excÚs de sa délicatesse! Ô mon amie! vous me parlez de partager mes peines, jouissez donc de mon bonheur; je le dois à l'amour, et de combien encore l'objet en augmente le prix! Vous aimez votre neveu, dites-vous, peut-ÃÂȘtre avec faiblesse? ah! si vous le connaissiez comme moi! je l'aime avec idolùtrie, et bien moins encore qu'il ne le mérite. Il a pu sans doute ÃÂȘtre entraÃné dans quelques erreurs, il en convient lui-mÃÂȘme; mais qui jamais connut comme lui le véritable amour? Que puis-je vous dire de plus? il le ressent tel qu'il l'inspire. Vous allez croire que c'est là une de ces idées chimériques dont l'amour ne manque jamais d'abuser notre imagination ; mais dans ce cas, pourquoi serait-il devenu plus tendre, plus empressé, depuis qu'il n'a plus rien à obtenir? Je l'avouerai, je lui trouvais auparavant un air de réflexion, de réserve, qui l'abandonnait rarement et qui souvent me ramenait, malgré moi, aux fausses et cruelles impressions qu'on m'avait données de lui. Mais depuis qu'il peut se livrer sans contrainte aux mouvements de son cÅ“ur, il semble deviner tous les désirs du mien. Qui sait si nous n'étions pas nés l'un pour l'autre, si ce bonheur ne m'était pas réservé, d'ÃÂȘtre nécessaire au sien! Ah! si c'est une illusion, que je meure donc avant qu'elle finisse. Mais non; je veux vivre pour le chérir, pour l'adorer. Pourquoi cesserait-il de m'aimer? Quelle autre femme rendrait-il plus heureuse que moi? Et, je le sens par moi-mÃÂȘme, ce bonheur qu'on fait naÃtre, est le plus fort lien, le seul qui attache véritablement. Oui, c'est ce sentiment délicieux qui ennoblit l'amour, qui le purifie en quelque sorte, et le rend vraiment digne d'une ùme tendre et généreuse, telle que celle de Valmont. Adieu, ma chÚre, ma respectable, mon indulgente amie. Je voudrais en vain vous écrire plus longtemps; voici l'heure oÃÂč il a promis de venir, et toute autre idée m'abandonne. Pardon! mais vous voulez mon bonheur, et il est si grand dans ce moment que je suffis à peine à le sentir. Paris, ce 7 novembre 17**. LETTRE CXXXIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Quels sont donc, ma belle amie, ces sacrifices que vous jugez que je ne ferais pas, et dont pourtant le prix serait de vous plaire? Faites-les-moi connaÃtre seulement, et si je balance à vous les offrir, je vous permets d'en refuser l'hommage. Eh! comment me jugez-vous depuis quelque temps, si, mÃÂȘme dans votre indulgence, vous doutez de mes sentiments ou de mon énergie? Des sacrifices que je ne voudrais ou ne pourrais pas faire! Ainsi, vous me croyez amoureux, subjugué? et le prix que j'ai mis au succÚs, vous me soupçonnez de l'attacher à la personne? Ah! grùces au Ciel, je n'en suis pas encore réduit là , et je m'offre à vous le prouver. Oui, je vous le prouverai, quand mÃÂȘme ce devrait ÃÂȘtre envers Madame de Tourvel. Assurément, aprÚs cela, il ne doit pas vous rester de doute. J'ai pu, je crois, sans me compromettre, donner quelque temps à une femme, qui a au moins le mérite d'ÃÂȘtre d'un genre qu'on rencontre rarement. Peut-ÃÂȘtre aussi la saison morte dans laquelle est venue cette aventure m'a fait m'y livrer davantage; et encore à présent, qu'à peine le grand courant commence à reprendre, il n'est pas étonnant qu'elle m'occupe presque en entier. Mais songez donc qu'il n'y a guÚre que huit jours que je jouis du fruit de trois mois de soins. Je me suis si souvent arrÃÂȘté davantage à ce qui valait bien moins, et ne m'avait pas tant coûté!... et jamais vous n'en avez rien conclu contre moi. Et puis, voulez-vous savoir la véritable cause de l'empressement que j'y mets? la voici. Cette femme est naturellement timide; dans les premiers temps, elle doutait sans cesse de son bonheur, et ce doute suffisait pour le troubler en sorte que je commence à peine à pouvoir remarquer jusqu'oÃÂč va ma puissance en ce genre. C'est une chose que j'étais pourtant curieux de savoir; et l'occasion ne s'en trouve pas si facilement qu'on le croit. D'abord, pour beaucoup de femmes, le plaisir est toujours le plaisir et n'est jamais que cela; et auprÚs de celles-là , de quelque titre qu'on nous décore, nous ne sommes jamais que des facteurs, de simples commissionnaires, dont l'activité fait tout le mérite, et parmi lesquels, celui qui fait le plus est toujours celui qui fait le mieux. Dans une autre classe, peut-ÃÂȘtre la plus nombreuse aujourd'hui, la célébrité de l'Amant, le plaisir de l'avoir enlevé à une rivale, la crainte de se le voir enlever à son tour, occupent les femmes presque tout entiÚres nous entrons bien, plus ou moins, pour quelque chose dans l'espÚce de bonheur dont elles jouissent; mais il tient plus aux circonstances qu'à la personne. Il leur vient par nous, et non de nous. Il fallait donc trouver, pour mon observation, une femme délicate et sensible, qui fÃt son unique affaire de l'amour, et qui, dans l'amour mÃÂȘme, ne vÃt que son Amant; dont l'émotion, loin de suivre la route ordinaire, partÃt toujours du cÅ“ur, pour arriver aux sens; que j'ai vue par exemple et je ne parle pas du premier jour sortir du plaisir tout éplorée, et le moment d'aprÚs retrouver la volupté dans un mot qui répondait à son ùme. Enfin, il fallait qu'elle réunÃt encore cette candeur naturelle, devenue insurmontable par l'habitude de s'y livrer, et qui ne lui permet de dissimuler aucun des sentiments de son cÅ“ur. Or, vous en conviendrez, de telles femmes sont rares; et je puis croire que, sans celle-ci, je n'en aurais peut-ÃÂȘtre jamais rencontré. Il ne serait donc pas étonnant qu'elle me fixùt plus longtemps qu'une autre, et si le travail que je veux faire sur elle exige que je la rende heureuse, parfaitement heureuse! pourquoi m'y refuserais-je, surtout quand cela me sert, au lieu de me contrarier? Mais de ce que l'esprit est occupé, s'ensuit-il que le cÅ“ur soit esclave? non, sans doute. Aussi le prix que je ne me défends pas de mettre à cette aventure ne m'empÃÂȘchera pas d'en courir d'autres, ou mÃÂȘme de la sacrifier à de plus agréables. Je suis tellement libre, que je n'ai seulement pas négligé la petite Volanges, à laquelle pourtant je tiens si peu. Sa mÚre la ramÚne à la Ville dans trois jours; et moi, depuis hier, j'ai su assurer mes communications quelque argent au portier et quelques fleurettes à sa femme en ont fait l'affaire. Concevez-vous que Danceny n'ait pas su trouver ce moyen si simple? et puis, qu'on dise que l'amour rend ingénieux! il abrutit au contraire ceux qu'il domine. Et je ne saurais pas m'en défendre! Ah! soyez tranquille. Déjà je vais, sous peu de jours, affaiblir, en la partageant, l'impression peut-ÃÂȘtre trop vive que j'ai éprouvée; et si un simple partage ne suffit pas, je les multiplierai. Je n'en serai pas moins prÃÂȘt à remettre la jeune pensionnaire à son discret Amant, dÚs que vous le jugerez à propos. Il me semble que vous n'avez plus de raison pour l'en empÃÂȘcher; et moi, je consens à rendre ce service signalé au pauvre Danceny. C'est, en vérité, le moins que je lui doive pour tous ceux qu'il m'a rendus. Il est actuellement dans la grande inquiétude de savoir s'il sera reçu chez Madame de Volanges; je le calme le plus que je peux, en l'assurant que, de façon ou d'autre, je ferai son bonheur au premier jour et en attendant, je continue à me charger de la correspondance, qu'il veut reprendre à l'arrivée de sa Cécile . J'ai déjà six Lettres de lui, et j'en aurai bien encore une ou deux avant l'heureux jour. Il faut que ce garçon-là soit bien désÅ“uvré! Mais laissons ce couple enfantin, et revenons à nous; que je puisse m'occuper uniquement de l'espoir si doux que m'a donné votre Lettre. Oui, sans doute vous me fixerez, et je ne vous pardonnerais pas d'en douter. Ai-je donc jamais cessé d'ÃÂȘtre constant pour vous? Nos liens ont été dénoués, et non pas rompus; notre prétendue rupture ne fut qu'une erreur de notre imagination nos sentiments, nos intérÃÂȘts n'en sont pas moins restés unis. Semblable au voyageur, qui revient détrompé, je reconnaÃtrai comme lui que j'avais laissé le bonheur pour courir aprÚs l'espérance et je dirai comme d'Harcourt Plus je vis d'étrangers, plus j'aimai ma patrie [Du Belloi, Tragédie du SiÚge de Calais] Ne combattez donc plus l'idée ou plutÎt le sentiment qui vous ramÚne à moi; et aprÚs avoir essayé de tous les plaisirs dans nos courses différentes, jouissons du bonheur de sentir qu'aucun d'eux n'est comparable à celui que nous avions éprouvé, et que nous retrouverons plus délicieux encore! Adieu, ma charmante amie. Je consens à attendre votre retour mais pressez-le donc, et n'oubliez pas combien je le désire. Paris, ce 8 novembre 17**. LETTRE CXXXIV LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT En vérité, Vicomte, vous ÃÂȘtes bien comme les enfants, devant qui il ne faut rien dire, et à qui on ne peut rien montrer qu'ils ne veuillent s'en emparer aussitÎt! Une simple idée qui me vient, à laquelle mÃÂȘme je vous avertis que je ne veux pas m'arrÃÂȘter, parce que je vous en parle, vous en abusez pour y ramener mon attention; pour m'y fixer, quand je cherche à m'en distraire; et me faire, en quelque sorte, partager malgré moi vos désirs étourdis! Est-il donc généreux à vous de me laisser supporter seule tout le fardeau de la prudence? Je vous le redis, et me le répÚte plus souvent encore, l'arrangement que vous me proposez est réellement impossible. Quand vous y mettriez toute la générosité que vous me montrez en ce moment, croyez-vous que je n'aie pas aussi ma délicatesse, et que je veuille accepter des sacrifices qui nuiraient à votre bonheur? Or, est-il vrai, Vicomte, que vous vous faites illusion sur le sentiment qui vous attache à Madame de Tourvel? C'est de l'amour, ou il n'en exista jamais vous le niez bien de cent façons; mais vous le prouvez de mille. Qu'est-ce, par exemple, que ce subterfuge dont vous vous servez vis-à -vis de vous-mÃÂȘme car je vous crois sincÚre avec moi, qui vous fait rapporter à l'envie d'observer le désir que vous ne pouvez ni cacher ni combattre, de garder cette femme? Ne dirait-on pas que jamais vous n'en avez rendu une autre heureuse, parfaitement heureuse? Ah! si vous en doutez, vous avez bien peu de mémoire! Mais non, ce n'est pas cela. Tout simplement votre cÅ“ur abuse votre esprit, et le fait se payer de mauvaises raisons mais moi, qui ai un grand intérÃÂȘt à ne pas m'y tromper, je ne suis pas si facile à contenter. C'est ainsi qu'en remarquant votre politesse, qui vous a fait supprimer soigneusement tous les mots que vous vous ÃÂȘtes imaginé m'avoir déplu, j'ai vu cependant que, peut-ÃÂȘtre sans vous en apercevoir, vous n'en conserviez pas moins les mÃÂȘmes idées. En effet, ce n'est plus l'adorable, la céleste Madame de Tourvel, mais c'est une femme étonnante, une femme délicate et sensible , et cela, à l'exclusion de toutes les autres; une femme rare enfin , et telle qu'on n'en rencontrerait pas une seconde . Il en est de mÃÂȘme de ce charme inconnu qui n'est pas le plus fort . Hé bien! soit mais puisque vous ne l'aviez jamais trouvé jusque-là , il est bien à croire que vous ne le trouveriez pas davantage à l'avenir, et la perte que vous feriez n'en serait pas moins irréparable. Ou ce sont là , Vicomte, des symptÎmes assurés d'amour, ou il faut renoncer à en trouver aucun. Soyez assuré que, pour cette fois, je vous parle sans humeur. Je me suis promis de n'en plus prendre; j'ai trop bien reconnu qu'elle pouvait devenir un piÚge dangereux. Croyez-moi, ne soyons qu'amis, et restons-en là . Sachez- moi gré seulement de mon courage à me défendre oui, de mon courage; car il en faut quelquefois, mÃÂȘme pour ne pas prendre un parti qu'on sent ÃÂȘtre mauvais. Ce n'est donc plus que pour vous ramener à mon avis par persuasion que je vais répondre à la demande que vous me faites sur les sacrifices que j'exigerais et que vous ne pourriez pas faire. Je me sers à dessein de ce mot exiger , parce que je suis sûre que, dans un moment, vous m'allez en effet trouver trop exigeante; mais tant mieux! Loin de me fùcher de vos refus, je vous en remercierai. Tenez, ce n'est pas avec vous que je veux dissimuler, j'en ai peut-ÃÂȘtre besoin. J'exigerais donc, voyez la cruauté! que cette rare, cette étonnante Madame de Tourvel ne fût plus pour vous qu'une femme ordinaire, une femme telle qu'elle est seulement car il ne faut pas s'y tromper; ce charme qu'on croit trouver dans les autres, c'est en nous qu'il existe; et c'est l'amour seul qui embellit tant l'objet aimé. Ce que je vous demande là , tout impossible que cela soit, vous feriez peut-ÃÂȘtre bien l'effort de me le promettre, de me le jurer mÃÂȘme; mais, je l'avoue, je n'en croirais pas de vains discours. Je ne pourrais ÃÂȘtre persuadée que par l'ensemble de votre conduite. Ce n'est pas tout encore, je serais capricieuse. Ce sacrifice de la petite Cécile, que vous m'offrez de si bonne grùce, je ne m'en soucierais pas du tout. Je vous demanderais au contraire de continuer ce pénible service, jusqu'à nouvel ordre de ma part; soit que j'aimasse à abuser ainsi de mon empire; soit que, plus indulgente ou plus juste, il me suffÃt de disposer de vos sentiments, sans vouloir contrarier vos plaisirs. Quoi qu'il en soit, je voudrais ÃÂȘtre obéie; et mes ordres seraient bien rigoureux! Il est vrai qu'alors je me croirais obligée de vous remercier; que sait-on? peut- ÃÂȘtre mÃÂȘme de vous récompenser. Sûrement, par exemple, j'abrégerais une absence qui me deviendrait insupportable. Je vous reverrais enfin, Vicomte, et je vous reverrais... comment?... Mais vous vous souvenez que ceci n'est plus qu'une conversation, un simple récit d'un projet impossible, et je ne veux pas l'oublier toute seule... Savez-vous que mon procÚs m'inquiÚte un peu? J'ai voulu enfin connaÃtre au juste quels étaient mes moyens; mes Avocats me citent bien quelques Lois, et surtout beaucoup d'autorités , comme ils les appellent mais je n'y vois pas autant de raison et de justice. J'en suis presque à regretter d'avoir refusé l'accommodement. Cependant je me rassure en songeant que le Procureur est adroit, l'Avocat éloquent, et la Plaideuse jolie. Si ces trois moyens devaient ne plus valoir, il faudrait changer tout le train des affaires, et que deviendrait le respect pour les anciens usages? Ce procÚs est actuellement la seule chose qui me retienne ici. Celui de Belleroche est fini hors de Cour, dépens compensés. Il en est à regretter le bal de ce soir; c'est bien le regret d'un désÅ“uvré! Je lui rendrai sa liberté entiÚre, à mon retour à la Ville. Je lui fais ce douloureux sacrifice, et je m'en console par la générosité qu'il y trouve. Adieu, Vicomte, écrivez-moi souvent le détail de vos plaisirs me dédommagera au moins en partie des ennuis que j'éprouve. Du Chùteau de ..., ce 11 novembre 17**. LETTRE CXXXV LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE ROSEMONDE J'essaie de vous écrire, sans savoir encore si je le pourrai. Ah! Dieu, quand je songe qu'à ma derniÚre Lettre c'était l'excÚs de mon bonheur qui m'empÃÂȘchait de la continuer! C'est celui de mon désespoir qui m'accable à présent; qui ne me laisse de force que pour sentir mes douleurs, et m'Îte celles de les exprimer. Valmont... Valmont ne m'aime plus, il ne m'a jamais aimée. L'amour ne s'en va pas ainsi. Il me trompe, il me trahit, il m'outrage. Tout ce qu'on peut réunir d'infortunes, d'humiliations, je les éprouve, et c'est de lui qu'elles me viennent. Et ne croyez pas que ce soit un simple soupçon j'étais si loin d'en avoir! Je n'ai pas le bonheur de pouvoir douter. Je l'ai vu que pourrait-il me dire pour se justifier?... Mais que lui importe! il ne le tentera seulement pas... Malheureuse! que lui feront tes reproches et tes larmes? c'est bien de toi qu'il s'occupe!... Il est donc vrai qu'il m'a sacrifiée, livrée mÃÂȘme... et à qui?... une vile créature... Mais que dis-je? Ah! j'ai perdu jusqu'au droit de la mépriser. Elle a trahi moins de devoirs, elle est moins coupable que moi. Oh! que la peine est douloureuse quand elle s'appuie sur le remords! Je sens mes tourments qui redoublent. Adieu, ma chÚre amie; quelque indigne que je me sois rendue de votre pitié, vous en aurez cependant pour moi, si vous pouvez vous former l'idée de ce que je souffre. Je viens de relire ma Lettre, et je m'aperçois qu'elle ne peut vous instruire de rien; je vais donc tùcher d'avoir le courage de vous raconter ce cruel événement. C'était hier; je devais pour la premiÚre fois, depuis mon retour, souper hors de chez moi. Valmont vint me voir à cinq heures; jamais il ne m'avait paru si tendre. Il me fit connaÃtre que mon projet de sortir le contrariait, et vous jugez que j'eus bientÎt celui de rester chez moi. Cependant, deux heures aprÚs, et tout à coup, son air et son ton changÚrent sensiblement. Je ne sais s'il me sera échappé quelque chose qui aura pu lui déplaire; quoi qu'il en soit, peu de temps aprÚs, il prétendit se rappeler une affaire qui l'obligeait de me quitter, et il s'en alla ce ne fut pourtant pas sans m'avoir témoigné des regrets trÚs vifs, qui me parurent tendres, et qu'alors je crus sincÚres. Rendue à moi-mÃÂȘme, je jugeai plus convenable de ne pas me dispenser de mes premiers engagements, puisque j'étais libre de les remplir. Je finis ma toilette, et montai en voiture. Malheureusement mon Cocher me fit passer devant l'Opéra, et je me trouvai dans l'embarras de la sortie; j'aperçus à quatre pas devant moi, et dans la file à cÎté de la mienne, la voiture de Valmont. Le cÅ“ur me battit aussitÎt, mais ce n'était pas de crainte; et la seule idée qui m'occupait était le désir que ma voiture avançùt. Au lieu de cela, ce fut la sienne qui fut forcée de reculer, et qui se trouva à cÎté de la mienne. Je m'avançai sur-le-champ quel fut mon étonnement de trouver à ses cÎtés une fille, bien connue pour telle! Je me retirai, comme vous pouvez penser, et c'en était déjà bien assez pour navrer mon cÅ“ur mais ce que vous aurez peine à croire, c'est que cette mÃÂȘme fille apparemment instruite par une odieuse confidence, n'a pas quitté la portiÚre de la voiture, ni cessé de me regarder, avec des éclats de rire à faire scÚne. Dans l'anéantissement oÃÂč j'en fus, je me laissai pourtant conduire dans la maison oÃÂč je devais souper mais il me fut impossible d'y rester; je me sentais, à chaque instant, prÃÂȘte à m'évanouir, et surtout je ne pouvais retenir mes larmes. En rentrant, j'écrivis à M. de Valmont, et lui envoyai ma Lettre aussitÎt; il n'était pas chez lui. Voulant, à quelque prix que ce fût, sortir de cet état de mort, ou le confirmer à jamais, je renvoyai avec ordre de l'attendre mais avant minuit mon Domestique revint, en me disant que le Cocher, qui était de retour, lui avait dit que son MaÃtre ne rentrerait pas de la nuit. J'ai cru ce matin n'avoir plus autre chose à faire qu'à lui redemander mes Lettres, et le prier de ne plus revenir chez moi. J'ai en effet donné des ordres en conséquence; mais sans doute, ils étaient inutiles. Il est prÚs de midi; il ne s'est point encore présenté, et je n'ai pas mÃÂȘme reçu un mot de lui. A présent, ma chÚre amie, je n'ai plus rien à ajouter vous voilà instruite, et vous connaissez mon cÅ“ur. Mon seul espoir est de n'avoir pas longtemps encore à affliger votre sensible amitié. Paris, ce 15 novembre 17**. LETTRE CXXXVI LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Sans doute, Monsieur, aprÚs ce qui s'est passé hier, vous ne vous attendez plus à ÃÂȘtre reçu chez moi, et sans doute aussi vous le désirez fort peu! Ce billet a donc moins pour objet de vous prier de n'y plus venir, que de vous redemander des Lettres qui n'auraient jamais dû exister; et qui, si elles ont pu vous intéresser un moment, comme des preuves de l'aveuglement que vous aviez fait naÃtre, ne peuvent que vous ÃÂȘtre indifférentes à présent qu'il est dissipé, et qu'elles n'expriment plus qu'un sentiment que vous avez détruit. Je reconnais et j'avoue que j'ai eu tort de prendre en vous une confiance dont tant d'autres avant moi avaient été les victimes; en cela je n'accuse que moi seule mais je croyais au moins n'avoir pas mérité d'ÃÂȘtre livrée, par vous, au mépris et à l'insulte. Je croyais qu'en vous sacrifiant tout, et perdant pour vous seul mes droits à l'estime des autres et à la mienne, je pouvais m'attendre cependant à ne pas ÃÂȘtre jugée par vous plus sévÚrement que par le public, dont l'opinion sépare encore, par un immense intervalle, la femme faible de la femme dépravée. Ces torts, qui seraient ceux de tout le monde, sont les seuls dont je vous parle. Je me tais sur ceux de l'amour; votre cÅ“ur n'entendrait pas le mien. Adieu, Monsieur. Paris, ce 15 novembre 17**. LETTRE CXXXVII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL On vient seulement, Madame, de me rendre votre Lettre; j'ai frémi en la lisant, et elle me laisse à peine la force d'y répondre. Quelle affreuse idée avez-vous donc de moi! Ah! sans doute, j'ai des torts; et tels que je ne me les pardonnerai de ma vie, quand mÃÂȘme vous les couvririez de votre indulgence. Mais que ceux que vous me reprochez ont toujours été loin de mon ùme! Qui, moi! vous humilier! vous avilir! quand je vous respecte autant que je vous chéris; quand je n'ai connu l'orgueil que du moment oÃÂč vous m'avez jugé digne de vous. Les apparences vous ont déçue; et je conviens qu'elles ont pu ÃÂȘtre contre moi mais n'aviez-vous donc pas dans votre cÅ“ur ce qu'il fallait pour les combattre? et ne s'est-il pas révolté à la seule idée qu'il pouvait avoir à se plaindre du mien? Vous l'avez cru cependant! Ainsi, non seulement vous m'avez jugé capable de ce délire atroce, mais vous avez mÃÂȘme craint de vous y ÃÂȘtre exposée par vos bontés pour moi. Ah! si vous vous trouvez dégradée à ce point par votre amour, je suis donc moi-mÃÂȘme bien vil à vos yeux? Oppressé par le sentiment douloureux que cette idée me cause, je perds à la repousser le temps que je devrais employer à la détruire. J'avouerai tout; une autre considération me retient encore. Faut-il donc retracer des faits que je voudrais anéantir et fixer votre attention et la mienne sur un moment d'erreur que je voudrais racheter du reste de ma vie, dont je suis encore à concevoir la cause, et dont le souvenir doit faire à jamais mon humiliation et mon désespoir? Ah! si, en m'accusant, je dois exciter votre colÚre, vous n'aurez pas au moins à chercher loin votre vengeance; il vous suffira de me livrer à mes remords. Cependant, qui le croirait? cet événement a pour premiÚre cause le charme tout-puissant que j'éprouve auprÚs de vous. Ce fut lui qui me fit oublier trop longtemps une affaire importante, et qui ne pouvait se remettre. Je vous quittai trop tard, et ne trouvai plus la personne que j'allais chercher. J'espérais la rejoindre à l'Opéra, et ma démarche fut pareillement infructueuse. Emilie que j'y trouvai, que j'ai connue dans un temps oÃÂč j'étais bien loin de connaÃtre ni vous ni l'amour. Emilie n'avait pas sa voiture, et me demanda de la remettre chez elle à quatre pas de là . Je n'y vis aucune conséquence, et j'y consentis. Mais ce fut alors que je vous rencontrai; et je sentis sur-le-champ que vous seriez portée à me juger coupable. La crainte de vous déplaire ou de vous affliger est si puissante sur moi, qu'elle dut ÃÂȘtre et fut en effet bientÎt remarquée. J'avoue mÃÂȘme qu'elle me fit tenter d'engager cette fille à ne pas se montrer; cette précaution de la délicatesse a tourné contre l'amour. Accoutumée, comme toutes celles de son état, à n'ÃÂȘtre sûre d'un empire toujours usurpé que par l'abus qu'elles se permettent d'en faire. Emilie se garda bien d'en laisser échapper une occasion si éclatante. Plus elle voyait mon embarras s'accroÃtre, plus elle affectait de se montrer; et sa folle gaieté, dont je rougis que vous ayez pu un moment vous croire l'objet, n'avait de cause que la peine cruelle que je ressentais, qui elle-mÃÂȘme venait encore de mon respect et de mon amour. Jusque-là , sans doute, je suis plus malheureux que coupable; et ces torts, qui seraient ceux de tout le monde, et les seuls dont vous me parlez, ces torts n'existant pas, ne peuvent m'ÃÂȘtre reprochés. Mais vous vous taisez en vain sur ceux de l'amour je ne garderai pas sur eux le mÃÂȘme silence; un trop grand intérÃÂȘt m'oblige à le rompre. Ce n'est pas que, dans la confusion oÃÂč je suis de cet inconcevable égarement, je puisse, sans une extrÃÂȘme douleur, prendre sur moi d'en rappeler le souvenir. Pénétré de mes torts, je consentirais à en porter la peine, ou j'attendrais mon pardon du temps, de mon éternelle tendresse et de mon repentir. Mais comment pouvoir me taire, quand ce qui me reste à vous dire importe à votre délicatesse? Ne croyez pas que je cherche un détour pour excuser ou pallier ma faute; je m'avoue coupable. Mais je n'avoue point, je n'avouerai jamais que cette erreur humiliante puisse ÃÂȘtre regardée comme un tort de l'amour. Eh! que peut-il y avoir de commun entre une surprise des sens, entre un moment d'oubli de soi-mÃÂȘme, que suivent bientÎt la honte et le regret, et un sentiment pur, qui ne peut naÃtre que dans une ùme délicate et s'y soutenir que par l'estime, et dont enfin le bonheur est le fruit! Ah! ne profanez pas ainsi l'amour. Craignez surtout de vous profaner vous-mÃÂȘme, en réunissant sous un mÃÂȘme point de vue ce qui jamais ne peut se confondre. Laissez les femmes viles et dégradées redouter une rivalité qu'elles sentent malgré elles pouvoir s'établir, et éprouver les tourments d'une jalousie également cruelle et humiliante mais, vous, détournez vos yeux de ces objets qui souilleraient vos regards; et pure comme la Divinité, comme elle aussi punissez l'offense sans la ressentir. Mais quelle peine m'imposerez-vous, qui me soit plus douloureuse que celle que je ressens? qui puisse ÃÂȘtre comparée au regret de vous avoir déplu, au désespoir de vous avoir affligée, à l'idée accablante de m'ÃÂȘtre rendu moins digne de vous? Vous vous occupez de punir! et moi, je vous demande des consolations non que je les mérite; mais parce qu'elles me sont nécessaires, et qu'elles ne peuvent me venir que de vous. Si, tout à coup, oubliant mon amour et le vÎtre, et ne mettant plus de prix à mon bonheur, vous voulez au contraire me livrer à une douleur éternelle, vous en avez le droit frappez; mais si, plus indulgente, ou plus sensible, vous vous rappelez encore ces sentiments si tendres qui unissaient nos cÅ“urs; cette volupté de l'ùme, toujours renaissante et toujours plus vivement sentie; ces jours si doux, si fortunés que chacun de nous devait à l'autre; tous ces biens de l'amour et que lui seul procure! peut-ÃÂȘtre préférerez-vous le pouvoir de les faire renaÃtre à celui de les détruire. Que vous dirai-je enfin? j'ai tout perdu, et tout perdu par ma faute; mais je puis tout recouvrer par vos bienfaits. C'est à vous à décider maintenant. Je n'ajoute plus qu'un mot. Hier encore vous me juriez que mon bonheur était bien sûr tant qu'il dépendrait de vous! Ah! Madame, me livrerez-vous aujourd'hui à un désespoir éternel? Paris, ce 15 novembre 17**. LETTRE CXXXVIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Je persiste, ma belle amie non, je ne suis point amoureux; et ce n'est pas ma faute, si les circonstances me forcent d'en jouer le rÎle. Consentez seulement; et revenez; vous verrez bientÎt par vous-mÃÂȘme combien je suis sincÚre. J'ai fait mes preuves hier, et elles ne peuvent ÃÂȘtre détruites par ce qui se passe aujourd'hui. J'étais donc chez la tendre Prude, et j'y étais bien sans aucune autre affaire car la petite Volanges, malgré son état, devait passer toute la nuit au bal précoce de Madame V***. Le désÅ“uvrement m'avait fait désirer d'abord de prolonger cette soirée; et j'avais mÃÂȘme, à ce sujet, exigé un petit sacrifice; mais à peine fut-il accordé, que le plaisir que je me promettais fut troublé par l'idée de cet amour que vous vous obstinez à me croire, ou au moins à me reprocher; en sorte que je n'éprouvai plus d'autre désir que celui de pouvoir à la fois m'assurer et vous convaincre que c'était de votre part pure calomnie. Je pris donc un parti violent; et sous un prétexte assez léger je laissai là ma Belle, toute surprise et sans doute encore plus affligée. Mais moi, j'allai tranquillement joindre Emilie à l'Opéra; et elle pourrait vous rendre compte que, jusqu'à ce matin que nous nous sommes séparés, aucun regret n'a troublé nos plaisirs. J'avais pourtant un assez beau sujet d'inquiétude si ma parfaite indifférence ne m'en avait sauvé car vous saurez que j'étais à peine à quatre maisons de l'Opéra, et ayant Emilie dans ma voiture, que celle de l'austÚre Dévote vint exactement ranger la mienne, et qu'un embarras survenu nous laissa prÚs d'un demi-quart d'heure à cÎté l'un de l'autre. On se voyait comme à midi, et il n'y avait pas moyen d'échapper. Mais ce n'est pas tout; je m'avisai de confier à Emilie que c'était la femme à la Lettre. Vous vous rappellerez peut-ÃÂȘtre cette folie-là , et qu'Emilie était le pupitre [Lettres XLVII et XLVIII]. Elle qui ne l'avait pas oubliée, et qui est rieuse, n'eut de cesse qu'elle n'eût considéré tout à son aise cette vertu , disait-elle, et cela, avec des éclats de rire d'un scandale à en donner de l'humeur. Ce n'est pas tout encore; la jalouse femme n'envoya-t-elle pas, chez moi, dÚs le soir mÃÂȘme? Je n'y étais pas mais, dans son obstination, elle y envoya une seconde fois, avec ordre de m'attendre. Moi, dÚs que j'avais été décidé à rester chez Emilie, j'avais renvoyé ma voiture, sans autre ordre au Cocher que de venir me reprendre ce matin; et comme en arrivant chez moi, il y trouva l'amoureux Messager, il crut tout simple de lui dire que je ne rentrerais pas de la nuit. Vous devinez bien l'effet de cette nouvelle, et qu'à mon retour j'ai trouvé mon congé signifié avec toute la dignité que comportait la circonstance. Ainsi cette aventure, interminable selon vous, aurait pu, comme vous voyez, ÃÂȘtre finie de ce matin; si mÃÂȘme elle ne l'est pas, ce n'est point, comme vous l'allez croire, que je mette du prix à la continuer c'est que, d'une part, je n'ai pas trouvé décent de me laisser quitter; et, de l'autre, que j'ai voulu vous réserver l'honneur de ce sacrifice. J'ai donc répondu au sévÚre billet par une grande épÃtre de sentiments; j'ai donné de longues raisons, et je me suis reposé sur l'amour du soin de les faire trouver bonnes. J'ai déjà réussi. Je viens de recevoir un second billet, toujours bien rigoureux, et qui confirme l'éternelle rupture, comme cela devait ÃÂȘtre; mais dont le ton n'est pourtant plus le mÃÂȘme. Surtout, on ne veut plus me voir ce parti pris y est annoncé quatre fois de la maniÚre la plus irrévocable. J'en ai conclu qu'il n'y avait pas un moment à perdre pour me présenter. J'ai déjà envoyé mon Chasseur, pour s'emparer du Suisse; et dans un moment, j'irai moi-mÃÂȘme faire signer mon pardon car dans les torts de cette espÚce, il n'y a qu'une seule formule qui porte absolution générale, et celle-là ne s'expédie qu'en présence. Adieu, ma charmante amie; je cours tenter ce grand événement. Paris, ce 15 novembre 17**. LETTRE CXXXIX LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE ROSEMONDE Que je me reproche, ma sensible amie, de vous avoir parlé trop et trop tÎt de mes peines passagÚres! je suis cause que vous vous affligez à présent; ces chagrins qui vous viennent de moi durent encore, et moi, je suis heureuse. Oui, tout est oublié, pardonné; disons mieux, tout est réparé. A cet état de douleur et d'angoisses, ont succédé le calme et les délices. Ô joie de mon cÅ“ur, comment vous exprimer! Valmont est innocent; on n'est point coupable avec autant d'amour. Ces torts graves, offensants que je lui reprochais avec tant d'amertume, il ne les avait pas et si, sur un seul point, j'ai eu besoin d'indulgence, n'avais-je donc pas aussi mes injustices à réparer? Je ne vous ferai point le détail des faits ou des raisons qui le justifient; peut- ÃÂȘtre mÃÂȘme l'esprit les apprécierait mal c'est au cÅ“ur seul qu'il appartient de les sentir. Si pourtant vous deviez me soupçonner de faiblesse, j'appellerais votre jugement à l'appui du mien. Pour les hommes, dites-vous vous-mÃÂȘme, l'infidélité n'est pas l'inconstance. Ce n'est pas que je ne sente que cette distinction, qu'en vain l'opinion autorise, n'en blesse pas moins la délicatesse mais de quoi se plaindrait la mienne, quand celle de Valmont en souffre plus encore? Ce mÃÂȘme tort que j'oublie, ne croyez pas qu'il se le pardonne ou s'en console; et pourtant, combien n'a-t-il pas réparé cette légÚre faute par l'excÚs de son amour et celui de mon bonheur! Ou ma félicité est plus grande, ou j'en sens mieux le prix depuis que j'ai craint de l'avoir perdue mais ce que je puis vous dire, c'est que, si je me sentais la force de supporter encore des chagrins aussi cruels que ceux que je viens d'éprouver, je ne croirais pas en acheter trop cher le surcroÃt de bonheur que j'ai goûté depuis. Ô ma tendre mÚre, grondez votre fille inconsidérée de vous avoir affligée par trop de précipitation; grondez-la d'avoir jugé témérairement et calomnié celui qu'elle ne devait pas cesser d'adorer; mais en la reconnaissant imprudente, voyez-la heureuse, et augmentez sa joie en la partageant. Paris, ce 16 novembre 17**, au soir. LETTRE CXL LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL . Comment donc se fait-il, ma belle amie, que je ne reçoive point de réponse de vous? Ma derniÚre Lettre pourtant me paraissait en mériter une; et depuis trois jours que je devrais l'avoir reçue, je l'attends encore! Je suis fùché au moins; aussi ne vous parlerai-je pas du tout de mes grandes affaires. Que le raccommodement ait eu son plein effet; qu'au lieu de reproches et de méfiance, il n'ait produit que de nouvelles tendresses; que ce soit moi actuellement qui reçoive les excuses et les réparations dues à ma candeur soupçonnée; je ne vous en dirai mot et sans l'événement imprévu de la nuit derniÚre, je ne vous écrirais pas du tout. Mais comme celui-là regarde votre Pupille, et que vraisemblablement elle ne sera pas dans le cas de vous en informer elle-mÃÂȘme, au moins de quelque temps, je me charge de ce soin. Par des raisons que vous devinerez, ou que vous ne devinerez pas, Madame de Tourvel ne m'occupait plus depuis quelques jours, et comme ces raisons-là ne pouvaient exister chez la petite Volanges, j'en étais devenu plus assidu auprÚs d'elle. Grùce à l'obligeant Portier, je n'avais aucun obstacle à vaincre et nous menions, votre Pupille et moi, une vie commode et bien réglée. Mais l'habitude amÚne la négligence les premiers jours nous n'avions jamais pris assez de précautions pour notre sûreté, nous tremblions encore derriÚre les verrous. Hier, une incroyable distraction a causé l'accident dont j'ai à vous instruire; et si, pour mon compte, j'en ai été quitte pour la peur, il en coûte plus cher à la petite fille. Nous ne dormions pas, mais nous étions dans le repos et l'abandon qui suivent la volupté, quand nous avons entendu la porte de la chambre s'ouvrir tout à coup. AussitÎt je saute à mon épée, tant pour ma défense que pour celle de notre commune Pupille; je m'avance et ne vois personne mais en effet la porte était ouverte. Comme nous avions de la lumiÚre, j'ai été à la recherche, et n'ai trouvé ùme qui vive. Alors je me suis rappelé que nous avions oublié nos précautions ordinaires; et sans doute la porte poussée seulement, ou mal fermée, s'était ouverte d'elle-mÃÂȘme. En allant rejoindre ma timide compagne pour la tranquilliser, je ne l'ai plus trouvée dans son lit; elle était tombée, ou s'était sauvée dans sa ruelle enfin, elle y était étendue sans connaissance, et sans autre mouvement que d'assez fortes convulsions. Jugez de mon embarras! Je parvins pourtant à la remettre dans son lit, et mÃÂȘme à la faire revenir; mais elle s'était blessée dans sa chute, et elle ne tarda pas à en ressentir les effets. Des maux de reins, de violentes coliques, des symptÎmes moins équivoques encore, m'ont eu bientÎt éclairé sur son état mais, pour le lui apprendre, il a fallu lui dire d'abord celui oÃÂč elle était auparavant; car elle ne s'en doutait pas. Jamais peut-ÃÂȘtre, jusqu'à elle, on n'avait conservé tant d'innocence, en faisant si bien tout ce qu'il fallait pour s'en défaire! Oh! celle-là ne perd pas son temps à réfléchir! Mais elle en perdait beaucoup à se désoler, et je sentais qu'il fallait prendre un parti. Je suis donc convenu avec elle que j'irais sur-le-champ chez le Médecin et le Chirurgien de la maison, et qu'en les prévenant qu'on allait venir les chercher, je leur confierais le tout, sous le secret; qu'elle, de son cÎté, sonnerait sa Femme de chambre; qu'elle lui ferait ou ne lui ferait pas sa confidence, comme elle voudrait; mais qu'elle enverrait chercher du secours, et défendrait surtout qu'on réveillùt Madame de Volanges attention délicate et naturelle d'une fille qui craint d'inquiéter sa mÚre. J'ai fait mes deux courses et mes deux confessions le plus lestement que j'ai pu, et de là , je suis rentré chez moi, d'oÃÂč je ne suis pas encore sorti; mais le Chirurgien, que je connaissais d'ailleurs, est venu à midi me rendre compte de l'état de la malade. Je ne m'étais pas trompé; mais il espÚre que, s'il ne survient pas d'accident, on ne s'apercevra de rien dans la maison. La Femme de chambre est du secret; le Médecin a donné un nom à la maladie; et cette affaire s'arrangera comme mille autres, à moins que par la suite il ne nous soit utile qu'on en parle. Mais y a-t-il encore quelque intérÃÂȘt commun entre vous et moi? Votre silence m'en ferait douter; je n'y croirais mÃÂȘme plus du tout, si le désir que j'en ai ne me faisait chercher tous les moyens d'en conserver l'espoir. Adieu, ma belle amie; je vous embrasse, rancune tenante. Paris, ce 21 novembre 17**. LETTRE CXLI LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Mon Dieu, Vicomte, que vous me gÃÂȘnez par votre obstination! Que vous importe mon silence? croyez-vous, si je le garde, que ce soit faute de raisons pour me défendre? Ah! plût à Dieu! Mais non, c'est seulement qu'il m'en coûte de vous les dire. Parlez-moi vrai; vous faites-vous illusion à vous-mÃÂȘme, ou cherchez-vous à me tromper? la différence entre vos discours et vos actions ne me laisse de choix qu'entre ces deux sentiments lequel est le véritable? Que voulez-vous donc que je vous dise, quand moi-mÃÂȘme je ne sais que penser? Vous paraissez vous faire un grand mérite de votre derniÚre scÚne avec la Présidente; mais qu'est-ce donc qu'elle prouve pour votre systÚme, ou contre le mien? Assurément je ne vous ai jamais dit que vous aimiez assez cette femme pour ne pas la tromper, pour n'en pas saisir toutes les occasions qui vous paraÃtraient agréables ou faciles; je ne doutais mÃÂȘme pas qu'il ne vous fût à peu prÚs égal de satisfaire avec une autre avec la premiÚre venue jusqu'aux désirs que celle-ci seule aurait fait naÃtre; et je ne suis pas surprise que, pour un libertinage d'esprit qu'on aurait tort de vous disputer, vous ayez fait une fois par projet ce que vous aviez fait mille autres par occasion. Qui ne sait que c'est là le simple courant du monde, et votre usage à tous, tant que vous ÃÂȘtes, depuis le scélérat jusqu'aux espÚces ? Celui qui s'en abstient aujourd'hui passe pour romanesque, et ce n'est pas là , je crois, le défaut que je vous reproche. Mais ce que j'ai dit, ce que j'ai pensé, ce que je pense encore, c'est que vous n'en avez pas moins de l'amour pour votre Présidente; non pas, à la vérité, de l'amour bien pur ni bien tendre, mais de celui que vous pouvez avoir; de celui, par exemple, qui fait trouver à une femme les agréments ou les qualités qu'elle n'a pas; qui la place dans une classe à part, et met toutes les autres en second ordre; qui vous tient encore attaché à elle, mÃÂȘme alors que vous l'outragez; tel enfin que je conçois qu'un Sultan peut le ressentir pour sa Sultane favorite, ce qui ne l'empÃÂȘche pas de lui préférer souvent une simple Odalisque. Ma comparaison me paraÃt d'autant plus juste que, comme lui, jamais vous n'ÃÂȘtes ni l'Amant ni l'ami d'une femme; mais toujours son tyran ou son esclave. Aussi suis-je bien sûre que vous vous ÃÂȘtes bien humilié, bien avili, pour rentrer en grùce avec ce bel objet! et trop heureux d'y ÃÂȘtre parvenu, dÚs que vous croyez le moment arrivé d'obtenir votre pardon, vous me quittez pour ce grand événement . Encore dans votre derniÚre Lettre, si vous ne m'y parlez pas de cette femme uniquement, c'est que vous ne voulez m'y rien dire de vos grandes affaires ; elles vous semblent si importantes que le silence que vous gardez à ce sujet vous semble une punition pour moi. Et c'est aprÚs ces mille preuves de votre préférence décidée pour une autre que vous me demandez tranquillement s'il y a encore quelque intérÃÂȘt commun entre vous et moi ? Prenez-y garde, Vicomte! si une fois je réponds, ma réponse sera irrévocable; et craindre de la faire en ce moment, c'est peut-ÃÂȘtre déjà en dire trop. Aussi je n'en veux absolument plus parler. Tout ce que je peux faire, c'est de vous raconter une histoire. Peut-ÃÂȘtre n'aurez-vous pas le temps de la lire, ou celui d'y faire assez attention pour la bien entendre? libre à vous. Ce ne sera, au pis aller, qu'une histoire de perdue. Un homme de ma connaissance s'était empÃÂȘtré, comme vous, d'une femme qui lui faisait peu d'honneur. Il avait bien, par intervalles, le bon esprit de sentir que, tÎt ou tard, cette aventure lui ferait tort mais quoiqu'il en rougÃt, il n'avait pas le courage de rompre. Son embarras était d'autant plus grand qu'il s'était vanté à ses amis d'ÃÂȘtre entiÚrement libre; et qu'il n'ignorait pas que le ridicule qu'on a augmente toujours en proportion qu'on s'en défend. Il passait ainsi sa vie, ne cessant de faire des sottises, et ne cessant de dire aprÚs Ce n'est pas ma faute. Cet homme avait une amie qui fut tentée un moment de le livrer au Public en cet état d'ivresse, et de rendre ainsi son ridicule ineffaçable; mais pourtant, plus généreuse que maligne, ou peut-ÃÂȘtre encore par quelque autre motif, elle voulut tenter un dernier moyen, pour ÃÂȘtre, à tout événement, dans le cas de dire comme son ami Ce n'est pas ma faute . Elle lui fit donc parvenir sans aucun autre avis la Lettre qui suit, comme un remÚde dont l'usage pourrait ÃÂȘtre utile à son mal. " On s'ennuie de tout, mon Ange, c'est une Loi de la Nature; ce n'est pas ma faute. " " Si donc je m'ennuie aujourd'hui d'une aventure qui m'a occupé entiÚrement depuis quatre mortels mois, ce n'est pas ma faute. " " Si, par exemple, j'ai eu juste autant d'amour que toi de vertu, et c'est sûrement beaucoup dire, il n'est pas étonnant que l'un ait fini en mÃÂȘme temps que l'autre. Ce n'est pas ma faute. " " Il suit de là que depuis quelque temps je t'ai trompée mais aussi, ton impitoyable tendresse m'y forçait en quelque sorte! Ce n'est pas ma faute. " " Aujourd'hui, une femme que j'aime éperdument exige que je te sacrifie. Ce n'est pas ma faute. " " Je sens bien que voilà une belle occasion de crier au parjure mais si la Nature n'a accordé aux hommes que la constance, tandis qu'elle donnait aux femmes l'obstination, ce n'est pas ma faute. " " Crois-moi, choisis un autre Amant, comme j'ai fait une autre MaÃtresse. Ce conseil est bon, trÚs bon; si tu le trouves mauvais, ce n'est pas ma faute. " " Adieu, mon Ange, je t'ai prise avec plaisir, je te quitte sans regret je te reviendrai peut-ÃÂȘtre. Ainsi va le monde. Ce n'est pas ma faute. " De vous dire, Vicomte, l'effet de cette derniÚre tentative, et ce qui s'en est suivi, ce n'est pas le moment mais je vous promets de vous le dire dans ma premiÚre Lettre. Vous y trouverez aussi mon ultimatum sur le renouvellement du traité que vous me proposez. Jusque-là , adieu tout simplement... A propos, je vous remercie de vos détails sur la petite Volanges; c'est un article à réserver jusqu'au lendemain du mariage, pour la Gazette de médisance. En attendant, je vous fais mon compliment de condoléances sur la perte de votre postérité. Bonsoir, Vicomte. Du Chùteau de ..., ce 24 novembre 17**. LETTRE CXLII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Ma foi, ma belle amie, je ne sais si j'ai mal lu ou. mal entendu, et votre Lettre, et l'histoire que vous m'y faites, et le petit modÚle épistolaire qui y était compris. Ce que je puis vous dire, c'est que ce dernier m'a paru original et propre à faire de l'effet aussi je l'ai copié tout simplement, et tout simplement encore je l'ai envoyé à la céleste Présidente. Je n'ai pas perdu un moment, car la tendre missive a été expédiée dÚs hier au soir. Je l'ai préféré ainsi, parce que d'abord je lui avais promis de lui écrire hier; et puis aussi, parce que j'ai pensé qu'elle n'aurait pas trop de toute la nuit, pour se recueillir et méditer sur ce grand événement , dussiez-vous une seconde fois me reprocher l'expression. J'espérais pouvoir vous renvoyer ce matin la réponse de ma bien-aimée mais il est prÚs de midi, et je n'ai encore rien reçu. J'attendrai jusqu'à trois heures; et si alors je n'ai pas eu de nouvelles, j'irai en chercher moi-mÃÂȘme; car, surtout en fait de procédés, il n'y a que le premier pas qui coûte. A présent, comme vous pouvez croire, je suis fort empressé d'apprendre la fin de l'histoire de cet homme de votre connaissance, si. véhémentement soupçonné de ne savoir pas, au besoin, sacrifier une femme. Ne se sera-t-il pas corrigé? et sa généreuse amie ne lui aura-t-elle pas fait grùce? Je ne désire pas moins de recevoir votre ultimatum comme vous dites si politiquement! Je suis curieux, surtout, de savoir si, dans cette derniÚre démarche, vous trouverez encore de l'amour. Ah! sans doute, il y en a, et beaucoup! Mais pour qui? Cependant, je ne prétends rien

26juillet 2022. Les symptĂŽmes dus Ă  la compression du nerf mĂ©dian dans le canal carpien apparaissent au niveau des trois premiers doigts de la main : fourmillements, douleurs, troubles de la sensibilitĂ© puis diminution de la force. L'examen clinique souvent complĂ©tĂ© d'un Ă©lectroneuromyogramme permet de poser le diagnostic de syndrome du Les ventouses anti-cellulite, on en parle dans les magazines, Ă  la tĂ©lĂ©vision, dans certaines Ă©missions, alors, avec mes amies Marie et BĂ©nĂ©dicte, on a dĂ©cidĂ© de les tester sur un mois. Les ventouses sont utilisĂ©es depuis des millĂ©naires par la mĂ©decine traditionnelle chinoise, pour soigner de nombreuses maladies. Elles servent Ă  rĂ©guler les flux de Qi et de Sang. Les Chinois les utilise pour soigner les rhumatismes, les douleurs dorsales, les maux de tĂȘte, les troubles digestifs, les troubles gynĂ©cologiques
 Mais nous ce qui nous intĂ©resse aujourd’hui, c’est leurs effets sur la cellulite. La mĂ©thode des ventouses mobiles anti-cellulite. Dans un premier temps, il est toujours mieux pour s’attaquer au problĂšme de la cellulite, de dĂ©finir quel type de cellulite vous avez. Cela tombe bien, toutes les trois nous avons une cellulite diffĂ©rente. Celle de Marie c’est la cellulite fibreuse, celle de BĂ©nĂ©dicte, c’est la cellulite aqueuse, et la mienne la cellulite adipeuse. Une belle brochette » de cellulites !!! Les ventouses anti-cellulite. Ce sont des petites ventouses en plastique ou en silicone, conçues pour reproduire le fameux massage palper rouler. Les ventouses crĂ©ent un appel d’air, et aspirent la peau ce qui relance la circulation dans les tissus et du coup dĂ©gomme » l’effet peau d’orange. Elles vont redonner aux peaux bosselĂ©es, un aspect ferme et lisse. Comment les utiliser ? D’un commun accord, on a dĂ©cidĂ© de s’attaquer Ă  la zone des cuisses, on aime se mettre en short l’étĂ©. On prend chacune notre mĂštre pour mesurer nos cuisses, et pour pouvoir par la suite Ă©valuer les rĂ©sultats, car nous sommes toutes les trois un peu septiques quant aux rĂ©sultats promis sur les pubs. Pour une premiĂšre fois nous utilisons l’huile vĂ©gĂ©tale d’amande douce, pour faire glisser la ventouse. Par la suite j’ai l’intention d’ajouter une huile essentielle Ă  l’huile d’amande douce pour optimiser un maximum les effets des ventouses anti-cellulite. Vous pouvez utiliser n’importe quelle huile vĂ©gĂ©tale. On commence par appliquer l’huile sur nos cuisses, on pose ensuite la ventouse sur la zone concernĂ©e, on la pince sur les cĂŽtĂ©s pour chasser l’air Ă  l’intĂ©rieur, et voilĂ  c’est parti. Comme marquĂ© sur la notice, nous commençons Ă  dĂ©placer la ventouse de bas en haut sans faire d’aller -retour et ensuite de gauche Ă  droite, c’est la technique du quadrillage. Cette technique s’applique aux zones des cuisses et du reste des jambes. Pour le ventre il faut faire des mouvements circulaires, dans le sens d’une aiguille d’une montre. On fait le massage pendant 15 minutes, par jambe. Sur la notice, il est marquĂ© de 5 Ă  15 minutes. Nous on veut des rĂ©sultats rapides, alors on fait le maximum. Les rĂ©sultats. On a continuĂ© pendant un mois, chacune de notre cĂŽtĂ©, et chacune en fonction de notre emploi du temps et de notre motivation. Marie a la cellulite la plus difficile Ă  effacer, elle est enchantĂ©e du rĂ©sultat, mĂȘme si par rapport Ă  nous elle a souffert les deux premiĂšres semaines. Elle a mĂȘme eu quelques bleus qui sont apparus au dĂ©but. Il faut savoir que la cellulite fibreuse est douloureuse. Elle a appliquĂ© les ventouses anti-cellulite 5 fois par semaine. Au bout d’un mois, elle a perdu 3,5 cm de tour de cuisse. Sa peau est beaucoup plus lisse, mais pas suffisamment Ă  son goĂ»t alors elle continue Ă  raison de trois fois par semaine. Elle est tellement motivĂ©e qu’en parallĂšle, elle a repris le sport, elle court 3 fois par semaine. BĂ©nĂ©dicte a perdu 2 cm de tour de cuisse, sa peau est vraiment lisse, fini la peau d’orange. Elle a appliquĂ© les ventouses un jour sur deux, 5 minutes par zone. Elle n’a ressenti aucune douleur. J’ai moi aussi perdu 2 cm de tour de cuisse, ma peau est redevenu lisse, et ça j’adore! J’ai appliquĂ© les ventouses, un jour sur deux, pendant 15 minute sur chaque zone et j’ai fait pendant le mois 2 sĂ©ances de marche nordique et 2 sĂ©ances de nage avec les palmes, chaque semaine. Les rĂ©sultats de l’utilisation des ventouses anti-cellulite sont probants, mais ils dĂ©pendent du type de cellulite que vous avez et de l’assiduitĂ© avec laquelle vous les appliquez. Mes conseils. Attention, les premiers jours, vous pouvez avoir la sensation que votre cellulite s’aggrave, mais rapidement vous verrez votre peau se lisser. Pour Ă©vacuer complĂštement la graisse il faut faire une activitĂ© sportive en parallĂšle. Il faut aussi avoir une alimentation Ă©quilibrĂ©e. C’est pour moi, une des meilleures mĂ©thodes pour perdre la cellulite et de surcroit la moins chĂšre. A votre tour d’essayer!! EsthĂ©ticienne et ancienne directrice d’une parapharmacie, je vous donne Ă  travers mes connaissances toutes les astuces pour prendre soin de vous. Lesfortes chutes d'eau correspondent assez exactement aux montagnes du Togo et de l'Atacora qui sillonnent transversalement le Togo et le Dahomey du Sud-Ouest au Nord-Est. Ces massifs se prolongent par un plateau de quelques 400 m. d'altitude moyenne qui marque au Dahomey la ligne de partage des eaux du Niger et de l'Atlantique. C'est ce plateau que la route du BĂ©nin-Niger
La hijama est une mĂ©thode thĂ©rapeutique trĂšs utilisĂ©e dans la mĂ©decine prophĂ©tique et permettant de soigner de nombreux maux et amĂ©liorer la circulation sanguine dans le corps. La hijama dĂ©finition et mode opĂ©ratoire AutorisĂ©e par la Sunna, la Hijama, du mot hijm absorber, extraire est une mĂ©thode d’extraction du sang de la surface de l’épiderme Ă  l’aide de ventouses. Elle est connue aussi sous les noms de l’incisiothĂ©rapie ou cupping therapy. Elle consiste Ă  effectuer des petites incisions superficielles sur une partie bien prĂ©cise, Ă  y placer une ventouse, et Ă  l’aide d’un appareil on en sortira l’air, afin de crĂ©er un vide, qui permettra au sang de sortir plus facilement. On peut placer plusieurs ventouses. L’endroit prĂ©cis dĂ©pend des maux que l’on dĂ©sire soigner. On rĂ©cupĂšre ainsi le sang, Ă  l’aspect plus ou moins noirĂątre et Ă©pais. Ce remĂšde faisant partie de la Sunna est reconnu par l’OMS depuis 2004 comme une mĂ©decine qui soigne. Elle est Ă©galement une mĂ©decine ancestrale pratiquĂ©e en Egypte mais aussi une mĂ©decine traditionnelle reconnue par les chinois. Qui ne doit pas faire la hijama ? La hijama ne doit pas ĂȘtre appliquĂ©e sur certaines personnes femmes enceintes, les jeunes enfants, les personnes faibles, les personnes sous anticoagulants. Elle peut ĂȘtre prĂ©ventive, ou bien effectuĂ©e en cas de nĂ©cessitĂ© douleurs, maux. Elle peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e Ă  sec sans les petites incisions superficielles ou non. Les nombreuses vertus de la Hijama De nombreux hadiths authentiques rapportent la recommandation de faire la hijama en islam, en raison de ses bienfaits sur notre corps. Ainsi, Anas Ibn Malik rapporte que le Messager de Dieu salallahou alayi wa sallam a dit Pendant mon Voyage nocturne, je ne suis pas passĂ© devant un groupe d’Anges sans qu’ils me disent Ô Muhammad ! Ordonne Ă  ta communautĂ© de pratiquer Al-Hijama ». Sahih Al-Jamii’ Ibn Abbas rapport que “Le ProphĂšte salallahou alayi wa sallam se fit faire une Hijama et il paya celui qui la lui pratiqua “. Boukhari et Mouslim Ce hadith ajoute qu’il est licite de rĂ©munĂ©rer la personne la pratiquant. Les bienfaits de la hijama sont nombreux elle stimule l’immunitĂ©, et permet un effet d’épuration du sang. Une Ă©tude d’un professeur Cantel UniversitĂ© de Chicago a dĂ©montrĂ© que le taux d’interfĂ©ron aprĂšs une hijama est multipliĂ© par dix, augmentant ainsi l’immunitĂ©. Elle est Ă©galement un remĂšde contre l’affaiblissement de la mĂ©moire, les migraines. Ainsi, le ProphĂšte pratiqua la Hijama sur son crĂąne alors qu’il Ă©tait en Ă©tat de sacralisation, en raison d’une migraine. Jabir rapporte que le ProphĂšte salallahou alayi wa sallam pratiqua Al Hijama sur sa hanche, en raison d’une douleur ». sahih Abou Dawoud Selon Ibn Qayiim, dans son ouvrage La mĂ©decine ProphĂ©tique, la hijama, sur la veine jugulaire postĂ©rieure Al-Kahil, situĂ©e Ă  la base de la nuque entre les Ă©paules est utile aux douleurs du bras et de la gorge. Ainsi, les ventouses de la hijama sont souvent positionnĂ©es en fonction de la localisation du mal. Contrairement Ă  ce que l’on peut croire, cette pratique n’est pas un remĂšde en soi contre la sorcellerie mais plutĂŽt reconnu par la Sunna. Le ProphĂšte salallahou alayi wa sallam l’avait pratiquĂ©, aprĂšs son ensorcellement, lorsqu’il avait des douleurs mais ignorant qu’il Ă©tait ensorcelĂ©. Lorsque Allah azawajjal l’inspira en l’informant qu’il s’agissait d’un ensorcellement, le ProphĂšte salallahou alayi wa salam recourut Ă  la roqyia. Conditions et moments de sa pratique La hijama, en cas d’urgence, est bĂ©nĂ©fique Ă  tout moment. Mais si elle est de caractĂšre prĂ©ventif, des moments prĂ©cis de sa pratique sont recommandĂ©s. Il est conseillĂ© Ă©galement de la faire Ă  jeun. La hijama Ă  jeun est meilleure, et elle augmente la raison, la mĂ©moire et facilite l’apprentissage . sahih sounan ibn Maja Quand ne pas faire la Hijama ? On a posĂ© la question au Imam Malik concernant la hijama le samedi et le mercredi, il rĂ©pondit “Ce n’est dĂ©conseillĂ© et il n’y a pas de jour [de la semaine] oĂč je ne me suis pas fait une hijama, je ne dĂ©conseille aucunement cela” ConfĂšre L’explication du El-Mouata’ 7/225 . Elle rompt cependant le jeĂ»ne Celui qui applique Al Hijama et celui qui se la fait appliquer ont tous deux rompu le jeĂ»ne ». At-Tirmidhi
Lepoivre noir associĂ© au curcuma multiplie par 1000 voire 2000 les effets de la curcumine sur l’organisme. Seulement le poivre noir n’est pas conseillĂ© dans un premier temps contre les fistules anales, mais vous pourrez l’incorporer au fur et Ă  mesure de l’amĂ©lioration. IMPORTANT : Il est trĂšs important d’utiliser du curcuma bio et sans Ă©pices ajoutĂ©s ! Vous en trouverez dans Nous recevons de nombreuses personnes au cabinet ayant des difficultĂ©s Ă  rĂ©aliser leur projet d’avoir un enfant. Parfois avec une cause mĂ©dicale et parfois sans cause rĂ©elle. Face Ă  cette difficultĂ© trĂšs rĂ©currente, j’ai dĂ©cidĂ© de vous accompagner pas Ă  pas Ă  travers ce tutoriel. Je vous expliquerai en dĂ©tail la localisation des ventouses et Ă  quel moment les poser pour un bĂ©nĂ©fice optimal. Toutes ces informations sont tirĂ©es de nos formations mais surtout de notre expĂ©rience en cabinet. J’avais Ă©cris un post qui expliquait le rĂŽle de la Hijama pour vous aider dans votre projet d’enfant. Allez c’est reparti pour une expĂ©rience exceptionnelle ! Attention, ce tutoriel est destinĂ© Ă  un usage privĂ© voire familiale et non professionnel afin de booster naturellement votre fertilitĂ©. En aucun cas, il ne doit retarder une consultation chez un professionnel de santĂ©. Si vous souhaitez un accompagnement professionnel dans le domaine de la Hijama, alors faites appel Ă  un professionnel de la Hijama. Apprendre Ă  effectuer une hijama pour booster votre fertilitĂ© de maniĂšre naturelle Ă©tapes pour rĂ©aliser une sĂ©ance de cupping Rassemblez tout le matĂ©riel. RĂ©fĂ©rez-vous au paragraphe MatĂ©riel nĂ©cessaire pour votre premiĂšre Hijama plus bas dans l’article Massez quelques minutes et posez les ventouses. Laissez les ventouses posĂ©es pendant 10 minutes. Retirez les ventouses et massez les zones avec des mouvements circulaires pour activer l’élimination des toxines. Grossesse qui ne prend pas Ă  qui la faute ? Dans de nombreux pays, l’infertilitĂ© se rĂ©fĂšre Ă  une impossibilitĂ© Ă  avoir un enfant aprĂšs avoir eu des rapports sexuels rĂ©guliers non protĂ©gĂ©s pendant au moins 12 mois. L’infertilitĂ© fait aussi rĂ©fĂ©rence Ă  l’impossibilitĂ© d’une femme de mener Ă  terme sa grossesse ou Ă  l’incapacitĂ© biologique » Ă  un homme de contribuer Ă  la conception d’un enfant. Les causes peuvent ĂȘtre nombreuses et il est inutile de toutes les rappeler ici. Je vous renvoie vers mon article Boostez votre fertilitĂ© avec une Hijama. Nombreuses personnes se posent des questions quant Ă  la frĂ©quence de rapports sexuels pour concevoir un bĂ©bĂ©. La rĂ©ponse n’est pas si simple que ça, et vous le constaterez de vous mĂȘme lorsque vous posez la question Ă  votre gynĂ©co. A vrai dire, cette question divise les spĂ©cialistes. Certains prĂ©conisent des rapports quotidiens pour mettre toutes les chances de votre cĂŽtĂ©. Cependant, cette pratique a ses limites puisque qu’en faisant plusieurs rapports rapprochĂ©s, vous prenez le risque qu’il n’y ait plus de spermatozoĂŻdes dans le sperme. Et ce n’est pas le but, n’est ce pas !? Sans compter le versant psychologique et physique qui va prendre un sacrĂ© coup ! La deuxiĂšme mĂ©thode consisterait Ă  avoir des rapports sexuels 2 Ă  3 fois par semaine soit 1 jour sur 2 par exemple. Certains spĂ©cialistes prĂ©conisent de ne pas se concentrer sur la fameuse pĂ©riode d’ovulation au risque de dĂ©tĂ©riorer la qualitĂ© de vos relations qui manqueront de naturelles et de spontanĂ©itĂ©s. Ne l’oubliez pas, pour la rĂ©ussite de votre projet de grossesse, il vous faudra lĂącher prise. Cette mĂ©thode me parait moins contraignante et vous permettra de prĂ©server l’intimitĂ© de votre couple. 😉 Enfin, pas de panique, en France, d’aprĂšs plusieurs Ă©tudes, 92% des couples arrivent Ă  entamer un projet de grossesse au bout d’un an. Ne dĂ©sespĂ©rez pas ! 😉 Dans tous les cas, prenez conseil auprĂšs de votre spĂ©cialiste, il sera vous accompagner A vos ventouses ! MatĂ©riel nĂ©cessaire pour rĂ©aliser une sĂ©ance de cupping Astuce si vous faites une Hijama sĂšche, pensez Ă  garder votre kit que vous prendrez soin de nettoyer avec le l’alcool par exemple pour une prochaine utilisation. Surtout Ă©viter de les laver Ă  l’eau chaude voire au lave vaisselle pour les plus maniaques au risque d’abĂźmer les ventouses. Recommandations avant votre sĂ©ance Pour votre sĂ©curitĂ© et votre confort, il est prĂ©fĂ©rable de faire la sĂ©ance allongĂ©e. L’idĂ©al est d’avoir une table de massage, cependant, un lit ou un bon canapĂ© fera l’affaire. 😉 1/ Il est important que la piĂšce soit chauffĂ©e pour diffĂ©rentes raisons â€ș pour votre confort car vous serez torse nu et il serait dommage de prendre froid pendant votre sĂ©ance. â€ș si vous souhaitez faire une Hijama humide donc avec scarification », alors il est impĂ©ratif que vous n’ayez pas froid au risque de vous contracter et d’empĂȘcher le sang de sortir correctement. â€ș le but c’est quand mĂȘme de vous relaxer et de vous soulager, ainsi une bonne tempĂ©rature ambiante contribue Ă  vous dĂ©tendre et Ă  lĂącher prise. Le froid au contraire vous procurera des sensations nĂ©gatives et du stress. 😉 2/ Ne pas manger 3 heures avant si vous faites une Hijama humide au risque d’ĂȘtre pris de vomissement au mieux ou d’un malaise au pire. 🙂 Inutile de vous expliquer le mĂ©canisme physiologique de notre corps dans ce tuto, ici, il est question d’aller droit au but pour Ă©viter tous les dĂ©sagrĂ©ments. Ce jeun ne s’applique pas pour une Hijama sĂšche mais pour votre confort manger lĂ©ger avant votre sĂ©ance. 😉 3/ Rassurer votre partenaire tout au long de la sĂ©ance afin qu’il se dĂ©tende au maximum. 4/ Enfin, prĂ©parez tout votre matĂ©riel utilisez un plateau ou une table, et dĂ©posez y tous le nĂ©cessaire les ventouses, le pistolet, la lancette si vous faites une Hijama humide, les compresses ou coton, les gants, les mouchoirs, l’huile et pourquoi pas une petite bougie pour la petite touche dĂ©co. 😉 5/ Une hijama humide est possible Ă  partir de 10 ans. Pour les plus jeunes, une hijama sĂšche fera l’affaire avec une seule pression. Passez Ă  l’action dĂ©roulement d’une sĂ©ance de hijama 1/ Allez au petit coin si besoin. 🙂 2/ DĂ©couvrez la zone que vous souhaitez traiter. Ici, il faudra vous mettre en sous vĂȘtement car nous traiterons sur la face dorsale et ventrale. Pensez Ă  couvrir toutes les parties qui ne nĂ©cessite pas Ă  ĂȘtre dĂ©couverte. 3/ Allongez vous confortablement. N’hĂ©sitez pas Ă  chercher votre position pour ĂȘtre le plus confortablement installĂ© car la sĂ©ance durera au minimum 25 minutes. Cependant, signaler Ă  votre partenaire la moindre gĂšne pendant la sĂ©ance afin d’y remĂ©dier au plus vite. La rĂ©ussite d’une sĂ©ance de Hijama dĂ©pendra aussi de votre bien-ĂȘtre physique et psychologique durant la sĂ©ance. Du stress par exemple, peut accentuer votre douleur. 4/ Appliquez une bonne couche d’huile d’olive ou de nigelle voire une huile de massage parfumĂ©e sur le dos de votre partenaire. 5/ Massez votre partenaire quelques minutes. De nombreuses vidĂ©os existent sur Internet pour apprendre quelques gestes de massages relaxants. Vous n’avez plus aucunes excuses ! 🙂 6/ La premiĂšre ventouse sera posĂ©e sur la septiĂšme vertĂšbre cervicale C7. Pour la repĂ©rer c’est trĂšs simple, inclinez votre cou en avant, et posez votre doigt sur la vertĂšbre proĂ©minente la plus haute. Vous risquez peut ĂȘtre de la confondre avec la premiĂšre thoracique T1, rassurez vous ce n’est pas dramatique. Posez une grosse ventouse pour englober toute la zone. 😉 Je ne l’ai jamais prĂ©cisĂ©, mais plusieurs Ă©tudes scientifiques au sujet de la Hijama, mettent en avant l’action positive de ce point dans les maladies hormonales; Voici une petite illustration pour repĂ©rer cette fameuse vertĂšbre. 7/ Ensuite vous poserez des ventouses sur la zone qui va stimuler votre systĂšme reproducteur et vos ovaires soit Ă  peu prĂšs 5 cm au dessus du plis fessier. C’est le point 11. J’avais Ă©voquĂ© ce point pour soulager le stress. Une fois le point 11 posĂ©, placez des ventouses de part et d’autre de ce point 12/13, lĂ©gĂšrement au dessus comme indiquĂ© dans la photo. Pour information cette zone 12/13 permet de stimuler » les nerfs moteurs qui gĂšre vos organes sexuels. 8/ Laissez en pose au moins 15 minutes. Maintenant passons Ă  la face ventrale. 9/ Pour les femmes, posez 2 ventouses en regard de vos ovaires comme indiquĂ© ci-dessous Attention prudence, cette zone est Ă  risque de part le passage de l’artĂšre fĂ©morale. Pour les hommes, une ventouse au dessus du pubis sera posĂ©e Pour info, la pose de ces 3 ventouses peut aussi ĂȘtre bĂ©nĂ©fique pour soulager les troubles urinaires. Astuce pensez Ă  ajouter les points anti stress pour vous aider Ă  vivre ce moment de votre vie en toute sĂ©rĂ©nitĂ©. Pour cela, consultez l’article Comment faire la hijama contre le stress et l’anxiĂ©tĂ© ? Enfin, privilĂ©giez votre pĂ©riode d’ovulation pour la pose des ventouses. 😉 METTEZ TOUTES VOS CHANCES DE VOTRE CÔTÉ GRÂCE AU POLLEN DE PALMIER Le pollen de palmier est utilisĂ© depuis la nuit des temps en Arabie pour ses effets tonifiants et stimulants. En effet, riche en matiĂšre grasse et surtout par la prĂ©sence d’une hormone l’oestrone, il sera bĂ©nĂ©fique dans le traitement de l’infertilitĂ© masculine et fĂ©minine. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, le pollen est, comme le miel, une substance naturelle aux propriĂ©tĂ©s reconnues. Le pollen de palmier-dattier est connu pour ces propriĂ©tĂ©s stimulatrice des hormones ovariennes » d’aprĂšs l’ouvrage du Dr AĂŻt M’Hammed. TrĂšs volatile, il sera associĂ© Ă  du miel et pourquoi pas Ă  de la gelĂ©e royale. Le plus, est que le pollen agit progressivement et surtout en profondeur. Il faut donc une prise sur au moins 2 Ă  3 semaines pour commencer Ă  bĂ©nĂ©ficier de ces bienfaits. La bonne nouvelle, c’est que les effets d’une cure peuvent se prolonger plusieurs semaines aprĂšs son arrĂȘt. 😉 Personnellement, nous proposons systĂ©matiquement ce soin Ă  base de miel de sidr jujubier sauvage + gelĂ©e royale + pollen de palmier Ă  tous nos patients qui souhaitent entreprendre un projet de naissance.
LesremÚdes appliqués directement sur les veines peuvent aider à soulager les symptÎmes et de les réduire rapidement. Essayez ce qui suit: Le vinaigre de cidre. Ce champion poids-lourd des remÚdes naturels frappe à nouveau. Trempez un morceau de tissu dans du vinaigre de cidre bio et enroulez-le autour de la zone des varicosités.
Avec l'Ăąge, la peau a tendance Ă  perdre de son Ă©clat ainsi que de son Ă©lasticitĂ©. Apparaissent alors diverses formes de rides ou de creux. Dans la mĂ©decine esthĂ©tique, le soin qui a toujours Ă©tĂ© mis en place Ă©tait la rĂ©alisation d’une chirurgie assez invasive. Cependant, depuis la dĂ©couverte d’un produit chimique prĂ©sent naturellement dans le corps humain, seules des injections sont nĂ©cessaires c’est l’acide hyaluronique. Dans cet article, vous pourrez dĂ©couvrir au bout de combien de temps cette substance fait effet. Et, combien cela dure-t-il ! Les effets temporels d’une injection d’acide hyaluronique L’acide hyaluronique est un produit rĂ©sorbable et largement tolĂ©rĂ© par le corps humain. Il permet de redonner de la fermetĂ© Ă  la peau, de la rendre plus souple, mais aussi de l’hydrater. Lors de l’injection, les rĂ©sultats apparaissent immĂ©diatement. Par consĂ©quent, vous verrez disparaĂźtre Rides IrrĂ©gularitĂ©s Creux Vous pourrez aussi restaurer certains volumes. Et l’effet se fera remarquer avant mĂȘme que vous ne sortiez du cabinet de votre mĂ©decin. Toutefois, un ƓdĂšme apparaĂźt sur le site de l’injection. Son importance dĂ©pendra de la quantitĂ© injectĂ©e. Ainsi que de son emplacement. Mais dans la majoritĂ© des cas, il disparaĂźt au bout de quelques jours. Et vous pourrez enfin profiter d’un rĂ©sultat harmonieux et satisfaisant. La majoritĂ© des patients, comme des mĂ©decins, ont une prĂ©fĂ©rence envers ce produit. Car il ne cause aucun problĂšme de mobilitĂ© au niveau du muscle. Ce qui vous permettra d’avoir un visage expressif naturel. Pour ce qui est de la durĂ©e du rĂ©sultat, cela dĂ©pendra notamment du type utilisĂ©. En effet, lorsque vous avez recours Ă  de l’acide hyaluronique dense et Ă©pais, son effet peut durer jusqu’à deux ans. Tandis que, dans le cas d’un acide hyaluronique fluide, il dure en moyenne neuf mois. Enfin, l’injection d’acide hyaluronique ne se fait pas en prĂ©vention, pour les personnes ayant moins de 30 ans. En effet, il est prĂ©fĂ©rable de s’y intĂ©resser lorsquon commence Ă  remarquer des cassures au niveau du derme. Pour une action prĂ©ventive, il est aujourd’hui possible de trouver des crĂšmes et divers soins pour mieux vous occuper de votre peau.
17 Il est autorisé de goûter les aliments en cas de besoin, sur le bout de la langue, à condition de ne pas les avaler. ( Cheikh ibn Jbrine fatawa islamique : tome 2, page 128 ) 18) Si un homme oblige sa femme à avoir des rapports conjugaux pendant le Ramadan, alors qu'ils jeûnent tous les deux, le jeûne de la femme sera accepté sans aucune expiation.
Ttiyan_136882310/11/2005 Ă  1618En rĂ©ponse Ă chams_1412489Je ne veux pas te faire peurMais mon chat, Ă©tant chaton Ă©tait toujours trĂšs l'avons fait castrĂ© vers 6 ou 8 mois, je ne sais plus exactement, mais en tout cas le plus tĂŽt possible d'aprĂšs le il est toujours aussi speed bon il n'a qu'1 an 1/2, il est encore jeune et joueur. Bon il ne fait plus les bĂ©tises de chaton mais il n'est pas tu peux le laisser sortir fait le, car les chats se dĂ©foulent dehors, peuvent faire leurs griffes sans problĂšme et du coup ils sont plus calmes une fois Ă  l' ben...ca promet pbon ben je vais prendre mon mal en patience et voir si il se calme un peu... mais bon c vrai que avant qu'il ai 6 mois il etait super sage et faisait pas de bĂ©tises, mais lĂ  il les enchaine...mais bon j'en suis toujours aussi gaga malgrĂšs tout...je ne peux pas le faire sortir, je suis en appartement /merci pour vos rĂ©ponses. Ily a plusieurs types de HIJAMA, la plus connue est celle avec extraction du sang par les verres Ă  ventouses qui Ă  dĂ©montrer ses effets thĂ©rapeutiques sur plusieurs maladies, le mauvais sang qui sort par cette pratique contient des globules rouges dĂ©formĂ©s, des toxines et des poisons que le corps est incapable d’extraire seul. Il y a des endroits prĂ©cis oĂč c’est plus J’ai une maladie rare, un NĂŠvus bleu 
 Je me suis prise, de plein fouet, les insultes racistes, les regards de travers, les convocations pour savoir si je n’étais pas une enfant battue 
 Je ne voulais qu’une chose ; disparaĂźtre tellement ma vie Ă©tait un enfer au quotidien. 
 Je suis tombĂ©e sous le charme, si l’on peut dire, de la hijama. Puis un jour, je me suis dĂ©cidĂ©e Ă  tester 
 Tels sont les mots forts et touchants employĂ©s par notre soeur H, qui a souhaitĂ© garder l’anonymat. Un tĂ©moignage poignant et Ă©mouvant qu’elle a livrĂ© pour Muslimette Magazine. Afin de nous faire partager, tout au long de son histoire, des messages d’une grande beautĂ© et de donner l’espoir Ă  toutes nos sƓurs malades, qu’un jour la guĂ©rison arrivera incha a Allah. La hijama a Ă©tĂ© pour elle, la cause de son rĂ©tablissement et nous louons Allah pour cela. Nous laissons donc la parole Ă  notre Muslimette et nous demandons Ă  Allah la guĂ©rison de tous nos malades. Peux-tu te prĂ©senter ? Bismillahi-rrahmani-rahim As salam alaykoum, Je me prĂ©sente, je m’appelle H, j’ai Ă  ce jour 30 ans. Je tenais Ă  faire un petit tĂ©moignage sur un sujet qui me tient particuliĂšrement Ă  cƓur la mĂ©decine prophĂ©tique en particulier la hijama. Raconte-nous ton histoire
 Pour expliquer mon cheminement, je dois faire un petit flash-back dans mon passĂ©. Je suis d’origine tunisienne et je suis nĂ©e en France en 1986 des dĂ©tails qui auront de l’importance par la suite . A la naissance tout allait bien, ou presque. Ma mĂšre a constatĂ© une petite veine bleue assez apparente du cĂŽtĂ© de l’Ɠil droit. Les mĂ©decins l’ont rassurĂ© lui disant que ce n’était rien. Sauf que voilĂ  ! Trois mois plus tard, je me retrouvais avec une tĂąche bleue voire noire tout autour de l’Ɠil droit. Ma mĂšre a fait le tour des hĂŽpitaux en France, et ils ne savaient pas ce que c’était. En Tunisie, pire on lui proposa des pommades qui finirent par me brĂ»ler la peau, ou des opĂ©rations destinĂ©es Ă  inciser et gratter sous la peau. Ma mĂšre refusa. AprĂšs plusieurs allers-retours entre la Tunisie et la France, nous avons fini par nous installer en Tunisie. Les annĂ©es ont passĂ© et en 1996 j’avais une dizaine d’annĂ©es, nous sommes retournĂ©s en France . Mon cauchemar dĂ©bute ici. Qu’entends-tu par cauchemar » ? Je me suis prise, de plein fouet, les insultes racistes, les regards de travers, les convocations pour savoir si je n’étais pas une enfant battue. J’étais une enfant, je n’y comprenais rien. Ma mĂšre ; qu’Allah me la garde Ă  continuer Ă  faire le tour des hĂŽpitaux. C’était de pire en pire ! Je me retrouvais tel un phĂ©nomĂšne de foire, un professeur et ses Ă©lĂšves autour de moi. J’étais un cas d’école ! Un cas Ă  part ! Je ne voulais qu’une chose ; disparaĂźtre tellement ma vie Ă©tait un enfer au quotidien. Sortir Ă©tait devenu pour moi un supplice. Jusqu’au jour oĂč un mĂ©decin rĂ©ussit Ă  mettre un nom sur la cause de mes souffrances. De quoi souffrais-tu ? J’ai une maladie rare, un NĂŠvus bleu ou nĂŠvus d’Ota. Une tumeur pigmentaire qui touche 0,1 % de la population mondiale. De lĂ , j’ai entamĂ© un traitement assez contraignant ; des sĂ©ances de laser. Sous anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale, le laser vous donne des sortes de coup de jus littĂ©ralement. S’en suivit plusieurs jours de cicatrisation ; un contour de l’Ɠil aussi ensanglantĂ© et enflĂ© comme aprĂšs un combat de boxe. Des douleurs, la tĂȘte qui tourne. Je ratais Ă©galement l’école. J’ai subi cela plusieurs annĂ©es. Jusqu’au jour oĂč le mĂ©decin m’annonce qu’il ne pourrait plus pratiquer sous anesthĂ©siste gĂ©nĂ©rale. J’étais trop jeune et j’avais dĂ©jĂ  testĂ© en anesthĂ©sie locale. La douleur Ă©tait insupportable. Comment t’es-tu dirigĂ©e vers la mĂ©decine prophĂ©tique ? Les annĂ©es passĂšrent et je m’étais plus ou moins accommodĂ©e de ma tĂąche, je ne la cachais pas. J’en souffrais moins mais un peu tout de mĂȘme ! Je m’étais, alors, accrochĂ©e Ă  la religion. J’ai dĂ©couvert au fil des lectures les traitements prophĂ©tiques. Je suis tombĂ©e sous le charme, si l’on peut dire, de la hijama. Puis un jour, je me suis dĂ©cidĂ©e Ă  tester. AprĂšs avoir cherchĂ© et trouvĂ© une sƓur diplĂŽmĂ©e, je me suis lancĂ©e. Au dĂ©part, je soignais des soucis d’estomac mais une voix intĂ©rieure me disait Demande Ă  la sƓur de pratiquer la hijama sur ta tĂąche. » Au dĂ©part la praticienne n’osĂąt pas, il fallait qu’elle se renseigne, ma maladie Ă©tant mĂ©connue. Et que vous dire sinon qu’Allah est Grand et GĂ©nĂ©reux. AprĂšs la premiĂšre sĂ©ance et avec quasiment aucun dĂ©sagrĂ©ment, ma tĂąche a commencĂ© Ă  se rĂ©duire. Tes conseils aux Muslimette
 Le texte est long et j’en aurais beaucoup Ă  dire ! Mais je me contenterai de ceci. Ma maladie est rare mais beaucoup sont touchĂ©s. Cette maladie peut apparaĂźtre Ă  tout Ăąge et je fais partie des rares chez qui elle est apparue aprĂšs la naissance. J’ai donc, al hamdoulilah ! Une petite expĂ©rience. Elle touche la population asiatique, noire et maghrĂ©bine. Alors, si la description vous Ă©voque quelque chose ; suivez ces quelques conseils – ProtĂ©gez vous du soleil la tĂąche fonce au soleil, risque de cancer de la peau – Interdiction d’aller aux UV – Consulter un dermatologue. – Et pour finir, faĂźtes des hijamas avec une personne diplĂŽmĂ©e et si possible qu’elle soit du corps mĂ©dical. Mon dernier conseil si vous avez eu le courage de lire ce long texte. Que vous vous sentez concernĂ©es. Vous n’ĂȘtes pas seules, vous n’ĂȘtes pas moins bien qu’une autre personne. Mais Allah par sa grĂące vous a favorisĂ©. En vous enseignant la patience dans l’épreuve, en vous effaçant vos pĂ©chĂ©s et en vous Ă©levant. Ne dĂ©sespĂ©rerez jamais de la misĂ©ricorde d’Allah. H. votre sƓur qui vous aime fillah. Fin. Abou Houraira rapporte que le prophĂšte ï·ș a dit Allah n’a pas fait descendre une maladie, sans avoir descendu en mĂȘme temps son remĂšde » hadith authentique-as-Silsila as-SahĂźha – n°451 C’est Ă  Allah que nous demandons la guĂ©rison de tous nos malades et c’est Lui Le Seul et Unique GuĂ©risseur. N’hĂ©sitez pas Ă  faire partager Ă  la RĂ©dac de Muslimette vos histoires extraordinaires, Ă  envoyer vos tĂ©moignages Ă  l’adresse contact et Ă  poster vos commentaires. Nous vous publierons Ă  notre tour incha a Allah.
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Dr Anto Youssef Le docteur Anto Youssef a été actif au sein du domaine dentaire depuis une vingtaine d'années. Un dentiste de jour et un blogueur de soir, il peut exprimer sa passion pour la dentisterie en prenant soin de ses patients, ou en rédigeant des articles pour informer le public sur les sujets dentaires courants. Il est établi dans la merveilleuse ville de Montréal, ainsi que ses régions avoisinantes.
InfoSanté feminine. 62 likes. Info: Santé spécifique de la femme, conseils spécifiques, divers, pas de publicité qui ne va pas dans le sens d'aider la femme , ni d'images de nudité, pas de

OU Lettres recueillies dans une société et publiées pour l'instruction de quelques autres. " J'ai vu les mÅ“urs de mon temps et j'ai publié ces lettres. " J. J. ROUSSEAU. Préface de La Nouvelle Héloïse TABLE DES MATIERES AVERTISSEMENT DE L'EDITEUR Nous croyons devoir prévenir le Public, que, malgré le titre de cet Ouvrage et ce qu'en dit le Rédacteur dans sa Préface, nous ne garantissons pas l'authenticité de ce Recueil, et que nous avons mÃÂȘme de fortes raisons de penser que ce n'est qu'un Roman. Il nous semble de plus que l'Auteur, qui paraÃt pourtant avoir cherché la vraisemblance, l'a détruite lui-mÃÂȘme et bien maladroitement, par l'époque oÃÂč il a placé les événements qu'il publie. En effet, plusieurs des personnages qu'il met en scÚne ont de si mauvaises mÅ“urs, qu'il est impossible de supposer qu'ils aient vécu dans notre siÚcle; dans ce siÚcle de philosophie, oÃÂč les lumiÚres, répandues de toutes parts, ont rendu, comme chacun sait, tous les hommes si honnÃÂȘtes et toutes les femmes si modestes et si réservées. Notre avis est donc que si les aventures rapportées dans cet Ouvrage ont un fond de vérité, elles n'ont pu arriver que dans d'autres lieux ou dans d'autres temps; et nous blùmons beaucoup l'Auteur, qui, séduit apparemment par l'espoir d'intéresser davantage en se rapprochant plus de son siÚcle et de son pays, a osé faire paraÃtre sous notre costume et avec nos usages, des mÅ“urs qui nous sont si étrangÚres. Pour préserver au moins, autant qu'il est en nous, le Lecteur trop crédule de toute surprise à ce sujet, nous appuierons notre opinion d'un raisonnement que nous lui proposons avec confiance, parce qu'il nous paraÃt victorieux et sans réplique; c'est que sans doute les mÃÂȘmes causes ne manqueraient pas de produire les mÃÂȘmes effets, et que cependant nous ne voyons point aujourd'hui de Demoiselle, avec soixante mille livres de rente, se faire Religieuse, ni de Présidente, jeune et jolie, mourir de chagrin. PREFACE DU REDACTEUR. Cet Ouvrage, ou plutÎt ce Recueil, que le Public trouvera peut-ÃÂȘtre encore trop volumineux, ne contient pourtant que le plus petit nombre des Lettres qui composaient la totalité de la correspondance dont il est extrait. Chargé de la mettre en ordre par les personnes à qui elle était parvenue, et que je savais dans l'intention de la publier, je n'ai demandé, pour prix de mes soins, que la permission d'élaguer tout ce qui me paraÃtrait inutile; et j'ai tùché de ne conserver en effet que les Lettres qui m'ont paru nécessaires, soit à l'intelligence des événements, soit au développement des caractÚres. Si l'on ajoute à ce léger travail, celui de replacer par ordre les Lettres que j'ai laissées subsister, ordre pour lequel j'ai mÃÂȘme presque toujours suivi celui des dates, et enfin quelques notes courtes et rares, et qui, pour la plupart, n'ont d'autre objet que d'indiquer la source de quelques citations, ou de motiver quelques- uns des retranchements que je me suis permis, on saura toute la part que j'ai eue à cet Ouvrage. Ma mission ne s'étendait pas plus loin. [Je dois prévenir aussi que j'ai supprimé ou changé tous les noms des personnes dont il est question dans ces Lettres; et que si dans le nombre de ceux que je leur ai substitués, il s'en trouvait qui appartinssent à quelqu'un, ce serait seulement une erreur de ma part et dont il ne faudrait tirer aucune conséquence.] J'avais proposé des changements plus considérables, et presque tous relatifs à la pureté de diction ou de style, contre laquelle on trouvera beaucoup de fautes. J'aurais désiré aussi ÃÂȘtre autorisé à couper quelques Lettres trop longues, et dont plusieurs traitent séparément, et presque sans transition, d'objets tout à fait étrangers l'un à l'autre. Ce travail, qui n'a pas été accepté, n'aurait pas suffi sans doute pour donner du mérite à l'Ouvrage, mais en aurait au moins Îté une partie des défauts. On m'a objecté que c'étaient les Lettres mÃÂȘmes qu'on voulait faire connaÃtre, et non pas seulement un Ouvrage fait d'aprÚs ces Lettres; qu'il serait autant contre la vraisemblance que contre la vérité, que de huit à dix personnes qui ont concouru à cette correspondance, toutes eussent écrit avec une égale pureté. Et sur ce que j'ai représenté que, loin de là , il n'y en avait au contraire aucune qui n'eût fait des fautes graves, et qu'on ne manquerait pas de critiquer, on m'a répondu que tout Lecteur raisonnable s'attendrait sûrement à trouver des fautes dans un Recueil de Lettres de quelques Particuliers, puisque dans tous ceux publiés jusqu'ici de différents Auteurs estimés, et mÃÂȘme de quelques Académiciens, on n'en trouvait aucun totalement à l'abri de ce reproche. Ces raisons ne m'ont pas persuadé, et je les ai trouvées, comme je les trouve encore, plus faciles à donner qu'à recevoir; mais je n'étais pas le maÃtre, et je me suis soumis. Seulement je me suis réservé de protester contre, et de déclarer que ce n'était pas mon avis; ce que je fais en ce moment. Quant au mérite que cet Ouvrage peut avoir, peut-ÃÂȘtre ne m'appartient-il pas de m'en expliquer, mon opinion ne devant ni ne pouvant influer sur celle de personne. Cependant ceux qui, avant de commencer une lecture, sont bien aises de savoir à peu prÚs sur quoi compter; ceux-là , dis-je, peuvent continuer les autres feront mieux de passer tout de suite à l'Ouvrage mÃÂȘme; ils en savent assez. Ce que je puis dire d'abord, c'est que si mon avis a été, comme j'en conviens, de faire paraÃtre ces Lettres, je suis pourtant bien loin d'en espérer le succÚs et qu'on ne prenne pas cette sincérité de ma part pour la modestie jouée d'un Auteur; car je déclare avec la mÃÂȘme franchise, que si ce Recueil ne m'avait pas paru digne d'ÃÂȘtre offert au Public, je ne m'en serais pas occupé. Tùchons de concilier cette apparente contradiction. Le mérite d'un Ouvrage se compose de son utilité ou de son agrément, et mÃÂȘme de tous deux, quand il en est susceptible mais le succÚs, qui ne prouve pas toujours le mérite, tient souvent davantage au choix du sujet qu'à son exécution, à l'ensemble des objets qu'il présente, qu'à la maniÚre dont ils sont traités. Or ce Recueil contenant, comme son titre l'annonce, les Lettres de toute une société, il y rÚgne une diversité d'intérÃÂȘt qui affaiblit celui du Lecteur. De plus, presque tous les sentiments qu'on y exprime, étant feints ou dissimulés, ne peuvent mÃÂȘme exciter qu'un intérÃÂȘt de curiosité toujours bien au-dessous de celui de sentiment, qui, surtout, porte moins à l'indulgence, et laisse d'autant plus apercevoir les fautes qui s'y trouvent dans les détails, que ceux-ci s'opposent sans cesse au seul désir qu'on veuille satisfaire. Ces défauts sont peut-ÃÂȘtre rachetés, en partie, par une qualité qui tient de mÃÂȘme à la nature de l'Ouvrage c'est la variété des styles; mérite qu'un Auteur atteint difficilement, mais qui se présentait ici de lui-mÃÂȘme, et qui sauve au moins l'ennui de l'uniformité. Plusieurs personnes pourront compter encore pour quelque chose un assez grand nombre d'observations, ou nouvelles, ou peu connues, et qui se trouvent éparses dans ces Lettres. C'est aussi là , je crois, tout ce qu'on y peut espérer d'agréments, en les jugeant mÃÂȘme avec la plus grande faveur. L'utilité de l'Ouvrage, qui peut-ÃÂȘtre sera encore plus contestée, me paraÃt pourtant plus facile à établir. Il me semble au moins que c'est rendre un service aux mÅ“urs, que de dévoiler les moyens qu'emploient ceux qui en ont de mauvaises pour corrompre ceux qui en ont de bonnes, et je crois que ces Lettres pourront concourir efficacement à ce but. On y trouvera aussi la preuve et l'exemple de deux vérités importantes qu'on pourrait croire méconnues, en voyant combien peu elles sont pratiquées l'une, que toute femme qui consent à recevoir dans sa société un homme sans mÅ“urs, finit par en devenir la victime; l'autre, que toute mÚre est au moins imprudente, qui souffre qu'un autre qu'elle ait la confiance de sa fille. Les jeunes gens de l'un et de l'autre sexe pourraient encore y apprendre que l'amitié que les personnes de mauvaises mÅ“urs paraissent leur accorder si facilement n'est jamais qu'un piÚge dangereux, et aussi fatal à leur bonheur qu'à leur vertu. Cependant l'abus, toujours si prÚs du bien, me paraÃt ici trop à craindre; et, loin de conseiller cette lecture à la jeunesse, il me paraÃt trÚs important d'éloigner d'elle toutes celles de ce genre. L'époque oÃÂč celle-ci peut cesser d'ÃÂȘtre dangereuse et devenir utile me paraÃt avoir été trÚs bien saisie, pour son sexe, par une bonne mÚre qui non seulement a de l'esprit, mais qui a du bon esprit. " Je croirais " , me disait-elle, aprÚs avoir lu le manuscrit de cette Correspondance, " rendre un vrai service à ma fille, en lui donnant ce Livre le jour de son mariage. " Si toutes les mÚres de famille en pensent ainsi, je me féliciterai éternellement de l'avoir publié. Mais, en partant encore de cette supposition favorable, il me semble toujours que ce Recueil doit plaire à peu de monde. Les hommes et les femmes dépravés auront intérÃÂȘt à décrier un Ouvrage qui peut leur nuire; et comme ils ne manquent pas d'adresse, peut-ÃÂȘtre auront-ils celle de mettre dans leur parti les Rigoristes, alarmés par le tableau des mauvaises mÅ“urs qu'on n'a pas craint de présenter. Les prétendus esprits forts ne s'intéresseront point à une femme dévote, que par cela mÃÂȘme ils regarderont comme une femmelette, tandis que les dévots se fùcheront de voir succomber la vertu, et se plaindront que la Religion se montre avec trop peu de puissance. D'un autre cÎté, les personnes d'un goût délicat seront dégoûtées par le style trop simple et trop fautif de plusieurs de ces Lettres, tandis que le commun des Lecteurs, séduit par l'idée que tout ce qui est imprimé est le fruit d'un travail, croira voir dans quelques autres la maniÚre peinée d'un Auteur qui se montre derriÚre le personnage qu'il fait parler. Enfin, on dira peut-ÃÂȘtre assez généralement, que chaque chose ne vaut qu'à sa place; et que si d'ordinaire le style trop chùtié des Auteurs Îte en effet de la grùce aux Lettres de société, les négligences de celles-ci deviennent de véritables fautes, et les rendent insupportables, quand on les livre à l'impression. J'avoue avec sincérité que tous ces reproches peuvent ÃÂȘtre fondés je crois aussi qu'il me serait possible d'y répondre, et mÃÂȘme sans excéder la longueur d'une Préface. Mais on doit sentir que pour qu'il fût nécessaire de répondre à tout, il faudrait que l'Ouvrage ne pût répondre à rien; et que si j'en avais jugé ainsi, j'aurais supprimé à la fois la Préface et le Livre. PREMIERE PARTIE LETTRE PREMIERE CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY. AUX URSULINES DE ... Tu vois, ma bonne amie, que je tiens parole, et que les bonnets et les pompons ne prennent pas tout mon temps; il m'en restera toujours pour toi. J'ai pourtant vu plus de parures dans cette seule journée que dans les quatre ans que nous avons passés ensemble; et je crois que la superbe Tanville [Pensionnaire du mÃÂȘme Couvent] aura plus de chagrin à ma premiÚre visite, oÃÂč je compte bien la demander, qu'elle n'a cru nous en faire toutes les fois qu'elle est venue nous voir in fiocchi . Maman m'a consultée sur tout; elle me traite beaucoup moins en pensionnaire que par le passé. J'ai une Femme de chambre à moi; j'ai une chambre et un cabinet dont je dispose, et je t'écris à un Secrétaire trÚs joli, dont on m'a remis la clef, et oÃÂč je peux renfermer tout ce que je veux. Maman m'a dit que je la verrais tous les jours à son lever; qu'il suffisait que je fusse coiffée pour dÃner, parce que nous serions toujours seules, et qu'alors elle me dirait chaque jour l'heure oÃÂč je devrais l'aller joindre l'aprÚs-midi. Le reste du temps est à ma disposition, et j'ai ma harpe, mon dessin et des livres comme au Couvent; si ce n'est que la MÚre Perpétue n'est pas là pour me gronder, et qu'il ne tiendrait qu'à moi d'ÃÂȘtre toujours à rien faire mais comme je n'ai pas ma Sophie pour causer et pour rire, j'aime autant m'occuper. Il n'est pas encore cinq heures; je ne dois aller retrouver Maman qu'à sept voilà bien du temps, si j'avais quelque chose à te dire! Mais on ne m'a encore parlé de rien; et sans les apprÃÂȘts que je vois faire, et la quantité d'OuvriÚres qui viennent toutes pour moi, je croirais qu'on ne songe pas à me marier, et que c'est un radotage de plus de la bonne Joséphine [TouriÚre du Couvent]. Cependant Maman m'a dit si souvent qu'une Demoiselle devait rester au Couvent jusqu'à ce qu'elle se mariùt, que puisqu'elle m'en fait sortir, il faut bien que Joséphine ait raison. Il vient d'arrÃÂȘter un carrosse à la porte, et Maman me fait dire de passer chez elle tout de suite. Si c'était le Monsieur? Je ne suis pas habillée, la main me tremble et le cÅ“ur me bat. J'ai demandé à la Femme de chambre, si elle savait qui était chez ma mÚre " Vraiment, m'a-t-elle dit, c'est M. C**. " Et elle riait. Oh! je crois que c'est lui. Je reviendrai sûrement te raconter ce qui se sera passé. Voilà toujours son nom. Il ne faut pas se faire attendre. Adieu, jusqu'à un petit moment. Comme tu vas te moquer de la pauvre Cécile! Oh! j'ai été bien honteuse! Mais tu y aurais été attrapée comme moi. En entrant chez Maman, j'ai vu un Monsieur en noir, debout auprÚs d'elle. Je l'ai salué du mieux que j'ai pu, et suis restée sans pouvoir bouger de ma place. Tu juges combien je l'examinais! " Madame " , a-t-il dit à ma mÚre, en me saluant, " voilà une charmante Demoiselle, et je sens mieux que jamais le prix de vos bontés. " A ce propos si positif, il m'a pris un tremblement tel, que je ne pouvais me soutenir; j'ai trouvé un fauteuil, et je m'y suis assise, bien rouge et bien déconcertée. J'y étais à peine, que voilà cet homme à mes genoux. Ta pauvre Cécile alors a perdu la tÃÂȘte; j'étais, comme a dit Maman, tout effarouchée. Je me suis levée en jetant un cri perçant, ... tiens, comme ce jour du tonnerre. Maman est partie d'un éclat de rire, en me disant " Eh bien! qu'avez-vous? Asseyez-vous et donnez votre pied à Monsieur. " En effet, ma chÚre amie, le Monsieur était un Cordonnier. Je ne peux te rendre combien j'ai été honteuse par bonheur il n'y avait que Maman. Je crois que, quand je serai mariée, je ne me servirai plus de ce Cordonnier-là . Conviens que nous voilà bien savantes! Adieu. Il est prÚs de six heures, et ma Femme de chambre dit qu'il faut que je m'habille. Adieu, ma chÚre Sophie; je t'aime comme si j'étais encore au Couvent. Je ne sais par qui envoyer ma Lettre ainsi j'attendrai que Joséphine vienne. Paris, ce 3 août 17** LETTRE II LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT AU CHATEAU DE ... Revenez, mon cher Vicomte, revenez que faites-vous, que pouvez-vous faire chez une vieille tante dont tous les biens vous sont substitués? Partez sur-le- champ; j'ai besoin de vous. Il m'est venu une excellente idée, et je veux bien vous en confier l'exécution. Ce peu de mots devrait suffire; et, trop honoré de mon choix, vous devriez venir, avec empressement, prendre mes ordres à genoux mais vous abusez de mes bontés, mÃÂȘme depuis que vous n'en usez plus; et dans l'alternative d'une haine éternelle ou d'une excessive indulgence, votre bonheur veut que ma bonté l'emporte. Je veux donc bien vous instruire de mes projets mais jurez-moi qu'en fidÚle Chevalier vous ne courrez aucune aventure que vous n'ayez mis celle-ci à fin. Elle est digne d'un Héros vous servirez l'Amour et la vengeance; ce sera enfin une rouerie [Ces mots roué et rouerie , dont heureusement la bonne compagnie commence à se défaire, étaient fort en usage à l'époque oÃÂč ces Lettres ont été écrites] de plus à mettre dans vos Mémoires oui, dans vos Mémoires, car je veux qu'ils soient imprimés un jour, et je me charge de les écrire. Mais laissons cela, et revenons à ce qui m'occupe. Madame de Volanges marie sa fille c'est encore un secret; mais elle m'en a fait part hier. Et qui croyez-vous qu'elle ait choisi pour gendre? Le Comte de Gercourt. Qui m'aurait dit que je deviendrais la cousine de Gercourt? J'en suis dans une fureur! Eh bien! vous ne devinez pas encore? oh! l'esprit lourd! Lui avez-vous donc pardonné l'aventure de l'Intendante? Et moi, n'ai-je pas encore plus à me plaindre de lui, monstre que vous ÃÂȘtes? [Pour entendre ce passage, il faut savoir que le Comte de Gercourt avait quitté la Marquise de Merteuil pour l'Intendante de ***, qui lui avait sacrifié le Vicomte de Valmont, et que c'est alors que la Marquise et le Vicomte s'attachÚrent l'un à l'autre. Comme cette aventure est fort antérieure aux événements dont il est question dans ces Lettres, on a cru devoir en supprimer toute la Correspondance.] Mais je m'apaise, et l'espoir de me venger rassérÚne mon ùme. Vous avez été ennuyé cent fois, ainsi que moi, de l'importance que met Gercourt à la femme qu'il aura, et de la sotte présomption qui lui fait croire qu'il évitera le sort inévitable. Vous connaissez sa ridicule prévention pour les éducations cloÃtrées, et son préjugé, plus ridicule encore, en faveur de la retenue des blondes. En effet, je gagerais que, malgré les soixante mille livres de rente de la petite Volanges, il n'aurait jamais fait ce mariage, si elle eût été brune, ou si elle n'eût pas été au Couvent. Prouvons-lui donc qu'il n'est qu'un sot il le sera sans doute un jour; ce n'est pas là ce qui m'embarrasse mais le plaisant serait qu'il débutùt par là . Comme nous nous amuserions le lendemain en l'entendant se vanter! car il se vantera; et puis, si une fois vous formez cette petite fille, il y aura bien du malheur si le Gercourt ne devient pas, comme un autre, la fable de Paris. Au reste, l'Héroïne de ce nouveau Roman mérite tous vos soins elle est vraiment jolie; cela n'a que quinze ans, c'est le bouton de rose; gauche, à la vérité, comme on ne l'est point, et nullement maniérée mais, vous autres hommes, vous ne craignez pas cela; de plus, un certain regard langoureux qui promet beaucoup en vérité ajoutez-y que je vous la recommande; vous n'avez plus qu'à me remercier et m'obéir. Vous recevrez cette Lettre demain matin. J'exige que demain à sept heures du soir, vous soyez chez moi. Je ne recevrai personne qu'à huit, pas mÃÂȘme le régnant Chevalier; il n'a pas assez de tÃÂȘte pour une aussi grande affaire. Vous voyez que l'Amour ne m'aveugle pas. A huit heures je vous rendrai votre liberté, et vous reviendrez à dix souper avec le bel objet; car la mÚre et la fille souperont chez moi. Adieu, il est midi passé bientÎt je ne m'occuperai plus de vous. Paris, ce 4 août 17** LETTRE III CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je ne sais encore rien, ma bonne amie. Maman avait hier beaucoup de monde à souper. Malgré l'intérÃÂȘt que j'avais à examiner, les hommes surtout, je me suis fort ennuyée. Hommes et femmes, tout le monde m'a beaucoup regardée, et puis on se parlait à l'oreille; et je voyais bien qu'on parlait de moi cela me faisait rougir; je ne pouvais m'en empÃÂȘcher. Je l'aurais bien voulu, car j'ai remarqué que quand on regardait les autres femmes, elles ne rougissaient pas; ou bien c'est le rouge qu'elles mettent, qui empÃÂȘche de voir celui que l'embarras leur cause; car il doit ÃÂȘtre bien difficile de ne pas rougir quand un homme vous regarde fixement. Ce qui m'inquiétait le plus était de ne pas savoir ce qu'on pensait sur mon compte. Je crois avoir entendu pourtant deux ou trois fois le mot de jolie mais j'ai entendu bien distinctement celui de gauche ; et il faut que cela soit bien vrai, car la femme qui le disait est parente et amie de ma mÚre; elle paraÃt mÃÂȘme avoir pris tout de suite de l'amitié pour moi. C'est la seule personne qui m'ait un peu parlé dans la soirée. Nous souperons demain chez elle. J'ai encore entendu, aprÚs souper, un homme que je suis sûre qui parlait de moi, et qui disait à un autre " Il faut laisser mûrir cela, nous verrons cet hiver. " C'est peut-ÃÂȘtre celui-là qui doit m'épouser; mais alors ce ne serait donc que dans quatre mois! Je voudrais bien savoir ce qui en est. Voilà Joséphine, et elle me dit qu'elle est pressée. Je veux pourtant te raconter encore une de mes gaucheries . Oh! je crois que cette dame a raison! AprÚs le souper on s'est mis à jouer. Je me suis placée auprÚs de Maman; je ne sais pas comment cela s'est fait, mais je me suis endormie presque tout de suite. Un grand éclat de rire m'a réveillée. Je ne sais si l'on riait de moi, mais je le crois. Maman m'a permis de me retirer et elle m'a fait grand plaisir. Figure- toi qu'il était onze heures passées. Adieu, ma chÚre Sophie; aime toujours bien ta Cécile. Je t'assure que le monde n'est pas aussi amusant que nous l'imaginions. Paris, ce 4 août l7**. LETTRE IV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL A PARIS Vos ordres sont charmants; votre façon de les donner est plus aimable encore; vous feriez chérir le despotisme. Ce n'est pas la premiÚre fois, comme vous savez, que je regrette de ne plus ÃÂȘtre votre esclave; et tout monstre que vous dites que je suis, je ne me rappelle jamais sans plaisir le temps oÃÂč vous m'honoriez de noms plus doux. Souvent mÃÂȘme je désire de les mériter de nouveau, et de finir par donner, avec vous, un exemple de constance au monde. Mais de plus grands intérÃÂȘts nous appellent; conquérir est notre destin; il faut le suivre peut-ÃÂȘtre au bout de la carriÚre nous rencontrerons- nous encore; car, soit dit sans vous fùcher, ma trÚs belle Marquise, vous me suivez au moins d'un pas égal; et depuis que, nous séparant pour le bonheur du monde, nous prÃÂȘchons la foi chacun de notre cÎté, il me semble que dans cette mission d'amour, vous avez fait plus de prosélytes que moi. Je connais votre zÚle, votre ardente ferveur; et si ce Dieu-là nous jugeait sur nos Å’uvres, vous seriez un jour la Patronne de quelque grande ville, tandis que votre ami serait au plus un Saint de village. Ce langage vous étonne, n'est-il pas vrai? Mais depuis huit jours, je n'en entends, je n'en parle pas d'autre; et c'est pour m'y perfectionner, que je me vois forcé de vous désobéir. Ne vous fùchez pas et écoutez-moi. Dépositaire de tous les secrets de mon cÅ“ur, je vais vous confier le plus grand projet que j'aie jamais formé. Que me proposez-vous? de séduire une jeune fille qui n'a rien vu, ne connaÃt rien; qui, pour ainsi dire, me serait livrée sans défense; qu'un premier hommage ne manquera pas d'enivrer et que la curiosité mÚnera peut-ÃÂȘtre plus vite que l'Amour. Vingt autres peuvent y réussir comme moi. Il n'en est pas ainsi de l'entreprise qui m'occupe; son succÚs m'assure autant de gloire que de plaisir l'Amour qui prépare ma couronne hésite lui-mÃÂȘme entre le myrte et le laurier, ou plutÎt il les réunira pour honorer mon triomphe. Vous-mÃÂȘme, ma belle amie, vous serez saisie d'un saint respect, et vous direz avec enthousiasme " Voilà l'homme selon mon cÅ“ur. " Vous connaissez la Présidente Tourvel, sa dévotion, son amour conjugal, ses principes austÚres. Voilà ce que j'attaque; voilà l'ennemi digne de moi; voilà le but oÃÂč je prétends atteindre Et si de l'obtenir je n'emporte le prix, J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris. On peut citer de mauvais vers, quand ils sont d'un grand PoÚte [La Fontaine]. Vous saurez donc que le Président est en Bourgogne, à la suite d'un grand procÚs j'espÚre lui en faire perdre un plus important. Son inconsolable moitié doit passer ici tout le temps de cet affligeant veuvage. Une messe chaque jour, quelques visites aux Pauvres du canton, des priÚres du matin et du soir, des promenades solitaires, de pieux entretiens avec ma vieille tante, et quelquefois un triste Wisk, devaient ÃÂȘtre ses seules distractions. Je lui en prépare de plus efficaces. Mon bon Ange m'a conduit ici, pour son bonheur et pour le mien. Insensé! je regrettais vingt-quatre heures que je sacrifiais à des égards d'usage. Combien on me punirait, en me forçant de retourner à Paris! Heureusement il faut ÃÂȘtre quatre pour jouer au Wisk; et comme il n'y a ici que le Curé du lieu, mon éternelle tante m'a beaucoup pressé de lui sacrifier quelques jours. Vous devinez que j'ai consenti. Vous n'imaginez pas combien elle me cajole depuis ce moment, combien surtout elle est édifiée de me voir réguliÚrement à ses priÚres et à sa Messe. Elle ne se doute pas de la Divinité que j'y adore. Me voilà donc, depuis quatre jours, livré à une passion forte. Vous savez si je désire vivement, si je dévore les obstacles mais ce que vous ignorez, c'est combien la solitude ajoute à l'ardeur du désir. Je n'ai plus qu'une idée; j'y pense le jour, et j'y rÃÂȘve la nuit. J'ai bien besoin d'avoir cette femme, pour me sauver du ridicule d'en ÃÂȘtre amoureux car oÃÂč ne mÚne pas un désir contrarié? Ô délicieuse jouissance! Je t'implore pour mon bonheur et surtout pour mon repos. Que nous sommes heureux que les femmes se défendent si mal! nous ne serions auprÚs d'elles que de timides esclaves. J'ai dans ce moment un sentiment de reconnaissance pour les femmes faciles, qui m'amÚne naturellement à vos pieds. Je m'y prosterne pour obtenir mon pardon, et j'y finis cette trop longue Lettre. Adieu, ma trÚs belle amie sans rancune. Du Chùteau de ..., 5 août 17** LETTRE V LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Savez-vous, Vicomte, que votre Lettre est d'une insolence rare, et qu'il ne tiendrait qu'à moi de m'en fùcher? mais elle m'a prouvé clairement que vous aviez perdu la tÃÂȘte, et cela seul vous a sauvé de mon indignation. Amie généreuse et sensible, j'oublie mon injure pour ne m'occuper que de votre danger; et quelque ennuyeux qu'il soit de raisonner, je cÚde au besoin que vous en avez dans ce moment. Vous, avoir la Présidente de Tourvel! mais quel ridicule caprice! Je reconnais bien là votre mauvaise tÃÂȘte qui ne sait désirer que ce qu'elle croit ne pas pouvoir obtenir. Qu'est-ce donc que cette femme? des traits réguliers si vous voulez, mais nulle expression passablement faite, mais sans grùces toujours mise à faire rire! avec ses paquets de fichus sur la gorge, et son corps qui remonte au menton! Je vous le dis en amie, il ne vous faudrait pas deux femmes comme celle-là , pour vous faire perdre toute votre considération. Rappelez-vous donc ce jour oÃÂč elle quÃÂȘtait à Saint-Roch, et oÃÂč vous me remerciùtes tant de vous avoir procuré ce spectacle. Je crois la voir encore, donnant la main à ce grand échalas en cheveux longs, prÃÂȘte à tomber à chaque pas, ayant toujours son panier de quatre aunes sur la tÃÂȘte de quelqu'un, et rougissant à chaque révérence. Qui vous eût dit alors vous désirerez cette femme? Allons, Vicomte, rougissez vous-mÃÂȘme, et revenez à vous. Je vous promets le secret. Et puis, voyez donc les désagréments qui vous attendent! quel rival avez-vous à combattre? un mari! Ne vous sentez-vous pas humilié à ce seul mot? Quelle honte si vous échouez! et mÃÂȘme combien peu de gloire dans le succÚs! Je dis plus; n'en espérez aucun plaisir. En est-il avec les prudes? j'entends celles de bonne foi réservées au sein mÃÂȘme du plaisir, elles ne vous offrent que des demi-jouissances. Cet entier abandon de soi-mÃÂȘme, ce délire de la volupté oÃÂč le plaisir s'épure par son excÚs, ces biens de l'Amour, ne sont pas connus d'elles. Je vous le prédis; dans la plus heureuse supposition, votre Présidente croira avoir tout fait pour vous en vous traitant comme son mari, et dans le tÃÂȘte-à -tÃÂȘte conjugal le plus tendre, on reste toujours deux. Ici c'est bien pis encore; votre prude est dévote et de cette dévotion de bonne femme qui condamne à une éternelle enfance. Peut-ÃÂȘtre surmonterez-vous cet obstacle, mais ne vous flattez pas de le détruire vainqueur de l'Amour de Dieu, vous ne le serez pas de la peur du Diable; et quand, tenant votre MaÃtresse dans vos bras, vous sentirez palpiter son cÅ“ur, ce sera de crainte et non d'amour. Peut- ÃÂȘtre, si vous eussiez connu cette femme plus tÎt, en eussiez-vous pu faire quelque chose; mais cela a vingt-deux ans, et il y en a prÚs de deux qu'elle est mariée. Croyez-moi, Vicomte, quand une femme s'est encroûtée à ce point, il faut l'abandonner à son sort; ce ne sera jamais qu'une espÚce . C'est pourtant pour ce bel objet que vous refusez de m'obéir, que vous vous enterrez dans le tombeau de votre tante, et que vous renoncez à l'aventure la plus délicieuse et la plus faite pour vous faire honneur. Par quelle fatalité faut- il donc que Gercourt garde toujours quelque avantage sur vous? Tenez, je vous en parle sans humeur mais, dans ce moment, je suis tentée de croire que vous ne méritez pas votre réputation; je suis tentée surtout de vous retirer ma confiance. Je ne m'accoutumerai jamais à dire mes secrets à l'amant de Madame de Tourvel. Sachez pourtant que la petite Volanges a déjà fait tourner une tÃÂȘte. Le jeune Danceny en raffole. Il a chanté avec elle; et en effet elle chante mieux qu'à une Pensionnaire n'appartient. Ils doivent répéter beaucoup de Duos, et je crois qu'elle se mettrait volontiers à l'unisson mais ce Danceny est un enfant qui perdra son temps à faire l'Amour, et ne finira rien. La petite personne de son cÎté est assez farouche; et, à tout événement, cela sera toujours beaucoup moins plaisant que vous n'auriez pu le rendre aussi j'ai de l'humeur, et sûrement je querellerai le Chevalier à son arrivée. Je lui conseille d'ÃÂȘtre doux; car, dans ce moment, il ne m'en coûterait rien de rompre avec lui. Je suis sûre que si j'avais le bon esprit de le quitter à présent, il en serait au désespoir; et rien ne m'amuse comme un désespoir amoureux. Il m'appellerait perfide, et ce mot de perfide m'a toujours fait plaisir; c'est, aprÚs celui de cruelle, le plus doux à l'oreille d'une femme, et il est moins pénible à mériter. Sérieusement, je vais m'occuper de cette rupture. Voilà pourtant de quoi vous ÃÂȘtes cause! aussi je le mets sur votre conscience. Adieu. Recommandez-moi aux priÚres de votre Présidente. Paris, ce 7 août 17** LETTRE VI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Il n'est donc point de femme qui n'abuse de l'empire qu'elle a su prendre! Et vous-mÃÂȘme, vous que je nommai si souvent mon indulgente amie, vous cessez enfin de l'ÃÂȘtre, et vous ne craignez pas de m'attaquer dans l'objet de mes affections! De quels traits vous osez peindre Madame de Tourvel! quel homme n'eût point payé de sa vie cette insolente audace? à quelle autre femme qu'à vous n'eût-elle valu au moins une noirceur? De grùce, ne me mettez plus à d'aussi rudes épreuves; je ne répondrais pas de les soutenir. Au nom de l'amitié, attendez que j'aie eu cette femme, si vous voulez en médire. Ne savez-vous pas que la seule volupté a le droit de détacher le bandeau de l'Amour? Mais que dis-je? Madame de Tourvel a-t-elle besoin d'illusion? non; pour ÃÂȘtre adorable il lui suffit d'ÃÂȘtre elle-mÃÂȘme. Vous lui reprochez de se mettre mal; je le crois bien; toute parure lui nuit; tout ce qui la cache la dépare c'est dans l'abandon du négligé qu'elle est vraiment ravissante. Grùce aux chaleurs accablantes que nous éprouvons, un déshabillé de simple toile me laisse voir sa taille ronde et souple. Une seule mousseline couvre sa gorge, et mes regards furtifs, mais pénétrants, en ont déjà saisi les formes enchanteresses. Sa figure, dites-vous, n'a nulle expression. Et qu'exprimerait-elle, dans les moments oÃÂč rien ne parle à son cÅ“ur? Non, sans doute, elle n'a point, comme nos femmes coquettes, ce regard menteur qui séduit quelquefois et nous trompe toujours. Elle ne sait pas couvrir le vide d'une phrase par un sourire étudié; et quoiqu'elle ait les plus belles dents du monde, elle ne rit que de ce qui l'amuse. Mais il faut voir comme, dans les folùtres jeux, elle offre l'image d'une gaieté naïve et franche! comme, auprÚs d'un malheureux qu'elle s'empresse de secourir, son regard annonce la joie pure et la bonté compatissante! Il faut voir, surtout au moindre mot d'éloge ou de cajolerie, se peindre, sur sa figure céleste, ce touchant embarras d'une modestie qui n'est point jouée! Elle est prude et dévote, et de là vous la jugez froide et inanimée? Je pense bien différemment. Quelle étonnante sensibilité ne faut-il pas avoir pour la répandre jusque sur son mari, et pour aimer toujours un ÃÂȘtre toujours absent? Quelle preuve plus forte pourriez-vous désirer? J'ai su pourtant m'en procurer une autre. J'ai dirigé sa promenade de maniÚre qu'il s'est trouvé un fossé à franchir; et, quoique fort leste, elle est encore plus timide vous jugez bien qu'une prude craint de sauter le fossé [On reconnaÃt ici le mauvais goût des calembours, qui commençait à prendre, et qui depuis a fait tant de progrÚs]. Il a fallu se confier à moi. J'ai tenu dans mes bras cette femme modeste. Nos préparatifs et le passage de ma vieille tante avaient fait rire aux éclats la folùtre Dévote mais, dÚs que je me fus emparé d'elle, par une adroite gaucherie, nos bras s'enlacÚrent mutuellement. Je pressai son sein contre le mien; et, dans ce court intervalle, je sentis son cÅ“ur battre plus vite. L'aimable rougeur vint colorer son visage, et son modeste embarras m'apprit assez que son cÅ“ur avait palpité d'amour et non de crainte . Ma tante cependant s'y trompa comme vous, et se mit à dire " L'enfant a eu peur " ; mais la charmante candeur de l'enfant ne lui permit pas le mensonge, et elle répondit naïvement " Oh non, mais!... " Ce seul mot m'a éclairé. DÚs ce moment, le doux espoir a remplacé la cruelle inquiétude. J'aurai cette femme; je l'enlÚverai au mari qui la profane j'oserai la ravir au Dieu mÃÂȘme qu'elle adore. Quel délice d'ÃÂȘtre tour à tour l'objet et le vainqueur de ses remords! Loin de moi l'idée de détruire les préjugés qui l'assiÚgent! ils ajouteront à mon bonheur et à ma gloire. Qu'elle croie à la vertu, mais qu'elle me la sacrifie; que ses fautes l'épouvantent sans pouvoir l'arrÃÂȘter; et qu'agitée de mille terreurs, elle ne puisse les oublier, les vaincre que dans mes bras. Qu'alors, j'y consens, elle me dise " Je t'adore " , elle seule, entre toutes les femmes, sera digne de prononcer ce mot. Je serai vraiment le Dieu qu'elle aura préféré. Soyons de bonne foi; dans nos arrangements, aussi froids que faciles, ce que nous appelons bonheur est à peine un plaisir. Vous le dirai-je? je croyais mon cÅ“ur flétri, et ne me trouvant plus que des sens, je me plaignais d'une vieillesse prématurée. Madame de Tourvel m'a rendu les charmantes illusions de la jeunesse. AuprÚs d'elle, je n'ai pas besoin de jouir pour ÃÂȘtre heureux. La seule chose qui m'effraie, est le temps que va me prendre cette aventure; car je n'ose rien donner au hasard. J'ai beau me rappeler mes heureuses témérités, je ne puis me résoudre à les mettre en usage. Pour que je sois vraiment heureux, il faut qu'elle se donne; et ce n'est pas une petite affaire. Je suis sûr que vous admireriez ma prudence. Je n'ai pas encore prononcé le mot d'amour; mais déjà nous en sommes à ceux de confiance et d'intérÃÂȘt. Pour la tromper le moins possible, et surtout pour prévenir l'effet des propos qui pourraient lui revenir, je lui ai raconté moi-mÃÂȘme, et comme en m'accusant, quelques-uns de mes traits les plus connus. Vous ririez de voir avec quelle candeur elle me prÃÂȘche. Elle veut, dit-elle, me convertir. Elle ne se doute pas encore de ce qu'il lui en coûtera pour le tenter. Elle est loin de penser qu'en plaidant , pour parler comme elle, pour les infortunées que j'ai perdues , elle parle d'avance dans sa propre cause. Cette idée me vint hier au milieu d'un de ses sermons, et je ne pus me refuser au plaisir de l'interrompre, pour l'assurer qu'elle parlait comme un prophÚte. Adieu, ma trÚs belle amie. Vous voyez que je ne suis pas perdu sans ressources. A propos, ce pauvre Chevalier, s'est-il tué de désespoir? En vérité, vous ÃÂȘtes cent fois plus mauvais sujet que moi, et vous m'humilieriez si j'avais de l'amour-propre. Du Chùteau de ..., ce 9 août 17** LETTRE VII CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY [Pour ne pas abuser de la patience du Lecteur, on supprime beaucoup de Lettres de cette Correspondance journaliÚre; on ne donne que celles qui ont paru nécessaires à l'intelligence des événements de cette société. C'est par le mÃÂȘme motif qu'on supprime aussi toutes les Lettres de Sophie Carnay et plusieurs de celles des autres Acteurs de ces aventures.] Si je ne t'ai rien dit de mon mariage, c'est que je ne suis pas plus instruite que le premier jour. Je m'accoutume à n'y plus penser et je me trouve assez bien de mon genre de vie. J'étudie beaucoup mon chant et ma harpe; il me semble que je les aime mieux depuis que je n'ai plus de MaÃtres, ou plutÎt c'est que j'en ai un meilleur. M. le Chevalier Danceny, ce Monsieur dont je t'ai parlé, et avec qui j'ai chanté chez Madame de Merteuil, a la complaisance de venir ici tous les jours, et de chanter avec moi des heures entiÚres. Il est extrÃÂȘmement aimable. Il chante comme un Ange, et compose de trÚs jolis airs dont il fait aussi les paroles. C'est bien dommage qu'il soit Chevalier de Malte! Il me semble que s'il se mariait, sa femme serait bien heureuse. Il a une douceur charmante. Il n'a jamais l'air de faire un compliment, et pourtant tout ce qu'il dit flatte. Il me reprend sans cesse, tant sur la musique que sur autre chose mais il mÃÂȘle à ses critiques tant d'intérÃÂȘt et de gaieté, qu'il est impossible de ne pas lui en savoir gré. Seulement quand il vous regarde, il a l'air de vous dire quelque chose d'obligeant. Il joint à tout cela d'ÃÂȘtre trÚs complaisant. Par exemple, hier, il était prié d'un grand concert; il a préféré de rester toute la soirée chez Maman. Cela m'a fait bien plaisir; car quand il n'y est pas, personne ne me parle, et je m'ennuie au lieu que quand il y est, nous chantons et nous causons ensemble. Il a toujours quelque chose à me dire. Lui et Madame de Merteuil sont les deux seules personnes que je trouve aimables. Mais adieu, ma chÚre amie j'ai promis que je saurais pour aujourd'hui une ariette dont l'accompagnement est trÚs difficile, et je ne veux pas manquer de parole. Je vais me remettre à l'étude jusqu'à ce qu'il vienne. De ..., ce 7 août 17** LETTRE VIII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES On ne peut ÃÂȘtre plus sensible que je le suis, Madame, à la confiance que vous me témoignez, ni prendre plus d'intérÃÂȘt que moi à l'établissement de Mademoiselle de Volanges. C'est bien de toute mon ùme que je lui souhaite une félicité dont je ne doute pas qu'elle ne soit digne, et sur laquelle je m'en rapporte bien à votre prudence. Je ne connais point M. le Comte de Gercourt; mais, honoré de votre choix, je ne puis prendre de lui qu'une idée trÚs avantageuse. Je me borne, Madame, à souhaiter à ce mariage un succÚs aussi heureux qu'au mien, qui est pareillement votre ouvrage, et pour lequel chaque jour ajoute à ma reconnaissance. Que le bonheur de Mademoiselle votre fille soit la récompense de celui que vous m'avez procuré; et puisse la meilleure des amies ÃÂȘtre aussi la plus heureuse des mÚres! Je suis vraiment peinée de ne pouvoir vous offrir de vive voix l'hommage de ce vÅ“u sincÚre, et faire, aussi tÎt que je le désirerais, connaissance avec Mademoiselle de Volanges. AprÚs avoir éprouvé vos bontés vraiment maternelles, j'ai droit d'espérer d'elle l'amitié tendre d'une sÅ“ur. Je vous prie, Madame, de vouloir bien la lui demander de ma part, en attendant que je me trouve à portée de la mériter. Je compte rester à la campagne tout le temps de l'absence de M. de Tourvel. J'ai pris ce temps pour jouir et profiter de la société de la respectable Madame de Rosemonde. Cette femme est toujours charmante son grand ùge ne lui fait rien perdre; elle conserve toute sa mémoire et sa gaieté. Son corps seul a quatre-vingt-quatre ans; son esprit n'en a que vingt. Notre retraite est égayée par son neveu le Vicomte de Valmont, qui a bien voulu nous sacrifier quelques jours. Je ne le connaissais que de réputation, et elle me faisait peu désirer de le connaÃtre davantage mais il me semble qu'il vaut mieux qu'elle. Ici, oÃÂč le tourbillon du monde ne le gùte pas, il parle raison avec une facilité étonnante, et il s'accuse de ses torts avec une candeur rare. Il me parle avec beaucoup de confiance, et je le prÃÂȘche avec beaucoup de sévérité. Vous qui le connaissez, vous conviendrez que ce serait une belle conversion à faire mais je ne doute pas, malgré ses promesses, que huit jours de Paris ne lui fassent oublier tous mes sermons. Le séjour qu'il fera ici sera au moins autant de retranché sur sa conduite ordinaire et je crois que, d'aprÚs sa façon de vivre, ce qu'il peut faire de mieux est de ne rien faire du tout. Il sait que je suis occupée à vous écrire, et il m'a chargée de vous présenter ses respectueux hommages. Recevez aussi le mien avec la bonté que je vous connais, et ne doutez jamais des sentiments sincÚres avec lesquels j'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. Du Chùteau de ..., ce 9 août 17** LETTRE IX MADAME DE VOLANGES A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Je n'ai jamais douté, ma jeune et belle amie, ni de l'amitié que vous avez pour moi, ni de l'intérÃÂȘt sincÚre que vous prenez à tout ce qui me regarde. Ce n'est pas pour éclaircir ce point, que j'espÚre convenu à jamais entre nous, que je réponds à votre Réponse mais je ne crois pas pouvoir me dispenser de causer avec vous au sujet du Vicomte de Valmont. Je ne m'attendais pas, je l'avoue, à trouver jamais ce nom-là dans vos Lettres. En effet, que peut-il y avoir de commun entre vous et lui? Vous ne connaissez pas cet homme; oÃÂč auriez-vous pris l'idée de l'ùme d'un libertin? Vous me parlez de sa rare candeur oh! oui; la candeur de Valmont doit ÃÂȘtre en effet trÚs rare. Encore plus faux et dangereux qu'il n'est aimable et séduisant, jamais depuis sa plus grande jeunesse, il n'a fait un pas ou dit une parole sans avoir un projet, et jamais il n'eut un projet qui ne fût malhonnÃÂȘte ou criminel. Mon amie, vous me connaissez; vous savez si, des vertus que je tùche d'acquérir, l'indulgence n'est pas celle que je chéris le plus. Aussi, si Valmont était entraÃné par des passions fougueuses; si, comme mille autres, il était séduit par les erreurs de son ùge, blùmant sa conduite je plaindrais sa personne, et j'attendrais, en silence, le temps oÃÂč un retour heureux lui rendrait l'estime des gens honnÃÂȘtes. Mais Valmont n'est pas cela sa conduite est le résultat de ses principes. Il sait calculer tout ce qu'un homme peut se permettre d'horreurs, sans se compromettre; et pour ÃÂȘtre cruel et méchant sans danger, il a choisi les femmes pour victimes. Je ne m'arrÃÂȘte pas à compter celles qu'il a séduites mais combien n'en a-t-il pas perdues? Dans la vie sage et retirée que vous menez, ces scandaleuses aventures ne parviennent pas jusqu'à vous. Je pourrais vous en raconter qui vous feraient frémir; mais vos regards, purs comme votre ùme, seraient souillés par de semblables tableaux sûre que Valmont ne sera jamais dangereux pour vous, vous n'avez pas besoin de pareilles armes pour vous défendre. La seule chose que j'ai à vous dire, c'est que, de toutes les femmes auxquelles il a rendu des soins, succÚs ou non, il n'en est point qui n'aient eu à s'en plaindre. La seule Marquise de Merteuil fait l'exception à cette rÚgle générale; seule, elle a su lui résister et enchaÃner sa méchanceté. J'avoue que ce trait de sa vie est celui qui lui fait le plus d'honneur à mes yeux aussi a-t-il suffi pour la justifier pleinement aux yeux de tous, de quelques inconséquences qu'on avait à lui reprocher dans le début de son veuvage. [L'erreur oÃÂč est Madame de Volanges nous fait voir qu'ainsi que les autres scélérats Valmont ne décelait pas ses complices.] Quoi qu'il en soit, ma belle amie, ce que l'ùge, l'expérience et surtout l'amitié, m'autorisent à vous représenter, c'est qu'on commence à s'apercevoir dans le monde de l'absence de Valmont; et que si on sait qu'il soit resté quelque temps en tiers entre sa tante et vous, votre réputation sera entre ses mains; malheur le plus grand qui puisse arriver à une femme. Je vous conseille donc d'engager sa tante à ne pas le retenir davantage; et s'il s'obstine à rester, je crois que vous ne devez pas hésiter à lui céder la place. Mais pourquoi resterait-il? que fait-il donc à cette campagne? Si vous faisiez épier ses démarches, je suis sûre que vous découvririez qu'il n'a fait que prendre un asile plus commode, pour quelques noirceurs qu'il médite dans les environs. Mais, dans l'impossibilité de remédier au mal, contentons-nous de nous en garantir. Adieu, ma belle amie; voilà le mariage de ma fille un peu retardé. Le Comte de Gercourt, que nous attendions d'un jour à l'autre, me mande que son Régiment passe en Corse; et comme il y a encore des mouvements de guerre, il lui sera impossible de s'absenter avant l'hiver. Cela me contrarie; mais cela me fait espérer que nous aurons le plaisir de vous voir à la noce, et j'étais fùchée qu'elle se fÃt sans vous. Adieu; je suis, sans compliment comme sans réserve, entiÚrement à vous. Rappelez-moi au souvenir de Madame de Rosemonde, que j'aime toujours autant qu'elle le mérite. De ..., ce 11 août 17** LETTRE X LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Me boudez-vous, Vicomte? ou bien ÃÂȘtes-vous mort? ou, ce qui y ressemblerait beaucoup, ne vivez-vous plus que pour votre Présidente? Cette femme, qui vous a rendu les illusions de la jeunesse , vous en rendra bientÎt aussi les ridicules préjugés. Déjà vous voilà timide et esclave; autant vaudrait ÃÂȘtre amoureux. Vous renoncez à vos heureuses témérités . Vous voilà donc vous conduisant sans principes, et donnant tout au hasard, ou plutÎt au caprice. Ne vous souvient-il plus que l'Amour est, comme la médecine, seulement l'art d'aider la Nature ? Vous voyez que je vous bats avec vos armes mais je n'en prendrai pas d'orgueil; car c'est bien battre un homme à terre. Il faut qu'elle se donne , me dites-vous eh! sans doute, il le faut; aussi se donnera-t-elle comme les autres, avec cette différence que ce sera de mauvaise grùce. Mais, pour qu'elle finisse par se donner, le vrai moyen est de commencer par la prendre. Que cette ridicule distinction est bien un vrai déraisonnement de l'Amour! Je dis l'Amour; car vous ÃÂȘtes amoureux. Vous parler autrement, ce serait vous trahir; ce serait vous cacher votre mal. Dites-moi donc, amant langoureux, ces femmes que vous avez eues, croyez- vous les avoir violées? Mais, quelque envie qu'on ait de se donner, quelque pressée que l'on en soit, encore faut-il un prétexte; et y en a-t-il de plus commode pour nous, que celui qui nous donne l'air de céder à la force? Pour moi, je l'avoue, une des choses qui me flattent le plus, est une attaque vive et bien faite, oÃÂč tout se succÚde avec ordre quoique avec rapidité; qui ne nous met jamais dans ce pénible embarras de réparer nous-mÃÂȘmes une gaucherie dont au contraire nous aurions dû profiter; qui sait garder l'air de la violence jusque dans les choses que nous accordons, et flatter avec adresse nos deux passions favorites, la gloire de la défense et le plaisir de la défaite. Je conviens que ce talent, plus rare que l'on ne croit, m'a toujours fait plaisir, mÃÂȘme alors qu'il ne m'a pas séduite, et que quelquefois il m'est arrivé de me rendre, uniquement comme récompense. Telle dans nos anciens Tournois, la Beauté donnait le prix de la valeur et de l'adresse. Mais vous, vous qui n'ÃÂȘtes plus vous, vous vous conduisez comme si vous aviez peur de réussir. Eh! depuis quand voyagez-vous à petites journées et par des chemins de traverse? Mon ami, quand on veut arriver, des chevaux de poste et la grande route! Mais laissons ce sujet, qui me donne d'autant plus d'humeur, qu'il me prive du plaisir de vous voir. Au moins écrivez-moi plus souvent que vous ne faites, et mettez-moi au courant de vos progrÚs. Savez- vous que voilà plus de quinze jours que cette ridicule aventure vous occupe, et que vous négligez tout le monde? A propos de négligence, vous ressemblez aux gens qui envoient réguliÚrement savoir des nouvelles de leurs amis malades, mais qui ne se font jamais rendre la réponse. Vous finissez votre derniÚre Lettre par me demander si le Chevalier est mort. Je ne réponds pas, et vous ne vous en inquiétez pas davantage. Ne savez-vous plus que mon amant est votre ami-né? Mais rassurez-vous, il n'est point mort; ou s'il l'était, ce serait de l'excÚs de sa joie. Ce pauvre Chevalier, comme il est tendre! comme il est fait pour l'Amour! comme il sait sentir vivement! la tÃÂȘte m'en tourne. Sérieusement, le bonheur parfait qu'il trouve à ÃÂȘtre aimé de moi m'attache véritablement à lui. Ce mÃÂȘme jour, oÃÂč je vous écrivais que j'allais travailler à notre rupture, combien je le rendis heureux! Je m'occupais pourtant tout de bon des moyens de le désespérer, quand on me l'annonça. Soit caprice ou raison, jamais il ne me parut si bien. Je le reçus cependant avec humeur. Il espérait passer deux heures avec moi, avant celle oÃÂč ma porte serait ouverte à tout le monde. Je lui dis que j'allais sortir il me demanda oÃÂč j'allais; je refusai de le lui apprendre. Il insista; oÃÂč vous ne serez pas , repris-je, avec aigreur. Heureusement pour lui, il resta pétrifié de cette réponse; car, s'il eût dit un mot, il s'ensuivait immanquablement une scÚne qui eût amené la rupture que j'avais projetée. Etonnée de son silence, je jetai les yeux sur lui sans autre projet, je vous jure, que de voir la mine qu'il faisait. Je retrouvai sur cette charmante figure, cette tristesse, à la fois profonde et tendre, à laquelle vous-mÃÂȘme ÃÂȘtes convenu qu'il était si difficile de résister. La mÃÂȘme cause produisit le mÃÂȘme effet; je fus vaincue une seconde fois. DÚs ce moment, je ne m'occupai plus que des moyens d'éviter qu'il pût me trouver un tort. " Je sors pour affaire, lui dis-je avec un air un peu plus doux, et mÃÂȘme cette affaire vous regarde; mais ne m'interrogez pas. Je souperai chez moi; revenez, et vous serez instruit. " Alors il retrouva la parole; mais je ne lui permis pas d'en faire usage. " Je suis trÚs pressée, continuai-je. Laissez-moi; à ce soir. " Il baisa ma main et sortit. AussitÎt, pour le dédommager, peut-ÃÂȘtre pour me dédommager moi-mÃÂȘme, je me décide à lui faire connaÃtre ma petite maison dont il ne se doutait pas. J'appelle ma fidÚle Victoire . J'ai ma migraine; je me couche pour tous mes gens; et, restée enfin seule avec la véritable , tandis qu'elle se travestit en Laquais, je fais une toilette de Femme de chambre. Elle fait ensuite venir un fiacre à la porte de mon jardin, et nous voilà parties. Arrivée dans ce temple de l'Amour, je choisis le déshabillé le plus galant. Celui-ci est délicieux; il est de mon invention il ne laisse rien voir, et pourtant fait tout deviner. Je vous en promets un modÚle pour votre Présidente, quand vous l'aurez rendue digne de le porter. AprÚs ces préparatifs, pendant que Victoire s'occupe des autres détails, je lis un chapitre du Sopha , une Lettre d' Héloïse et deux Contes de La Fontaine, pour recorder les différents tons que je voulais prendre. Cependant mon Chevalier arrive à ma porte, avec l'empressement qu'il a toujours. Mon Suisse la lui refuse, et lui apprend que je suis malade premier incident. Il lui remet en mÃÂȘme temps un billet de moi, mais non de mon écriture, suivant ma prudente rÚgle. Il l'ouvre, et y trouve de la main de Victoire " A neuf heures précises, au Boulevard, devant les Cafés. " Il s'y rend; et là , un petit Laquais qu'il ne connaÃt pas, qu'il croit au moins ne pas connaÃtre, car c'était toujours Victoire, vient lui annoncer qu'il faut renvoyer sa voiture et le suivre. Toute cette marche romanesque lui échauffait la tÃÂȘte d'autant, et la tÃÂȘte échauffée ne nuit à rien. Il arrive enfin, et la surprise et l'Amour causaient en lui un véritable enchantement. Pour lui donner le temps de se remettre, nous nous promenons un moment dans le bosquet; puis je le ramÚne vers la maison. Il voit d'abord deux couverts mis ensuite un lit fait. Nous passons jusqu'au boudoir, qui était dans toute sa parure. Là , moitié réflexion, moitié sentiment, je passai mes bras autour de lui et me laissai tomber à ses genoux. " O mon ami, lui dis-je, pour vouloir te ménager la surprise de ce moment, je me reproche de t'avoir affligé par l'apparence de l'humeur, d'avoir pu un instant voiler mon cÅ“ur à tes regards. Pardonne-moi mes torts je veux les expier à force d'amour. " Vous jugez de l'effet de ce discours sentimental. L'heureux Chevalier me releva et mon pardon fut scellé sur cette mÃÂȘme ottomane oÃÂč vous et moi scellùmes si gaiement et de la mÃÂȘme maniÚre notre éternelle rupture. Comme nous avions six heures à passer ensemble, et que j'avais résolu que tout ce temps fût pour lui également délicieux, je modérai ses transports, et l'aimable coquetterie vint remplacer la tendresse. Je ne crois pas avoir jamais mis tant de soin à plaire, ni avoir été jamais aussi contente de moi. AprÚs le souper, tour à tour enfant et raisonnable, folùtre et sensible, quelquefois mÃÂȘme libertine, je me plaisais à le considérer comme un Sultan au milieu de son Sérail, dont j'étais tour à tour les Favorites différentes. En effet, ses hommages réitérés, quoique toujours reçus par la mÃÂȘme femme, le furent toujours par une MaÃtresse nouvelle. Enfin au point du jour il fallut se séparer; et, quoi qu'il dÃt, quoi qu'il fÃt mÃÂȘme pour me prouver le contraire, il en avait autant de besoin que peu d'envie. Au moment oÃÂč nous sortÃmes et pour dernier adieu, je pris la clef de cet heureux séjour, et la lui remettant entre les mains " Je ne l'ai eue que pour vous, lui dis-je; il est juste que vous en soyez maÃtre c'est au Sacrificateur à disposer du Temple. " C'est par cette adresse que j'ai prévenu les réflexions qu'aurait pu lui faire naÃtre la propriété, toujours suspecte, d'une petite maison. Je le connais assez, pour ÃÂȘtre sûre qu'il ne s'en servira que pour moi; et si la fantaisie me prenait d'y aller sans lui, il me reste bien une double clef. Il voulait à toute force prendre jour pour y revenir; mais je l'aime trop encore, pour vouloir l'user si vite. Il ne faut se permettre d'excÚs qu'avec les gens qu'on veut quitter bientÎt. Il ne sait pas cela, lui; mais, pour son bonheur, je le sais pour deux. Je m'aperçois qu'il est trois heures du matin, et que j'ai écrit un volume, ayant le projet de n'écrire qu'un mot. Tel est le charme de la confiante amitié c'est elle qui fait que vous ÃÂȘtes toujours ce que j'aime le mieux, mais, en vérité, le Chevalier est ce qui me plaÃt davantage. De ..., ce 12 août 17** LETTRE XI LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES Votre Lettre sévÚre m'aurait effrayée, Madame, si, par bonheur, je n'avais trouvé ici plus de motifs de sécurité que vous ne m'en donnez de crainte. Ce redoutable M. de Valmont, qui doit ÃÂȘtre la terreur de toutes les femmes, paraÃt avoir déposé ses armes meurtriÚres, avant d'entrer dans ce Chùteau. Loin d'y former des projets, il n'y a pas mÃÂȘme porté de prétentions; et la qualité d'homme aimable que ses ennemis mÃÂȘmes lui accordent, disparaÃt presque ici, pour ne lui laisser que celle de bon enfant. C'est apparemment l'air de la campagne qui a produit ce miracle. Ce que je vous puis assurer, c'est qu'étant sans cesse avec moi, paraissant mÃÂȘme s'y plaire, il ne lui est pas échappé un mot qui ressemble à l'Amour, pas une de ces phrases que tous les hommes se permettent, sans avoir, comme lui, ce qu'il faut pour les justifier. Jamais il n'oblige à cette réserve, dans laquelle toute femme qui se respecte est forcée de se tenir aujourd'hui, pour contenir les hommes qui l'entourent. Il sait ne point abuser de la gaieté qu'il inspire. Il est peut-ÃÂȘtre un peu louangeur; mais c'est avec tant de délicatesse qu'il accoutumerait la modestie mÃÂȘme à l'éloge. Enfin, si j'avais un frÚre, je désirerais qu'il fût tel que M. de Valmont se montre ici. Peut-ÃÂȘtre beaucoup de femmes lui désireraient une galanterie plus marquée; et j'avoue que je lui sais un gré infini d'avoir su me juger assez bien pour ne pas me confondre avec elles. Ce portrait diffÚre beaucoup sans doute de celui que vous me faites; et, malgré cela, tous deux peuvent ÃÂȘtre ressemblants en fixant les époques. Lui- mÃÂȘme convient d'avoir eu beaucoup de torts, et on lui en aura bien aussi prÃÂȘté quelques-uns. Mais j'ai rencontré peu d'hommes qui parlassent des femmes honnÃÂȘtes avec plus de respect, je dirais presque d'enthousiasme. Vous m'apprenez qu'au moins sur cet objet il ne trompe pas. Sa conduite avec Madame de Merteuil en est une preuve. Il nous en parle beaucoup; et c'est toujours avec tant d'éloges et l'air d'un attachement si vrai, que j'ai cru, jusqu'à la réception de votre Lettre, que ce qu'il appelait amitié entre eux deux était bien réellement de l'Amour. Je m'accuse de ce jugement téméraire, dans lequel j'ai eu d'autant plus de tort, que lui-mÃÂȘme a pris souvent le soin de la justifier. J'avoue que je ne regardais que comme finesse, ce qui était de sa part une honnÃÂȘte sincérité. Je ne sais; mais il me semble que celui qui est capable d'une amitié aussi suivie pour une femme aussi estimable, n'est pas un libertin sans retour. J'ignore au reste si nous devons la conduite sage qu'il tient ici à quelques projets dans les environs, comme vous le supposez. Il y a bien quelques femmes aimables à la ronde; mais il sort peu, excepté le matin, et alors il dit qu'il va à la chasse. Il est vrai qu'il rapporte rarement du gibier; mais il assure qu'il est maladroit à cet exercice. D'ailleurs, ce qu'il peut faire au- dehors m'inquiÚte peu; et si je désirais le savoir, ce ne serait que pour avoir une raison de plus de me rapprocher de votre avis ou de vous ramener au mien. Sur ce que vous me proposez de travailler à abréger le séjour que M. de Valmont compte faire ici, il me paraÃt bien difficile d'oser demander à sa tante de ne pas avoir son neveu chez elle, d'autant qu'elle l'aime beaucoup. Je vous promets pourtant, mais seulement par déférence et non par besoin, de saisir l'occasion de faire cette demande, soit à elle, soit à lui-mÃÂȘme. Quant à moi, M. de Tourvel est instruit de mon projet de rester ici jusqu'à son retour, et il s'étonnerait, avec raison, de la légÚreté qui m'en ferait changer. Voilà , Madame, de bien longs éclaircissements mais j'ai cru devoir à la vérité un témoignage avantageux à M. de Valmont, et dont il me paraÃt avoir grand besoin auprÚs de vous. Je n'en suis pas moins sensible à l'amitié qui a dicté vos conseils. C'est à elle que je dois aussi ce que vous me dites d'obligeant à l'occasion du retard du mariage de Mademoiselle votre fille. Je vous en remercie bien sincÚrement mais, quelque plaisir que je me promette à passer ces moments avec vous, je les sacrifierais de bien bon cÅ“ur au désir de savoir Mademoiselle de Volanges plus tÎt heureuse, si pourtant elle peut jamais l'ÃÂȘtre plus qu'auprÚs d'une mÚre aussi digne de toute sa tendresse et de son respect. Je partage avec elle ces deux sentiments qui m'attachent à vous, et je vous prie d'en recevoir l'assurance avec bonté. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. De ..., ce 13 août 17** LETTRE XII CECILE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Maman est incommodée, Madame; elle ne sortira point, et il faut que je lui tienne compagnie ainsi je n'aurai pas l'honneur de vous accompagner à l'Opéra. Je vous assure que je regrette bien plus de ne pas ÃÂȘtre avec vous que le Spectacle. Je vous prie d'en ÃÂȘtre persuadée. Je vous aime tant! Voudriez- vous bien dire à M. le Chevalier Danceny que je n'ai point le Recueil dont il m'a parlé, et que s'il peut me l'apporter demain, il me fera grand plaisir. S'il vient aujourd'hui, on lui dira que nous n'y sommes pas; mais c'est que Maman ne veut recevoir personne. J'espÚre qu'elle se portera mieux demain. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. De ..., ce 13 août 17** LETTRE XIII LA MARQUISE DE MERTEUIL A CECILE VOLANGES Je suis trÚs fùchée, ma belle, et d'ÃÂȘtre privée du plaisir de vous voir, et de la cause de cette privation. J'espÚre que cette occasion se retrouvera. Je m'acquitterai de votre commission auprÚs du Chevalier Danceny, qui sera sûrement trÚs fùché de savoir votre Maman malade. Si elle veut me recevoir demain, j'irai lui tenir compagnie. Nous attaquerons, elle et moi, le Chevalier de Belleroche. [C'est le mÃÂȘme dont il est question dans les lettres de Madame de Merteuil] au piquet; et, en lui gagnant son argent, nous aurons, pour surcroÃt de plaisir, celui de vous entendre chanter avec votre aimable MaÃtre, à qui je le proposerai. Si cela convient à votre Maman et à vous, je réponds de moi et de mes deux Chevaliers. Adieu, ma belle; mes compliments à ma chÚre Madame de Volanges. Je vous embrasse bien tendrement. De ..., ce 13 août 17** LETTRE XIV CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je ne t'ai pas écrit hier, ma chÚre Sophie mais ce n'est pas le plaisir qui en est cause; je t'en assure bien. Maman était malade, et je ne l'ai pas quittée de la journée. Le soir, quand je me suis retirée, je n'avais cÅ“ur à rien du tout; et je me suis couchée bien vite, pour m'assurer que la journée était finie; jamais je n'en avais passé de si longue. Ce n'est pas que je n'aime bien Maman; mais je ne sais pas ce que c'était. Je devais aller à l'Opéra avec Madame de Merteuil; le Chevalier Danceny devait y ÃÂȘtre. Tu sais bien que ce sont les deux personnes que j'aime le mieux. Quand l'heure oÃÂč j'aurais dû y ÃÂȘtre aussi est arrivée, mon cÅ“ur s'est serré malgré moi. Je me déplaisais à tout, et j'ai pleuré, pleuré, sans pouvoir m'en empÃÂȘcher. Heureusement Maman était couchée, et ne pouvait pas me voir. Je suis bien sûre que le Chevalier Danceny aura été fùché aussi; mais il aura été distrait par le Spectacle et par tout le monde c'est bien différent. Par bonheur, Maman va mieux aujourd'hui, et Madame de Merteuil viendra avec une autre personne et le Chevalier Danceny mais elle arrive toujours bien tard, Madame de Merteuil; et quand on est si longtemps toute seule, c'est bien ennuyeux. Il n'est encore qu'onze heures. Il est vrai qu'il faut que je joue de la harpe; et puis ma toilette me prendra un peu de temps, car je veux ÃÂȘtre bien coiffée aujourd'hui. Je crois que la MÚre Perpétue a raison, et qu'on devient coquette dÚs qu'on est dans le monde. Je n'ai jamais eu tant d'envie d'ÃÂȘtre jolie que depuis quelques jours, et je trouve que je ne le suis pas autant que je le croyais; et puis, auprÚs des femmes qui ont du rouge, on perd beaucoup. Madame de Merteuil, par exemple, je vois bien que tous les hommes la trouvent plus jolie que moi cela ne me fùche pas beaucoup, parce qu'elle m'aime bien; et puis elle assure que le Chevalier Danceny me trouve plus jolie qu'elle. C'est bien honnÃÂȘte à elle de me l'avoir dit! elle avait mÃÂȘme l'air d'en ÃÂȘtre bien aise. Par exemple, je ne conçois pas ça. C'est qu'elle m'aime tant! et lui!... oh! ça m'a fait bien plaisir! aussi, c'est qu'il me semble que rien que le regarder suffit pour embellir. Je le regarderais toujours, si je ne craignais de rencontrer ses yeux car, toutes les fois que cela m'arrive, cela me décontenance, et me fait comme de la peine; mais ça ne fait rien. Adieu, ma chÚre amie; je vais me mettre à ma toilette. Je t'aime toujours comme de coutume. Paris, ce 14 août 17** LETTRE XV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Il est bien honnÃÂȘte à vous de ne pas m'abandonner à mon triste sort. La vie que je mÚne ici est réellement fatigante, par l'excÚs de son repos et son insipide uniformité. En lisant votre Lettre et le détail de votre charmante journée, j'ai été tenté vingt fois de prétexter une affaire, de voler à vos pieds, et de vous y demander, en ma faveur, une infidélité à votre Chevalier, qui, aprÚs tout, ne mérite pas son bonheur. Savez-vous que vous m'avez rendu jaloux de lui? Que me parlez-vous d'éternelle rupture? J'abjure ce serment, prononcé dans le délire nous n'aurions pas été dignes de le faire, si nous eussions dû le garder. Ah! que je puisse un jour me venger dans vos bras, du dépit involontaire que m'a causé le bonheur du Chevalier! Je suis indigné, je l'avoue, quand je songe que cet homme, sans raisonner, sans se donner la moindre peine, en suivant tout bÃÂȘtement l'instinct de son cÅ“ur, trouve une félicité à laquelle je ne puis atteindre. Oh! je la troublerai... Promettez-moi que je la troublerai. Vous-mÃÂȘme n'ÃÂȘtes-vous pas humiliée? Vous vous donnez la peine de le tromper, et il est plus heureux que vous. Vous le croyez dans vos chaÃnes! C'est bien vous qui ÃÂȘtes dans les siennes. Il dort tranquillement, tandis que vous veillez pour ses plaisirs. Que ferait de plus son esclave? Tenez, ma belle amie, tant que vous vous partagez entre plusieurs, je n'ai pas la moindre jalousie je ne vois alors dans vos Amants que les successeurs d'Alexandre, incapables de conserver entre eux tous cet empire oÃÂč je régnais seul. Mais que vous vous donniez entiÚrement à un d'eux! qu'il existe un autre homme aussi heureux que moi! je ne le souffrirai pas; n'espérez pas que je le souffre. Ou reprenez-moi, ou au moins prenez-en un autre; et ne trahissez pas, par un caprice exclusif, l'amitié inviolable que nous nous sommes jurée. C'est bien assez, sans doute, que j'aie à me plaindre de l'Amour. Vous voyez que je me prÃÂȘte à vos idées, et que j'avoue mes torts. En effet, si c'est ÃÂȘtre amoureux que de ne pouvoir vivre sans posséder ce qu'on désire, d'y sacrifier son temps, ses plaisirs, sa vie, je suis bien réellement amoureux. Je n'en suis guÚre plus avancé. Je n'aurais mÃÂȘme rien du tout à vous apprendre à ce sujet, sans un événement qui me donne beaucoup à réfléchir, et dont je ne sais encore si je dois craindre ou espérer. Vous connaissez mon Chasseur, trésor d'intrigue, et vrai valet de Comédie; vous jugez bien que ses instructions portaient d'ÃÂȘtre amoureux de la Femme de chambre, et d'enivrer les gens. Le coquin est plus heureux que moi; il a déjà réussi. Il vient de découvrir que Madame de Tourvel a chargé un de ses gens de prendre des informations sur ma conduite, et mÃÂȘme de me suivre dans mes courses du matin, autant qu'il le pourrait, sans ÃÂȘtre aperçu. Que prétend cette femme? Ainsi donc la plus modeste de toutes ose encore risquer des choses qu'à peine nous oserions nous permettre! Je jure bien. Mais, avant de songer à me venger de cette ruse féminine, occupons-nous des moyens de la tourner à notre avantage. Jusqu'ici ces courses qu'on suspecte n'avaient aucun objet; il faut leur en donner un. Cela mérite toute mon attention, et je vous quitte pour y réfléchir. Adieu, ma belle amie. Toujours du Chùteau de ..., ce 15 août 17** LETTRE XVI CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Ah! ma Sophie, voici bien des nouvelles! je ne devrais peut-ÃÂȘtre pas te les dire mais il faut bien que j'en parle à quelqu'un; c'est plus fort que moi. Ce Chevalier Danceny... Je suis dans un trouble que je ne peux pas écrire je ne sais par oÃÂč commencer. Depuis que je t'avais raconté la jolie soirée [La Lettre oÃÂč il est parlé de cette soirée ne s'est pas retrouvée. Il y a lieu de croire que c'est celle proposée dans le billet de Madame de Merteuil, et dont il est aussi question dans la précédente Lettre de Cécile Volanges.] que j'avais passée chez Maman avec lui et Madame de Merteuil, je ne t'en parlais plus c'est que je ne voulais plus en parler à personne; mais j'y pensais pourtant toujours. Depuis il était devenu si triste, mais si triste, si triste, que ça me faisait de la peine; et quand je lui demandais pourquoi, il me disait que non mais je voyais bien que si. Enfin hier il l'était encore plus que de coutume. Ça n'a pas empÃÂȘché qu'il n'ait eu la complaisance de chanter avec moi comme à l'ordinaire; mais, toutes les fois qu'il me regardait, cela me serrait le cÅ“ur. AprÚs que nous eûmes fini de chanter, il alla renfermer ma harpe dans son étui; et, en m'en rapportant la clef, il me pria d'en jouer encore le soir, aussitÎt que je serais seule. Je ne me défiais de rien du tout; je ne voulais mÃÂȘme pas mais il m'en pria tant, que je lui dis qu'oui. Il avait bien ses raisons. Effectivement, quand je fus retirée chez moi et que ma Femme de chambre fut sortie, j'allais pour prendre ma harpe. Je trouvais dans les cordes une Lettre, pliée seulement, et point cachetée, et qui était de lui. Ah! si tu savais tout ce qu'il me mande! Depuis que j'ai lu sa Lettre, j'ai tant de plaisir, que je ne peux plus songer à autre chose. Je l'ai relue quatre fois tout de suite, et puis je l'ai serrée dans mon secrétaire. Je la savais par cÅ“ur; et, quand j'ai été couchée, je l'ai tant répétée, que je ne songeais pas à dormir. DÚs que je fermais les yeux, je le voyais là , qui me disait lui-mÃÂȘme tout ce que je venais de lire. Je ne me suis endormie que bien tard; et aussitÎt que je me suis réveillée il était encore de bien bonne heure, j'ai été reprendre sa Lettre pour la relire à mon aise. Je l'ai emportée dans mon lit, et puis je l'ai baisée comme si... C'est peut-ÃÂȘtre mal fait de baiser une Lettre comme ça, mais je n'ai pas pu m'en empÃÂȘcher. A présent, ma chÚre amie, si je suis bien aise, je suis aussi bien embarrassée; car sûrement il ne faut pas que je réponde à cette Lettre-là . Je sais bien que ça ne se doit pas, et pourtant il me le demande; et, si je ne réponds pas, je suis sûre qu'il va encore ÃÂȘtre triste. C'est pourtant bien malheureux pour lui! Qu'est-ce que tu me conseilles? mais tu n'en sais pas plus que moi. J'ai bien envie d'en parler à Madame de Merteuil qui m'aime bien. Je voudrais bien le consoler; mais je ne voudrais rien faire qui fût mal. On nous recommande tant d'avoir bon cÅ“ur! et puis on nous défend de suivre ce qu'il inspire, quand c'est pour un homme! Ça n'est pas juste non plus. Est-ce qu'un homme n'est pas notre prochain comme une femme, et plus encore? car enfin n'a-t-on pas son pÚre comme sa mÚre, son frÚre comme sa sÅ“ur? il reste toujours le mari de plus. Cependant si j'allais faire quelque chose qui ne fût pas bien, peut-ÃÂȘtre que M. Danceny lui-mÃÂȘme n'aurait plus bonne idée de moi! Oh! ça, par exemple, j'aime encore mieux qu'il soit triste. Et puis, enfin, je serai toujours à temps. Parce qu'il a écrit hier, je ne suis pas obligée d'écrire aujourd'hui aussi bien je verrai Madame de Merteuil ce soir, et si j'en ai le courage, je lui conterai tout. En ne faisant que ce qu'elle me dira, je n'aurai rien à me reprocher. Et puis peut-ÃÂȘtre me dira-t-elle que je peux lui répondre un peu, pour qu'il ne soit pas si triste! Oh! je suis bien en peine. Adieu, ma bonne amie. Dis-moi toujours ce que tu penses. De ..., ce 19 août 17** LETTRE XVII LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Avant de me livrer, Mademoiselle, dirai-je au plaisir ou au besoin de vous écrire, je commence par vous supplier de m'entendre. Je sens que pour oser vous déclarer mes sentiments, j'ai besoin d'indulgence; si je ne voulais que les justifier, elle me serait inutile. Que vais-je faire aprÚs tout que vous montrer mon ouvrage? Et qu'ai-je à vous dire, que mes regards, mon embarras, ma conduite et mÃÂȘme mon silence ne vous aient dit avant moi? Eh! pourquoi vous fùcheriez-vous d'un sentiment que vous avez fait naÃtre? Emané de vous, sans doute il est digne de vous ÃÂȘtre offert; s'il est brûlant comme mon ùme, il est pur comme la vÎtre. Serait-ce un crime d'avoir su apprécier votre charmante figure, vos talents séducteurs, vos grùces enchanteresses, et cette touchante candeur qui ajoute un prix inestimable à des qualités déjà si précieuses? non, sans doute; mais, sans ÃÂȘtre coupable, on peut ÃÂȘtre malheureux; et c'est le sort qui m'attend, si vous refusez d'agréer mon hommage. C'est le premier que mon cÅ“ur ait offert. Sans vous je serais encore, non pas heureux, mais tranquille. Je vous ai vue; le repos a fui loin de moi, et mon bonheur est incertain. Cependant vous vous étonnez de ma tristesse; vous m'en demandez la cause quelquefois mÃÂȘme j'ai cru voir qu'elle vous affligeait. Ah! dites un mot, et ma félicité sera votre ouvrage. Mais, avant de prononcer, songez qu'un mot peut aussi combler mon malheur. Soyez donc l'arbitre de ma destinée. Par vous je vais ÃÂȘtre éternellement heureux ou malheureux. En quelles mains plus chÚres puis-je remettre un intérÃÂȘt plus grand? Je finirai, comme j'ai commencé, par implorer votre indulgence. Je vous ai demandé de m'entendre; j'oserai plus; je vous prierai de me répondre. Le refuser, serait me laisser croire que vous vous trouvez offensée, et mon cÅ“ur m'est garant que mon respect égale mon amour. P-S. Vous pouvez vous servir, pour me répondre, du mÃÂȘme moyen dont je me sers pour vous faire parvenir cette Lettre; il me paraÃt également sûr et commode. De ..., ce 18 août 17** LETTRE XVIII CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Quoi! Sophie, tu blùmes d'avance ce que je vais faire! J'avais déjà bien assez d'inquiétudes; voilà que tu les augmentes encore. Il est clair, dis-tu, que je ne dois pas répondre. Tu en parles bien à ton aise; et d'ailleurs, tu ne sais pas au juste ce qui en est tu n'es pas là pour voir. Je suis sûre que si tu étais à ma place, tu ferais comme moi. Sûrement, en général, on ne doit pas répondre; et tu as bien vu, par ma Lettre d'hier, que je ne le voulais pas non plus mais c'est que je ne crois pas que personne se soit jamais trouvé dans le cas oÃÂč je suis. Et encore ÃÂȘtre obligée de me décider toute seule! Madame de Merteuil, que je comptais voir hier au soir, n'est pas venue. Tout s'arrange contre moi c'est elle qui est cause que je le connais. C'est presque toujours avec elle que je l'ai vu que je lui ai parlé. Ce n'est pas que je lui en veuille du mal mais elle me laisse là au moment de l'embarras. Oh! je suis bien à plaindre! Figure-toi qu'il est venu hier comme à l'ordinaire. J'étais si troublée que je n'osais le regarder. Il ne pouvait pas me parler, parce que Maman était là . Je me doutais bien qu'il serait fùché, quand il verrait que je ne lui avais pas écrit. Je ne savais quelle contenance faire. Un instant aprÚs il me demanda si je voulais qu'il allùt chercher ma harpe. Le cÅ“ur me battait si fort, que ce fut tout ce que je pus faire que de répondre qu'oui. Quand il revint, c'était bien pis. Je ne le regardai qu'un petit moment. Il ne me regardait pas, lui; mais il avait un air qu'on aurait dit qu'il était malade. Ça me faisait bien de la peine. Il se mit à accorder ma harpe, et aprÚs, en me l'apportant, il me dit " Ah! Mademoiselle! " Il ne me dit que ces deux mots-là ; mais c'était d'un ton que j'en fus toute bouleversée. Je préludais sur ma harpe, sans savoir ce que je faisais. Maman demanda si nous ne chanterions pas. Lui s'excusa, en disant qu'il était un peu malade; et moi, qui n'avais pas d'excuse, il me fallut chanter. J'aurais voulu n'avoir jamais eu de voix. Je choisis exprÚs un air que je ne savais pas; car j'étais bien sûre que je ne pourrais en chanter aucun, et on se serait aperçu de quelque chose. Heureusement il vint une visite; et, dÚs que j'entendis entrer un carrosse, je cessai, et le priai de reporter ma harpe. J'avais bien peur qu'il ne s'en allùt en mÃÂȘme temps; mais il revint. Pendant que Maman et cette Dame qui était venue causaient ensemble, je voulus le regarder encore un petit moment. Je rencontrai ses yeux, et il me fut impossible de détourner les miens. Un moment aprÚs je vis ses larmes couler, et il fut obligé de se retourner pour n'ÃÂȘtre pas vu. Pour le coup, je ne pus y tenir; je sentis que j'allais pleurer aussi. Je sortis, et tout de suite j'écrivis avec un crayon, sur un chiffon de papier " Ne soyez donc pas si triste, je vous en prie; je promets de vous répondre. " Sûrement, tu ne peux pas dire qu'il y ait du mal à cela; et puis c'était plus fort que moi. Je mis mon papier aux cordes de ma harpe, comme sa Lettre était, et je revins dans le salon. Je me sentais plus tranquille. Il me tardait bien que cette Dame s'en fût. Heureusement, elle était en visite; elle s'en alla bientÎt aprÚs. AussitÎt qu'elle fut sortie, je dis que je voulais reprendre ma harpe, et je le priai de l'aller chercher. Je vis bien, à son air, qu'il ne se doutait de rien. Mais au retour, oh! comme il était content! En posant ma harpe vis-à -vis de moi, il se plaça de façon que Maman ne pouvait voir, et il prit ma main qu'il serra, mais d'une façon! ce ne fut qu'un moment mais je ne saurais te dire le plaisir que ça m'a fait. Je la retirai pourtant; ainsi je n'ai rien à me reprocher. A présent, ma bonne amie, tu vois bien que je ne peux pas me dispenser de lui écrire, puisque je le lui ai promis; et puis, je n'irai pas lui refaire du chagrin; car j'en souffre plus que lui. Si c'était pour quelque chose de mal, sûrement je ne le ferais pas. Mais quel mal peut-il y avoir à écrire, surtout quand c'est pour empÃÂȘcher quelqu'un d'ÃÂȘtre malheureux? Ce qui m'embarrasse, c'est que je ne saurai pas bien faire ma Lettre mais il sentira bien que ce n'est pas ma faute; et puis je suis sûre que rien que de ce qu'elle sera de moi, elle lui fera toujours plaisir. Adieu, ma chÚre amie. Si tu trouves que j'ai tort, dis-le-moi; mais je ne crois pas. A mesure que le moment de lui écrire approche, mon cÅ“ur bat que ça ne se conçoit pas. Il le faut pourtant bien, puisque je l'ai promis. Adieu. De ..., ce 20 août 17** LETTRE XIX CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Vous étiez si triste, hier, Monsieur, et cela me faisait tant de peine, que je me suis laissée aller à vous promettre de répondre à la Lettre que vous m'avez écrite. Je n'en sens pas moins aujourd'hui que je ne le dois pas pourtant, comme je l'ai promis, je ne veux pas manquer à ma parole, et cela doit bien vous prouver l'amitié que j'ai pour vous. A présent que vous le savez, j'espÚre que vous ne me demanderez pas de vous écrire davantage. J'espÚre aussi que vous ne direz à personne que je vous ai écrit; parce que sûrement on m'en blùmerait, et que cela pourrait me causer bien du chagrin. J'espÚre surtout que vous-mÃÂȘme n'en prendrez pas mauvaise idée de moi, ce qui me ferait plus de peine que tout. Je peux bien vous assurer que je n'aurais pas eu cette complaisance-là pour tout autre que vous. Je voudrais bien que vous eussiez celle de ne plus ÃÂȘtre triste comme vous étiez; ce qui m'Îte tout le plaisir que j'ai à vous voir. Vous voyez, Monsieur, que je vous parle bien sincÚrement. Je ne demande pas mieux que notre amitié dure toujours; mais, je vous en prie, ne m'écrivez plus. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, Cécile Volanges De ..., ce 20 août 17** LETTRE XX LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Ah! fripon, vous me cajolez, de peur que je ne me moque de vous! Allons, je vous fais grùce vous m'écrivez tant de folies, qu'il faut bien que je vous pardonne la sagesse oÃÂč vous tient votre Présidente. Je ne crois pas que mon Chevalier eût autant d'indulgence que moi; il serait homme à ne pas approuver notre renouvellement de bail, et à ne rien trouver de plaisant dans votre folle idée. J'en ai pourtant bien ri, et j'étais vraiment fùchée d'ÃÂȘtre obligée d'en rire toute seule. Si vous eussiez été là , je ne sais oÃÂč m'aurait menée cette gaieté mais j'ai eu le temps de la réflexion et je me suis armée de sévérité. Ce n'est pas que je refuse pour toujours; mais je diffÚre, et j'ai raison. J'y mettrais peut-ÃÂȘtre de la vanité, et, une fois piquée au jeu, on ne sait plus oÃÂč l'on s'arrÃÂȘte. Je serais femme à vous enchaÃner de nouveau, à vous faire oublier votre Présidente; et si j'allais, moi indigne, vous dégoûter de la vertu, voyez quel scandale! Pour éviter ce danger, voici mes conditions. AussitÎt que vous aurez eu votre belle Dévote, que vous pourrez m'en fournir une preuve, venez, et je suis à vous. Mais vous n'ignorez pas que dans les affaires importantes, on ne reçoit de preuves que par écrit. Par cet arrangement, d'une part, je deviendrai une récompense au lieu d'ÃÂȘtre une consolation; et cette idée me plaÃt davantage de l'autre votre succÚs en sera plus piquant, en devenant lui-mÃÂȘme un moyen d'infidélité. Venez donc, venez au plus tÎt m'apporter le gage de votre triomphe semblable à nos preux Chevaliers qui venaient déposer aux pieds de leur Dame les fruits brillants de leur victoire. Sérieusement, je suis curieuse de savoir ce que peut écrire une Prude aprÚs un tel moment, et quel voile elle met sur ses discours, aprÚs n'en avoir plus laissé sur sa personne. C'est à vous de voir si je me mets à un prix trop haut; mais je vous préviens qu'il n'y a rien à rabattre. Jusque-là , mon cher Vicomte, vous trouverez bon que je reste fidÚle à mon Chevalier, et que je m'amuse à le rendre heureux, malgré le petit chagrin que cela vous cause. Cependant si j'avais moins de mÅ“urs, je crois qu'il aurait, dans ce moment, un rival dangereux; c'est la petite Volanges. Je raffole de cet enfant c'est une vraie passion. Ou je me trompe, ou elle deviendra une de nos femmes les plus à la mode. Je vois son petit cÅ“ur se développer, et c'est un spectacle ravissant. Elle aime déjà son Danceny avec fureur; mais elle n'en sait encore rien. Lui- mÃÂȘme, quoique trÚs amoureux, a encore la timidité de son ùge, et n'ose pas trop le lui apprendre. Tous deux sont en adoration vis-à -vis de moi. La petite surtout a grande envie de me dire son secret; particuliÚrement depuis quelques jours je l'en vois vraiment oppressée et je lui aurais rendu un grand service de l'aider un peu mais je n'oublie pas que c'est un enfant, et je ne veux pas me compromettre. Danceny m'a parlé un peu plus clairement; mais, pour lui, mon parti est pris, je ne veux pas l'entendre. Quant à la petite, je suis souvent tentée d'en faire mon élÚve; c'est un service que j'ai envie de rendre à Gercourt. Il me laisse du temps, puisque le voilà en Corse jusqu'au mois d'Octobre. J'ai dans l'idée que j'emploierai ce temps-là , et que nous lui donnerons une femme toute formée, au lieu de son innocente Pensionnaire. Quelle est donc en effet l'insolente sécurité de cet homme, qui ose dormir tranquille, tandis qu'une femme, qui a à se plaindre de lui, ne s'est pas encore vengée? Tenez, si la petite était ici dans ce moment, je ne sais ce que je ne lui dirais pas. Adieu, Vicomte; bonsoir et bon succÚs mais, pour Dieu, avancez donc. Songez que si vous n'avez pas cette femme, les autres rougiront de vous avoir eu. De ..., ce 20 août 17** LETTRE XXI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Enfin, ma belle amie, j'ai fait un pas en avant, mais un grand pas; et qui, s'il ne m'a pas conduit jusqu'au but, m'a fait connaÃtre au moins que je suis dans la route, et a dissipé la crainte oÃÂč j'étais de m'ÃÂȘtre égaré. J'ai enfin déclaré mon amour; et quoiqu'on ait gardé le silence le plus obstiné, j'ai obtenu la réponse peut-ÃÂȘtre la moins équivoque et la plus flatteuse mais n'anticipons pas sur les événements, et reprenons plus haut. Vous vous souvenez qu'on faisait épier mes démarches. Eh bien! j'ai voulu que ce moyen scandaleux tournùt à l'édification publique, et voici ce que j'ai fait. J'ai chargé mon confident de me trouver, dans les environs, quelque malheureux qui eût besoin de secours. Cette commission n'était pas difficile à remplir. Hier aprÚs-midi, il me rendit compte qu'on devait saisir aujourd'hui, dans la matinée, les meubles d'une famille entiÚre qui ne pouvait payer la taille. Je m'assurai qu'il n'y eût dans cette maison aucune fille ou femme dont l'ùge ou la figure pussent rendre mon action suspecte; et, quand je fus bien informé, je déclarai à souper mon projet d'aller à la chasse le lendemain. Ici je dois rendre justice à ma Présidente sans doute elle eut quelques remords des ordres qu'elle avait donnés; et, n'ayant pas la force de vaincre sa curiosité, elle eut au moins celle de contrarier mon désir. Il devait faire une chaleur excessive; je risquais de me rendre malade; je ne tuerais rien et me fatiguerais en vain; et, pendant ce dialogue, ses yeux, qui parlaient peut-ÃÂȘtre mieux qu'elle ne voulait, me faisaient assez connaÃtre qu'elle désirait que je prisse pour bonnes ces mauvaises raisons. Je n'avais garde de m'y rendre, comme vous pouvez croire, et je résistai de mÃÂȘme à une petite diatribe contre la chasse et les Chasseurs, et à un petit nuage d'humeur qui obscurcit, toute la soirée, cette figure céleste. Je craignis un moment que ses ordres ne fussent révoqués, et que sa délicatesse ne me nuisÃt. Je ne calculais pas la curiosité d'une femme; aussi me trompais- je. Mon Chasseur me rassura dÚs le soir mÃÂȘme, et je me couchai satisfait. Au point du jour je me lÚve et je pars. A peine à cinquante pas du Chùteau, j'aperçois mon espion qui me suit. J'entre en chasse, et marche à travers champs vers le Village oÃÂč je voulais me rendre; sans autre plaisir, dans ma route, que de faire courir le drÎle qui me suivait, et qui, n'osant pas quitter les chemins, parcourait souvent, à toute course, un espace triple du mien. A force de l'exercer, j'ai eu moi-mÃÂȘme une extrÃÂȘme chaleur, et je me suis assis au pied d'un arbre. N'a-t-il pas eu l'insolence de se couler derriÚre un buisson qui n'était pas à vingt pas de moi, et de s'y asseoir aussi? J'ai été tenté un moment de lui envoyer mon coup de fusil, qui, quoique de petit plomb seulement, lui aurait donné une leçon suffisante sur les dangers de la curiosité heureusement pour lui, je me suis ressouvenu qu'il était utile et mÃÂȘme nécessaire à mes projets; cette réflexion l'a sauvé. Cependant j'arrive au Village; je vois de la rumeur; je m'avance j'interroge; on me raconte le fait. Je fais venir le Collecteur; et, cédant à ma généreuse compassion, je paie noblement cinquante-six livres, pour lesquelles on réduisait cinq personnes à la paille et au désespoir. AprÚs cette action si simple, vous n'imaginez pas quel chÅ“ur de bénédictions retentit autour de moi de la part des assistants! Quelles larmes de reconnaissance coulaient des yeux du vieux chef de cette famille, et embellissaient cette figure de Patriarche, qu'un moment auparavant l'empreinte farouche du désespoir rendait vraiment hideuse! J'examinais ce spectacle, lorsqu'un autre paysan, plus jeune, conduisant par la main une femme et deux enfants, et s'avançant vers moi à pas précipités, leur dit " Tombons tous aux pieds de cette image de Dieu " , et dans le mÃÂȘme instant, j'ai été entouré de cette famille, prosternée à mes genoux. J'avouerai ma faiblesse; mes yeux se sont mouillés de larmes, et j'ai senti en moi un mouvement involontaire, mais délicieux. J'ai été étonné du plaisir qu'on éprouve en faisant le bien; et je serais tenté de croire que ce que nous appelons les gens vertueux n'ont pas tant de mérite qu'on se plaÃt à nous le dire. Quoi qu'il en soit, j'ai trouvé juste de payer à ces pauvres gens le plaisir qu'ils venaient de me faire. J'avais pris dix louis sur moi; je les leur ai donnés. Ici ont recommencé les remerciements, mais ils n'avaient plus ce mÃÂȘme degré de pathétique le nécessaire avait produit le grand, le véritable effet; le reste n'était qu'une simple expression de reconnaissance et d'étonnement pour des dons superflus. Cependant, au milieu des bénédictions bavardes de cette famille, je ne ressemblais pas mal au Héros d'un Drame, dans la scÚne du dénouement. Vous remarquerez que dans cette foule était surtout le fidÚle espion. Mon but était rempli je me dégageai d'eux tous, et regagnai le Chùteau. Tout calculé, je me félicite de mon invention. Cette femme vaut bien sans doute que je me donne tant de soins; ils seront un jour mes titres auprÚs d'elle; et l'ayant, en quelque sorte, ainsi payée d'avance, j'aurai le droit d'en disposer à ma fantaisie, sans avoir de reproche à me faire. J'oubliais de vous dire que pour mettre tout à profit, j'ai demandé à ces bonnes gens de prier Dieu pour le succÚs de mes projets. Vous allez voir si déjà leurs priÚres n'ont pas été en partie exaucées... Mais on m'avertit que le souper est servi, et il serait trop tard pour que cette Lettre partÃt si je ne la fermais qu'en me retirant. Ainsi, le reste à l'ordinaire prochain . J'en suis fùché, car le reste est le meilleur. Adieu, ma belle amie. Vous me volez un moment du plaisir de la voir. De ..., ce 20 août 17** LETTRE XXII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES Vous serez sans doute bien aise, Madame, de connaÃtre un trait de M. de Valmont, qui contraste beaucoup, ce me semble, avec tous ceux sous lesquels on vous l'a représenté. Il est si pénible de penser désavantageusement de qui que ce soit, si fùcheux de ne trouver que des vices chez ceux qui auraient toutes les qualités nécessaires pour faire aimer la vertu! Enfin vous aimez tant à user d'indulgence, que c'est vous obliger que de vous donner des motifs de revenir sur un jugement trop rigoureux. M. de Valmont me paraÃt fondé à espérer cette faveur, je dirais presque cette justice; et voici sur quoi je le pense. Il a fait ce matin une de ces courses qui pouvaient faire supposer quelque projet de sa part dans les environs, comme l'idée vous en était venue; idée que je m'accuse d'avoir saisie peut-ÃÂȘtre avec trop de vivacité. Heureusement pour lui, et surtout heureusement pour nous, puisque cela nous sauve d'ÃÂȘtre injustes, un de mes gens devait aller du mÃÂȘme cÎté que lui [Madame de Tourvel n'ose donc pas dire que c'était par son ordre?]; et c'est par là que ma curiosité répréhensible, mais heureuse, a été satisfaite. Il nous a rapporté que M. de Valmont, ayant trouvé au Village de ... une malheureuse famille dont on vendait les meubles, faute d'avoir pu payer les impositions, non seulement s'était empressé d'acquitter la dette de ces pauvres gens, mais mÃÂȘme leur avait donné une somme d'argent assez considérable. Mon Domestique a été témoin de cette vertueuse action; et il m'a rapporté de plus que les paysans, causant entre eux et avec lui, avaient dit qu'un Domestique, qu'ils ont désigné, et que le mien croit ÃÂȘtre celui de M. de Valmont, avait pris hier des informations sur ceux des habitants du Village qui pouvaient avoir besoin de secours. Si cela est ainsi, ce n'est mÃÂȘme plus seulement une compassion passagÚre, et que l'occasion détermine c'est le projet formé de faire du bien; c'est la sollicitude de la bienfaisance; c'est la plus belle vertu des plus belles ùmes; mais, soit hasard ou projet, c'est toujours une action honnÃÂȘte et louable, et dont le seul récit m'a attendrie jusqu'aux larmes. J'ajouterai de plus, et toujours par justice, que quand je lui ai parlé de cette action, de laquelle il ne disait mot, il a commencé par s'en défendre, et a eu l'air d'y mettre si peu de valeur lorsqu'il en est convenu, que sa modestie en doublait le mérite. A présent, dites-moi, ma respectable amie, si M. de Valmont est en effet un libertin sans retour? S'il n'est que cela et se conduit ainsi, que restera-t-il aux gens honnÃÂȘtes? Quoi! les méchants partageraient-ils avec les bons le plaisir sacré de la bienfaisance? Dieu permettrait-il qu'une famille vertueuse reçût, de la main d'un scélérat, des secours dont elle rendrait grùce à sa divine Providence? et pourrait-il se plaire à entendre des bouches pures répandre leurs bénédictions sur un réprouvé? Non. J'aime mieux croire que des erreurs, pour ÃÂȘtre longues, ne sont pas éternelles; et je ne puis penser que celui qui fait du bien soit l'ennemi de la vertu. M. de Valmont n'est peut-ÃÂȘtre qu'un exemple de plus du danger des liaisons. Je m'arrÃÂȘte à cette idée qui me plaÃt. Si, d'une part, elle peut servir à le justifier dans votre esprit, de l'autre, elle me rend de plus en plus précieuse l'amitié tendre qui m'unit à vous pour la vie. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. Madame de Rosemonde et moi nous allons, dans l'instant, voir aussi l'honnÃÂȘte et malheureuse famille, et joindre nos secours tardifs à ceux de M. de Valmont. Nous le mÚnerons avec nous. Nous donnerons au moins à ces bonnes gens le plaisir de revoir leur bienfaiteur; c'est, je crois, tout ce qu'il nous a laissé à faire. De ..., ce 20 août 17** LETTRE XXIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Nous en sommes restés à mon retour au Chùteau je reprends mon récit. Je n'eus que le temps de faire une courte toilette, et je me rendis au salon, oÃÂč ma Belle faisait de la tapisserie, tandis que le Curé du lieu lisait la Gazette à ma vieille tante. J'allai m'asseoir auprÚs du métier. Des regards, plus doux encore que de coutume, et presque caressants, me firent bientÎt deviner que le Domestique avait déjà rendu compte de sa mission. En effet, mon aimable Curieuse ne put garder plus longtemps le secret qu'elle m'avait dérobé; et, sans crainte d'interrompre un vénérable Pasteur dont le débit ressemblait pourtant à celui d'un prÎne " J'ai bien aussi ma nouvelle à débiter " , dit-elle; et tout de suite elle raconta mon aventure avec une exactitude qui faisait honneur à l'intelligence de son Historien. Vous jugez comme je déployai toute ma modestie mais qui pourrait arrÃÂȘter une femme qui fait, sans s'en douter, l'éloge de ce qu'elle aime? Je pris donc le parti de la laisser aller. On eût dit qu'elle prÃÂȘchait le panégyrique d'un Saint. Pendant ce temps, j'observais, non sans espoir, tout ce que promettaient à l'Amour son regard animé, son geste devenu plus libre, et surtout ce son de voix qui, par son altération déjà sensible, trahissait l'émotion de son ùme. A peine elle finissait de parler " Venez, mon neveu, me dit Madame de Rosemonde; venez, que je vous embrasse. " Je sentis aussitÎt que la jolie PrÃÂȘcheuse ne pourrait se défendre d'ÃÂȘtre embrassée à son tour. Cependant elle voulut fuir; mais elle fut bientÎt dans mes bras; et, loin d'avoir la force de résister, à peine lui restait-il celle de se soutenir. Plus j'observe cette femme, et plus elle me paraÃt désirable. Elle s'empressa de retourner à son métier, et eut l'air, pour tout le monde, de recommencer sa tapisserie; mais moi, je m'aperçus bien que sa main tremblante ne lui permettait pas de continuer son ouvrage. AprÚs le dÃner, les Dames voulurent aller voir les infortunés que j'avais si pieusement secourus; je les accompagnai. Je vous sauve l'ennui de cette seconde scÚne de reconnaissance et d'éloges. Mon cÅ“ur, pressé d'un souvenir délicieux, hùte le moment du retour au Chùteau. Pendant la route, ma belle Présidente, plus rÃÂȘveuse qu'à l'ordinaire, ne disait pas un mot. Tout occupé de trouver les moyens de profiter de l'effet qu'avait produit l'événement du jour, je gardais le mÃÂȘme silence. Madame de Rosemonde seule parlait et n'obtenait de nous que des réponses courtes et rares. Nous dûmes l'ennuyer; j'en avais le projet, et il réussit. Aussi, en descendant de voiture, elle passa dans son appartement, et nous laissa tÃÂȘte à tÃÂȘte ma Belle et moi, dans un salon mal éclairé; obscurité douce, qui enhardit l'Amour timide. Je n'eus pas la peine de diriger la conversation oÃÂč je voulais la conduire. La ferveur de l'aimable PrÃÂȘcheuse me servit mieux que n'aurait pu faire mon adresse, " Quand on est si digne de faire le bien, me dit-elle, en arrÃÂȘtant sur moi son doux regard comment passe-t-on sa vie à mal faire? - Je ne mérite, lui répondis-je, ni cet éloge, ni cette censure; et je ne conçois pas qu'avec autant d'esprit que vous en avez, vous ne m'ayez pas encore deviné. Dût ma confiance me nuire auprÚs de vous, vous en ÃÂȘtes trop digne, pour qu'il me soit possible de vous la refuser. Vous trouverez la clef de ma conduite dans un caractÚre malheureusement trop facile. Entouré de gens sans mÅ“urs, j'ai imité leurs vices; j'ai peut-ÃÂȘtre mis de l'Amour propre à les surpasser. Séduit de mÃÂȘme ici par l'exemple des vertus, sans espérer de vous atteindre, j'ai au moins essayé de vous suivre. Eh! peut-ÃÂȘtre l'action dont vous me louez aujourd'hui perdrait- elle tout son prix à vos yeux, si vous en connaissiez le véritable motif! Vous voyez, ma belle amie, combien j'étais prÚs de la vérité. Ce n'est pas à moi, continuai-je, que ces malheureux ont dû mes secours. OÃÂč vous croyez voir une action louable, je ne cherchais qu'un moyen de plaire. Je n'étais, puisqu'il faut le dire, que le faible agent de la Divinité que j'adore. Ici elle voulut m'interrompre; mais je ne lui en donnai pas le temps. Dans ce moment mÃÂȘme, ajoutai-je, mon secret ne m'échappe que par faiblesse. Je m'étais promis de vous le taire; je me faisais un bonheur de rendre à vos vertus comme à vos appas un hommage pur que vous ignoreriez toujours; mais, incapable de tromper, quand j'ai sous les yeux l'exemple de la candeur, je n'aurai point à me reprocher avec vous une dissimulation coupable. Ne croyez pas que je vous outrage par une criminelle espérance. Je serai malheureux, je le sais; mais mes souffrances me seront chÚres; elles me prouveront l'excÚs de mon amour; c'est à vos pieds, c'est dans votre sein que je déposerai mes peines. J'y puiserai des forces pour souffrir de nouveau; j'y trouverai la bonté compatissante, et je me croirai consolé, parce que vous m'aurez plaint. Ô vous que j'adore! écoutez-moi, plaignez-moi, secourez-moi! " Cependant j'étais à ses genoux, et je serrais ses mains dans les miennes mais elle, les dégageant tout à coup, et les croisant sur ses yeux avec l'expression du désespoir " Ah! malheureuse! " s'écria-t-elle; puis elle fondit en larmes. Par bonheur je m'étais livré à tel point, que je pleurais aussi; et, reprenant ses mains, je les baignais de pleurs. Cette précaution était bien nécessaire; car elle était si occupée de sa douleur, qu'elle ne se serait pas aperçue de la mienne, si je n'avais pas trouvé ce moyen de l'en avertir. J'y gagnai de plus de considérer à loisir cette charmante figure, embellie encore par l'attrait puissant des larmes. Ma tÃÂȘte s'échauffait, et j'étais si peu maÃtre de moi, que je fus tenté de profiter de ce moment. Quelle est donc notre faiblesse? quel est l'empire des circonstances, si moi- mÃÂȘme, oubliant mes projets, j'ai risqué de perdre, par un triomphe prématuré, le charme des longs combats et les détails d'une pénible défaite; si, séduit par un désir de jeune homme, j'ai pensé exposer le vainqueur de Madame de Tourvel à ne recueillir, pour fruit de ses travaux, que l'insipide avantage d'avoir eu une femme de plus! Ah! qu'elle se rende, mais qu'elle combatte; que, sans avoir la force de vaincre, elle ait celle de résister; qu'elle savoure à loisir le sentiment de sa faiblesse, et soit contrainte d'avouer sa défaite. Laissons le Braconnier obscur tuer à l'affût le cerf qu'il a surpris; le vrai Chasseur doit le forcer. Ce projet est sublime, n'est-ce pas? mais peut-ÃÂȘtre serai-je à présent au regret de ne l'avoir pas suivi, si le hasard ne fût venu au secours de ma prudence. Nous entendÃmes du bruit. On venait au salon. Madame de Tourvel, effrayée, se leva précipitamment, se saisit d'un des flambeaux, et sortit. Il fallut bien la laisser faire. Ce n'était qu'un Domestique. AussitÎt que j'en fus assuré, je la suivis. A peine eus-je fait quelques pas, que, soit qu'elle me reconnût, soit un sentiment vague d'effroi, je l'entendis précipiter sa marche, et se jeter plutÎt qu'entrer dans son appartement dont elle ferma la porte sur elle. J'y allai; mais la clef était en dedans. Je me gardai bien de frapper; c'eût été lui fournir l'occasion d'une résistance trop facile. J'eus l'heureuse et simple idée de tenter de voir à travers la serrure, et je vis en effet cette femme adorable à genoux, baignée de larmes, et priant avec ferveur. Quel Dieu osait-elle invoquer? en est-il d'assez puissant contre l'Amour? En vain cherche-t-elle à présent des secours étrangers c'est moi qui réglerai son sort. Croyant en avoir assez fait pour un jour, je me retirai aussi dans mon appartement et me mis à vous écrire. J'espérais la revoir au souper; mais elle fit dire qu'elle s'était trouvée indisposée et s'était mise au lit. Madame de Rosemonde voulut monter chez elle, mais la malicieuse malade prétexta un mal de tÃÂȘte qui ne lui permettait de voir personne. Vous jugez qu'aprÚs le souper la veillée fut courte, et que j'eus aussi mon mal de tÃÂȘte. Retiré chez moi, j'écrivis une longue Lettre pour me plaindre de cette rigueur, et je me couchai, avec le projet de la remettre ce matin. J'ai mal dormi, comme vous pouvez voir par la date de cette Lettre. Je me suis levé, et j'ai relu mon EpÃtre. Je me suis aperçu que je ne m'y étais pas assez observé, que j'y montrais plus d'ardeur que d'amour, et plus d'humeur que de tristesse. Il faudra la refaire; mais il faudrait ÃÂȘtre plus calme. J'aperçois le point du jour, et j'espÚre que la fraÃcheur qui l'accompagne m'amÚnera le sommeil. Je vais me remettre au lit; et, quel que soit l'empire de cette femme, je vous promets de ne pas m'occuper tellement d'elle, qu'il ne me reste le temps de songer beaucoup à vous. Adieu, ma belle amie. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc., De ..., ce 21 août 17**, 4 heures du matin. LETTRE XXIV LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Ah! par pitié, Madame, daignez calmer le trouble de mon ùme; daignez m'apprendre ce que je dois espérer ou craindre. Placé entre l'excÚs du bonheur et celui de l'infortune, l'incertitude est un tourment cruel. Pourquoi vous ai-je parlé? que n'ai-je pu résister au charme impérieux qui vous livrait mes pensées? Content de vous adorer en silence, je jouissais au moins de mon amour; et ce sentiment pur, que ne troublait point alors l'image de votre douleur, suffisait à ma félicité mais cette source de bonheur en est devenue une de désespoir, depuis que j'ai vu couler vos larmes; depuis que j'ai entendu ce cruel Ah! malheureuse! Madame, ces deux mots retentiront longtemps dans mon cÅ“ur. Par quelle fatalité, le plus doux des sentiments ne peut-il vous inspirer que l'effroi? quelle est donc cette crainte? Ah! ce n'est pas celle de le partager votre cÅ“ur, que j'ai mal connu, n'est pas fait pour l'Amour; le mien, que vous calomniez sans cesse, est le seul qui soit sensible; le vÎtre est mÃÂȘme sans pitié. S'il n'en était pas ainsi, vous n'auriez pas refusé un mot de consolation au malheureux qui vous racontait ses souffrances; vous ne vous seriez pas soustraite à ses regards, quand il n'a d'autre plaisir que celui de vous voir; vous ne vous seriez pas fait un jeu cruel de son inquiétude, en lui faisant annoncer que vous étiez malade sans lui permettre d'aller s'informer de votre état; vous auriez senti que cette mÃÂȘme nuit, qui n'était pour vous que douze heures de repos, allait ÃÂȘtre pour lui un siÚcle de douleurs. Par oÃÂč, dites-moi, ai-je mérité cette rigueur désolante? Je ne crains pas de vous prendre pour juge qu'ai-je donc fait? que céder à un sentiment involontaire, inspiré par la beauté et justifié par la vertu; toujours contenu par le respect, et dont l'innocent aveu fut l'effet de la confiance et non de l'espoir la trahirez-vous cette confiance que vous-mÃÂȘme avez semblé me permettre, et à laquelle je me suis livré sans réserve? Non, je ne puis le croire; ce serait vous supposer un tort, et mon cÅ“ur se révolte à la seule idée de vous en trouver un je désavoue mes reproches; j'ai pu les écrire, mais non pas les penser. Ah! laissez-moi vous croire parfaite, c'est le seul plaisir qui me reste. Prouvez-moi que vous l'ÃÂȘtes en m'accordant vos soins généreux. Quel malheureux avez- vous secouru, qui en eût autant de besoin que moi? ne m'abandonnez pas dans le délire oÃÂč vous m'avez plongé prÃÂȘtez-moi votre raison, puisque vous avez ravi la mienne; aprÚs m'avoir corrigé, éclairez-moi pour finir votre ouvrage. Je ne veux pas vous tromper, vous ne parviendrez point à vaincre mon amour; mais vous m'apprendrez à le régler en guidant mes démarches, en dictant mes discours, vous me sauverez au moins du malheur affreux de vous déplaire. Dissipez surtout cette crainte désespérante; dites-moi que vous me pardonnez, que vous me plaignez; assurez-moi de votre indulgence. Vous n'aurez jamais toute celle que je vous désirerais; mais je réclame celle dont j'ai besoin me la refuserez-vous? Adieu, Madame, recevez avec bonté l'hommage de mes sentiments; il ne nuit point à celui de mon respect. De ..., ce 20 août 17** LETTRE XXV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Voici le bulletin d'hier. A onze heures j'entrai chez Madame de Rosemonde et, sous ses auspices, je fus introduit chez la feinte malade, qui était encore couchée. Elle avait les yeux trÚs battus; j'espÚre qu'elle avait aussi mal dormi que moi. Je saisis un moment, oÃÂč Madame de Rosemonde s'était éloignée, pour remettre ma Lettre on refusa de la prendre; mais je la laissai sur le lit, et allai bien honnÃÂȘtement approcher le fauteuil de ma vieille tante, qui voulait ÃÂȘtre auprÚs de son cher enfant il fallut bien serrer la Lettre pour éviter le scandale. La malade dit maladroitement qu'elle croyait avoir un peu de fiÚvre. Madame de Rosemonde m'engagea à lui tùter le pouls, en vantant beaucoup mes connaissances en médecine. Ma Belle eut donc le double chagrin d'ÃÂȘtre obligée de me livrer son bras, et de sentir que son petit mensonge allait ÃÂȘtre découvert. En effet, je pris sa main que je serrai dans une des miennes, pendant que de l'autre, je parcourais son bras frais et potelé; la malicieuse personne ne répondit à rien, ce qui me fit dire en me retirant " Il n'y a pas mÃÂȘme la plus légÚre émotion. " Je me doutai que ses regards devaient ÃÂȘtre sévÚres, et, pour la punir, je ne les cherchai pas un moment aprÚs, elle dit qu'elle voulait se lever, et nous la laissùmes seule. Elle parut au dÃner qui fut triste; elle annonça qu'elle n'irait pas se promener, ce qui était me dire que je n'aurais pas l'occasion de lui parler. Je sentis bien qu'il fallait placer là un soupir et un regard douloureux sans doute elle s'y attendait, car ce fut le seul moment de la journée oÃÂč je parvins à rencontrer ses yeux. Toute sage qu'elle est, elle a ses petites ruses comme une autre. Je trouvai le moment de lui demander si elle avait eu la bonté de m'instruire de mon sort , et je fus un peu étonné de l'entendre me répondre Oui, Monsieur, je vous ai écrit . J'étais fort empressé d'avoir cette Lettre; mais soit ruse encore, ou maladresse, ou timidité, elle ne me la remit que le soir, au moment de se retirer chez elle. Je vous l'envoie ainsi que le brouillon de la mienne; lisez et jugez voyez avec quelle insigne fausseté elle affirme qu'elle n'a point d'amour, quand je suis sûr du contraire; et puis elle se plaindra si je la trompe aprÚs, quand elle ne craint pas de me tromper avant! Ma belle amie, l'homme le plus adroit ne peut encore que se tenir au niveau de la femme la plus vraie. Il faudra pourtant feindre de croire à tout ce radotage, et se fatiguer de désespoir, parce qu'il plaÃt à Madame de jouer la rigueur! Le moyen de ne pas se venger de ces noirceurs-là ... ah! patience... mais adieu. J'ai encore beaucoup à écrire. A propos, vous me renverrez la Lettre de l'inhumaine; il se pourrait faire que par la suite elle voulût qu'on mÃt du prix à ces misÚres-là , et il faut ÃÂȘtre en rÚgle. Je ne vous parle pas de la petite Volanges; nous en causerons au premier jour. Du Chùteau, ce 22 août 17** LETTRE XXVI LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Sûrement, Monsieur, vous n'auriez eu aucune Lettre de moi, si ma sotte conduite d'hier au soir ne me forçait d'entrer aujourd'hui en explication avec vous. Oui, j'ai pleuré, je l'avoue peut-ÃÂȘtre aussi les deux mots que vous me citez avec tant de soin me sont-ils échappés; larmes et paroles, vous avez tout remarqué; il faut donc vous expliquer tout. Accoutumée à n'inspirer que des sentiments honnÃÂȘtes, à n'entendre que des discours que je puis écouter sans rougir, à jouir par conséquent d'une sécurité que j'ose dire que je mérite; je ne sais ni dissimuler ni combattre les impressions que j'éprouve. L'étonnement et l'embarras oÃÂč m'a jetée votre procédé; je ne sais quelle crainte, inspirée par une situation qui n'eût jamais dû ÃÂȘtre faite pour moi, peut-ÃÂȘtre l'idée révoltante de me voir confondue avec les femmes que vous méprisez, et traitée aussi légÚrement qu'elles; toutes ces causes réunies ont provoqué mes larmes, et ont pu me faire dire, avec raison je crois, que j'étais malheureuse. Cette expression, que vous trouvez si forte, serait sûrement beaucoup trop faible encore, si mes pleurs et mes discours avaient eu un autre motif; si au lieu de désapprouver des sentiments qui doivent m'offenser, j'avais pu craindre de les partager. Non, Monsieur, je n'ai pas cette crainte; si je l'avais, je fuirais à cent lieues de vous; j'irais pleurer dans un désert le malheur de vous avoir connu. Peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme, malgré la certitude oÃÂč je suis de ne point vous aimer jamais, peut-ÃÂȘtre aurais-je mieux fait de suivre les conseils de mes amis; de ne pas vous laisser approcher de moi. J'ai cru, et c'est là mon seul tort, j'ai cru que vous respecteriez une femme honnÃÂȘte, qui ne demandait pas mieux que de vous trouver tel et de vous rendre justice; qui déjà vous défendait, tandis que vous l'outragiez par vos vÅ“ux criminels. Vous ne me connaissez pas; non, Monsieur, vous ne me connaissez pas. Sans cela, vous n'auriez pas cru vous faire un droit de vos torts parce que vous m'avez tenu des discours que je ne devais pas entendre, vous ne vous seriez pas cru autorisé à m'écrire une Lettre que je ne devais pas lire, et vous me demandez de guider vos démarches, de dicter vos discours ! Hé bien, Monsieur, le silence et l'oubli, voilà les conseils qu'il me convient de vous donner, comme à vous de les suivre; alors, vous aurez, en effet, des droits à mon indulgence il ne tiendrait qu'à vous d'en obtenir mÃÂȘme à ma reconnaissance... Mais non, je ne ferai point une demande à celui qui ne m'a point respectée; je ne donnerai point une marque de confiance à celui qui a abusé de ma sécurité. Vous me forcez à vous craindre, peut-ÃÂȘtre à vous haïr je ne le voulais pas; je ne voulais voir en vous que le neveu de ma plus respectable amie; j'opposais la voix de l'amitié à la voix publique qui vous accusait. Vous avez tout détruit; et, je le prévois, vous ne voudrez rien réparer. Je m'en tiens, Monsieur, à vous déclarer que vos sentiments m'offensent, que leur aveu m'outrage, et surtout que, loin d'en venir un jour à les partager, vous me forceriez à ne vous revoir jamais, si vous ne vous imposiez sur cet objet un silence qu'il me semble avoir droit d'attendre, et mÃÂȘme d'exiger de vous. Je joins à cette Lettre celle que vous m'avez écrite, et j'espÚre que vous voudrez bien de mÃÂȘme me remettre celle-ci; je serais vraiment peinée qu'il restùt aucune trace d'un événement qui n'eût jamais dû exister. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. De ..., ce 21 août 17** LETTRE XXVII CECILE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Mon Dieu, que vous ÃÂȘtes bonne, Madame! comme vous avez bien senti qu'il me serait plus facile de vous écrire que de vous parler! Aussi, c'est que ce que j'ai à vous dire est bien difficile; mais vous ÃÂȘtes mon amie, n'est-il pas vrai? Oh! oui, ma bien bonne amie! Je vais tùcher de n'avoir pas peur; et puis, j'ai tant besoin de vous, de vos conseils! J'ai bien du chagrin, il me semble que tout le monde devine ce que je pense; et surtout quand il est là , je rougis dÚs qu'on me regarde. Hier, quand vous m'avez vue pleurer, c'est que je voulais vous parler, et puis, je ne sais quoi m'en empÃÂȘchait; et quand vous m'avez demandé ce que j'avais, mes larmes sont venues malgré moi. Je n'aurais pas pu dire une parole. Sans vous, Maman allait s'en apercevoir, et qu'est-ce que je serais devenue? Voilà pourtant comme je passe ma vie, surtout depuis quatre jours! C'est ce jour-là , Madame, oui je vais vous le dire, c'est ce jour-là que M. le Chevalier Danceny m'a écrit oh! je vous assure que quand j'ai trouvé sa Lettre, je ne savais pas du tout ce que c'était; mais, pour ne pas mentir, je ne peux pas dire que je n'aie eu bien du plaisir en la lisant; voyez- vous, j'aimerais mieux avoir du chagrin toute ma vie, que s'il ne me l'eût pas écrite. Mais je savais bien que je ne devais pas le lui dire, et je peux bien vous assurer mÃÂȘme que je lui ai dit que j'en étais fùchée; mais il dit que c'était plus fort que lui, et je le crois bien; car j'avais résolu de ne lui pas répondre, et pourtant je n'ai pas pu m'en empÃÂȘcher. Oh! je ne lui ai écrit qu'une fois, et mÃÂȘme c'était, en partie, pour lui dire de ne plus m'écrire mais malgré cela il m'écrit toujours; et comme je ne lui réponds pas, je vois bien qu'il est triste, et ça m'afflige encore davantage si bien que je ne sais plus que faire, ni que devenir, et que je suis bien à plaindre. Dites-moi, je vous en prie, Madame, est-ce que ce serait bien mal de lui répondre de temps en temps? seulement jusqu'à ce qu'il ait pu prendre sur lui de ne plus m'écrire lui-mÃÂȘme, et de rester comme nous étions avant car, pour moi, si cela continue, je ne sais pas ce que je deviendrai. Tenez, en lisant sa derniÚre Lettre, j'ai pleuré que ça ne finissait pas; et je suis bien sûre que si je ne lui réponds pas encore, ça nous fera bien de la peine. Je vais vous envoyer sa Lettre aussi, ou bien une copie, et vous jugerez; vous verrez bien que ce n'est rien de mal qu'il demande. Cependant si vous trouvez que ça ne se doit pas, je vous promets de m'en empÃÂȘcher; mais je crois que vous penserez comme moi, que ce n'est pas là du mal. Pendant que j'y suis, Madame, permettez-moi de vous faire encore une question on m'a bien dit que c'était mal d'aimer quelqu'un; mais pourquoi cela? Ce qui me fait vous le demander, c'est que M. le Chevalier Danceny prétend que ce n'est pas mal du tout, et que presque tout le monde aime; si cela était, je ne vois pas pourquoi je serais la seule à m'en empÃÂȘcher; ou bien est-ce que ce n'est un mal que pour les demoiselles? car j'ai entendu Maman elle-mÃÂȘme dire que Madame D... aimait M. M... et elle n'en parlait pas comme d'une chose qui serait si mal; et pourtant je suis sûre qu'elle se fùcherait contre moi, si elle se doutait seulement de mon amitié pour M. Danceny. Elle me traite toujours comme un enfant, Maman; et elle ne me dit rien du tout. Je croyais, quand elle m'a fait sortir du Couvent, que c'était pour me marier; mais à présent il me semble que non ce n'est pas que je m'en soucie, je vous assure; mais vous, qui ÃÂȘtes si amie avec elle, vous savez peut-ÃÂȘtre ce qui en est, et si vous le savez, j'espÚre que vous me le direz. Voilà une bien longue Lettre, Madame, mais puisque vous m'avez permis de vous écrire, j'en ai profité pour vous dire tout, et je compte sur votre amitié. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. Paris, ce 23 août 17** LETTRE XXVIII LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Eh! quoi, Mademoiselle, vous refusez toujours de me répondre! rien ne peut vous fléchir; et chaque jour emporte avec lui l'espoir qu'il avait amené! Quelle est donc cette amitié que vous consentez qui subsiste entre nous, si elle n'est pas mÃÂȘme assez puissante pour vous rendre sensible à ma peine; si elle vous laisse froide et tranquille, tandis que j'éprouve les tourments d'un feu que je ne puis éteindre; si, loin de vous inspirer de la confiance, elle ne suffit pas mÃÂȘme à faire naÃtre votre pitié? Quoi! votre ami souffre et vous ne faites rien pour le secourir! Il ne vous demande qu'un mot, et vous le lui refusez! et vous voulez qu'il se contente d'un sentiment si faible, dont vous craignez encore de lui réitérer les assurances! Vous ne voudriez pas ÃÂȘtre ingrate, disiez-vous hier ah! croyez-moi, Mademoiselle, vouloir payer de l'Amour avec de l'amitié, ce n'est pas craindre l'ingratitude, c'est redouter seulement d'en avoir l'air. Cependant je n'ose plus vous entretenir d'un sentiment qui ne peut que vous ÃÂȘtre à charge, s'il ne vous intéresse pas; il faut au moins le renfermer en moi-mÃÂȘme, en attendant que j'apprenne à le vaincre. Je sens combien ce travail sera pénible; je ne me dissimule pas que j'aurai besoin de toutes mes forces; je tenterai tous les moyens il en est un qui coûtera le plus à mon cÅ“ur, ce sera celui de me répéter souvent que le vÎtre est insensible. J'essaierai mÃÂȘme de vous voir moins, et déjà je m'occupe d'en trouver un prétexte plausible. Quoi! je perdrais la douce habitude de vous voir chaque jour! Ah! du moins je ne cesserai jamais de la regretter. Un malheur éternel sera le prix de l'Amour le plus tendre; et vous l'aurez voulu, et ce sera votre ouvrage! Jamais, je le sens, je ne retrouverai le bonheur que je perds aujourd'hui; vous seule étiez faite pour mon cÅ“ur; avec quel plaisir je ferais le serment de ne vivre que pour vous. Mais vous ne voulez pas le recevoir; votre silence m'apprend assez que votre cÅ“ur ne vous dit rien pour moi; il est à la fois la preuve la plus sûre de votre indifférence, et la maniÚre la plus cruelle de me l'annoncer. Adieu, Mademoiselle. Je n'ose plus me flatter d'une réponse; l'Amour l'eût écrite avec empressement, l'amitié avec plaisir, la pitié mÃÂȘme avec complaisance mais la pitié, l'amitié et l'Amour sont également étrangers à votre cÅ“ur. Paris, ce 23 août 17** LETTRE XXIX CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je te le disais bien, Sophie, qu'il y avait des cas oÃÂč on pouvait écrire; et je t'assure que je me reproche bien d'avoir suivi ton avis, qui nous a tant fait de peine, au Chevalier Danceny et à moi. La preuve que j'avais raison, c'est que Madame de Merteuil, qui est une femme qui sûrement le sait bien, a fini par penser comme moi. Je lui ai tout avoué. Elle m'a bien dit d'abord comme toi mais quand je lui ai eu tout expliqué, elle est convenue que c'était bien différent; elle exige seulement que je lui fasse voir toutes mes Lettres et toutes celles du Chevalier Danceny, afin d'ÃÂȘtre sûre que je ne dirai que ce qu'il faudra; ainsi, à présent, me voilà tranquille. Mon Dieu, que je l'aime Madame de Merteuil! elle est si bonne! et c'est une femme bien respectable. Ainsi il n'y a rien à dire. Comme je m'en vais écrire à M. Danceny, et comme il va ÃÂȘtre content! il le sera encore plus qu'il ne croit; car jusqu'ici je ne lui parlais que de mon amitié, et lui voulait toujours que je dise mon amour. Je crois que c'était bien la mÃÂȘme chose; mais enfin je n'osais pas, et il tenait à cela. Je l'ai dit à Madame de Merteuil; elle m'a dit que j'avais eu raison, et qu'il ne fallait convenir d'avoir de l'Amour, que quand on ne pouvait plus s'en empÃÂȘcher or je suis bien sûre que je ne pourrai pas m'en empÃÂȘcher plus longtemps; aprÚs tout c'est la mÃÂȘme chose, et cela lui plaira davantage. Madame de Merteuil m'a dit aussi qu'elle me prÃÂȘterait des Livres qui parlaient de tout cela, et qui m'apprendraient bien à me conduire, et aussi à mieux écrire que je ne fais car, vois-tu, elle me dit tous mes défauts, ce qui est une preuve qu'elle m'aime bien; elle m'a recommandé seulement de ne rien dire à Maman de ces Livres-là parce que ça aurait l'air de trouver qu'elle a trop négligé mon éducation, et ça pourrait la fùcher. Oh! je ne lui en dirai rien. C'est pourtant bien extraordinaire qu'une femme qui ne m'est presque pas parente prenne plus de soin de moi que ma mÚre! c'est bien heureux pour moi de l'avoir connue! Elle a demandé aussi à Maman de me mener aprÚs-demain à l'Opéra, dans sa loge; elle m'a dit que nous y serions toutes seules, et nous causerons tout le temps, sans craindre qu'on nous entende j'aime bien mieux cela que l'Opéra. Nous causerons aussi de mon mariage car elle m'a dit que c'était bien vrai que j'allais me marier; mais nous n'avons pas pu en dire davantage. Par exemple, n'est-ce pas encore bien étonnant que Maman ne m'en dise rien du tout? Adieu, ma Sophie, je m'en vas écrire au Chevalier Danceny. Oh! je suis bien contente. De ..., ce 24 août 17** LETTRE XXX CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Enfin, Monsieur, je consens à vous écrire, à vous assurer de mon amitié, de mon amour , puisque, sans cela, vous seriez malheureux. Vous dites que je n'ai pas bon cÅ“ur; je vous assure bien que vous vous trompez, et j'espÚre qu'à présent vous n'en doutez plus. Si vous avez du chagrin de ce que je ne vous écrivais pas, croyez-vous que ça ne me faisait pas de la peine aussi? Mais c'est que, pour toute chose au monde, je ne voudrais pas faire quelque chose qui fût mal; et mÃÂȘme je ne serais sûrement pas convenue de mon amour, si j'avais pu m'en empÃÂȘcher mais votre tristesse me faisait trop de peine. J'espÚre qu'à présent vous n'en aurez plus, et que nous allons ÃÂȘtre bien heureux. Je compte avoir le plaisir de vous voir ce soir, et que vous viendrez de bonne heure; ce ne sera jamais aussi tÎt que je le désire. Maman soupe chez elle, et je crois qu'elle vous proposera d'y rester j'espÚre que vous ne serez pas engagé comme avant-hier. C'était donc bien agréable, le souper oÃÂč vous alliez? car vous y avez été de bien bonne heure. Mais enfin ne parlons pas de ça à présent que vous savez que je vous aime, j'espÚre que vous resterez avec moi le plus que vous pourrez; car je ne suis contente que lorsque je suis avec vous, et je voudrais bien que vous fussiez tout de mÃÂȘme. Je suis bien fùchée que vous ÃÂȘtes encore triste à présent, mais ce n'est pas ma faute. Je demanderai à jouer de la harpe aussitÎt que vous serez arrivé, afin que vous ayez ma lettre tout de suite. Je ne peux mieux faire... Adieu, Monsieur. Je vous aime bien, de tout mon cÅ“ur; plus je vous le dis, plus je suis contente; j'espÚre que vous le serez aussi. De ..., ce 24 août 17** LETTRE XXXI LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Oui, sans doute, nous serons heureux. Mon bonheur est bien sûr, puisque je suis aimé de vous; le vÎtre ne finira jamais, s'il doit durer autant que l'Amour que vous m'avez inspiré. Quoi! vous m'aimez, vous ne craignez plus de m'assurer de votre amour! Plus vous me le dites, et plus vous ÃÂȘtes contente! AprÚs avoir lu ce charmant je vous aime , écrit de votre main, j'ai entendu votre belle bouche m'en répéter l'aveu. J'ai vu se fixer sur moi ces yeux charmants qu'embellissait encore l'expression de la tendresse. J'ai reçu vos serments de vivre toujours pour moi. Ah! recevez le mien de consacrer ma vie entiÚre à votre bonheur; recevez-le, et soyez sûre que je ne le trahirai pas. Quelle heureuse journée nous avons passée hier! Ah! pourquoi Madame de Merteuil n'a-t-elle pas tous les jours des secrets à dire à votre Maman? pourquoi faut-il que l'idée de la contrainte qui nous attend vienne se mÃÂȘler au souvenir délicieux qui m'occupe? pourquoi ne puis-je sans cesse tenir cette jolie main qui m'a écrit je vous aime! la couvrir de baisers, et me venger ainsi du refus que vous m'avez fait d'une faveur plus grande! Dites-moi, ma Cécile, quand votre Maman a été rentrée; quand nous avons été forcés, par sa présence, de n'avoir plus l'un pour l'autre que des regards indifférents; quand vous ne pouviez plus me consoler, par l'assurance de votre amour, du refus que vous faisiez de m'en donner des preuves, n'avez-vous donc senti aucun regret? ne vous ÃÂȘtes-vous pas dit Un baiser l'eût rendu plus heureux, et c'est moi qui lui ai ravi ce bonheur? Promettez-moi, mon aimable amie, qu'à la premiÚre occasion vous serez moins sévÚre. A l'aide de cette promesse, je trouverai du courage pour supporter les contrariétés que les circonstances nous préparent; et les privations cruelles seront au moins adoucies par la certitude que vous en partagez le secret. Adieu, ma charmante Cécile voici l'heure oÃÂč je dois me rendre chez vous. Il me serait impossible de vous quitter, si ce n'était pour aller vous revoir. Adieu, vous que j'aime tant! vous, que j'aimerai toujours davantage! De ..., ce 25 août 17** LETTRE XXXII MADAME DE VOLANGES A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Vous voulez donc, Madame, que je croie à la vertu de M. de Valmont? J'avoue que je ne puis m'y résoudre, et que j'aurais autant de peine à le juger honnÃÂȘte, d'aprÚs le seul fait que vous me racontez, qu'à croire vicieux un homme de bien reconnu, dont j'apprendrais une faute. L'humanité n'est parfaite dans aucun genre, pas plus dans le mal que dans le bien. Le scélérat a ses vertus, comme l'honnÃÂȘte homme a ses faiblesses. Cette vérité me paraÃt d'autant plus nécessaire à croire, que c'est d'elle que dérive la nécessité de l'indulgence pour les méchants comme pour les bons; et qu'elle préserve ceux-ci de l'orgueil, et sauve les autres du découragement. Vous trouverez sans doute que je pratique bien mal dans ce moment cette indulgence que je prÃÂȘche; mais je ne vois plus en elle qu'une faiblesse dangereuse, quand elle nous mÚne à traiter de mÃÂȘme le vicieux et l'homme de bien. Je ne me permettrai point de scruter les motifs de l'action de M. de Valmont; je veux croire qu'ils sont louables comme elle mais en a-t-il moins passé sa vie à porter dans les familles le trouble, le déshonneur et le scandale? Ecoutez, si vous voulez, la voix du malheureux qu'il a secouru; mais qu'elle ne vous empÃÂȘche pas d'entendre les cris de cent victimes qu'il a immolées. Quand il ne serait, comme vous le dites, qu'un exemple du danger des liaisons, en serait-il moins lui-mÃÂȘme une liaison dangereuse? Vous le supposez susceptible d'un retour heureux? allons plus loin; supposons ce miracle arrivé. Ne resterait-il pas contre lui l'opinion publique, et ne suffit-elle pas pour régler votre conduite? Dieu seul peut absoudre au moment du repentir; il lit dans les cÅ“urs mais les hommes ne peuvent juger les pensées que par les actions; et nul d'entre eux, aprÚs avoir perdu l'estime des autres, n'a droit de se plaindre de la méfiance nécessaire, qui rend cette perte si difficile à réparer. Songez surtout, ma jeune amie, que quelquefois il suffit, pour perdre cette estime, d'avoir l'air d'y attacher trop peu de prix; et ne taxez pas cette sévérité d'injustice car, outre qu'on est fondé à croire qu'on ne renonce pas à ce bien précieux quand on a droit d'y prétendre, celui-là est en effet plus prÚs de mal faire, qui n'est plus contenu par ce frein puissant. Tel serait cependant l'aspect sous lequel vous montrerait une liaison intime avec M. de Valmont, quelque innocente qu'elle pût ÃÂȘtre. Effrayée de la chaleur avec laquelle vous le défendez, je me hùte de prévenir les objections que je prévois. Vous me citerez Madame de Merteuil, à qui on a pardonné cette liaison; vous me demanderez pourquoi je le reçois chez moi; vous me direz que loin d'ÃÂȘtre rejeté par les gens honnÃÂȘtes, il est admis, recherché mÃÂȘme dans ce qu'on appelle la bonne compagnie. Je peux, je crois, répondre à tout. D'abord Madame de Merteuil, en effet trÚs estimable, n'a peut-ÃÂȘtre d'autre défaut que trop de confiance en ses forces; c'est un guide adroit qui se plaÃt à conduire un char entre les rochers et les précipices, et que le succÚs seul justifie il est juste de la louer, il serait imprudent de la suivre; elle-mÃÂȘme en convient et s'en accuse. A mesure qu'elle a vu davantage, ses principes sont devenus plus sévÚres; et je ne crains pas de vous assurer qu'elle penserait comme moi. Quant à ce qui me regarde, je ne me justifierai pas plus que les autres. Sans doute, je reçois M. de Valmont, et il est reçu partout; c'est une inconséquence de plus à ajouter à mille autres qui gouvernent la société. Vous savez, comme moi, qu'on passe sa vie à les remarquer, à s'en plaindre et à s'y livrer. M. de Valmont, avec un beau nom, une grande fortune, beaucoup de qualités aimables, a reconnu de bonne heure que pour avoir l'empire dans la société, il suffisait de manier, avec une égale adresse, la louange et le ridicule. Nul ne possÚde comme lui ce double talent il séduit avec l'un, et se fait craindre avec l'autre. On ne l'estime pas; mais on le flatte. Telle est son existence au milieu d'un monde qui, plus prudent que courageux, aime mieux le ménager que le combattre. Mais ni Madame de Merteuil elle-mÃÂȘme, ni aucune autre femme, n'oserait sans doute aller s'enfermer à la campagne, presque en tÃÂȘte-à -tÃÂȘte avec un tel homme. Il était réservé à la plus sage, à la plus modeste d'entre elles, de donner l'exemple de cette inconséquence; pardonnez-moi ce mot, il échappe à l'amitié. Ma belle amie, votre honnÃÂȘteté mÃÂȘme vous trahit, par la sécurité qu'elle vous inspire. Songez donc que vous aurez pour juges, d'une part, des gens frivoles, qui ne croiront pas à une vertu dont ils ne trouvent pas le modÚle chez eux; et de l'autre, des méchants qui feindront de n'y pas croire, pour vous punir de l'avoir eue. Considérez que vous faites, dans ce moment, ce que quelques hommes n'oseraient pas risquer. En effet, parmi les jeunes gens, dont M. de Valmont ne s'est que trop rendu l'oracle, je vois les plus sages craindre de paraÃtre liés trop intimement avec lui; et vous, vous ne le craignez pas! Ah! revenez, revenez, je vous en conjure... Si mes raisons ne suffisent pas pour vous persuader, cédez à mon amitié; c'est elle qui me fait renouveler mes instances, c'est à elle à les justifier. Vous la trouvez sévÚre, et je désire qu'elle soit inutile; mais j'aime mieux que vous ayez à vous plaindre de sa sollicitude que de sa négligence. De ..., ce 24 août 17** LETTRE XXXIII LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT DÚs que vous craignez de réussir, mon cher Vicomte, dÚs que votre projet est de fournir des armes contre vous, et que vous désirez moins de vaincre que de combattre, je n'ai plus rien à dire. Votre conduite est un chef-d'Å“uvre de prudence. Elle en serait un de sottise dans la supposition contraire; et pour vous parler vrai, je crains que vous ne vous fassiez illusion. Ce que je vous reproche n'est pas de n'avoir point profité du moment. D'une part, je ne vois pas clairement qu'il fût venu de l'autre, je sais assez, quoi qu'on en dise, qu'une occasion manquée se retrouve, tandis qu'on ne revient jamais d'une démarche précipitée. Mais la véritable école est de vous ÃÂȘtre laissé aller à écrire. Je vous défie à présent de prévoir oÃÂč ceci peut vous mener. Par hasard, espérez-vous prouver à cette femme qu'elle doit se rendre? Il me semble que ce ne peut ÃÂȘtre là qu'une vérité de sentiment, et non de démonstration; et que pour la faire recevoir, il s'agit d'attendrir et non de raisonner; mais à quoi vous servirait d'attendrir par Lettres, puisque vous ne seriez pas là pour en profiter? Quand vos belles phrases produiraient l'ivresse de l'Amour, vous flattez-vous qu'elle soit assez longue pour que la réflexion n'ait pas le temps d'en empÃÂȘcher l'aveu? Songez donc à celui qu'il faut pour écrire une Lettre, à celui qui se passe avant qu'on la remette; et voyez si surtout une femme à principes comme votre Dévote peut vouloir si longtemps ce qu'elle tùche de ne vouloir jamais. Cette marche peut réussir avec les enfants, qui, quand ils écrivent " je vous aime " , ne savent pas qu'ils disent " je me rends " . Mais la vertu raisonneuse de Madame de Tourvel me paraÃt fort bien connaÃtre la valeur des termes. Aussi, malgré l'avantage que vous aviez pris sur elle dans votre conversation, elle vous bat dans sa Lettre. Et puis, savez-vous ce qui arrive? par cela seul qu'on dispute, on ne veut pas céder. A force de chercher de bonnes raisons, on en trouve; on les dit; et aprÚs on y tient, non pas tant parce qu'elles sont bonnes que pour ne pas se démentir. De plus, une remarque que je m'étonne que vous n'ayez pas faite, c'est qu'il n'y a rien de si difficile en amour que d'écrire ce qu'on ne sent pas. Je dis écrire d'une façon vraisemblable ce n'est pas qu'on ne se serve des mÃÂȘmes mots; mais on ne les arrange pas de mÃÂȘme, ou plutÎt on les arrange, et cela suffit. Relisez votre Lettre il y rÚgne un ordre qui vous décÚle à chaque phrase. Je veux croire que votre Présidente est assez peu formée pour ne s'en pas apercevoir mais qu'importe? l'effet n'en est pas moins manqué. C'est le défaut des Romans; l'Auteur se bat les flancs pour s'échauffer, et le Lecteur reste froid. Héloïse est le seul qu'on en puisse excepter; et malgré le talent de l'Auteur, cette observation m'a toujours fait croire que le fond en était vrai. Il n'en est pas de mÃÂȘme en parlant. L'habitude de travailler son organe y donne de la sensibilité; la facilité des larmes y ajoute encore l'expression du désir se confond dans les yeux avec celle de la tendresse; enfin le discours moins suivi amÚne plus aisément cet air de trouble et de désordre, qui est la véritable éloquence de l'Amour; et surtout la présence de l'objet aimé empÃÂȘche la réflexion et nous fait désirer d'ÃÂȘtre vaincues. Croyez-moi, Vicomte on vous demande de ne plus écrire profitez-en pour réparer votre faute et attendez l'occasion de parler. Savez-vous que cette femme a plus de force que je ne croyais? Sa défense est bonne; et sans la longueur de sa Lettre, et le prétexte qu'elle vous donne pour rentrer en matiÚre dans sa phrase de reconnaissance, elle ne se serait pas du tout trahie. Ce qui me paraÃt encore devoir vous rassurer sur le succÚs, c'est qu'elle use trop de forces à la fois; je prévois qu'elle les épuisera pour la défense du mot, et qu'il ne lui en restera plus pour celle de la chose. Je vous renvoie vos deux Lettres, et si vous ÃÂȘtes prudent, ce seront les derniÚres jusqu'aprÚs l'heureux moment. S'il était moins tard, je vous parlerais de la petite Volanges qui avance assez vite et dont je suis fort contente. Je crois que j'aurai fini avant vous, et vous devez en ÃÂȘtre bien heureux. Adieu pour aujourd'hui. De ..., ce 24 août 17** LETTRE XXXIV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Vous parlez à merveille, ma belle amie mais pourquoi vous tant fatiguer à prouver ce que personne n'ignore? Pour aller vite en amour, il vaut mieux parler qu'écrire; voilà , je crois, toute votre Lettre. Eh mais! ce sont les plus simples éléments de l'art de séduire. Je remarquerai seulement que vous ne faites qu'une exception à ce principe, et qu'il y en a deux. Aux enfants qui suivent cette marche par timidité et se livrent par ignorance, il faut joindre les femmes Beaux-Esprits, qui s'y laissent engager par amour-propre, et que la vanité conduit dans le piÚge. Par exemple, je suis bien sûr que la Comtesse de B... qui répondit sans difficulté à ma premiÚre Lettre, n'avait pas alors plus d'amour pour moi que moi pour elle; et qu'elle ne vit que l'occasion de traiter un sujet qui devait lui faire honneur. Quoi qu'il en soit, un Avocat vous dirait que le principe ne s'applique pas à la question. En effet, vous supposez que j'ai le choix entre écrire et parler, ce qui n'est pas. Depuis l'affaire du 19, mon inhumaine, qui se tient sur la défensive, a mis à éviter les rencontres une adresse qui a déconcerté la mienne. C'est au point que si cela continue, elle me forcera à m'occuper sérieusement des moyens de reprendre cet avantage; car assurément je ne veux ÃÂȘtre vaincu par elle en aucun genre. Mes Lettres mÃÂȘmes sont le sujet d'une petite guerre non contente de n'y pas répondre, elle refuse de les recevoir. Il faut pour chacune une ruse nouvelle, et qui ne réussit pas toujours. Vous vous rappelez par quel moyen simple j'avais remis la premiÚre; la seconde n'offrit pas plus de difficulté. Elle m'avait demandé de lui rendre sa Lettre je lui donnai la mienne en place, sans qu'elle eût le moindre soupçon. Mais soit dépit d'avoir été attrapée, soit caprice, ou enfin soit vertu, car elle me forcera d'y croire, elle refusa obstinément la troisiÚme. J'espÚre pourtant que l'embarras oÃÂč a pensé la mettre la suite de ce refus, la corrigera pour l'avenir. Je ne fus pas trÚs étonné qu'elle ne voulût pas recevoir cette Lettre que je lui offrais tout simplement; c'eût été déjà accorder quelque chose, et je m'attends à une plus longue défense. AprÚs cette tentative, qui n'était qu'un essai fait en passant, je mis une enveloppe à ma Lettre; et prenant le moment de la toilette, oÃÂč Madame de Rosemonde et la Femme de chambre étaient présentes, je la lui envoyai par mon Chasseur, avec ordre de lui dire que c'était le papier qu'elle m'avait demandé. J'avais bien deviné qu'elle craindrait l'explication scandaleuse que nécessiterait un refus en effet elle prit la Lettre; et mon Ambassadeur, qui avait ordre d'observer sa figure, et qui ne voit pas mal, n'aperçut qu'une légÚre rougeur et plus d'embarras que de colÚre. Je me félicitais donc, bien sûr, ou qu'elle garderait cette Lettre, ou que si elle voulait me la rendre, il faudrait qu'elle se trouvùt seule avec moi; ce qui me donnerait une occasion de lui parler. Environ une heure aprÚs, un de ses gens entre dans ma chambre et me remet, de la part de sa MaÃtresse, un paquet d'une autre forme que le mien, et sur l'enveloppe duquel je reconnais l'écriture tant désirée. J'ouvre avec précipitation... C'était ma Lettre elle-mÃÂȘme, non décachetée et pliée seulement en deux. Je soupçonne que la crainte que je ne fusse moins scrupuleux qu'elle sur le scandale lui a fait employer cette ruse diabolique. Vous me connaissez; je n'ai pas besoin de vous peindre ma fureur. Il fallut pourtant reprendre son sang-froid, et chercher de nouveaux moyens. Voici le seul que je trouvai. On va d'ici, tous les matins, chercher les Lettres à la Poste, qui est à environ trois quarts de lieue on se sert, pour cet objet, d'une boÃte couverte à peu prÚs comme un tronc, dont le MaÃtre de la Poste a une clef et Madame de Rosemonde l'autre. Chacun y met ses Lettres dans la journée, quand bon lui semble; on les porte le soir à la Poste, et le matin on va chercher celles qui sont arrivées. Tous les gens, étrangers ou autres, font ce service également. Ce n'était pas le tour de mon domestique; mais il se chargea d'y aller, sous le prétexte qu'il avait affaire de ce cÎté. Cependant j'écrivis ma Lettre. Je déguisai mon écriture pour l'adresse, et je contrefis assez bien, sur l'enveloppe, le timbre de Dijon . Je choisis cette Ville, parce que je trouvai plus gai, puisque je demandais les mÃÂȘmes droits que le mari, d'écrire aussi du mÃÂȘme lieu, et aussi parce que ma Belle avait parlé toute la journée du désir qu'elle avait de recevoir des Lettres de Dijon. Il me parut juste de lui procurer ce plaisir. Ces précautions une fois prises, il était facile de faire joindre cette Lettre aux autres. Je gagnais encore à cet expédient d'ÃÂȘtre témoin de la réception car l'usage est ici de se rassembler pour déjeuner et d'attendre l'arrivée des Lettres avant de se séparer. Enfin elles arrivÚrent. Madame de Rosemonde ouvrit la boÃte. " De Dijon " , dit-elle, en donnant la Lettre à Madame de Tourvel. " Ce n'est pas l'écriture de mon mari " , reprit celle-ci d'une voix inquiÚte, en rompant le cachet avec vivacité le premier coup d'oeil l'instruisit; et il se fit une telle révolution sur sa figure que Madame de Rosemonde s'en aperçut, et lui dit " Qu'avez-vous? " Je m'approchai aussi, en disant " Cette Lettre est donc bien terrible? " La timide Dévote n'osait lever les yeux, ne disait mot, et, pour sauver son embarras, feignait de parcourir l'EpÃtre, qu'elle n'était guÚre en état de lire. Je jouissais de son trouble, et n'étais pas fùché de la pousser un peu " Votre air plus tranquille, ajoutai-je, fait espérer que cette Lettre vous a causé plus d'étonnement que de douleur. " La colÚre alors l'inspira mieux que n'eût pu faire la prudence. " Elle contient, répondit-elle, des choses qui m'offensent, et que je suis étonnée qu'on ait osé m'écrire. " - " Et qui donc? " interrompit Madame de Rosemonde. " Elle n'est pas signée " , répondit la belle courroucée " mais la Lettre et son Auteur m'inspirent un égal mépris. On m'obligera de ne m'en plus parler. " En disant ces mots, elle déchira l'audacieuse missive, en mit les morceaux dans sa poche, se leva, et sortit. Malgré cette colÚre, elle n'en a pas moins eu ma Lettre; et je m'en remets bien à sa curiosité, du soin de l'avoir lue en entier. Le détail de la journée me mÚnerait trop loin. Je joins à ce récit le brouillon de mes deux Lettres vous serez aussi instruite que moi. Si vous voulez ÃÂȘtre au courant de ma correspondance, il faut vous accoutumer à déchiffrer mes minutes car pour rien au monde, je ne dévorerais l'ennui de les recopier. Adieu, ma belle amie. De ..., ce 25 août 17** LETTRE XXXV LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Il faut vous obéir, Madame, il faut vous prouver qu'au milieu des torts que vous vous plaisez à me croire, il me reste au moins assez de délicatesse pour ne pas me permettre un reproche, et assez de courage pour m'imposer les plus douloureux sacrifices. Vous m'ordonnez le silence et l'oubli! eh bien! je forcerai mon amour à se taire; et j'oublierai, s'il est possible, la façon cruelle dont vous l'avez accueilli. Sans doute le désir de vous plaire n'en donnait pas le droit, et j'avoue encore que le besoin que j'avais de votre indulgence n'était pas un titre pour l'obtenir mais vous regardez mon amour comme un outrage; vous oubliez que si ce pouvait ÃÂȘtre un tort, vous en seriez à la fois, et la cause et l'excuse. Vous oubliez aussi qu'accoutumé à vous ouvrir mon ùme, lors mÃÂȘme que cette confiance pouvait me nuire, il ne m'était plus possible de vous cacher les sentiments dont je suis pénétré; et ce qui fut l'ouvrage de ma bonne foi, vous le regardez comme le fruit de l'audace. Pour prix de l'Amour le plus tendre, le plus respectueux, le plus vrai, vous me rejetez loin de vous. Vous me parlez enfin de votre haine... Quel autre ne se plaindrait pas d'ÃÂȘtre traité ainsi? Moi seul, je me soumets; je souffre tout et ne murmure point; vous frappez et j'adore. L'inconcevable empire que vous avez sur moi vous rend maÃtresse absolue de mes sentiments; et si mon amour seul vous résiste, si vous ne pouvez le détruire, c'est qu'il est votre ouvrage et non le mien. Je ne demande point un retour dont jamais je ne me suis flatté. Je n'attends pas mÃÂȘme cette pitié, que l'intérÃÂȘt que vous m'aviez témoigné quelquefois pouvait me faire espérer. Mais je crois, je l'avoue, pouvoir réclamer votre justice. Vous m'apprenez, Madame, qu'on a cherché à me nuire dans votre esprit. Si vous en eussiez cru les conseils de vos amis, vous ne m'eussiez pas mÃÂȘme laissé approcher de vous ce sont vos termes. Quels sont donc ces amis officieux? Sans doute ces gens si sévÚres, et d'une vertu si rigide, consentent à ÃÂȘtre nommés; sans doute ils ne voudraient pas se couvrir d'une obscurité qui les confondrait avec de vils calomniateurs; et je n'ignorerai ni leur nom, ni leurs reproches. Songez, Madame, que j'ai le droit de savoir l'un et l'autre, puisque vous me jugez d'aprÚs eux. On ne condamne point un coupable sans lui dire son crime, sans lui nommer ses accusateurs. Je ne demande point d'autre grùce, et je m'engage d'avance à me justifier, à les forcer de se dédire. Si j'ai trop méprisé, peut-ÃÂȘtre, les vaines clameurs d'un Public dont je fais peu de cas, il n'en est pas ainsi de votre estime; et quand je consacre ma vie à la mériter, je ne me la laisserai pas ravir impunément. Elle me devient d'autant plus précieuse, que je lui devrai sans doute cette demande que vous craignez de me faire, et qui me donnerait, dites-vous, des droits à votre reconnaissance . Ah! loin d'en exiger, je croirai vous en devoir, si vous me procurez l'occasion de vous ÃÂȘtre agréable. Commencez donc à me rendre plus de justice, en ne me laissant plus ignorer ce que vous désirez de moi. Si je pouvais le deviner, je vous éviterais la peine de le dire. Au plaisir de vous voir, ajoutez le bonheur de vous servir, et je me louerai de votre indulgence. Qui peut donc vous arrÃÂȘter? ce n'est pas, je l'espÚre, la crainte d'un refus? je sens que je ne pourrais vous la pardonner. Ce n'en est pas un que de ne pas vous rendre votre Lettre. Je désire plus que vous, qu'elle ne me soit plus nécessaire mais accoutumé à vous croire une ùme si douce, ce n'est que dans cette Lettre que je puis vous trouver telle que vous voulez paraÃtre. Quand je forme le vÅ“u de vous rendre sensible, j'y vois que plutÎt que d'y consentir, vous fuiriez à cent lieues de moi; quand tout en vous augmente et justifie mon amour, c'est encore elle qui me répÚte que mon amour vous outrage; et lorsqu'en vous voyant, cet amour me semble le bien suprÃÂȘme, j'ai besoin de vous lire, pour sentir que ce n'est qu'un affreux tourment. Vous concevez à présent que mon plus grand bonheur serait de pouvoir vous rendre cette Lettre fatale me la demander encore serait m'autoriser à ne plus croire ce qu'elle contient; vous ne doutez pas, j'espÚre, de mon empressement à vous la remettre. De ..., ce 21 août 17** LETTRE XXXVI LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL TIMBREE DE DIJON. Votre sévérité augmente chaque jour, Madame, et si je l'ose dire, vous semblez craindre moins d'ÃÂȘtre injuste que d'ÃÂȘtre indulgente. AprÚs m'avoir condamné sans m'entendre, vous avez dû sentir, en effet, qu'il vous serait plus facile de ne pas lire mes raisons que d'y répondre. Vous refusez mes Lettres avec obstination; vous me les renvoyez avec mépris. Vous me forcez enfin de recourir à la ruse, dans le moment mÃÂȘme oÃÂč mon unique but est de vous convaincre de ma bonne foi. La nécessité oÃÂč vous m'avez mis de me défendre suffira sans doute pour en excuser les moyens. Convaincu d'ailleurs par la sincérité de mes sentiments que pour les justifier à vos yeux il me suffit de vous les faire bien connaÃtre, j'ai cru pouvoir me permettre ce léger détour. J'ose croire aussi que vous me le pardonnerez; et que vous serez peu surprise que l'Amour soit plus ingénieux à se produire, que l'indifférence à l'écarter. Permettez donc, Madame, que mon cÅ“ur se dévoile entiÚrement à vous. Il vous appartient, il est juste que vous le connaissiez. J'étais bien éloigné, en arrivant chez Madame de Rosemonde, de prévoir le sort qui m'y attendait. J'ignorais que vous y fussiez; et j'ajouterai, avec la sincérité qui me caractérise, que quand je l'aurais su ma sécurité n'en eût point été troublée non que je ne rendisse à votre beauté la justice qu'on ne peut lui refuser; mais accoutumé à n'éprouver que des désirs, à ne me livrer qu'à ceux que l'espoir encourageait, je ne connaissais pas les tourments de l'Amour. Vous fûtes témoin des instances que me fit Madame de Rosemonde pour m'arrÃÂȘter quelque temps. J'avais déjà passé une journée avec vous cependant je ne me rendis, ou au moins je ne crus me rendre qu'au plaisir, si naturel et si légitime, de témoigner des égards à une parente respectable. Le genre de vie qu'on menait ici différait beaucoup sans doute de celui auquel j'étais accoutumé; il ne m'en coûta rien de m'y conformer; et, sans chercher à pénétrer la cause du changement qui s'opérait en moi, je l'attribuais uniquement encore à cette facilité de caractÚre, dont je crois vous avoir déjà parlé. Malheureusement et pourquoi faut-il que ce soit un malheur?, en vous connaissant mieux je reconnus bientÎt que cette figure enchanteresse, qui seule m'avait frappé, était le moindre de vos avantages; votre ùme céleste étonna, séduisit la mienne. J'admirais la beauté, j'adorai la vertu. Sans prétendre à vous obtenir, je m'occupai de vous mériter. En réclamant votre indulgence pour le passé, j'ambitionnai votre suffrage pour l'avenir. Je le cherchais dans vos discours, je l'épiais dans vos regards; dans ces regards d'oÃÂč partait un poison d'autant plus dangereux, qu'il était répandu sans dessein et reçu sans méfiance. Alors je connus l'Amour. Mais que j'étais loin de m'en plaindre! résolu de l'ensevelir dans un éternel silence, je me livrais sans crainte comme sans réserve à ce sentiment délicieux. Chaque jour augmentait son empire. BientÎt le plaisir de vous voir se changea en besoin. Vous absentiez-vous un moment? mon cÅ“ur se serrait de tristesse; au bruit qui m'annonçait votre retour, il palpitait de joie. Je n'existais plus que par vous, et pour vous. Cependant, c'est vous-mÃÂȘme que j'adjure jamais dans la gaieté des folùtres jeux, ou dans l'intérÃÂȘt d'une conversation sérieuse, m'échappa-t-il un mot qui pût trahir le secret de mon cÅ“ur? Enfin un jour arriva oÃÂč devait commencer mon infortune; et par une inconcevable fatalité, une action honnÃÂȘte en devint le signal. Oui, Madame, c'est au milieu des malheureux que j'avais secourus, que, vous livrant à cette sensibilité précieuse qui embellit la beauté mÃÂȘme et ajoute du prix à la vertu, vous achevùtes d'égarer un cÅ“ur que déjà trop d'amour enivrait. Vous vous rappelez, peut-ÃÂȘtre, quelle préoccupation s'empara de moi au retour! Hélas! je cherchais à combattre un penchant que je sentais devenir plus fort que moi. C'est aprÚs avoir épuisé mes forces dans ce combat inégal, qu'un hasard, que je n'avais pu prévoir, me fit trouver seul avec vous. Là , je succombai, je l'avoue. Mon cÅ“ur trop plein ne put retenir ses discours ni ses larmes. Mais est-ce donc un crime? et si c'en est un, n'est-il pas assez puni par les tourments affreux auxquels je suis livré? Dévoré par un amour sans espoir, j'implore votre pitié et ne trouve que votre haine sans autre bonheur que celui de vous voir, mes yeux vous cherchent malgré moi, et je tremble de rencontrer vos regards. Dans l'état cruel oÃÂč vous m'avez réduit, je passe les jours à déguiser mes peines et les nuits à m'y livrer; tandis que vous, tranquille et paisible, vous ne connaissez ces tourments que pour les causer et vous en applaudir. Cependant, c'est vous qui vous plaignez, et c'est moi qui m'excuse. Voilà pourtant, Madame, voilà le récit fidÚle de ce que vous nommez mes torts, et que peut-ÃÂȘtre il serait plus juste d'appeler mes malheurs. Un amour pur et sincÚre, un respect qui ne s'est jamais démenti, une soumission parfaite, tels sont les sentiments que vous m'avez inspirés. Je n'eusse pas craint d'en présenter l'hommage à la Divinité mÃÂȘme. Ô vous, qui ÃÂȘtes son plus bel ouvrage, imitez-la dans son indulgence! Songez à mes peines cruelles; songez surtout, que, placé par vous entre le désespoir et la félicité suprÃÂȘme, le premier mot que vous prononcerez décidera pour jamais de mon sort. De ..., ce 23 août 17** LETTRE XXXVII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES Je me soumets, Madame, aux conseils que votre amitié me donne. Accoutumée à déférer en tout à vos avis, je le suis à croire qu'ils sont toujours fondés en raison. J'avouerai mÃÂȘme que M. de Valmont doit ÃÂȘtre, en effet, infiniment dangereux, s'il peut à la fois feindre d'ÃÂȘtre ce qu'il paraÃt ici, et rester tel que vous le dépeignez. Quoi qu'il en soit, puisque vous l'exigez, je l'éloignerai de moi; au moins j'y ferai mon possible car souvent les choses, qui dans le fond devraient ÃÂȘtre les plus simples, deviennent embarrassantes par la forme. Il me paraÃt toujours impraticable de faire cette demande à sa tante; elle deviendrait également désobligeante, et pour elle, et pour lui. Je ne prendrais pas non plus, sans quelque répugnance, le parti de m'éloigner moi-mÃÂȘme car outre les raisons que je vous ai déjà mandées relatives à M. de Tourvel, si mon départ contrariait M. de Valmont, comme il est possible, n'aurait-il pas la facilité de me suivre à Paris? et son retour, dont je serais, dont au moins je paraÃtrais ÃÂȘtre l'objet, ne semblerait-il pas plus étrange qu'une rencontre à la campagne, chez une personne qu'on sait ÃÂȘtre sa parente et mon amie? Il ne me reste donc d'autre ressource que d'obtenir de lui-mÃÂȘme qu'il veuille bien s'éloigner. Je sens que cette proposition est difficile à faire; cependant, comme il me paraÃt avoir à cÅ“ur de me prouver qu'il a en effet plus d'honnÃÂȘteté qu'on ne lui en suppose, je ne désespÚre pas de réussir. Je ne serai pas mÃÂȘme fùchée de le tenter; et d'avoir une occasion de juger si, comme il le dit souvent, les femmes vraiment honnÃÂȘtes n'ont jamais eu, n'auront jamais à se plaindre de ses procédés. S'il part comme je le désire, ce sera en effet par égard pour moi car je ne peux pas douter qu'il n'ait le projet de passer ici une grande partie de l'automne. S'il refuse ma demande et s'obstine à rester, je serai toujours à temps de partir moi-mÃÂȘme, et je vous le promets. Voilà , je crois, Madame, tout ce que votre amitié exigeait de moi je m'empresse d'y satisfaire, et de vous prouver que malgré la chaleur que j'ai pu mettre à défendre M. de Valmont, je n'en suis pas moins disposée, non seulement à écouter, mais mÃÂȘme à suivre les conseils de mes amis. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. De ..., ce 25 août 17** LETTRE XXXVIII LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Votre énorme paquet m'arrive à l'instant, mon cher Vicomte. Si la date en est exacte, j'aurais dû le recevoir vingt-quatre heures plus tÎt; quoi qu'il en soit, si je prenais le temps de le lire, je n'aurais plus celui d'y répondre. Je préfÚre donc de vous en accuser seulement la réception, et nous causerons d'autre chose. Ce n'est pas que j'aie rien à vous dire pour mon compte; l'automne ne laisse à Paris presque point d'hommes qui aient figure humaine aussi je suis, depuis un mois, d'une sagesse à périr; et tout autre que mon Chevalier serait fatigué des preuves de ma constance. Ne pouvant m'occuper, je me distrais avec la petite Volanges; et c'est d'elle que je veux vous parler. Savez-vous que vous avez perdu plus que vous ne croyez à ne pas vous charger de cet enfant? elle est vraiment délicieuse! cela n'a ni caractÚre ni principes; jugez combien sa société sera douce et facile. Je ne crois pas qu'elle brille jamais par le sentiment; mais tout annonce en elle les sensations les plus vives. Sans esprit et sans finesse, elle a pourtant une certaine fausseté naturelle, si l'on peut parler ainsi, qui quelquefois m'étonne moi-mÃÂȘme, et qui réussira d'autant mieux, que sa figure offre l'image de la candeur et de l'ingénuité. Elle est naturellement trÚs caressante, et je m'en amuse quelquefois sa petite tÃÂȘte se monte avec une facilité incroyable; et elle est alors d'autant plus plaisante, qu'elle ne sait rien, absolument rien, de ce qu'elle désire tant de savoir. Il lui en prend des impatiences tout à fait drÎles; elle rit, elle se dépite, elle pleure, et puis elle me prie de l'instruire, avec une bonne foi réellement séduisante. En vérité, je suis presque jalouse de celui à qui ce plaisir est réservé. Je ne sais si je vous ai mandé que depuis quatre ou cinq jours j'ai l'honneur d'ÃÂȘtre sa confidente. Vous devinez bien que d'abord j'ai fait la sévÚre mais aussitÎt que je me suis aperçue qu'elle croyait m'avoir convaincue par ses mauvaises raisons, j'ai eu l'air de les prendre pour bonnes; et elle est intimement persuadée qu'elle doit ce succÚs à son éloquence; il fallait cette précaution pour ne pas me compromettre. Je lui ai permis d'écrire et de dire j'aime ; et le jour mÃÂȘme, sans qu'elle s'en doutùt, je lui ai ménagé un tÃÂȘte-à - tÃÂȘte avec son Danceny. Mais figurez-vous qu'il est si sot encore, qu'il n'en a seulement pas obtenu un baiser. Ce garçon-là fait pourtant de fort jolis vers! Mon Dieu! que ces gens d'esprit sont bÃÂȘtes! celui-ci l'est au point qu'il m'en embarrasse; car enfin, pour lui, je ne peux pas le conduire! C'est à présent que vous me seriez bien utile. Vous ÃÂȘtes assez lié avec Danceny pour avoir sa confidence, et s'il vous la donnait une fois, nous irions grand train. DépÃÂȘchez donc votre Présidente, car enfin je ne veux pas que Gercourt s'en sauve au reste, j'ai parlé de lui hier à la petite personne, et le lui ai si bien peint, que quand elle serait sa femme depuis dix ans, elle ne le haïrait pas davantage. Je l'ai pourtant beaucoup prÃÂȘchée sur la fidélité conjugale; rien n'égale ma sévérité sur ce point. Par là , d'une part, je rétablis auprÚs d'elle ma réputation de vertu, que trop de condescendance pourrait détruire; de l'autre, j'augmente en elle la haine dont je veux gratifier son mari. Et enfin, j'espÚre qu'en lui faisant accroire qu'il ne lui est permis de se livrer à l'Amour que pendant le peu de temps qu'elle a à rester fille, elle se décidera plus vite à n'en rien perdre. Adieu, Vicomte; je vais me mettre à ma toilette oÃÂč je lirai votre volume. De ..., ce 27 août 17** LETTRE XXXIX CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je suis triste et inquiÚte, ma chÚre Sophie. J'ai pleuré presque toute la nuit. Ce n'est pas que pour le moment je ne sois bien heureuse; mais je prévois que cela ne durera pas. J'ai été hier à l'Opéra avec Madame de Merteuil; nous y avons beaucoup parlé de mon mariage, et je n'en ai rien appris de bon. C'est M. le Comte de Gercourt que je dois épouser, et ce doit ÃÂȘtre au mois d'Octobre. Il est riche, il est homme de qualité, il est Colonel du régiment de... . Jusque-là tout va fort bien. Mais d'abord il est vieux figure-toi qu'il a au moins trente-six ans! et puis, Madame de Merteuil dit qu'il est triste et sévÚre, et qu'elle craint que je ne sois pas heureuse avec lui. J'ai mÃÂȘme bien vu qu'elle en était sûre, et qu'elle ne voulait pas me le dire, pour ne pas m'affliger. Elle ne m'a presque entretenue toute la soirée que des devoirs des femmes envers leurs maris. Elle convient que M. de Gercourt n'est pas aimable du tout, et elle dit pourtant qu'il faudra que je l'aime. Ne m'a-t-elle pas dit aussi qu'une fois mariée, je ne devais plus aimer le Chevalier Danceny? comme si c'était possible! Oh! je t'assure bien que je l'aimerai toujours. Vois-tu, j'aimerais mieux, plutÎt, ne pas me marier. Que ce M. de Gercourt s'arrange, je ne l'ai pas été chercher. Il est en Corse à présent, bien loin d'ici; je voudrais qu'il y restùt dix ans. Si je n'avais pas peur de rentrer au Couvent, je dirais bien à Maman que je ne veux pas de ce mari-là ; mais ce serait encore pis. Je suis bien embarrassée. Je sens que je n'ai jamais tant aimé M. Danceny qu'à présent; et quand je songe qu'il ne me reste plus qu'un mois à ÃÂȘtre comme je suis, les larmes me viennent aux yeux tout de suite; je n'ai de consolation que dans l'amitié de Madame de Merteuil; elle a si bon cÅ“ur! elle partage tous mes chagrins comme moi-mÃÂȘme; et puis elle est si aimable que, quand je suis avec elle, je n'y songe presque plus. D'ailleurs elle m'est bien utile; car le peu que je sais, c'est elle qui me l'a appris et elle est si bonne, que je lui dis tout ce que je pense, sans ÃÂȘtre honteuse du tout. Quand elle trouve que ce n'est pas bien, elle me gronde quelquefois; mais c'est tout doucement, et puis je l'embrasse de tout mon cÅ“ur, jusqu'à ce qu'elle ne soit plus fùchée. Au moins celle-là , je peux bien l'aimer tant que je voudrai, sans qu'il y ait du mal, et ça me fait bien du plaisir. Nous sommes pourtant convenues que je n'aurais pas l'air de l'aimer tant devant le monde, et surtout devant Maman, afin qu'elle ne se méfie de rien au sujet du Chevalier Danceny. Je t'assure que si je pouvais toujours vivre comme je fais à présent, je crois que je serais bien heureuse. Il n'y a que ce vilain M. de Gercourt!... Mais je ne veux pas t'en parler davantage car je redeviendrais triste. Au lieu de cela, je vas écrire au Chevalier Danceny; je ne lui parlerai que de mon amour et non de mes chagrins, car je ne veux pas l'affliger. Adieu, ma bonne amie. Tu vois bien que tu aurais tort de te plaindre, et que j'ai beau ÃÂȘtre occupée , comme tu dis, qu'il ne m'en reste pas moins le temps de t'aimer et de t'écrire [On continue à supprimer les Lettres de Cécile Volanges et du Chevalier Danceny, qui sont peu intéressantes et n'annoncent aucun événement] De ..., ce 27 août 17** LETTRE XL LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL C'est peu pour mon inhumaine de ne pas répondre à mes Lettres, de refuser de les recevoir; elle veut me priver de sa vue, elle exige que je m'éloigne. Ce qui vous surprendra davantage, c'est que je me soumette à tant de rigueur. Vous allez me blùmer. Cependant je n'ai pas cru devoir perdre l'occasion de me laisser donner un ordre persuadé, d'une part, que qui commande s'engage; et de l'autre, que l'autorité illusoire que nous avons l'air de laisser prendre aux femmes est un des piÚges qu'elles évitent le plus difficilement. De plus, l'adresse que celle-ci a su mettre à éviter de se trouver seule avec moi me plaçait dans une situation dangereuse, dont j'ai cru devoir sortir à quelque prix que ce fût car étant sans cesse avec elle, sans pouvoir l'occuper de mon amour, il y avait lieu de craindre qu'elle ne s'accoutumùt enfin à me voir sans trouble; disposition dont vous savez assez combien il est difficile de revenir. Au reste, vous devinez que je ne me suis pas soumis sans condition. J'ai mÃÂȘme eu le soin d'en mettre une impossible à accorder; tant pour rester toujours maÃtre de tenir ma parole, ou d'y manquer, que pour engager une discussion, soit de bouche, ou par écrit, dans un moment oÃÂč ma Belle est plus contente de moi, oÃÂč elle a besoin que je le sois d'elle sans compter que je serais bien maladroit, si je ne trouvais moyen d'obtenir quelque dédommagement de mon désistement à cette prétention, tout insoutenable qu'elle est. AprÚs vous avoir exposé mes raisons dans ce long préambule, je commence l'historique de ces deux derniers jours. J'y joindrai comme piÚces justificatives la Lettre de ma Belle et ma Réponse. Vous conviendrez qu'il y a peu d'Historiens aussi exacts que moi. Vous vous rappelez l'effet que fit avant-hier matin ma Lettre de Dijon ; le reste de la journée fut trÚs orageux. La jolie Prude arriva seulement au moment du dÃner, et annonça une forte migraine; prétexte dont elle voulut couvrir un des plus violents accÚs d'humeur que femme puisse avoir. Sa figure en était vraiment altérée; l'expression de douceur que vous lui connaissez s'était changée en un air mutin qui en faisait une beauté nouvelle. Je me promets bien de faire usage de cette découverte par la suite; et de remplacer quelquefois la MaÃtresse tendre, par la MaÃtresse mutine. Je prévis que l'aprÚs-dÃner serait triste; et pour m'en sauver l'ennui, je prétextai des Lettres à écrire, et me retirai chez moi. Je revins au salon sur les six heures; Madame de Rosemonde proposa la promenade, qui fut acceptée. Mais au moment de monter en voiture, la prétendue malade, par une malice infernale, prétexta à son tour, et peut-ÃÂȘtre pour se venger de mon absence, un redoublement de douleurs, et me fit subir sans pitié le tÃÂȘte-à -tÃÂȘte de ma vieille tante. Je ne sais si les imprécations que je fis contre ce démon femelle furent exaucées, mais nous la trouvùmes couchée au retour. Le lendemain au déjeuner, ce n'était plus la mÃÂȘme femme. La douceur naturelle était revenue, et j'eus lieu de me croire pardonné. Le déjeuner était à peine fini, que la douce personne se leva d'un air dolent, et entra dans le parc; je la suivis, comme vous pouvez croire. " D'oÃÂč peut naÃtre ce désir de promenade? " lui dis-je en l'abordant. " J'ai beaucoup écrit ce matin " , me répondit-elle, " et ma tÃÂȘte est un peu fatiguée. " - " Je ne suis pas assez heureux, repris-je, pour avoir à me reprocher cette fatigue-là ? " - " Je vous ai bien écrit " , répondit-elle encore, " mais j'hésite à vous donner ma Lettre. Elle contient une demande, et vous ne m'avez pas accoutumée à en espérer le succÚs. " - " Ah! je jure que s'il m'est possible... " - " Rien n'est plus facile " , interrompit-elle; " et quoique vous dussiez peut-ÃÂȘtre l'accorder comme justice, je consens à l'obtenir comme grùce. " En disant ces mots, elle me présenta sa Lettre; en la prenant, je pris aussi sa main, qu'elle retira, mais sans colÚre et avec plus d'embarras que de vivacité. " La chaleur est plus vive que je ne croyais " , dit-elle; " il faut rentrer. " Et elle reprit la route du Chùteau. Je fis de vains efforts pour lui persuader de continuer sa promenade, et j'eus besoin de me rappeler que nous pouvions ÃÂȘtre vus, pour n'y employer que de l'éloquence. Elle rentra sans proférer une parole, et je vis clairement que cette feinte promenade n'avait eu d'autre but que de me remettre sa Lettre. Elle monta chez elle en rentrant, et je me retirai chez moi pour lire l'EpÃtre, que vous ferez bien de lire aussi, ainsi que ma Réponse, avant d'aller plus loin... LETTRE XLI LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Il semble, Monsieur, par votre conduite avec moi, que vous ne cherchiez qu'à augmenter, chaque jour, les sujets de plainte que j'avais contre vous. Votre obstination à vouloir m'entretenir, sans cesse, d'un sentiment que je ne veux ni ne dois écouter, l'abus que vous n'avez pas craint de faire de ma bonne foi, ou de ma timidité, pour me remettre vos Lettres; le moyen surtout, j'ose dire peu délicat, dont vous vous ÃÂȘtes servi pour me faire parvenir la derniÚre, sans craindre au moins l'effet d'une surprise qui pouvait me compromettre; tout devrait donner lieu de ma part à des reproches aussi vifs que justement mérités. Cependant, au lieu de revenir sur ces griefs, je m'en tiens à vous faire une demande aussi simple que juste; et si je l'obtiens de vous, je consens que tout soit oublié. Vous-mÃÂȘme m'avez dit, Monsieur, que je ne devais pas craindre un refus; et quoique, par une inconséquence qui vous est particuliÚre, cette phrase mÃÂȘme soit suivie du seul refus que vous pouviez me faire [Voyez Lettre V], je veux croire que vous n'en tiendrez pas moins aujourd'hui cette parole formellement donnée il y a si peu de jours. Je désire donc que vous ayez la complaisance de vous éloigner de moi; de quitter ce Chùteau, oÃÂč un plus long séjour de votre part ne pourrait que m'exposer davantage au jugement d'un public toujours prompt à mal penser d'autrui, et que vous n'avez que trop accoutumé à fixer les yeux sur les femmes qui vous admettent dans leur société. Avertie déjà , depuis longtemps, de ce danger par mes amis, j'ai négligé, j'ai mÃÂȘme combattu leur avis tant que votre conduite à mon égard avait pu me faire croire que vous aviez bien voulu ne pas me confondre avec cette foule de femmes qui toutes ont eu à se plaindre de vous. Aujourd'hui que vous me traitez comme elles, que je ne peux plus l'ignorer, je dois au public, à mes amis, à moi-mÃÂȘme, de suivre ce parti nécessaire. Je pourrais ajouter ici que vous ne gagneriez rien à refuser ma demande, décidée que je suis à partir moi- mÃÂȘme, si vous vous obstiniez à rester mais je ne cherche point à diminuer l'obligation que je vous aurai de cette complaisance, et je veux bien que vous sachiez qu'en nécessitant mon départ d'ici vous contrarieriez mes arrangements. Prouvez-moi donc, Monsieur, que, comme vous me l'avez dit tant de fois, les femmes honnÃÂȘtes n'auront jamais à se plaindre de vous; prouvez-moi, au moins, que quand vous avez des torts avec elles, vous savez les réparer. Si je croyais avoir besoin de justifier ma demande vis-à -vis de vous, il me suffirait de vous dire que vous avez passé votre vie à la rendre nécessaire, et que pourtant il n'a pas tenu à moi de ne la jamais former. Mais ne rappelons pas des événements que je veux oublier, et qui m'obligeraient à vous juger avec rigueur, dans un moment oÃÂč je vous offre l'occasion de mériter toute ma reconnaissance. Adieu, Monsieur; votre conduite va m'apprendre avec quels sentiments je dois ÃÂȘtre, pour la vie, votre trÚs humble, etc. De ..., ce 26 août 17** LETTRE XLII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Quelque dures que soient, Madame, les conditions que vous m'imposez, je ne refuse pas de les remplir. Je sens qu'il me serait impossible de contrarier aucun de vos désirs. Une fois d'accord sur ce point, j'ose me flatter qu'à mon tour, vous me permettrez de vous faire quelques demandes, bien plus faciles à accorder que les vÎtres, et que pourtant je ne veux obtenir que de ma soumission parfaite à votre volonté. L'une, que j'espÚre qui sera sollicitée par votre justice, est de vouloir bien me nommer mes accusateurs auprÚs de vous; ils me font, ce me semble, assez de mal pour que j'aie le droit de les connaÃtre; l'autre, que j'attends de votre indulgence, est de vouloir bien me permettre de vous renouveler quelquefois l'hommage d'un amour qui va plus que jamais mériter votre pitié. Songez, Madame, que je m'empresse de vous obéir, lors mÃÂȘme que je ne peux le faire qu'aux dépens de mon bonheur; je dirai plus, malgré la persuasion oÃÂč je suis que vous ne désirez mon départ que pour vous sauver le spectacle, toujours pénible, de l'objet de votre injustice. Convenez-en, Madame, vous craignez moins un public trop accoutumé à vous respecter pour oser porter de vous un jugement désavantageux, que vous n'ÃÂȘtes gÃÂȘnée par la présence d'un homme qu'il vous est plus facile de punir que de blùmer. Vous m'éloignez de vous comme on détourne ses regards d'un malheureux qu'on ne veut pas secourir. Mais tandis que l'absence va redoubler mes tourments, à quelle autre qu'à vous puis-je adresser mes plaintes? de quelle autre puis-je attendre des consolations qui vont me si devenir nécessaires? Me les refuserez-vous, quand vous seule causez mes peines? Sans doute vous ne serez pas étonnée non plus, qu'avant de partir j'aie à cÅ“ur de justifier auprÚs de vous les sentiments que vous m'avez inspirés; comme aussi que je ne trouve le courage de m'éloigner qu'en en recevant l'ordre de votre bouche. Cette double raison me fait vous demander un moment d'entretien. Inutilement voudrions-nous y suppléer par Lettres on écrit des volumes et l'on explique mal ce qu'un quart d'heure de conversation suffit pour faire bien entendre. Vous trouverez facilement le temps de me l'accorder car quelque empressé que je sois de vous obéir, vous savez que Madame de Rosemonde est instruite de mon projet de passer chez elle une partie de l'automne, et il faudra au moins que j'attende une Lettre pour pouvoir prétexter une affaire qui me force à partir. Adieu, Madame; jamais ce mot ne m'a tant coûté à écrire que dans ce moment oÃÂč il me ramÚne à l'idée de notre séparation. Si vous pouviez imaginer ce qu'elle me fait souffrir, j'ose croire que vous me sauriez quelque gré de ma docilité. Recevez, au moins, avec plus d'indulgence l'assurance et l'hommage de l'Amour le plus tendre et le plus respectueux. De ..., ce 26 août 17** SUITE DE LA LETTRE XL DU VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL A présent, raisonnons, ma belle amie. Vous sentez comme moi que la scrupuleuse, l'honnÃÂȘte Madame de Tourvel ne peut pas m'accorder la premiÚre de mes demandes, et trahir la confiance de ses amies, en me nommant mes accusateurs; ainsi en promettant tout à cette condition, je ne m'engage à rien. Mais vous sentez aussi que ce refus qu'elle me fera deviendra un titre pour obtenir tout le reste; et qu'alors je gagne, en m'éloignant, d'entrer avec elle, et de son aveu, en correspondance réglée car je compte pour peu le rendez-vous que je lui demande, et qui n'a presque d'autre objet que de l'accoutumer d'avance à n'en pas refuser d'autres quand ils me seront vraiment nécessaires. La seule chose qui me reste à faire avant mon départ est de savoir quels sont les gens qui s'occupent à me nuire auprÚs d'elle. Je présume que c'est son pédant de mari; je le voudrais outre qu'une défense conjugale est un aiguillon au désir, je serais sûr que du moment que ma belle aura consenti à m'écrire, je n'aurais plus rien à craindre de son mari, puisqu'elle se trouverait déjà dans la nécessité de le tromper. Mais si elle a une amie assez intime pour avoir sa confidence, et que cette amie-là soit contre moi, il me paraÃt nécessaire de les brouiller, et je compte y réussir mais avant tout il faut ÃÂȘtre instruit. J'ai bien cru que j'allais l'ÃÂȘtre hier; mais cette femme ne fait rien comme une autre. Nous étions chez elle, au moment oÃÂč l'on vint avertir que le dÃner était servi. Sa toilette se finissait seulement, et tout en se pressant, et en faisant des excuses, je m'aperçus qu'elle laissait la clef à son secrétaire; et je connais son usage de ne pas Îter celle de son appartement. J'y rÃÂȘvais pendant le dÃner, lorsque j'entendis descendre sa femme de chambre je pris mon parti aussitÎt je feignis un saignement de nez, et sortis. Je volai au secrétaire; mais je trouvai tous les tiroirs ouverts, et pas un papier écrit. Cependant on n'a pas d'occasion de les brûler dans cette saison. Que fait elle des lettres qu'elle reçoit? et elle en reçoit souvent. Je n'ai rien négligé; tout était ouvert, et j'ai cherché partout mais je n'y ai rien gagné, que de me convaincre que ce dépÎt précieux reste dans ses poches. Comment l'en tirer? Depuis hier je m'occupe inutilement d'en trouver les moyens cependant je ne peux en vaincre le désir. Je regrette de n'avoir pas le talent des filous. Ne devrait-il pas, en effet, entrer dans l'éducation d'un homme qui se mÃÂȘle d'intrigues? ne serait-il pas plaisant de dérober la lettre ou le portrait d'un rival, ou de tirer des poches d'une prude de quoi la démasquer? Mais nos parents ne songent à rien; et, moi j'ai beau songer à tout, je ne fais que m'apercevoir que je suis gauche, sans pouvoir y remédier. Quoi qu'il en soit, je revins me mettre à table, fort mécontent. Ma Belle calma pourtant un peu mon humeur, par l'air d'intérÃÂȘt que lui donna ma feinte indisposition; et je ne manquai pas de l'assurer que j'avais, depuis quelque temps, de violentes agitations qui altéraient ma santé. Persuadée comme elle est que c'est elle qui les cause, ne devait-elle pas en conscience travailler à les calmer? Mais, quoique dévote, elle est peu charitable; elle refuse toute aumÎne amoureuse, et ce refus suffit bien, ce me semble, pour en autoriser le vol. Mais adieu; car tout en causant avec vous, je ne songe qu'à ces maudites Lettres. De ..., ce 27 août 17** LETTRE XLIII LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Pourquoi chercher, Monsieur, à diminuer ma reconnaissance? Pourquoi ne vouloir m'obéir qu'à demi, et marchander en quelque sorte un procédé honnÃÂȘte? Il ne vous suffit donc pas que j'en sente le prix? Non seulement vous demandez beaucoup; mais vous demandez des choses impossibles. Si en effet mes amis m'ont parlé de vous, ils ne l'ont pu faire que par intérÃÂȘt pour moi quand mÃÂȘme ils se seraient trompés, leur intention n'en était pas moins bonne; et vous me proposez de reconnaÃtre cette marque d'attachement de leur part, en vous livrant leur secret! J'ai déjà eu tort de vous en parler, et vous me le faites assez sentir en ce moment. Ce qui n'eût été que de la candeur avec tout autre, devient une étourderie avec vous, et me mÚnerait à une noirceur, si je cédais à votre demande. J'en appelle à vous-mÃÂȘme, à votre honnÃÂȘteté; m'avez-vous crue capable de ce procédé? avez-vous dû me le proposer? non sans doute; et je suis sûre qu'en y réfléchissant mieux vous ne reviendrez plus sur cette demande. Celle que vous me faites de m'écrire n'est guÚre plus facile à accorder; et si vous voulez ÃÂȘtre juste, ce n'est pas à moi que vous vous en prendrez. Je ne veux point vous offenser; mais avec la réputation que vous vous ÃÂȘtes acquise, et que, de votre aveu mÃÂȘme, vous méritez au moins en partie, quelle femme pourrait avouer ÃÂȘtre en correspondance avec vous? et quelle femme honnÃÂȘte peut se déterminer à faire ce qu'elle sent qu'elle serait obligée de cacher? Encore si j'étais assurée que vos Lettres fussent telles que je n'eusse jamais à m'en plaindre, que je pusse toujours me justifier à mes yeux de les avoir reçues! peut-ÃÂȘtre alors le désir de vous prouver que c'est la raison et non la haine qui me guide me ferait passer par-dessus ces considérations puissantes, et faire beaucoup plus que je ne devrais, en vous permettant de m'écrire quelquefois. Si en effet vous le désirez autant que vous me le dites, vous vous soumettrez volontiers à la seule condition qui puisse m'y faire consentir; et si vous avez quelque reconnaissance de ce que je fais pour vous en ce moment, vous ne différerez plus de partir. Permettez-moi de vous observer à ce sujet, que vous avez reçu une Lettre ce matin et que vous n'en avez pas profité pour annoncer votre départ à Madame de Rosemonde, comme vous me l'aviez promis. J'espÚre qu'à présent rien ne pourra vous empÃÂȘcher de tenir votre parole. Je compte surtout que vous n'attendrez pas, pour cela, l'entretien que vous me demandez, auquel je ne veux absolument pas me prÃÂȘter; et qu'au lieu de l'ordre que vous prétendez vous ÃÂȘtre nécessaire, vous vous contenterez de la priÚre que je vous renouvelle. Adieu, Monsieur. De ..., ce 27 août 17** LETTRE XLIV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Partagez ma joie, ma belle amie; je suis aimé; j'ai triomphé de ce cÅ“ur rebelle. C'est en vain qu'il dissimule encore; mon heureuse adresse a surpris son secret. Grùce à mes soins actifs, je sais tout ce qui m'intéresse depuis la nuit, l'heureuse nuit d'hier, je me retrouve dans mon élément; j'ai repris toute mon existence; j'ai dévoilé un double mystÚre d'amour et d'iniquité je jouirai de l'un, je me vengerai de l'autre; je volerai de plaisirs en plaisirs. La seule idée que je m'en fais me transporte au point que j'ai quelque peine à rappeler ma prudence; que j'en aurai peut-ÃÂȘtre à mettre de l'ordre dans le récit que j'ai à vous faire. Essayons cependant. Hier mÃÂȘme, aprÚs vous avoir écrit ma Lettre, j'en reçus une de la céleste dévote. Je vous l'envoie; vous y verrez qu'elle me donne, le moins maladroitement qu'elle peut, la permission de lui écrire mais elle y presse mon départ, et je sentais bien que je ne pouvais le différer trop longtemps sans me nuire. Tourmenté cependant du désir de savoir qui pouvait avoir écrit contre moi, j'étais encore incertain du parti que je prendrais. Je tentai de gagner la Femme de chambre, et je voulus obtenir d'elle de me livrer les poches de sa MaÃtresse, dont elle pouvait s'emparer aisément le soir, et qu'il lui était facile de replacer le matin, sans donner le moindre soupçon. J'offris dix louis pour ce léger service mais je ne trouvai qu'une bégueule, scrupuleuse ou timide, que mon éloquence ni mon argent ne purent vaincre. Je la prÃÂȘchais encore, quand le souper sonna. Il fallut la laisser trop heureux qu'elle voulût bien me promettre le secret, sur lequel mÃÂȘme vous jugez que je ne comptais guÚre. Jamais je n'eus plus d'humeur. Je me sentais compromis; et je me reprochais, toute la soirée, ma démarche imprudente. Retiré chez moi, non sans inquiétude, je parlai à mon Chasseur qui, en sa qualité d'Amant heureux, devait avoir quelque crédit. Je voulais, ou qu'il obtÃnt de cette fille de faire ce que je lui avais demandé, ou au moins qu'il s'assurùt de sa discrétion mais lui, qui d'ordinaire ne doute de rien, parut douter du succÚs de cette négociation, et me fit à ce sujet une réflexion qui m'étonna par sa profondeur. " Monsieur sait sûrement mieux que moi " , me dit-il, " que coucher avec une fille, ce n'est que lui faire faire ce qui lui plaÃt de là à lui faire faire ce que nous voulons, il y a souvent bien loin. " Le bon sens du Maraud quelquefois m'épouvante . [PIRON, Métromanie] " Je réponds d'autant moins de celle-ci " , ajouta-t-il, " que j'ai lieu de croire qu'elle a un Amant, et que je ne la dois qu'au désÅ“uvrement de la campagne. Aussi, sans mon zÚle pour le service de Monsieur, je n'aurais eu cela qu'une fois. " C'est un vrai trésor que ce garçon! " Quant au secret " , ajouta-t-il encore, " à quoi servira-t-il de lui faire promettre, puisqu'elle ne risquera rien à nous tromper? lui en reparler ne ferait que lui mieux apprendre qu'il est important, et par là lui donner plus d'envie d'en faire sa cour à sa MaÃtresse. " Plus ces réflexions étaient justes, plus mon embarras augmentait. Heureusement le drÎle était en train de jaser; et comme j'avais besoin de lui, je le laissais faire. Tout en me racontant son histoire avec cette fille, il m'apprit que comme la chambre qu'elle occupe n'est séparée de celle de sa MaÃtresse que par une simple cloison, qui pouvait laisser entendre un bruit suspect, c'était dans la sienne qu'ils se rassemblaient chaque nuit. AussitÎt je formai mon plan, je le lui communiquai, et nous l'exécutùmes avec succÚs. J'attendis deux heures du matin; et alors je me rendis, comme nous en étions convenus, à la chambre du rendez-vous, portant de la lumiÚre avec moi, et sous prétexte d'avoir sonné plusieurs fois inutilement. Mon confident, qui joue ses rÎles à merveille, donna une petite scÚne de surprise, de désespoir et d'excuse, que je terminai en l'envoyant me faire chauffer de l'eau, dont je feignis avoir besoin; tandis que la scrupuleuse ChambriÚre était d'autant plus honteuse, que le drÎle qui avait voulu renchérir sur mes projets l'avait déterminée à une toilette que la saison comportait, mais qu'elle n'excusait pas. Comme je sentais que plus cette fille serait humiliée, plus j'en disposerais facilement, je ne lui permis de changer ni de situation ni de parure; et aprÚs avoir ordonné à mon Valet de m'attendre chez moi, je m'assis à cÎté d'elle sur le lit qui était fort en désordre, et je commençai ma conversation. J'avais besoin de garder l'empire que la circonstance me donnait sur elle aussi conservai-je un sang-froid qui eût fait honneur à la continence de Scipion; et sans prendre la plus petite liberté avec elle, ce que pourtant sa fraÃcheur et l'occasion semblaient lui donner le droit d'espérer, je lui parlai d'affaires aussi tranquillement que j'aurais pu faire avec un Procureur. Mes conditions furent que je garderais fidÚlement le secret, pourvu que le lendemain, à pareille heure à peu prÚs, elle me livrùt les poches de sa MaÃtresse. " Au reste " , ajoutai-je, " je vous avais offert dix louis hier; je vous les promets encore aujourd'hui. Je ne veux pas abuser de votre situation. " Tout fut accordé, comme vous pouvez croire; alors je me retirai, et permis à l'heureux couple de réparer le temps perdu. J'employai le mien à dormir; et à mon réveil, voulant avoir un prétexte pour ne pas répondre à la Lettre de ma Belle avant d'avoir visité ses papiers, ce que je ne pouvais faire que la nuit suivante, je me décidai à aller à la chasse, oÃÂč je restai presque tout le jour. A mon retour, je fus reçu assez froidement. J'ai lieu de croire qu'on fut un peu piqué du peu d'empressement que je mettais à profiter du temps qui me restait; surtout aprÚs la Lettre plus douce que l'on m'avait écrite. J'en juge ainsi, sur ce que Madame de Rosemonde m'ayant fait quelques reproches sur cette longue absence, ma Belle reprit avec un peu d'aigreur " Ah! ne reprochons pas à M. de Valmont de se livrer au seul plaisir qu'il peut trouver ici. " Je me plaignis de cette injustice, et j'en profitai pour assurer que je me plaisais tant avec ces Dames, que j'y sacrifiais une Lettre trÚs intéressante que j'avais à écrire. J'ajoutai que, ne pouvant trouver le sommeil depuis plusieurs nuits, j'avais voulu essayer si la fatigue me le rendrait; et mes regards expliquaient assez et le sujet de ma Lettre, et la cause de mon insomnie. J'eus soin d'avoir toute la soirée une douceur mélancolique qui me parut réussir assez bien, et sous laquelle je masquai l'impatience oÃÂč j'étais de voir arriver l'heure qui devait me livrer le secret qu'on s'obstinait à me cacher. Enfin nous nous séparùmes, et quelque temps aprÚs, la fidÚle Femme de chambre vint m'apporter le prix convenu de ma discrétion. Une fois maÃtre de ce trésor, je procédai à l'inventaire avec la prudence que vous me connaissez car il était important de remettre tout en place. Je tombai d'abord sur deux Lettres du mari, mélange indigeste de détails de procÚs et de tirades d'amour conjugal, que j'eus la patience de lire en entier, et oÃÂč je ne trouvai pas un mot qui eût rapport à moi. Je les replaçai avec humeur mais elle s'adoucit, en trouvant sous ma main les morceaux de ma fameuse Lettre de Dijon, soigneusement rassemblés. Heureusement il me prit fantaisie de la parcourir. Jugez de ma joie, en y apercevant les traces bien distinctes des larmes de mon adorable Dévote. Je l'avoue, je cédai à un mouvement de jeune homme, et baisai cette Lettre avec un transport dont je ne me croyais plus susceptible. Je continuai l'heureux examen; je retrouvai toutes mes Lettres de suite, et par ordre de dates; et ce qui me surprit plus agréablement encore, fut de retrouver la premiÚre de toutes, celle que je croyais m'avoir été rendue par une ingrate, fidÚlement copiée de sa main; et d'une écriture altérée et tremblante, qui témoignait assez la douce agitation de son cÅ“ur pendant cette occupation. Jusque-là j'étais tout entier à l'Amour; bientÎt il fit place à la fureur. Qui croyez-vous qui veuille me perdre auprÚs de cette femme que j'adore? quelle Furie supposez-vous assez méchante pour tramer une pareille noirceur? Vous la connaissez c'est votre amie, votre parente; c'est Madame de Volanges. Vous n'imaginez pas quel tissu d'horreurs l'infernale MégÚre lui a écrit sur mon compte. C'est elle, elle seule, qui a troublé la sécurité de cette femme angélique; c'est par ses conseils, par ses avis pernicieux, que je me vois forcé de m'éloigner; c'est à elle enfin que l'on me sacrifie. Ah! sans doute il faut séduire sa fille mais ce n'est pas assez, il faut la perdre; et puisque l'ùge de cette maudite femme la met à l'abri de mes coups, il faut la frapper dans l'objet de ses affections. Elle veut donc que je revienne à Paris! elle m'y force! soit, j'y retournerai, mais elle gémira de mon retour. Je suis fùché que Danceny soit le héros de cette aventure, il a un fond d'honnÃÂȘteté qui nous gÃÂȘnera cependant il est amoureux, et je le vois souvent; on pourra peut-ÃÂȘtre en tirer parti. Je m'oublie dans ma colÚre, et je ne songe pas que je vous dois le récit de ce qui s'est passé aujourd'hui. Revenons. Ce matin j'ai revu ma sensible Prude. Jamais je ne l'avais trouvée si belle. Cela devait ÃÂȘtre ainsi le plus beau moment d'une femme, le seul oÃÂč elle puisse produire cette ivresse de l'ùme, dont on parle toujours, et qu'on éprouve si rarement, est celui oÃÂč, assurés de son amour, nous ne le sommes pas de ses faveurs; et c'est précisément le cas oÃÂč je me trouvais. Peut-ÃÂȘtre aussi l'idée que j'allais ÃÂȘtre privé du plaisir de la voir servait-elle à l'embellir. Enfin, à l'arrivée du Courrier, on m'a remis votre Lettre du 27; et pendant que je la lisais, j'hésitais encore pour savoir si je tiendrais ma parole mais j'ai rencontré les yeux de ma Belle, et il m'aurait été impossible de lui rien refuser. J'ai donc annoncé mon départ. Un moment aprÚs, Madame de Rosemonde nous a laissés seuls mais j'étais encore à quatre pas de la farouche personne, que se levant avec l'air de l'effroi " Laissez-moi, laissez-moi, Monsieur " , m'a- t-elle dit; " au nom de Dieu, laissez-moi. " Cette priÚre fervente, qui décelait son émotion, ne pouvait que m'animer davantage. Déjà j'étais auprÚs d'elle, et je tenais ses mains qu'elle avait jointes avec une expression tout à fait touchante; là , je commençais de tendres plaintes, quand un démon ennemi ramena Madame de Rosemonde. La timide Dévote, qui a en effet quelques raisons de craindre, en a profité pour se retirer. Je lui ai pourtant offert la main qu'elle a acceptée; et augurant bien de cette douceur, qu'elle n'avait pas eue depuis longtemps, tout en recommençant mes plaintes j'ai essayé de serrer la sienne. Elle a d'abord voulu la retirer; mais sur une instance plus vive, elle s'est livrée d'assez bonne grùce, quoique sans répondre ni à ce geste, ni à mes discours. Arrivés à la porte de son appartement, j'ai voulu baiser cette main, avant de la quitter. La défense a commencé par ÃÂȘtre franche; mais un songez donc que je pars , prononcé bien tendrement, l'a rendue gauche et insuffisante. A peine le baiser a-t-il été donné, que la main a retrouvé sa force pour échapper, et que la Belle est entrée dans son appartement oÃÂč était sa Femme de chambre. Ici finit mon histoire. Comme je présume que vous serez demain chez la Maréchale de ... , oÃÂč sûrement je n'irai pas vous trouver; comme je me doute bien aussi qu'à notre premiÚre entrevue nous aurons plus d'une affaire à traiter, et notamment celle de la petite Volanges, que je ne perds pas de vue, j'ai pris le parti de me faire précéder par cette Lettre; et toute longue qu'elle est, je ne la fermerai qu'au moment de l'envoyer à la Poste, car au terme oÃÂč j'en suis, tout peut dépendre d'une occasion; et je vous quitte pour aller l'épier. à huit heures du soir. Rien de nouveau; pas le plus petit moment de liberté du soin mÃÂȘme pour l'éviter. Cependant, autant de tristesse que la décence en permettait, pour le moins. Un autre événement qui peut ne pas ÃÂȘtre indifférent, c'est que je suis chargé d'une invitation de Madame de Rosemonde à Madame de Volanges, pour venir passer quelque temps chez elle à la campagne. Adieu, ma belle amie; à demain ou aprÚs-demain au plus tard. De ..., ce 28 août 17** LETTRE XLV LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES M. de Valmont est parti ce matin, Madame; vous m'avez paru tant désirer ce départ, que j'ai cru devoir vous en instruire. Madame de Rosemonde regrette beaucoup son neveu, dont il faut convenir qu'en effet la société est agréable elle a passé toute la matinée à m'en parler avec la sensibilité que vous lui connaissez; elle ne tarissait pas sur son éloge. J'ai cru lui devoir la complaisance de l'écouter sans la contredire, d'autant qu'il faut avouer qu'elle avait raison sur beaucoup de points. Je sentais de plus que j'avais à me reprocher d'ÃÂȘtre la cause de cette séparation, et je n'espÚre pas pouvoir la dédommager du plaisir dont je l'ai privée. Vous savez que j'ai naturellement peu de gaieté, et le genre de vie que nous allons mener ici n'est pas fait pour l'augmenter. Si je ne m'étais pas conduite d'aprÚs vos avis, je craindrais d'avoir agi un peu légÚrement car j'ai été vraiment peinée de la douleur de ma respectable amie; elle m'a touchée au point que j'aurais volontiers mÃÂȘlé mes larmes aux siennes. Nous vivons à présent dans l'espoir que vous accepterez l'invitation que M. de Valmont doit vous faire, de la part de Madame de Rosemonde, de venir passer quelque temps chez elle. J'espÚre que vous ne doutez pas du plaisir que j'aurai à vous y voir; et en vérité vous nous devez ce dédommagement. Je serai fort aise de trouver cette occasion de faire une connaissance plus prompte avec Mademoiselle de Volanges, et d'ÃÂȘtre à portée de vous convaincre de plus en plus des sentiments respectueux, etc. De ..., ce 29 août 17** LETTRE XLVI LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Que vous est-il donc arrivé, mon adorable Cécile? qui a pu causer en vous un changement si prompt et si cruel? que sont devenus vos serments de ne jamais changer? Hier encore, vous les réitériez avec tant de plaisir! qui peut aujourd'hui vous les faire oublier? J'ai beau m'examiner, je ne puis en trouver la cause en moi, et il m'est affreux d'avoir à la chercher en vous. Ah! sans doute vous n'ÃÂȘtes ni légÚre, ni trompeuse; et mÃÂȘme dans ce moment de désespoir, un soupçon outrageant ne flétrira point mon ùme. Cependant, par quelle fatalité n'ÃÂȘtes-vous plus la mÃÂȘme? Non, cruelle, vous ne l'ÃÂȘtes plus! La tendre Cécile, la Cécile que j'adore, et dont j'ai reçu les serments, n'aurait point évité mes regards, n'aurait point contrarié le hasard heureux qui me plaçait auprÚs d'elle; ou si quelque raison que je ne peux concevoir l'avait forcée à me traiter avec tant de rigueur, elle n'eût pas au moins dédaigné de m'en instruire. Ah! vous ne savez pas, vous ne saurez jamais, ma Cécile, ce que vous m'avez fait souffrir aujourd'hui, ce que je souffre encore en ce moment. Croyez-vous donc que je puisse vivre et ne plus ÃÂȘtre aimé de vous? Cependant, quand je vous ai demandé un mot, un seul mot, pour dissiper mes craintes, au lieu de me répondre, vous avez feint de craindre d'ÃÂȘtre entendue; et cet obstacle qui n'existait pas alors vous l'avez fait naÃtre aussitÎt, par la place que vous avez choisie dans le cercle. Quand, forcé de vous quitter, je vous ai demandé l'heure à laquelle je pourrais vous revoir demain, vous avez feint de l'ignorer, et il a fallu que ce fût Madame de Volanges qui m'en instruisÃt. Ainsi ce moment toujours si désiré qui doit me rapprocher de vous, demain ne fera naÃtre en moi que de l'inquiétude; et le plaisir de vous voir, jusqu'alors si cher à mon cÅ“ur, sera remplacé par la crainte de vous ÃÂȘtre importun. Déjà , je le sens, cette crainte m'arrÃÂȘte, et je n'ose vous parler de mon amour. Ce je vous aime , que j'aimais tant à répéter quand je pouvais l'entendre à mon tour, ce mot si doux, qui suffisait à ma félicité, ne m'offre plus, si vous ÃÂȘtes changée, que l'image d'un désespoir éternel. Je ne puis croire pourtant que ce talisman de l'Amour ait perdu toute sa puissance, et j'essaie de m'en servir encore [Ceux qui n'ont pas eu l'occasion de sentir quelquefois le prix d'un mot d'une expression, consacrés par l'Amour, ne trouveront aucun sens dans cette phrase]. Oui, ma Cécile, je vous aime. Répétez donc avec moi cette expression de mon bonheur. Songez que vous m'avez accoutumé à l'entendre, et que m'en priver, c'est me condamner à un tourment qui, de mÃÂȘme que mon amour, ne finira qu'avec ma vie. De ..., ce 29 août 17** LETTRE XLVII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Je ne vous verrai pas encore aujourd'hui, ma belle amie, et voici mes raisons, que je vous prie de recevoir avec indulgence. Au lieu de revenir hier directement, je me suis arrÃÂȘté chez la Comtesse de ***, dont le chùteau se trouvait presque sur ma route, et à qui j'ai demandé à dÃner. Je ne suis arrivé à Paris que vers les sept heures, et je suis descendu à l'Opéra, oÃÂč j'espérais que vous pouviez ÃÂȘtre. L'Opéra fini, j'ai été revoir mes amies du foyer; j'y ai retrouvé mon ancienne Emilie, entourée d'une cour nombreuse, tant en femmes qu'en hommes, à qui elle donnait le soir mÃÂȘme à souper à P... Je ne fus pas plus tÎt entré dans ce cercle, que je fus prié du souper, par acclamation. Je le fus aussi par une petite figure grosse et courte qui me baragouina une invitation en français de Hollande, et que je reconnus pour le véritable héros de la fÃÂȘte. J'acceptai. J'appris, dans ma route, que la maison oÃÂč nous allions était le prix convenu des bontés d'Emilie pour cette figure grotesque, et que ce souper était un véritable repas de noces. Le petit homme ne se possédait pas de joie, dans l'attente du bonheur dont il allait jouir; il m'en parut si satisfait, qu'il me donna envie de le troubler; ce que je fis en effet. La seule difficulté que j'éprouvai fut de décider Emilie que la richesse du Bourgmestre rendait un peu scrupuleuse. Elle se prÃÂȘta pourtant, aprÚs quelques façons, au projet que je donnai, de remplir de vin ce petit tonneau à biÚre, et de le mettre ainsi hors de combat pour toute la nuit. L'idée sublime que nous nous étions formée d'un buveur Hollandais nous fit employer tous les moyens connus. Nous réussÃmes si bien, qu'au dessert il n'avait déjà plus la force de tenir son verre mais la secourable Emilie et moi l'entonnions à qui mieux mieux. Enfin, il tomba sous la table, dans une ivresse telle, qu'elle doit au moins durer huit jours. Nous nous décidùmes alors à le renvoyer à Paris; et comme il n'avait pas gardé sa voiture, je le fis charger dans la mienne, et je restai à sa place. Je reçus ensuite les compliments de l'assemblée, qui se retira bientÎt aprÚs, et me laissa maÃtre du champ de bataille. Cette gaieté, et peut-ÃÂȘtre ma longue retraite, m'ont fait trouver Emilie si désirable, que je lui ai promis de rester avec elle jusqu'à la résurrection du Hollandais. Cette complaisance de ma part est le prix de celle qu'elle vient d'avoir, de me servir de pupitre pour écrire à ma belle Dévote, à qui j'ai trouvé plaisant d'envoyer une Lettre écrite du lit et presque d'entre les bras d'une fille, interrompue mÃÂȘme pour une infidélité complÚte, et dans laquelle je lui rends un compte exact de ma situation et de ma conduite. Emilie, qui a lu l'EpÃtre, en a ri comme une folle, et j'espÚre que vous en rirez aussi. Comme il faut que ma Lettre soit timbrée de Paris, je vous l'envoie; je la laisse ouverte. Vous voudrez bien la lire, la cacheter, et la faire mettre à la Poste. Surtout n'allez pas vous servir de votre cachet, ni mÃÂȘme d'aucun emblÚme amoureux; une tÃÂȘte seulement. Adieu, ma belle amie. Je rouvre ma Lettre; j'ai décidé Emilie à aller aux Italiens. Je profiterai de ce temps pour aller vous voir. Je serai chez vous à six heures au plus tard; et si cela vous convient, nous irons ensemble sur les sept heures chez Madame de Volanges. Il sera décent que je ne diffÚre pas l'invitation que j'ai à lui faire de la part de Madame de Rosemonde; de plus, je serai bien aise de voir la petite Volanges. Adieu, la trÚs belle dame. Je veux avoir tant de plaisir à vous embrasser que le Chevalier puisse en ÃÂȘtre jaloux. De P. . , ce 30 août 17** LETTRE XLVIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL TIMBREE DE PARIS. C'est aprÚs une nuit orageuse, et pendant laquelle je n'ai pas fermé l'oeil; c'est aprÚs avoir été sans cesse ou dans l'agitation d'une ardeur dévorante, ou dans l'entier anéantissement de toutes les facultés de mon ùme, que je viens chercher auprÚs de vous, Madame, un calme dont j'ai besoin, et dont pourtant je n'espÚre pas jouir encore. En effet, la situation oÃÂč je suis en vous écrivant me fait connaÃtre plus que jamais la puissance irrésistible de l'Amour; j'ai peine à conserver assez d'empire sur moi pour mettre quelque ordre dans mes idées; et déjà je prévois que je ne finirai pas cette Lettre sans ÃÂȘtre obligé de l'interrompre. Quoi! ne puis-je donc espérer que vous partagerez quelque jour le trouble que j'éprouve en ce moment? J'ose croire cependant que, si vous le connaissiez bien, vous n'y seriez pas entiÚrement insensible. Croyez-moi, Madame, la froide tranquillité, le sommeil de l'ùme, image de la mort, ne mÚnent point au bonheur; les passions actives peuvent seules y conduire; et malgré les tourments que vous me faites éprouver, je crois pouvoir assurer sans crainte, que, dans ce moment, je suis plus heureux que vous. En vain m'accablez-vous de vos rigueurs désolantes, elles ne m'empÃÂȘchent point de m'abandonner entiÚrement à l'Amour et d'oublier, dans le délire qu'il me cause, le désespoir auquel vous me livrez. C'est ainsi que je veux me venger de l'exil auquel vous me condamnez. Jamais je n'eus tant de plaisir en vous écrivant; jamais je ne ressentis, dans cette occupation, une émotion si douce et cependant si vive. Tout semble augmenter mes transports l'air que je respire est plein de volupté; la table mÃÂȘme sur laquelle je vous écris, consacrée pour la premiÚre fois à cet usage, devient pour moi l'autel sacré de l'Amour; combien elle va s'embellir à mes yeux! j'aurai tracé sur elle le serment de vous aimer toujours! Pardonnez, je vous en supplie, au désordre de mes sens. Je devrais peut-ÃÂȘtre m'abandonner moins à des transports que vous ne partagez pas il faut vous quitter un moment pour dissiper une ivresse qui s'augmente à chaque instant, et qui devient plus forte que moi. Je reviens à vous, Madame, et sans doute j'y reviens toujours avec le mÃÂȘme empressement. Cependant le sentiment du bonheur a fui loin de moi; il a fait place à celui des privations cruelles. A quoi me sert-il de vous parler de mes sentiments, si je cherche en vain les moyens de vous convaincre? aprÚs tant d'efforts réitérés, la confiance et la force m'abandonnent à la fois. Si je me retrace encore les plaisirs de l'Amour, c'est pour sentir plus vivement le regret d'en ÃÂȘtre privé. Je ne me vois de ressource que dans votre indulgence, et je sens trop, dans ce moment, combien j'en ai besoin pour espérer de l'obtenir. Cependant, jamais mon amour ne fut plus respectueux, jamais il ne dut moins vous offenser; il est tel, j'ose le dire, que la vertu la plus sévÚre ne devrait pas le craindre mais je crains moi-mÃÂȘme de vous entretenir plus longtemps de la peine que j'éprouve. Assuré que l'objet qui la cause ne la partage pas, il ne faut pas au moins abuser de ses bontés; et ce serait le faire, que d'employer plus de temps à vous retracer cette douloureuse image. Je ne prends plus que celui de vous supplier de me répondre, et de ne jamais douter de la vérité de mes sentiments. Ecrite de P ..., datée de Paris, ce 30 août l7**. LETTRE XLIX CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Sans ÃÂȘtre ni légÚre, ni trompeuse, il me suffit, Monsieur, d'ÃÂȘtre éclairée sur ma conduite, pour sentir la nécessité d'en changer; j'en ai promis le sacrifice à Dieu, jusqu'à ce que je puisse lui offrir aussi celui de mes sentiments pour vous, que l'état Religieux dans lequel vous ÃÂȘtes rend plus criminels encore. Je sens bien que cela me fera de la peine, et je ne vous cacherai mÃÂȘme pas que depuis avant-hier j'ai pleuré toutes les fois que j'ai songé à vous. Mais j'espÚre que Dieu me fera la grùce de me donner la force nécessaire pour vous oublier, comme je la lui demande soir et matin. J'attends mÃÂȘme de votre amitié, et de votre honnÃÂȘteté, que vous ne chercherez pas à me troubler dans la bonne résolution qu'on m'a inspirée, et dans laquelle je tùche de me maintenir. En conséquence, je vous demande d'avoir la complaisance de ne me plus écrire, d'autant que je vous préviens que je ne vous répondrais plus, et que vous me forceriez d'avertir Maman de tout ce qui se passe ce qui me priverait tout à fait du plaisir de vous voir. Je n'en conserverai pas moins pour vous tout l'attachement qu'on puisse avoir sans qu'il y ait du mal; et c'est bien de toute mon ùme que je vous souhaite toute sorte de bonheur. Je sens bien que vous allez ne plus m'aimer autant, et que peut-ÃÂȘtre vous en aimerez bientÎt une autre mieux que moi. Mais ce sera une pénitence de plus, de la faute que j'ai commise en vous donnant mon cÅ“ur, que je ne devais donner qu'à Dieu, et à mon mari quand j'en aurai un. J'espÚre que la miséricorde divine aura pitié de ma faiblesse, et qu'elle ne me donnera de peine que ce que j'en pourrai supporter. Adieu, Monsieur; je peux bien vous assurer que s'il m'était permis d'aimer quelqu'un, ce ne serait jamais que vous que j'aimerais. Mais voilà tout ce que je peux vous dire, et c'est peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme plus que je ne devrais. De ..., ce 31 août 17** LETTRE L LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Est-ce donc ainsi, Monsieur, que vous remplissez les conditions auxquelles j'ai consenti à recevoir quelquefois de vos Lettres? Et puis-je ne pas avoir à m'en plaindre , quand vous ne m'y parlez que d'un sentiment auquel je craindrais encore de me livrer, quand mÃÂȘme je le pourrais sans blesser tous mes devoirs? Au reste, si j'avais besoin de nouvelles raisons pour conserver cette crainte salutaire, il me semble que je pourrais les trouver dans votre derniÚre Lettre. En effet, dans le moment mÃÂȘme oÃÂč vous croyez faire l'apologie de l'Amour, que faites-vous au contraire que m'en montrer les orages redoutables? qui peut vouloir d'un bonheur acheté au prix de la raison, et dont les plaisirs peu durables sont au moins suivis des regrets, quand ils ne le sont pas des remords? Vous-mÃÂȘme, chez qui l'habitude de ce délire dangereux doit en diminuer l'effet, n'ÃÂȘtes-vous pas cependant obligé de convenir qu'il devient souvent plus fort que vous, et n'ÃÂȘtes-vous pas le premier à vous plaindre du trouble involontaire qu'il vous cause? Quel ravage effrayant ne ferait-il donc pas sur un cÅ“ur neuf et sensible, qui ajouterait encore à son empire par la grandeur des sacrifices qu'il serait obligé de lui faire? Vous croyez, Monsieur, ou vous feignez de croire que l'Amour mÚne au bonheur; et moi, je suis si persuadée qu'il me rendrait malheureuse, que je voudrais n'entendre jamais prononcer son nom. Il me semble que d'en parler seulement altÚre la tranquillité; et c'est autant par goût que par devoir, que je vous prie de vouloir bien garder le silence sur ce point. AprÚs tout, cette demande doit vous ÃÂȘtre bien facile à m'accorder à présent. De retour à Paris, vous y trouverez assez d'occasions d'oublier un sentiment qui peut-ÃÂȘtre n'a dû sa naissance qu'à l'habitude oÃÂč vous ÃÂȘtes de vous occuper de semblables objets, et sa force qu'au désÅ“uvrement de la campagne. N'ÃÂȘtes- vous donc pas dans ce mÃÂȘme lieu, oÃÂč vous m'aviez vue avec tant d'indifférence? Y pouvez-vous faire un pas sans y rencontrer un exemple de votre facilité à changer et n'y ÃÂȘtes-vous pas entouré de femmes, qui toutes, plus aimables que moi, ont plus de droits à vos hommages? Je n'ai pas la vanité qu'on reproche à mon sexe; j'ai encore moins cette fausse modestie qui n'est qu'un raffinement de l'orgueil; et c'est de bien bonne foi que je vous dis ici que je me connais bien peu de moyens de plaire je les aurais tous, que je ne les croirais pas suffisants pour vous fixer. Vous demander de ne plus vous occuper de moi, ce n'est donc que vous prier de faire aujourd'hui ce que déjà vous aviez fait, et ce qu'à coup sûr vous feriez encore dans peu de temps, quand mÃÂȘme je vous demanderais le contraire. Cette vérité, que je ne perds pas de vue, serait, à elle seule, une raison assez forte pour ne pas vouloir vous entendre. J'en ai mille autres encore mais sans entrer dans cette longue discussion, je m'en tiens à vous prier, comme je l'ai déjà fait, de ne plus m'entretenir d'un sentiment que je ne dois pas écouter, et auquel je dois encore moins répondre. De ..., ce 1er septembre 17** SECONDE PARTIE LETTRE LI LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT En vérité, Vicomte, vous ÃÂȘtes insupportable. Vous me traitez avec autant de légÚreté que si j'étais votre MaÃtresse. Savez-vous que je me fùcherai, et que j'ai dans ce moment une humeur effroyable? Comment! vous devez voir Danceny demain matin; vous savez combien il est important que je vous parle avant cette entrevue; et sans vous inquiéter davantage, vous me laissez vous attendre toute la journée, pour aller courir je ne sais oÃÂč? Vous ÃÂȘtes cause que je suis arrivée indécemment tard chez Madame de Volanges, et que toutes les vieilles femmes m'ont trouvée merveilleuse. Il m'a fallu leur faire des cajoleries toute la soirée pour les apaiser car il ne faut pas fùcher les vieilles femmes; ce sont elles qui font la réputation des jeunes. A présent il est une heure du matin, et au lieu de me coucher, comme j'en meurs d'envie, il faut que je vous écrive une longue Lettre, qui va redoubler mon sommeil par l'ennui qu'elle me causera. Vous ÃÂȘtes bien heureux que je n'aie pas le temps de vous gronder davantage. N'allez pas croire pour cela que je vous pardonne; c'est seulement que je suis pressée. Ecoutez-moi donc, je me dépÃÂȘche. Pour peu que vous soyez adroit, vous devez avoir demain la confidence de Danceny. Le moment est favorable pour la confiance c'est celui du malheur. La petite fille a été à confesse; elle a tout dit, comme un enfant; et depuis, elle est tourmentée à un tel point de la peur du diable, qu'elle veut rompre absolument. Elle m'a raconté tous ses petits scrupules, avec une vivacité qui m'apprenait assez combien sa tÃÂȘte était montée. Elle m'a montré sa Lettre de rupture, qui est une vraie capucinade. Elle a babillé une heure avec moi, sans me dire un mot qui ait le sens commun. Mais elle ne m'en a pas moins embarrassée; car vous jugez que je ne pouvais risquer de m'ouvrir vis-à -vis d'une aussi mauvaise tÃÂȘte. J'ai vu pourtant au milieu de tout ce bavardage qu'elle n'en aime pas moins son Danceny; j'ai remarqué mÃÂȘme une de ces ressources qui ne manquent jamais à l'Amour, et dont la petite fille est assez plaisamment la dupe. Tourmentée par le désir de s'occuper de son Amant, et par la crainte de se damner en s'en occupant, elle a imaginé de prier Dieu de le lui faire oublier; et comme elle renouvelle cette priÚre à chaque instant du jour, elle trouve le moyen d'y penser sans cesse. Avec quelqu'un de plus usagé que Danceny, ce petit événement serait peut-ÃÂȘtre plus favorable que contraire, mais le jeune homme est si Céladon, que, si nous ne l'aidons pas, il lui faudra tant de temps pour vaincre les plus légers obstacles qu'il ne nous laissera pas celui d'effectuer notre projet. Vous avez bien raison; c'est dommage, et je suis aussi fùchée que vous qu'il soit le héros de cette aventure mais que voulez-vous? ce qui est fait est fait; et c'est votre faute. J'ai demandé à voir sa Réponse [Cette Lettre ne s'est pas retrouvée]; elle m'a fait pitié. Il lui fait des raisonnements à perte d'haleine, pour lui prouver qu'un sentiment involontaire ne peut pas ÃÂȘtre un crime comme s'il ne cessait pas d'ÃÂȘtre involontaire, du moment qu'on cesse de le combattre! Cette idée est si simple, qu'elle est venue mÃÂȘme à la petite fille. Il se plaint de son malheur d'une maniÚre assez touchante mais sa douleur est si douce et paraÃt si forte et si sincÚre, qu'il me semble impossible qu'une femme qui trouve l'occasion de désespérer un homme à ce point, et avec aussi peu de danger, ne soit pas tentée de s'en passer la fantaisie. Il lui explique enfin qu'il n'est pas Moine comme la petite le croyait; et c'est, sans contredit, ce qu'il fait de mieux car, pour faire tant que de se livrer à l'Amour Monastique, assurément MM. les Chevaliers de Malte ne mériteraient pas la préférence. Quoi qu'il en soit, au lieu de perdre mon temps en raisonnements qui m'auraient compromise, et peut-ÃÂȘtre sans persuader, j'ai approuvé le projet de rupture mais j'ai dit qu'il était plus honnÃÂȘte, en pareil cas, de dire ses raisons que de les écrire; qu'il était d'usage aussi de rendre les Lettres et les autres bagatelles qu'on pouvait avoir reçues; et paraissant entrer ainsi dans les vues de la petite personne, je l'ai décidée à donner un rendez-vous à Danceny. Nous en avons sur-le-champ concerté les moyens, et je me suis chargée de décider la mÚre à sortir sans sa fille; c'est demain aprÚs-midi que sera cet instant décisif. Danceny en est déjà instruit; mais, pour Dieu, si vous en trouvez l'occasion, décidez donc ce beau Berger à ÃÂȘtre moins langoureux; et apprenez-lui, puisqu'il faut lui tout dire, que la vraie façon de vaincre les scrupules est de ne laisser rien à perdre à ceux qui en ont. Au reste, pour que cette ridicule scÚne ne se renouvelùt pas, je n'ai pas manqué d'élever quelques doutes dans l'esprit de la petite fille sur la discrétion des Confesseurs; et je vous assure qu'elle paie à présent la peur qu'elle m'a faite, par celle qu'elle a que le sien n'aille tout dire à sa mÚre. J'espÚre qu'aprÚs que j'en aurai causé encore une fois ou deux avec elle, elle n'ira plus raconter ainsi ses sottises au premier venu [Le lecteur a dû deviner depuis longtemps, par les mÅ“urs de Madame de Merteuil, combien peu elle respectait la Religion. On aurait supprimé tout cet alinéa, mais on a cru qu'en montrant les effets, on ne devait pas négliger d'en faire connaÃtre les causes.]. Adieu, Vicomte; emparez-vous de Danceny, et conduisez-le. Il serait honteux que nous ne fissions pas ce que nous voulons de deux enfants. Si nous y trouvons plus de peine que nous ne l'avions cru d'abord, songeons, pour animer notre zÚle, vous, qu'il s'agit de la fille de Madame de Volanges, et moi, qu'elle doit devenir la femme de Gercourt. Adieu. De ..., ce 2 septembre l7**. LETTRE LII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Vous me défendez, Madame, de vous parler de mon amour; mais oÃÂč trouver le courage nécessaire pour vous obéir? Uniquement occupé d'un sentiment qui devrait ÃÂȘtre si doux, et que vous rendez si cruel; languissant dans l'exil oÃÂč vous m'avez condamné; ne vivant que de privations et de regrets; en proie à des tourments d'autant plus douloureux, qu'ils me rappellent sans cesse votre indifférence; me faudra-t-il encore perdre la seule consolation qui me reste? et puis-je en avoir d'autre, que de vous ouvrir quelquefois une ùme que vous remplissez de trouble et d'amertume? Détournerez-vous vos regards, pour ne pas voir les pleurs que vous faites répandre? Refuserez-vous jusqu'à l'hommage des sacrifices que vous exigez? Ne serait-il donc pas plus digne de vous, de votre ùme honnÃÂȘte et douce, de plaindre un malheureux, qui ne l'est que par vous, que de vouloir encore aggraver ses peines, par une défense à la fois injuste et rigoureuse. Vous feignez de craindre l'Amour, et vous ne voulez pas voir que vous seule causez les maux que vous lui reprochez. Ah! sans doute, ce sentiment est pénible, quand l'objet qui l'inspire ne le partage point; mais oÃÂč trouver le bonheur, si un amour réciproque ne le procure pas? L'amitié tendre, la douce confiance et la seule qui soit sans réserve, les peines adoucies, les plaisirs augmentés, l'espoir enchanteur, les souvenirs délicieux, oÃÂč les trouver ailleurs que dans l'Amour? Vous le calomniez, vous qui, pour jouir de tous les biens qu'il vous offre, n'avez qu'à ne plus vous y refuser; et moi j'oublie les peines que j'éprouve, pour m'occuper à le défendre. Vous me forcez aussi à me défendre moi-mÃÂȘme; car tandis que je consacre ma vie à vous adorer, vous passez la vÎtre à me chercher des torts déjà vous me supposez léger et trompeur; et abusant, contre moi, de quelques erreurs, dont moi-mÃÂȘme je vous ai fait l'aveu, vous vous plaisez à confondre ce que j'étais alors, avec ce que je suis à présent. Non contente de m'avoir livré au tourment de vivre loin de vous, vous y joignez un persiflage cruel, sur des plaisirs auxquels vous savez assez combien vous m'avez rendu insensible. Vous ne croyez ni à mes promesses, ni à mes serments eh bien! il me reste un garant à vous offrir, qu'au moins vous ne suspecterez pas; c'est vous- mÃÂȘme. Je ne vous demande que de vous interroger de bonne foi; si vous ne croyez pas à mon amour, si vous doutez un moment de régner seule sur mon ùme, si vous n'ÃÂȘtes pas assurée d'avoir fixé ce cÅ“ur, en effet, jusqu'ici trop volage, je consens à porter la peine de cette erreur; j'en gémirai, mais n'en appellerai point mais si au contraire, nous rendant justice à tous deux, vous ÃÂȘtes forcée de convenir avec vous-mÃÂȘme que vous n'avez, que vous n'aurez jamais de rivale, ne m'obligez plus, je vous supplie, à combattre des chimÚres, et laissez-moi au moins cette consolation de vous voir ne plus douter d'un sentiment qui, en effet, ne finira, ne peut finir qu'avec ma vie. Permettez-moi, Madame, de vous prier de répondre positivement à cet article de ma Lettre. Si j'abandonne cependant cette époque de ma vie, qui paraÃt me nuire si cruellement auprÚs de vous, ce n'est pas qu'au besoin les raisons me manquassent pour la défendre. Qu'ai-je fait, aprÚs tout, que ne pas résister au tourbillon dans lequel j'avais été jeté? Entré dans le monde, jeune et sans expérience; passé, pour ainsi dire, de mains en mains, par une foule de femmes, qui toutes se hùtent de prévenir par leur facilité une réflexion qu'elles sentent devoir leur ÃÂȘtre défavorable; était-ce donc à moi de donner l'exemple d'une résistance qu'on ne m'opposait point? ou devais-je me punir d'un moment d'erreur, et que souvent on avait provoqué par une constance à coup sûr inutile, et dans laquelle on n'aurait vu qu'un ridicule? Eh! quel autre moyen qu'une prompte rupture peut justifier d'un choix honteux! Mais, je puis le dire, cette ivresse des sens, peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme ce délire de la vanité, n'a point passé jusqu'à mon cÅ“ur. Né pour l'Amour, l'intrigue pouvait le distraire, et ne suffisait pas pour l'occuper; entouré d'objets séduisants, mais méprisables, aucun n'allait jusqu'à mon ùme on m'offrait des plaisirs, je cherchais des vertus; et moi-mÃÂȘme enfin je me crus inconstant, parce que j'étais délicat et sensible. C'est en vous voyant que je me suis éclairé bientÎt j'ai reconnu que le charme de l'Amour tenait aux qualités de l'ùme; qu'elles seules pouvaient en causer l'excÚs, et le justifier. Je sentis enfin qu'il m'était également impossible et de ne pas vous aimer, et d'en aimer une autre que vous. Voilà , Madame, quel est ce cÅ“ur auquel vous craignez de vous livrer, et sur le sort de qui vous avez à prononcer mais quel que soit le destin que vous lui réservez, vous ne changerez rien aux sentiments qui l'attachent à vous; ils sont inaltérables comme les vertus qui les ont fait naÃtre. De ..., ce 3 septembre 17** LETTRE LIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL J'ai vu Danceny, mais je n'en ai obtenu qu'une demi-confidence; il s'est obstiné, surtout, à me taire le nom de la petite Volanges, dont il ne m'a parlé que comme d'une femme trÚs sage, et mÃÂȘme un peu dévote à cela prÚs, il m'a raconté avec assez de vérité son aventure, et surtout le dernier événement. Je l'ai échauffé autant que j'ai pu, et l'ai beaucoup plaisanté sur sa délicatesse et ses scrupules; mais il paraÃt qu'il y tient, et je ne puis pas répondre de lui au reste, je pourrai vous en dire davantage aprÚs-demain. Je le mÚne demain à Versailles, et je m'occuperai à le scruter pendant la route. Le rendez-vous qui doit avoir eu lieu aujourd'hui me donne aussi quelque espérance il se pourrait que tout s'y fût passé à notre satisfaction; et peut-ÃÂȘtre ne nous reste-t-il à présent qu'à en arracher l'aveu, et à en recueillir les preuves. Cette besogne vous sera plus facile qu'à moi car la petite personne est plus confiante, ou, ce qui revient au mÃÂȘme, plus bavarde, que son discret Amoureux. Cependant j'y ferai mon possible. Adieu, ma belle amie, je suis fort pressé; je ne vous verrai ni ce soir, ni demain si de votre cÎté vous avez su quelque chose, écrivez-moi un mot pour mon retour. Je reviendrai sûrement coucher à Paris. De ..., ce 3 septembre 17**, au soir. LETTRE LIV LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Oh! oui! c'est bien avec Danceny qu'il y a quelque chose à savoir! S'il vous l'a dit, il s'est vanté. Je ne connais personne si bÃÂȘte en amour, et je me reproche de plus en plus les bontés que nous avons pour lui. Savez-vous que j'ai pensé ÃÂȘtre compromise par rapport à lui! et que ce soit en pure perte! Oh! je m'en vengerai, je le promets. Quand j'arrivai hier pour prendre Madame de Volanges, elle ne voulait plus sortir; elle se sentait incommodée; il me fallut toute mon éloquence pour la décider, et je vis le moment que Danceny serait arrivé avant notre départ; ce qui eût été d'autant plus gauche que Madame de Volanges lui avait dit la veille qu'elle ne serait pas chez elle. Sa fille et moi, nous étions sur les épines. Nous sortÃmes enfin; et la petite me serra la main si affectueusement en me disant adieu, que malgré son projet de rupture, dont elle croyait de bonne foi s'occuper encore, j'augurai des merveilles de la soirée. Je n'étais pas au bout de mes inquiétudes. Il y avait à peine une demi-heure que nous étions chez Madame de *** que Madame de Volanges se trouva mal en effet, mais sérieusement mal; et comme de raison, elle voulait rentrer chez elle moi, je le voulais d'autant moins que j'avais peur, si nous surprenions les jeunes gens, comme il y avait tout à parier, que mes instances auprÚs de la mÚre, pour la faire sortir, ne lui devinssent suspectes. Je pris le parti de l'effrayer sur sa santé, ce qui heureusement n'est pas difficile; et je la tins une heure et demie, sans consentir à la ramener chez elle, dans la crainte que je feignis d'avoir du mouvement dangereux de la voiture. Nous ne rentrùmes enfin qu'à l'heure convenue. A l'air honteux que je remarquai en arrivant, j'avoue que j'espérai qu'au moins mes peines n'auraient pas été perdues. Le désir que j'avais d'ÃÂȘtre instruite me fit rester auprÚs de Madame de Volanges, qui se coucha aussitÎt, et aprÚs avoir soupé auprÚs de son lit, nous la laissùmes de trÚs bonne heure, sous le prétexte qu'elle avait besoin de repos; et nous passùmes dans l'appartement de sa fille. Celle-ci a fait de son cÎté tout ce que j'attendais d'elle; scrupules évanouis, nouveaux serments d'aimer toujours, etc., elle s'est enfin exécutée de bonne grùce mais le sot Danceny n'a pas passé d'une ligne le point oÃÂč il était auparavant. Oh! l'on peut se brouiller avec celui-là ; les raccommodements ne sont pas dangereux. La petite assure pourtant qu'il voulait davantage, mais qu'elle a su se défendre. Je parierais bien qu'elle se vante, ou qu'elle l'excuse; je m'en suis mÃÂȘme presque assurée. En effet, il m'a pris fantaisie de savoir à quoi m'en tenir sur la défense dont elle était capable; et moi, simple femme, de propos en propos, j'ai monté sa tÃÂȘte au point... Enfin vous pouvez m'en croire, jamais personne ne fut plus susceptible d'une surprise des sens. Elle est vraiment aimable, cette chÚre petite! Elle méritait un autre Amant; elle aura au moins une bonne amie, car je m'attache sincÚrement à elle. Je lui ai promis de la former et je crois que je lui tiendrai parole. Je me suis souvent aperçue du besoin d'avoir une femme dans ma confidence, et j'aimerais mieux celle-là qu'une autre; mais je ne puis en rien faire, tant qu'elle ne sera pas ce qu'il faut qu'elle soit; et c'est une raison de plus d'en vouloir à Danceny. Adieu, Vicomte; ne venez pas chez moi demain, à moins que ce ne soit le matin. J'ai cédé aux instances du Chevalier, pour une soirée de petite Maison. De ..., ce 4 septembre 17** LETTRE LV CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Tu avais raison, ma chÚre Sophie; tes prophéties réussissent mieux que tes conseils. Danceny, comme tu l'avais prédit, a été plus fort que le Confesseur, que toi, que moi-mÃÂȘme; et nous voilà revenus exactement oÃÂč nous en étions. Ah! je ne m'en repens pas; et toi, si tu m'en grondes ce sera faute de savoir le plaisir qu'il y a à aimer Danceny. Il t'est bien aisé de dire comme il faut faire, rien ne t'en empÃÂȘche; mais si tu avais éprouvé combien le chagrin de quelqu'un qu'on aime nous fait mal, comment sa joie devient la nÎtre, et comment il est difficile de dire non, quand c'est oui que l'on veut dire, tu ne t'étonnerais plus de rien moi-mÃÂȘme qui l'ai senti, bien vivement senti, je ne le comprends pas encore. Crois-tu, par exemple, que je puisse voir pleurer Danceny sans pleurer moi-mÃÂȘme? Je t'assure bien que cela m'est impossible; et quand il est content, je suis heureuse comme lui. Tu auras beau dire; ce qu'on dit ne change pas ce qui est, et je suis bien sûre que c'est comme ça. Je voudrais te voir à ma place... Non, ce n'est pas là ce que je veux dire, car sûrement je ne voudrais céder ma place à personne mais je voudrais que tu aimasses aussi quelqu'un; ce ne serait pas seulement pour que tu m'entendisses mieux, et que tu me grondasses moins; car c'est qu'aussi tu serais plus heureuse, ou, pour mieux dire, tu commencerais seulement alors à le devenir. Nos amusements, nos rires, tout cela, vois-tu, ce ne sont que des jeux d'enfants; il n'en reste rien aprÚs qu'ils sont passés. Mais l'Amour, ah! l'Amour!... un mot, un regard, seulement de le savoir là , eh bien! c'est le bonheur. Quand je vois Danceny, je ne désire plus rien; quand je ne le vois pas, je ne désire que lui. Je ne sais comment cela se fait mais on dirait que tout ce qui me plaÃt lui ressemble. Quand il n'est pas avec moi, j'y songe; et quand je peux y songer tout à fait, sans distraction, quand je suis toute seule, par exemple, je suis encore heureuse; je ferme les yeux, et tout de suite je crois le voir; je me rappelle ses discours, et je crois l'entendre; cela me fait soupirer; et puis je sens un feu, une agitation... Je ne saurais tenir en place. C'est comme un tourment, et ce tourment-là fait un plaisir inexprimable. Je crois mÃÂȘme que quand une fois on a de l'Amour, cela se répand jusque sur l'amitié. Celle que j'ai pour toi n'a pourtant pas changé; c'est toujours comme au Couvent mais ce que je te dis, je l'éprouve avec Madame de Merteuil. Il me semble que je l'aime plus comme Danceny que comme toi, et quelquefois je voudrais qu'elle fût lui. Cela vient peut-ÃÂȘtre de ce que ce n'est pas une amitié d'enfant comme la nÎtre; ou bien de ce que je les vois si souvent ensemble, ce qui fait que je me trompe. Enfin, ce qu'il y a de vrai, c'est qu'à eux deux, ils me rendent bien heureuse; et aprÚs tout, je ne crois pas qu'il y ait grand mal à ce que je fais. Aussi je ne demanderais qu'à rester comme je suis; et il n'y a que l'idée de mon mariage qui me fasse de la peine car si M. de Gercourt est comme on me l'a dit, et je n'en doute pas, je ne sais pas ce que je deviendrai. Adieu, ma Sophie; je t'aime toujours bien tendrement. De ..., ce 4 septembre 17** LETTRE LVI LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT A quoi vous servirait, Monsieur, la réponse que vous me demandez? Croire à vos sentiments, ne serait-ce pas une raison de plus pour les craindre? et sans attaquer ni défendre leur sincérité, ne me suffit-il pas, ne doit-il pas vous suffire à vous-mÃÂȘme, de savoir que je ne veux ni ne dois y répondre? Supposé que vous m'aimiez véritablement et c'est seulement pour ne plus revenir sur cet objet que je consens à cette supposition, les obstacles qui nous séparent en seraient-ils moins insurmontables? et aurais-je autre chose à faire qu'à souhaiter que vous puissiez bientÎt vaincre cet amour, et surtout à vous y aider de tout mon pouvoir, en me hùtant de vous Îter toute espérance? Vous convenez vous-mÃÂȘme que ce sentiment est pénible quand l'objet qui l'inspire ne le partage point . Or, vous savez assez qu'il m'est impossible de le partager, et quand mÃÂȘme ce malheur m'arriverait, j'en serais plus à plaindre, sans que vous en fussiez plus heureux. J'espÚre que vous m'estimez assez pour n'en pas douter un instant. Cessez donc, je vous en conjure, cessez de vouloir troubler un cÅ“ur à qui la tranquillité est si nécessaire; ne me forcez pas à regretter de vous avoir connu. Chérie et estimée d'un mari que j'aime et respecte, mes devoirs et mes plaisirs se rassemblent dans le mÃÂȘme objet. Je suis heureuse, je dois l'ÃÂȘtre. S'il existe des plaisirs plus vifs, je ne les désire pas; je ne veux point les connaÃtre. En est-il de plus doux que d'ÃÂȘtre en paix avec soi-mÃÂȘme, de n'avoir que des jours sereins, de s'endormir sans trouble, et de s'éveiller sans remords? Ce que vous appelez le bonheur n'est qu'un tumulte des sens, un orage des passions dont le spectacle est effrayant, mÃÂȘme à le regarder du rivage. Eh! comment affronter ces tempÃÂȘtes? comment oser s'embarquer sur une mer couverte des débris de mille et mille naufrages? Et avec qui? Non, Monsieur, je reste à terre; je chéris les liens qui m'y attachent. Je pourrais les rompre, que je ne le voudrais pas; si je ne les avais, je me hùterais de les prendre. Pourquoi vous attacher à mes pas? pourquoi vous obstiner à me suivre? Vos Lettres, qui devaient ÃÂȘtre rares, se succÚdent avec rapidité. Elles devaient ÃÂȘtre sages, et vous ne m'y parlez que de votre fol amour. Vous m'entourez de votre idée, plus que vous ne le faisiez de votre personne. Ecarté sous une forme, vous vous reproduisez sous une autre. Les choses qu'on vous demande de ne plus dire, vous les redites seulement d'une autre maniÚre. Vous vous plaisez à m'embarrasser par des raisonnements captieux; vous échappez aux miens. Je ne veux plus vous répondre, je ne vous répondrai plus... Comme vous traitez les femmes que vous avez séduites! avec quel mépris vous en parlez! Je veux croire que quelques-unes le méritent mais toutes sont-elles donc si méprisables? Ah! sans doute, puisqu'elles ont trahi leurs devoirs pour se livrer à un amour criminel. De ce moment, elles ont tout perdu, jusqu'à l'estime de celui à qui elles ont tout sacrifié. Ce supplice est juste, mais l'idée seule en fait frémir. Que m'importe, aprÚs tout? pourquoi m'occuperais-je d'elles ou de vous? de quel droit venez-vous troubler ma tranquillité? Laissez-moi, ne me voyez plus; ne m'écrivez plus, je vous en prie; je l'exige. Cette Lettre est la derniÚre que vous recevrez de moi. De ..., ce 5 septembre 17** LETTRE LVII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL J'ai trouvé votre Lettre hier à mon arrivée. Votre colÚre m'a tout à fait réjoui. Vous ne sentiriez pas plus vivement les torts de Danceny, quand il les aurait eus vis-à -vis de vous. C'est sans doute par vengeance, que vous accoutumez sa MaÃtresse à lui faire de petites infidélités; vous ÃÂȘtes un bien mauvais sujet! Oui, vous ÃÂȘtes charmante, et je ne m'étonne pas qu'on vous résiste moins qu'à Danceny. Enfin je le sais par cÅ“ur, ce beau héros de Roman! il n'a plus de secret pour moi. Je lui ai tant dit que l'Amour honnÃÂȘte était le bien suprÃÂȘme, qu'un sentiment valait mieux que dix intrigues, que j'étais moi-mÃÂȘme, dans ce moment, amoureux et timide; il m'a trouvé enfin une façon de penser si conforme à la sienne, que dans l'enchantement oÃÂč il était de ma candeur, il m'a tout dit, et m'a juré une amitié sans réserve. Nous n'en sommes guÚre plus avancés pour notre projet. D'abord, il m'a paru que son systÚme était qu'une demoiselle mérite beaucoup plus de ménagements qu'une femme, comme ayant plus à perdre. Il trouve, surtout, que rien ne peut justifier un homme de mettre une fille dans la nécessité de l'épouser ou de vivre déshonorée, quand la fille est infiniment plus riche que l'homme, comme dans le cas oÃÂč il se trouve. La sécurité de la mÚre, la candeur de la fille, tout l'intimide et l'arrÃÂȘte. L'embarras ne serait point de combattre ses raisonnements, quelque vrais qu'ils soient. Avec un peu d'adresse et aidé par la passion, on les aurait bientÎt détruits; d'autant qu'ils prÃÂȘtent au ridicule, et qu'on aurait pour soi l'autorité de l'usage. Mais ce qui empÃÂȘche qu'il n'y ait de prise sur lui, c'est qu'il se trouve heureux comme il est. En effet, si les premiers amours paraissent, en général, plus honnÃÂȘtes, et comme on dit plus purs; s'ils sont au moins plus lents dans leur marche, ce n'est pas, comme on le pense, délicatesse ou timidité, c'est que le cÅ“ur, étonné par un sentiment inconnu, s'arrÃÂȘte pour ainsi dire à chaque pas, pour jouir du charme qu'il éprouve, et que ce charme est si puissant sur un cÅ“ur neuf, qu'il l'occupe au point de lui faire oublier tout autre plaisir. Cela est si vrai, qu'un libertin amoureux, si un libertin peut l'ÃÂȘtre, devient de ce moment mÃÂȘme moins pressé de jouir; et qu'enfin, entre la conduite de Danceny avec la petite Volanges, et la mienne avec la prude Madame de Tourvel, il n'y a que la différence du plus au moins. Il aurait fallu, pour échauffer notre jeune homme, plus d'obstacles qu'il n'en a rencontrés; surtout qu'il eût eu besoin de plus de mystÚre, car le mystÚre mÚne à l'audace. Je ne suis pas éloigné de croire que vous nous avez nui en le servant si bien; votre conduite eût été excellente avec un homme usagé , qui n'eût eu que des désirs mais vous auriez pu prévoir que pour un homme jeune, honnÃÂȘte et amoureux, le plus grand prix des faveurs est d'ÃÂȘtre la preuve de l'Amour; et que par conséquent, plus il serait sûr d'ÃÂȘtre aimé, moins il serait entreprenant. Que faire à présent? Je n'en sais rien; mais je n'espÚre pas que la petite soit prise avant le mariage, et nous en serons pour nos frais; j'en suis fùché, mais je n'y vois pas de remÚde. Pendant que je disserte ici, vous faites mieux avec votre Chevalier. Cela me fait songer que vous m'avez promis une infidélité en ma faveur, j'en ai votre promesse par écrit et je ne veux pas en faire un billet de la Chùtre. Je conviens que l'échéance n'est pas encore arrivée mais il serait généreux à vous de ne pas l'attendre; et de mon cÎté, je vous tiendrais compte des intérÃÂȘts. Qu'en dites-vous, ma belle amie? est-ce que vous n'ÃÂȘtes pas fatiguée de votre constance? Ce Chevalier est donc bien merveilleux? Oh! laissez-moi faire; je veux vous forcer de convenir que si vous lui avez trouvé quelque mérite, c'est que vous m'aviez oublié. Adieu, ma belle amie; je vous embrasse comme je vous désire; je défie tous les baisers du Chevalier d'avoir autant d'ardeur. De ..., ce 5 septembre 17** LETTRE LVIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Par oÃÂč ai-je donc mérité, Madame, et les reproches que vous me faites, et la colÚre que vous me témoignez? L'attachement le plus vif et pourtant le plus respectueux, la soumission la plus entiÚre à vos moindres volontés; voilà en deux mots l'histoire de mes sentiments et de ma conduite. Accablé par les peines d'un amour malheureux, je n'avais d'autre consolation que celle de vous voir vous m'avez ordonné de m'en priver; j'ai obéi sans me permettre un murmure. Pour prix de ce sacrifice, vous m'avez permis de vous écrire, et aujourd'hui vous voulez m'Îter cet unique plaisir. Me le laisserai-je ravir, sans essayer de le défendre? Non, sans doute eh! comment ne serait-il pas cher à mon cÅ“ur? c'est le seul qui me reste, et je le tiens de vous. Mes Lettres, dites-vous, sont trop fréquentes! Songez donc, je vous prie, que depuis dix jours que dure mon exil, je n'ai passé aucun moment sans m'occuper de vous, et que cependant vous n'avez reçu que deux Lettres de moi. Je ne vous y parle que de mon amour ! eh! que puis-je dire, que ce que je pense? tout ce que j'ai pu faire a été d'en affaiblir l'expression; et vous pouvez m'en croire, je ne vous en ai laissé voir que ce qu'il m'a été impossible d'en cacher. Vous me menacez enfin de ne plus me répondre. Ainsi l'homme qui vous préfÚre à tout et qui vous respecte encore plus qu'il ne vous aime, non contente de le traiter avec rigueur, vous voulez y joindre le mépris! Et pourquoi ces menaces et ce courroux? qu'en avez-vous besoin? n'ÃÂȘtes-vous pas sûre d'ÃÂȘtre obéie, mÃÂȘme dans vos ordres injustes? m'est-il donc possible de contrarier aucun de vos désirs, et ne l'ai-je pas déjà prouvé? Mais abuserez- vous de cet empire que vous avez sur moi? AprÚs m'avoir rendu malheureux, aprÚs ÃÂȘtre devenue injuste, vous sera-t-il donc bien facile de jouir de cette tranquillité que vous assurez vous ÃÂȘtre si nécessaire? ne vous direz-vous jamais Il m'a laissée maÃtresse de son sort, et j'ai fait son malheur? il implorait mes secours, et je l'ai regardé sans pitié? Savez-vous jusqu'oÃÂč peut aller mon désespoir? non. Pour calculer mes maux, il faudrait savoir à quel point je vous aime, et vous ne connaissez pas mon cÅ“ur. A quoi me sacrifiez-vous? à des craintes chimériques. Et qui vous les inspire? un homme qui vous adore; un homme sur qui vous ne cesserez jamais d'avoir un empire absolu. Que craignez-vous, que pouvez-vous craindre d'un sentiment que vous serez toujours maÃtresse de diriger à votre gré? Mais votre imagination se crée des monstres, et l'effroi qu'ils vous causent, vous l'attribuez à l'Amour. Un peu de confiance, et ces fantÎmes disparaÃtront. Un Sage a dit que pour dissiper ses craintes il suffisait presque toujours d'en approfondir la cause [On croit que c'est Rousseau dans Emile, mais la citation n'est pas exacte, et l'application qu'en fait Valmont est bien fausse; et puis, Madame de Tourvel avait-elle lu Emile?]. C'est surtout en amour que cette vérité trouve son application. Aimez, et vos craintes s'évanouiront. A la place des objets qui vous effrayent, vous trouverez un sentiment délicieux, un Amant tendre et soumis; et tous vos jours, marqués par le bonheur, ne vous laisseront d'autre regret que d'en avoir perdu quelques-uns dans l'indifférence. Moi-mÃÂȘme, depuis que, revenu de mes erreurs, je n'existe plus que pour l'Amour, je regrette un temps que je croyais avoir passé dans les plaisirs; et je sens que c'est à vous seule qu'il appartient de me rendre heureux. Mais, je vous en supplie, que le plaisir que je trouve à vous écrire ne soit plus troublé par la crainte de vous déplaire. Je ne veux pas vous désobéir; mais je suis à vos genoux, j'y réclame le bonheur que vous voulez me ravir, le seul que vous m'avez laissé; je vous crie écoutez mes priÚres, et voyez mes larmes; ah! Madame, me refuserez-vous? De ..., ce 7 septembre 17** LETTRE LIX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Apprenez-moi, si vous savez, ce que signifie ce radotage de Danceny. Qu'est- il donc arrivé, et qu'est-ce qu'il a perdu? Sa Belle s'est peut-ÃÂȘtre fùchée de son respect éternel? Il faut ÃÂȘtre juste, on se fùcherait à moins. Que lui dirai-je ce soir, au rendez-vous qu'il me demande, et que je lui ai donné à tout hasard? Assurément je ne perdrai pas mon temps à écouter ses doléances, si cela ne doit nous mener à rien. Les complaintes amoureuses ne sont bonnes à entendre qu'en récitatifs obligés, ou en grandes ariettes. Instruisez-moi donc de ce qui est et de ce que je dois faire; ou bien je déserte, pour éviter l'ennui que je prévois. Pourrai-je causer avec vous ce matin? Si vous ÃÂȘtes occupée , au moins écrivez-moi un mot, et donnez-moi les réclames de mon rÎle. OÃÂč étiez-vous donc hier? Je ne parviens plus à vous voir. En vérité, ce n'était pas la peine de me retenir à Paris au mois de Septembre. Décidez-vous pourtant, car je viens de recevoir une invitation fort pressante de la Comtesse de B**, pour aller la voir à la campagne; et, comme elle me le mande assez plaisamment, " son mari a le plus beau bois du monde, qu'il conserve soigneusement pour les plaisirs de ses amis " . Or, vous savez que j'ai bien quelques droits, sur ce bois-là ; et j'irai le revoir si je ne vous suis pas utile. Adieu, songez que Danceny sera chez moi sur les quatre heures. De ..., ce 8 septembre 17** LETTRE LX LE CHEVALIER DANCENY AU VICOMTE DE VALMONT INCLUSE DANS LA PRECEDENTE. Ah! Monsieur, je suis désespéré, j'ai tout perdu. Je n'ose confier au papier le secret de mes peines mais j'ai besoin de les répandre dans le sein d'un ami fidÚle et sûr. A quelle heure pourrais-je vous voir, et aller chercher auprÚs de vous des consolations et des conseils? J'étais si heureux le jour oÃÂč je vous ouvris mon ùme! A présent, quelle différence! tout est changé pour moi. Ce que je souffre pour mon compte n'est encore que la moindre partie de mes tourments; mon inquiétude sur un objet bien plus cher, voilà ce que je ne puis supporter. Plus heureux que moi, vous pourrez la voir, et j'attends de votre amitié que vous ne me refuserez pas cette démarche mais il faut que je vous parle, que je vous instruise. Vous me plaindrez, vous me secourrez; je n'ai d'espoir qu'en vous. Vous ÃÂȘtes sensible, vous connaissez l'Amour, et vous ÃÂȘtes le seul à qui je puisse me confier; ne me refusez pas vos secours. Adieu, Monsieur; le seul soulagement que j'éprouve dans ma douleur est de songer qu'il me reste un ami tel que vous. Faites-moi savoir, je vous prie, à quelle heure je pourrai vous trouver. Si ce n'est pas ce matin, je désirerais que ce fût de bonne heure dans l'aprÚs-midi. De ..., ce 8 septembre 17** LETTRE LXI CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Ma chÚre Sophie, plains ta Cécile, ta pauvre Cécile; elle est bien malheureuse! Maman sait tout. Je ne conçois pas comment elle a pu se douter de quelque chose, et pourtant elle a tout découvert. Hier au soir, Maman me parut bien avoir un peu d'humeur; mais je n'y fis pas grande attention; et mÃÂȘme en attendant que sa partie fût finie, je causai trÚs gaiement avec Madame de Merteuil qui avait soupé ici, et nous parlùmes beaucoup de Danceny. Je ne crois pourtant pas qu'on ait pu nous entendre. Elle s'en alla, et je me retirai dans mon appartement. Je me déshabillais, quand Maman entra et fit sortir ma Femme de chambre; elle me demanda la clef de mon secrétaire. Le ton dont elle me fit cette demande me causa un tremblement si fort que je pouvais à peine me soutenir. Je faisais semblant de ne la pas trouver, mais enfin il fallut obéir. Le premier tiroir qu'elle ouvrit fut justement celui oÃÂč étaient les Lettres du Chevalier Danceny. J'étais si troublée, que quand elle me demanda ce que c'était, je ne sus lui répondre autre chose, sinon que ce n'était rien; mais quand je la vis commencer à lire celle qui se présentait la premiÚre, je n'eus que le temps de gagner un fauteuil, et je me trouvai mal au point que je perdis connaissance. AussitÎt que je revins à moi, ma mÚre, qui avait appelé ma Femme de chambre, se retira, en me disant de me coucher. Elle a emporté toutes les Lettres de Danceny. Je frémis toutes les fois que je songe qu'il me faudra reparaÃtre devant elle. Je n'ai fait que pleurer toute la nuit. Je t'écris au point du jour, dans l'espoir que Joséphine viendra. Si je peux lui parler seule, je la prierai de remettre chez Madame de Merteuil un petit billet que je vas lui écrire; sinon, je le mettrai dans ta Lettre, et tu voudras bien l'envoyer comme de toi. Ce n'est que d'elle que je puis recevoir quelque consolation. Au moins, nous parlerons de lui, car je n'espÚre plus le voir. Je suis bien malheureuse! Elle aura peut-ÃÂȘtre la bonté de se charger d'une Lettre pour Danceny. Je n'ose pas me confier à Joséphine pour cet objet, et encore moins à ma Femme de chambre; car c'est peut-ÃÂȘtre elle qui aura dit à ma mÚre que j'avais des Lettres dans mon secrétaire. Je ne t'écrirai pas plus longuement, parce que je veux avoir le temps d'écrire à Madame de Merteuil, et aussi à Danceny, pour avoir ma Lettre toute prÃÂȘte, si elle veut bien s'en charger. AprÚs cela, je me recoucherai, pour qu'on me trouve au lit quand on entrera dans ma chambre. Je dirai que je suis malade, pour me dispenser de passer chez Maman. Je ne mentirai pas beaucoup; sûrement je souffre plus que si j'avais la fiÚvre. Les yeux me brûlent à force d'avoir pleuré; et j'ai un poids sur l'estomac, qui m'empÃÂȘche de respirer. Quand je songe que je ne verrai plus Danceny, je voudrais ÃÂȘtre morte. Adieu, ma chÚre Sophie. Je ne peux t'en dire davantage; les larmes me suffoquent. De ..., ce 7 septembre 17** Nota. On a supprimé la Lettre de Cécile Volanges à la Marquise, parce qu'elle ne contenait que les mÃÂȘmes faits de la Lettre précédente, et avec moins de détails. Celle au Chevalier Danceny ne s'est point retrouvée on en verra la raison dans la Lettre LXIII, de Madame de Merteuil au Vicomte. LETTRE LXII MADAME DE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY AprÚs avoir abusé, Monsieur, de la confiance d'une mÚre et de l'innocence d'un enfant, vous ne serez pas surpris, sans doute, de ne plus ÃÂȘtre reçu dans une maison oÃÂč vous n'avez répondu aux preuves de l'amitié la plus sincÚre, que par l'oubli de tous les procédés. Je préfÚre de vous prier de ne plus venir chez moi, à donner des ordres à ma porte, qui nous compromettraient tous également, par les remarques que les Valets ne manqueraient pas de faire. J'ai droit d'espérer que vous ne me forcerez pas de recourir à ce moyen. Je vous préviens aussi que si vous faites à l'avenir la moindre tentative pour entretenir ma fille dans l'égarement oÃÂč vous l'avez plongée, une retraite austÚre et éternelle la soustraira à vos poursuites. C'est à vous de voir, Monsieur, si vous craindrez aussi peu de causer son infortune, que vous avez peu craint de tenter son déshonneur. Quant à moi, mon choix est fait, et je l'en ai instruite. Vous trouverez ci-joint le paquet de vos Lettres. Je compte que vous me renverrez en échange toutes celles de ma fille; et que vous vous prÃÂȘterez à ne laisser aucune trace d'un événement dont nous ne pourrions garder le souvenir, moi sans indignation, elle sans honte, et vous sans remords. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. De ..., ce 7 septembre 17** LETTRE LXIII LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Vraiment, oui, je vous expliquerai le billet de Danceny. L'événement qui le lui a fait écrire est mon ouvrage, et c'est, je crois, mon chef-d'Å“uvre. Je n'ai pas perdu mon temps depuis votre derniÚre lettre, et j'ai dit comme l'Architecte Athénien " Ce qu'il a dit, je le ferai. " Il lui faut donc des obstacles à ce beau Héros de Roman, et il s'endort dans la félicité! oh! qu'il s'en rapporte à moi, je lui donnerai de la besogne; et je me trompe, ou son sommeil ne sera plus tranquille. Il fallait bien lui apprendre le prix du temps, et je me flatte qu'à présent il regrette celui qu'il a perdu. Il fallait, dites-vous aussi, qu'il eût besoin de plus de mystÚre; eh bien! ce besoin-là ne lui manquera plus. J'ai cela de bon, moi, c'est qu'il ne faut que me faire apercevoir de mes fautes; je ne prends point de repos que je n'aie tout réparé. Apprenez donc ce que j'ai fait. En rentrant chez moi avant-hier matin, je lus votre Lettre; je la trouvai lumineuse. Persuadée que vous aviez trÚs bien indiqué la cause du mal, je ne m'occupai plus qu'à trouver le moyen de le guérir. Je commençai pourtant par me coucher; car l'infatigable Chevalier ne m'avait pas laissée dormir un moment, et je croyais avoir sommeil mais point du tout; tout entiÚre à Danceny, le désir de le tirer de son indolence, ou de l'en punir, ne me permit pas de fermer l'oeil, et ce ne fut qu'aprÚs avoir bien concerté mon plan, que je pus trouver deux heures de repos. J'allai le soir mÃÂȘme chez Madame de Volanges, et, suivant mon projet, je lui fis confidence que je me croyais sûre qu'il existait entre sa fille et Danceny une liaison dangereuse. Cette femme, si clairvoyante contre vous, était aveuglée au point qu'elle me répondit d'abord qu'à coup sûr je me trompais; que sa fille était un enfant, etc. Je ne pouvais pas lui dire tout ce que j'en savais; mais je citai des regards, des propos, dont ma vertu et mon amitié s'alarmaient . Je parlai enfin presque aussi bien qu'aurait pu faire une Dévote, et, pour frapper le coup décisif, j'allai jusqu'à dire que je croyais avoir vu donner et recevoir une Lettre. Cela me rappelle, ajoutai-je, qu'un jour elle ouvrit devant moi un tiroir de son secrétaire, dans lequel je vis beaucoup de papiers, que sans doute elle conserve. Lui connaissez-vous quelque correspondance fréquente? Ici la figure de Madame de Volanges changea, et je vis quelques larmes rouler dans ses yeux. Je vous remercie, ma digne amie, me dit-elle, en me serrant la main, je m'en éclaircirai. AprÚs cette conversation, trop courte pour ÃÂȘtre suspecte, je me rapprochai de la jeune personne. Je la quittai bientÎt aprÚs, pour demander à la mÚre de ne pas me compromettre vis-à -vis de sa fille, ce qu'elle me promit d'autant plus volontiers, que je lui fis observer combien il serait heureux que cet enfant prÃt assez de confiance en moi pour m'ouvrir son cÅ“ur et me mettre à portée de lui donner mes sages conseils. Ce qui m'assure qu'elle tiendra sa promesse, c'est que je ne doute pas qu'elle ne veuille se faire honneur de sa pénétration auprÚs de sa fille. Je me trouvais, par là , autorisée à garder mon ton d'amitié avec la petite, sans paraÃtre fausse aux yeux de Madame de Volanges; ce que je voulais éviter. J'y gagnais encore d'ÃÂȘtre, par la suite, aussi longtemps et aussi secrÚtement que je voudrais, avec la jeune personne, sans que la mÚre en prÃt jamais d'ombrage. J'en profitai dÚs le soir mÃÂȘme; et aprÚs ma partie finie, je chambrai la petite dans un coin, et la mis sur le chapitre de Danceny, sur lequel elle ne tarit jamais. Je m'amusais à lui monter la tÃÂȘte sur le plaisir qu'elle aurait à le voir le lendemain; il n'est sorte de folies que je ne lui aie fait dire. Il fallait bien lui rendre en espérance ce que je lui Îtais en réalité; et puis, tout cela devait lui rendre le coup plus sensible, et je suis persuadée que plus elle aura souffert, plus elle sera pressée de s'en dédommager à la premiÚre occasion. Il est bon, d'ailleurs, d'accoutumer aux grands événements quelqu'un qu'on destine aux grandes aventures. AprÚs tout, ne peut-elle pas payer de quelques larmes le plaisir d'avoir son Danceny? elle en raffole! eh bien, je lui promets qu'elle l'aura, et plus tÎt mÃÂȘme qu'elle ne l'aurait eu sans cet orage. C'est un mauvais rÃÂȘve dont le réveil sera délicieux; et, à tout prendre, il me semble qu'elle me doit de la reconnaissance au fait, quand j'y aurais mis un peu de malice, il faut bien s'amuser Les sots sont ici-bas pour nos menus plaisirs. [Gresset. Le Méchant, Comédie] Je me retirai enfin, fort contente de moi. Ou Danceny, me disais-je, animé par les obstacles, va redoubler d'amour, et alors je le servirai de tout mon pouvoir; ou si ce n'est qu'un sot comme je suis tentée quelquefois de le croire, il sera désespéré, et se tiendra pour battu or, dans ce cas, au moins me serai-je vengée de lui, autant qu'il était en moi; chemin faisant j'aurai augmenté pour moi l'estime de la mÚre, l'amitié de la fille, et la confiance de toutes deux. Quant à Gercourt, premier objet de mes soins, je serais bien malheureuse ou bien maladroite, si, maÃtresse de l'esprit de sa femme, comme je le suis et vas l'ÃÂȘtre plus encore, je ne trouvais pas mille moyens d'en faire ce que je veux qu'il soit. Je me couchai dans ces douces idées aussi je dormis, et me réveillai fort tard. A mon réveil, je trouvai deux billets, un de la mÚre, et un de la fille; et je ne pus m'empÃÂȘcher de rire, en trouvant dans tous deux littéralement cette mÃÂȘme phrase C'est de vous seule que j'attends quelque consolation . N'est-il pas plaisant, en effet, de consoler pour et contre, et d'ÃÂȘtre le seul agent de deux intérÃÂȘts directement contraires? Me voilà comme la Divinité; recevant les vÅ“ux opposés des aveugles mortels, et ne changeant rien à mes décrets immuables. J'ai quitté pourtant ce rÎle auguste, pour prendre celui d'Ange consolateur; et j'ai été, suivant le précepte, visiter mes amis dans leur affliction. J'ai commencé par la mÚre; je l'ai trouvée d'une tristesse, qui déjà vous venge en partie des contrariétés qu'elle vous a fait éprouver de la part de votre belle Prude. Tout a réussi à merveille ma seule inquiétude était que Madame de Volanges ne profitùt de ce moment pour gagner la confiance de sa fille; ce qui eût été bien facile, en n'employant, avec elle, que le langage de la douceur et de l'amitié; et en donnant aux conseils de la raison, l'air et le ton de la tendresse indulgente. Par bonheur, elle s'est armée de sévérité; elle s'est enfin si mal conduite, que je n'ai eu qu'à applaudir. Il est vrai qu'elle a pensé rompre tous nos projets, par le parti qu'elle avait pris de faire rentrer sa fille au Couvent mais j'ai paré ce coup; et je l'ai engagée à en faire seulement la menace, dans le cas oÃÂč Danceny continuerait ses poursuites afin de les forcer tous deux à une circonspection que je crois nécessaire pour le succÚs. Ensuite j'ai été chez la fille. Vous ne sauriez croire combien la douleur l'embellit! Pour peu qu'elle prenne de coquetterie, je vous garantis qu'elle pleurera souvent pour cette fois, elle pleurait sans malice... Frappée de ce nouvel agrément que je ne lui connaissais pas, et que j'étais bien aise d'observer, je ne lui donnai d'abord que de ces consolations gauches, qui augmentent plus les peines qu'elles ne les soulagent; et, par ce moyen, je l'amenai au point d'ÃÂȘtre véritablement suffoquée. Elle ne pleurait plus, et je craignis un moment les convulsions. Je lui conseillai de se coucher, ce qu'elle accepta; je lui servis de Femme de chambre elle n'avait point fait de toilette, et bientÎt ses cheveux épars tombÚrent sur ses épaules et sur sa gorge entiÚrement découvertes; je l'embrassai; elle se laissa aller dans mes bras, et ses larmes recommencÚrent à couler sans effort. Dieu! qu'elle était belle! Ah! si Madeleine était ainsi, elle dut ÃÂȘtre bien plus dangereuse pénitente que pécheresse. Quand la belle désolée fut au lit, je me mis à la consoler de bonne foi. Je la rassurai d'abord sur la crainte du Couvent. Je fis naÃtre en elle l'espoir de voir Danceny en secret; et m'asseyant sur le lit " S'il était là " , lui dis-je; puis brodant sur ce thÚme, je la conduisis, de distraction en distraction, à ne plus se souvenir du tout qu'elle était affligée. Nous nous serions séparées parfaitement contentes l'une et l'autre, si elle n'avait voulu me charger d'une Lettre pour Danceny; ce que j'ai constamment refusé. En voici les raisons, que vous approuverez sans doute. D'abord, celle que c'était me compromettre vis-à -vis de Danceny; et si c'était la seule dont je pus me servir avec la petite, il y en avait beaucoup d'autres de vous à moi. Ne serait-ce pas risquer le fruit de mes travaux que de donner sitÎt à nos jeunes gens un moyen si facile d'adoucir leurs peines? Et puis, je ne serais pas fùchée de les obliger à mÃÂȘler quelques domestiques dans cette aventure; car enfin si elle se conduit à bien, comme je l'espÚre, il faudra qu'elle se sache immédiatement aprÚs le mariage; et il y a peu de moyens plus sûrs pour la répandre; ou, si par miracle ils ne parlaient pas, nous parlerions, nous, et il sera plus commode de mettre l'indiscrétion sur leur compte. Il faudra donc que vous donniez aujourd'hui cette idée à Danceny; et comme je ne suis pas sûre de la Femme de chambre de la petite Volanges, dont elle- mÃÂȘme paraÃt se défier, indiquez-lui la mienne, ma fidÚle Victoire. J'aurai soin que la démarche réussisse. Cette idée me plaÃt d'autant plus, que la confidence ne sera utile qu'à nous, et point à eux car je ne suis pas à la fin de mon récit. Pendant que je me défendais de me charger de la Lettre de la petite, je craignais à tout moment qu'elle ne me proposùt de la mettre à la Petite-Poste; ce que je n'aurais guÚre pu refuser. Heureusement, soit trouble, soit ignorance de sa part, ou encore qu'elle tÃnt moins à la Lettre qu'à la Réponse, qu'elle n'aurait pas pu avoir par ce moyen, elle ne m'en a point parlé mais pour éviter que cette idée ne lui vÃnt, ou au moins qu'elle ne pût s'en servir, j'ai pris mon parti sur-le-champ; et en rentrant chez la mÚre, je l'ai décidée à éloigner sa fille pour quelque temps, à la mener à la Campagne... Et oÃÂč? Le cÅ“ur ne vous bat pas de joie?... Chez votre tante, chez la vieille Rosemonde. Elle doit l'en prévenir aujourd'hui ainsi vous voilà autorisé à aller retrouver votre Dévote qui n'aura plus à vous objecter le scandale du tÃÂȘte-à -tÃÂȘte, et grùce à mes soins, Madame de Volanges réparera elle-mÃÂȘme le tort qu'elle vous a fait. Mais écoutez-moi, et ne vous occupez pas si vivement de vos affaires, que vous perdiez celle-ci de vue; songez qu'elle m'intéresse. Je veux que vous vous rendiez le correspondant et le conseil des deux jeunes gens. Apprenez donc ce voyage à Danceny, et offrez-lui vos services. Ne trouvez de difficulté qu'à faire parvenir entre les mains de la Belle votre Lettre de créance; et levez cet obstacle sur-le-champ, en lui indiquant la voie de ma Femme de chambre. Il n'y a point de doute qu'il n'accepte; et vous aurez pour prix de vos peines la confidence d'un cÅ“ur neuf, qui est toujours intéressante. La pauvre petite! comme elle rougira en vous remettant sa premiÚre Lettre! Au vrai, ce rÎle de confident, contre lequel il s'est établi des préjugés, me paraÃt un trÚs joli délassement, quand on est occupé d'ailleurs; et c'est le cas oÃÂč vous serez. C'est de vos soins que va dépendre le dénouement de cette intrigue. Jugez du moment oÃÂč il faudra réunir les Acteurs. La Campagne offre mille moyens; et Danceny à coup sûr, sera prÃÂȘt à s'y rendre à votre premier signal. Une nuit, un déguisement, une fenÃÂȘtre... que sais-je, moi? Mais enfin, si la petite fille en revient telle qu'elle y aura été, je m'en prendrai à vous. Si vous jugez qu'elle ait besoin de quelque encouragement de ma part, mandez-le-moi. Je crois lui avoir donné une assez bonne leçon sur le danger de garder des Lettres, pour oser lui écrire à présent; et je suis toujours dans le dessein d'en faire mon élÚve. Je crois avoir oublié de vous dire que ses soupçons au sujet de sa correspondance trahie s'étaient portés d'abord sur sa Femme de chambre, et que je les ai détournés sur le Confesseur. C'est faire d'une pierre deux coups. Adieu, Vicomte; voilà bien longtemps que je suis à vous écrire, et mon dÃner en a été retardé mais l'amour-propre et l'amitié dictaient ma Lettre, et tous deux sont bavards. Au reste, elle sera chez vous à trois heures, et c'est tout ce qu'il vous faut. Plaignez-vous de moi à présent, si vous l'osez; et allez revoir, si vous en ÃÂȘtes tenté, le bois du Comte de B***. Vous dites qu'il le garde pour le plaisir de ses amis! Cet homme est donc l'ami de tout le monde? Mais adieu, j'ai faim. De ..., ce 9 septembre 17** LETTRE LXIV LE CHEVALIER DANCENY A MADAME DE VOLANGES MINUTE JOINTE A LA LETTRE LXVI DU VICOMTE A LA MARQUISE. Sans chercher, Madame, à justifier ma conduite, et sans me plaindre de la vÎtre, je ne puis que m'affliger d'un événement qui fait le malheur de trois personnes, toutes trois dignes d'un sort plus heureux. Plus sensible encore au chagrin d'en ÃÂȘtre la cause qu'à celui d'en ÃÂȘtre victime, j'ai souvent essayé, depuis hier, d'avoir l'honneur de vous répondre sans pouvoir en trouver la force. J'ai cependant tant de choses à vous dire qu'il faut bien faire un effort sur soi-mÃÂȘme; et si cette Lettre a peu d'ordre et de suite, vous devez sentir assez combien ma situation est douloureuse, pour m'accorder quelque indulgence. Permettez-moi d'abord de réclamer contre la premiÚre phrase de votre Lettre. Je n'ai abusé, j'ose le dire, ni de votre confiance ni de l'innocence de Mademoiselle de Volanges; j'ai respecté l'une et l'autre dans mes actions. Elles seules dépendaient de moi; et quand vous me rendriez responsable d'un sentiment involontaire, je ne crains pas d'ajouter que celui que m'a inspiré Mademoiselle votre fille est tel qu'il peut vous déplaire, mais non vous offenser. Sur cet objet qui me touche plus que je ne puis vous dire, je ne veux que vous pour juge, et mes Lettres pour témoins. Vous me défendez de me présenter chez vous à l'avenir, et sans doute je me soumettrai à tout ce qu'il vous plaira d'ordonner à ce sujet mais cette absence subite et totale ne donnera-t-elle donc pas autant de prise aux remarques que vous voulez éviter, que l'ordre que, par cette raison mÃÂȘme, vous n'avez point voulu donner à votre porte? J'insisterai d'autant plus sur ce point, qu'il est bien plus important pour Mademoiselle de Volanges que pour moi. Je vous supplie donc de peser attentivement toutes choses, et de ne pas permettre que votre sévérité altÚre votre prudence. Persuadé que l'intérÃÂȘt seul de Mademoiselle votre fille dictera vos résolutions, j'attendrai de nouveaux ordres de votre part. Cependant, dans le cas oÃÂč vous me permettriez de vous faire ma cour quelquefois, je m'engage, Madame et vous pouvez compter sur ma promesse, à ne point abuser de ces occasions pour tenter de parler en particulier à Mademoiselle de Volanges, ou de lui faire tenir aucune Lettre. La crainte de ce qui pourrait compromettre sa réputation m'engage à ce sacrifice; et le bonheur de la voir quelquefois m'en dédommagera. Cet article de ma Lettre est aussi la seule réponse que je puisse faire à ce que vous me dites sur le sort que vous destinez à Mademoiselle de Volanges, et que vous voulez rendre dépendant de ma conduite. Ce serait vous tromper que de vous promettre davantage. Un vil séducteur peut plier ses projets aux circonstances, et calculer avec les événements mais l'Amour qui m'anime ne me permet que deux sentiments le courage et la constance. Qui, moi! consentir à ÃÂȘtre oublié de Mademoiselle de Volanges, à l'oublier moi-mÃÂȘme? non, non jamais! Je lui serai fidÚle; elle en a reçu le serment, et je le renouvelle en ce jour. Pardon, Madame, je m'égare, il faut revenir. Il me reste un autre objet à traiter avec vous, celui des Lettres que vous me demandez. Je suis vraiment peiné d'ajouter un refus aux torts que vous me trouvez déjà mais, je vous en supplie, écoutez mes raisons, et daignez vous souvenir, pour les apprécier, que la seule consolation au malheur d'avoir perdu votre amitié est l'espoir de conserver votre estime. Les Lettres de Mademoiselle de Volanges, toujours si précieuses pour moi, me le deviennent bien plus dans ce moment. Elles sont l'unique bien qui me reste; elles seules me retracent encore un sentiment qui fait tout le charme de ma vie. Cependant, vous pouvez m'en croire, je ne balancerais pas un instant à vous en faire le sacrifice, et le regret d'en ÃÂȘtre privé céderait au désir de vous prouver ma déférence respectueuse; mais des considérations puissantes me retiennent, et je m'assure que vous-mÃÂȘme ne pourrez les blùmer. Vous avez, il est vrai, le secret de Mademoiselle de Volanges; mais permettez- moi de le dire, je suis autorisé à croire que c'est l'effet de la surprise, et non de la confiance. Je ne prétends pas blùmer une démarche qu'autorise, peut-ÃÂȘtre, la sollicitude maternelle. Je respecte vos droits, mais ils ne vont pas jusqu'à me dispenser de mes devoirs. Le plus sacré de tous est de ne jamais trahir la confiance qu'on nous accorde. Ce serait y manquer, que d'exposer aux yeux d'un autre les secrets d'un cÅ“ur qui n'a voulu les dévoiler qu'aux miens. Si Mademoiselle votre fille consent à vous les confier, qu'elle parle; ses Lettres vous sont inutiles. Si elle veut, au contraire, renfermer son secret en elle- mÃÂȘme, vous n'attendez pas, sans doute, que ce soit moi qui vous en instruise. Quant au mystÚre dans lequel vous désirez que cet événement reste enseveli, soyez tranquille, Madame; sur tout ce qui intéresse Mademoiselle de Volanges, je peux défier le cÅ“ur mÃÂȘme d'une mÚre. Pour achever de vous Îter toute inquiétude, j'ai tout prévu. Ce dépÎt précieux, qui portait jusqu'ici pour suscription papiers à brûler porte à présent papiers appartenant à Madame de Volanges . Ce parti que je prends doit vous prouver ainsi que mes refus ne portent pas sur la crainte que vous trouviez dans ces lettres un seul sentiment dont vous ayez personnellement à vous plaindre. Voilà , Madame, une bien longue Lettre. Elle ne le serait pas encore assez, si elle vous laissait le moindre doute de l'honnÃÂȘteté de mes sentiments, du regret bien sincÚre de vous avoir déplu, et du profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. De ..., ce 9 septembre17** LETTRE LXV LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES ENVOYEE OUVERTE A LA MARQUISE DE MERTEUIL DANS LA LETTRE LXVI DU VICOMTE. Ô ma Cécile, qu'allons-nous devenir? quel Dieu nous sauvera des malheurs qui nous menacent? Que l'Amour nous donne au moins le courage de les supporter! Comment vous peindre mon étonnement, mon désespoir à la vue de mes Lettres, à la lecture du billet de Madame de Volanges? qui a pu nous trahir? sur qui tombent vos soupçons? auriez-vous commis quelque imprudence? que faites-vous à présent? que vous a-t-on dit? Je voudrais tout savoir, et j'ignore tout. Peut-ÃÂȘtre vous-mÃÂȘme n'ÃÂȘtes-vous pas plus instruite que moi. Je vous envoie le billet de votre maman, et la copie de ma Réponse. J'espÚre que vous approuverez ce que je lui dis. J'ai bien besoin que vous approuviez aussi les démarches que j'ai faites depuis ce fatal événement, elles ont toutes pour but d'avoir de vos nouvelles, de vous donner des miennes; et, que sait- on? peut-ÃÂȘtre de vous revoir encore, et plus librement que jamais. Concevez-vous, ma Cécile, quel plaisir de nous retrouver ensemble, de pouvoir nous jurer de nouveau un amour éternel, et de voir dans nos yeux, de sentir dans nos ùmes que ce serment ne sera pas trompeur? Quelles peines un moment si doux ne ferait-il pas oublier? Hé bien! j'ai l'espoir de le voir naÃtre, et je le dois à ces mÃÂȘmes démarches que je vous supplie d'approuver. Que dis-je? je le dois aux soins consolateurs de l'ami le plus tendre; et mon unique demande est que vous permettiez que cet ami soit aussi le vÎtre. Peut-ÃÂȘtre ne devais-je pas donner votre confiance sans votre aveu? mais j'ai pour excuse le malheur et la nécessité. C'est l'amour qui m'a conduit; c'est lui qui réclame votre indulgence, qui vous demande de pardonner une confidence nécessaire, et sans laquelle nous restions peut-ÃÂȘtre à jamais séparés [M. Danceny n'accuse pas vrai. Il avait déjà fait sa confidence à M. de Valmont avant cet événement. Voyez la Lettre LVII]. Vous connaissez l'ami dont je vous parle; il est celui de la femme que vous aimez le mieux. C'est le Vicomte de Valmont. Mon projet, en m'adressant à lui, était d'abord de le prier d'engager Madame de Merteuil à se charger d'une Lettre pour vous. Il n'a pas cru que ce moyen pût réussir; mais au défaut de la MaÃtresse, il répond de la Femme de chambre, qui lui a des obligations. Ce sera elle qui vous remettra cette Lettre, et vous pourrez lui donner votre Réponse. Ce secours ne nous sera guÚre utile, si, comme le croit M. de Valmont, vous partez incessamment pour la campagne. Mais alors c'est lui-mÃÂȘme qui veut nous servir. La femme chez qui vous allez est sa parente. Il profitera de ce prétexte pour s'y rendre dans le mÃÂȘme temps que vous; et ce sera par lui que passera notre correspondance mutuelle. Il assure mÃÂȘme que, si vous voulez vous laisser conduire, il nous procurera les moyens de nous y voir sans risquer de vous compromettre en rien. A présent, ma Cécile, si vous m'aimez, si vous plaignez mon malheur, si, comme je l'espÚre, vous partagez mes regrets, refuserez-vous votre confiance à un homme qui sera notre ange tutélaire? Sans lui, je serais réduit au désespoir de ne pouvoir mÃÂȘme adoucir les chagrins que je vous cause. Ils finiront, je l'espÚre mais, ma tendre amie, promettez-moi de ne pas trop vous y livrer, de ne point vous en laisser abattre. L'idée de votre douleur m'est un tourment insupportable. Je donnerais ma vie pour vous rendre heureuse! Vous le savez bien. Puisse la certitude d'ÃÂȘtre adorée porter quelque consolation dans votre ùme! La mienne a besoin que vous m'assuriez que vous pardonnez à l'amour les maux qu'il vous fait souffrir. Adieu, ma Cécile, adieu, ma tendre amie. De ..., ce 9 septembre 17** LETTRE LXVI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Vous verrez, ma belle amie, en lisant les deux Lettres ci-jointes, si j'ai bien rempli votre projet. Quoique toutes deux soient datées d'aujourd'hui, elles ont été écrites hier, chez moi, et sous mes yeux celle à la petite fille dit tout ce que nous voulions. On ne peut que s'humilier devant la profondeur de vos vues, si on en juge par le succÚs de vos démarches. Danceny est tout de feu; et sûrement à la premiÚre occasion, vous n'aurez plus de reproches à lui faire. Si sa belle ingénue veut ÃÂȘtre docile, tout sera terminé peu de temps aprÚs son arrivée à la campagne; j'ai cent moyens tout prÃÂȘts. Grùce à vos soins me voilà bien décidément l'ami de Danceny ; il ne lui manque plus que d'ÃÂȘtre Prince [Expression relative à un passage d'un PoÚme de M. de Voltaire]. Il est encore bien jeune, ce Danceny! croiriez-vous que je n'ai jamais pu obtenir de lui qu'il promÃt à la mÚre de renoncer à son amour; comme s'il était bien gÃÂȘnant de promettre, quand on est décidé à ne pas tenir! Ce serait tromper, me répétait-il sans cesse ce scrupule n'est-il pas édifiant, surtout en voulant séduire la fille? Voilà bien les hommes! tous également scélérats dans leurs projets, ce qu'ils mettent de faiblesse dans l'exécution, ils l'appellent probité. C'est votre affaire d'empÃÂȘcher que Madame de Volanges ne s'effarouche des petites échappées que notre jeune homme s'est permises dans sa Lettre; préservez-nous du Couvent; tùchez aussi de faire abandonner la demande des Lettres de la petite. D'abord il ne les rendra point, il ne le veut pas, et je suis de son avis; ici l'amour et la raison sont d'accord. Je les ai lues ces Lettres, j'en ai dévoré l'ennui. Elles peuvent devenir utiles. Je m'explique. Malgré la prudence que nous y mettrons, il peut arriver un éclat; il ferait manquer le mariage, n'est-il pas vrai, et échouer tous nos projets Gercourt? Mais comme, pour mon compte, j'ai aussi à me venger de la mÚre, je me réserve en ce cas de déshonorer la fille. En choisissant bien dans cette correspondance, et n'en produisant qu'une partie, la petite Volanges paraÃtrait avoir fait toutes les premiÚres démarches, et s'ÃÂȘtre absolument jetée à la tÃÂȘte. Quelques-unes des Lettres pourraient mÃÂȘme compromettre la mÚre, et l'entacheraient au moins d'une négligence impardonnable. Je sens bien que le scrupuleux Danceny se révolterait d'abord; mais comme il serait personnellement attaqué, je crois qu'on en viendrait à bout. Il y a mille à parier contre un que la chance ne tournera pas ainsi; mais il faut tout prévoir. Adieu, ma belle amie; vous seriez bien aimable de venir souper demain chez la Maréchale de ***; je n'ai pas pu refuser. J'imagine que je n'ai pas besoin de vous recommander le secret, vis-à -vis de Madame de Volanges, sur mon projet de Campagne; elle aurait bientÎt celui de rester à la Ville au lieu qu'une fois arrivée, elle ne repartira pas le lendemain; et si elle nous donne seulement huit jours, je réponds de tout. De ..., ce 9 septembre 17** LETTRE LXVII LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Je ne voulais plus vous répondre, Monsieur, et peut-ÃÂȘtre l'embarras que j'éprouve en ce moment est-il lui-mÃÂȘme une preuve qu'en effet je ne le devrais pas. Cependant je ne veux vous laisser aucun sujet de plainte contre moi; je veux vous convaincre que j'ai fait pour vous tout ce que je pouvais faire. Je vous ai permis de m'écrire, dites-vous? j'en conviens; mais quand vous me rappelez cette permission, croyez-vous que j'oublie à quelles conditions elle vous fut donnée? Si j'y eusse été aussi fidÚle que vous l'avez été peu, auriez- vous reçu une seule réponse de moi? Voilà pourtant la troisiÚme; et quand vous faites tout ce qu'il faut pour m'obliger à rompre cette correspondance, c'est moi qui m'occupe des moyens de l'entretenir. Il en est un, mais c'est le seul; et si vous refusez de le prendre, ce sera, quoi que vous puissiez dire, me prouver assez combien peu vous y mettez de prix. Quittez donc un langage que je ne puis ni ne veux entendre; renoncez à un sentiment qui m'offense et m'effraie, et auquel, peut-ÃÂȘtre, vous devriez ÃÂȘtre moins attaché en songeant qu'il est l'obstacle qui nous sépare. Ce sentiment est-il donc le seul que vous puissiez connaÃtre, et l'amour aura-t-il ce tort de plus à mes yeux, d'exclure l'amitié? vous-mÃÂȘme, auriez-vous celui de ne pas vouloir pour votre amie celle en qui vous avez désiré des sentiments plus tendres? Je ne veux pas le croire cette idée humiliante me révolterait, m'éloignerait de vous sans retour. En vous offrant mon amitié, Monsieur, je vous donne tout ce qui est à moi, tout ce dont je puis disposer. Que pouvez-vous désirer davantage? Pour me livrer à ce sentiment si doux, si bien fait pour mon cÅ“ur, je n'attends que votre aveu; et la parole que j'exige de vous, que cette amitié suffira à votre bonheur. J'oublierai tout ce qu'on a pu me dire; je me reposerai sur vous du soin de justifier mon choix. Vous voyez ma franchise, elle doit vous prouver ma confiance; il ne tiendra qu'à vous de l'augmenter encore mais je vous préviens que le premier mot d'amour la détruit à jamais, et me rend toutes mes craintes; que surtout il deviendra pour moi le signal d'un silence éternel vis-à -vis de vous. Si, comme vous le dites, vous ÃÂȘtes revenu de vos erreurs , n'aimerez-vous pas mieux ÃÂȘtre l'objet de l'amitié d'une femme honnÃÂȘte, que celui des remords d'une femme coupable? Adieu, Monsieur; vous sentez qu'aprÚs avoir parlé ainsi je ne puis plus rien dire que vous ne m'ayez répondu. De ..., ce 9 septembre 17** LETTRE LXVIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Comment répondre, Madame, à votre derniÚre Lettre? Comment oser ÃÂȘtre vrai, quand ma sincérité peut me perdre auprÚs de vous? N'importe, il le faut; j'en aurai le courage. Je me dis, je me répÚte, qu'il vaut mieux vous mériter que vous obtenir; et dussiez-vous me refuser toujours un bonheur que je désirerai sans cesse, il faut vous prouver au moins que mon cÅ“ur en est digne. Quel dommage que, comme vous le dites, je sois revenu de mes erreurs ! avec quels transports de joie j'aurais lu cette mÃÂȘme Lettre à laquelle je tremble de répondre aujourd'hui! Vous m'y parlez avec franchise , vous me témoignez de la confiance , vous m'offrez enfin votre amitié que de biens, Madame, et quels regrets de ne pouvoir en profiter! Pourquoi ne suis-je plus le mÃÂȘme? Si je l'étais en effet; si je n'avais pour vous qu'un goût ordinaire, que ce goût léger, enfant de la séduction et du plaisir, qu'aujourd'hui pourtant on nomme amour, je me hùterais de tirer avantage de tout ce que je pourrais obtenir. Peu délicat sur les moyens, pourvu qu'ils me procurassent le succÚs, j'encouragerais votre franchise par le besoin de vous deviner; je désirerais votre confiance, dans le dessein de la trahir; j'accepterais votre amitié dans l'espoir de l'égarer. Quoi! Madame, ce tableau vous effraie? hé bien! il serait pourtant tracé d'aprÚs moi, si je vous disais que je consens à n'ÃÂȘtre que votre ami. Qui, moi! je consentirais à partager avec quelqu'un un sentiment émané de votre ùme? Si jamais je vous le dis, ne me croyez plus. De ce moment je chercherai à vous tromper; je pourrai vous désirer encore, mais à coup sûr je ne vous aimerai plus. Ce n'est pas que l'aimable franchise, la douce confiance, la sensible amitié, soient sans prix à mes yeux... Mais l'amour! l'amour véritable, et tel que vous l'inspirez, en réunissant tous ces sentiments, en leur donnant plus d'énergie, ne saurait se prÃÂȘter, comme eux, à cette tranquillité, à cette froideur de l'ùme, qui permet des comparaisons, qui souffre mÃÂȘme des préférences. Non, Madame, je ne serai point votre ami; je vous aimerai de l'amour le plus tendre, et mÃÂȘme le plus ardent, quoique le plus respectueux. Vous pourrez le désespérer, mais non l'anéantir. De quel droit prétendez-vous disposer d'un cÅ“ur dont vous refusez l'hommage? Par quel raffinement de cruauté, m'enviez-vous jusqu'au bonheur de vous aimer? Celui-là est à moi, il est indépendant de vous; je saurai le défendre. S'il est la source de mes maux, il en est aussi le remÚde. Non, encore une fois, non. Persistez dans vos refus cruels; mais laissez-moi mon amour. Vous vous plaisez à me rendre malheureux! eh bien! soit; essayez de lasser mon courage, je saurai vous forcer au moins à décider de mon sort; et peut-ÃÂȘtre, quelque jour, vous me rendrez plus de justice. Ce n'est pas que j'espÚre vous rendre jamais sensible mais sans ÃÂȘtre persuadée, vous serez convaincue, vous vous direz Je l'avais mal jugé. Disons mieux, c'est à vous que vous faites injustice. Vous connaÃtre sans vous aimer, vous aimer sans ÃÂȘtre constant, sont tous deux également impossibles; et malgré la modestie qui vous pare, il doit vous ÃÂȘtre plus facile de vous plaindre, que de vous étonner de sentiments que vous faites naÃtre. Pour moi, dont le seul mérite est d'avoir su vous apprécier, je ne veux pas le perdre; et loin de consentir à vos offres insidieuses, je renouvelle à vos pieds le serment de vous aimer toujours. De ..., ce 10 septembre 17** LETTRE LXIX CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY BILLET ECRIT AU CRAYON, ET RECOPIE PAR DANCENY. Vous me demandez ce que je fais; je vous aime, et je pleure. Ma mÚre ne me parle plus; elle m'a Îté papier, plumes et encre; je me sers d'un crayon, qui par bonheur m'est resté, et je vous écris sur un morceau de votre Lettre. Il faut bien que j'approuve tout ce que vous avez fait; je vous aime trop pour ne pas prendre tous les moyens d'avoir de vos nouvelles et de vous donner des miennes. Je n'aimais pas M. de Valmont, et je ne le croyais pas tant votre ami; je tùcherai de m'accoutumer à lui, et je l'aimerai à cause de vous. Je ne sais pas qui est-ce qui nous a trahis; ce ne peut ÃÂȘtre que ma Femme de chambre ou mon Confesseur. Je suis bien malheureuse nous partons demain pour la campagne; j'ignore pour combien de temps. Mon Dieu! ne plus vous voir! Je n'ai plus de place. Adieu; tùchez de me lire. Ces mots tracés au crayons effaceront peut-ÃÂȘtre, mais jamais les sentiments gravés dans mon cÅ“ur. De ..., ce 10 septembre 17** LETTRE LXX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL J'ai un avis important à vous donner, ma chÚre amie. Je soupai hier, comme vous savez, chez la Maréchale de ***, on y parla de vous, et j'en dis, non pas tout le bien que j'en pense, mais tout celui que je n'en pense pas. Tout le monde paraissait ÃÂȘtre de mon avis, et la conversation languissait, comme il arrive toujours, quand on ne dit que du bien de son prochain, lorsqu'il s'éleva un contradicteur c'était Prévan. " A Dieu ne plaise, dit-il en se levant, que je doute de la sagesse de Madame de Merteuil! mais j'oserais croire qu'elle la doit plus à sa légÚreté qu'à ses principes. Il est peut-ÃÂȘtre plus difficile de la suivre que de lui plaire; et comme on ne manque guÚre, en courant aprÚs une femme, d'en rencontrer d'autres sur son chemin, comme, à tout prendre, ces autres-là peuvent valoir autant et plus qu'elle; les uns sont distraits par un goût nouveau, les autres s'arrÃÂȘtent de lassitude; et c'est peut-ÃÂȘtre la femme de Paris qui a eu le moins à se défendre. Pour moi, ajouta-t-il encouragé par le sourire de quelques femmes, je ne croirai à la vertu de Madame de Merteuil, qu'aprÚs avoir crevé six chevaux à lui faire ma cour. " Cette mauvaise plaisanterie réussit, comme toutes celles qui tiennent à la médisance; et pendant le rire qu'elle excitait, Prévan reprit sa place, et la conversation générale changea. Mais les deux Comtesses de P. , auprÚs de qui était notre incrédule, en firent avec lui leur conversation particuliÚre, qu'heureusement je me trouvais à portée d'entendre. Le défi de vous rendre sensible a été accepté; la parole de tout dire a été donnée; et de toutes celles qui se donneraient dans cette aventure, ce serait sûrement la plus religieusement gardée. Mais vous voilà bien avertie, et vous savez le proverbe. Il me reste à vous dire que ce Prévan, que vous ne connaissez pas, est infiniment aimable, et encore plus adroit. Que si quelquefois vous m'avez entendu dire le contraire, c'est seulement que je ne l'aime pas, que je me plais à contrarier ses succÚs et que je n'ignore pas de quel poids est mon suffrage auprÚs d'une trentaine de nos femmes les plus à la mode. En effet, je l'ai empÃÂȘché longtemps, par ce moyen, de paraÃtre sur ce que nous appelons le grand théùtre; et il faisait des prodiges, sans en avoir plus de réputation. Mais l'éclat de sa triple aventure, en fixant les yeux sur lui, lui a donné cette confiance qui lui manquait jusque-là , et l'a rendu vraiment redoutable. C'est enfin aujourd'hui le seul homme, peut-ÃÂȘtre, que je craindrais de rencontrer sur mon chemin; et votre intérÃÂȘt à part, vous me rendrez un vrai service de lui donner quelque ridicule chemin faisant. Je le laisse en bonnes mains; et j'ai l'espoir qu'à mon retour, ce sera un homme noyé. Je vous promets, en revanche, de mener à bien l'aventure de votre pupille, et de m'occuper d'elle autant que de ma belle Prude. Celle-ci vient de m'envoyer un projet de capitulation. Toute sa Lettre annonce le désir d'ÃÂȘtre trompée. Il est impossible d'en offrir un moyen plus commode et aussi plus usé. Elle veut que je sois son ami . Mais moi, qui aime les méthodes nouvelles et difficiles, je ne prétends pas l'en tenir quitte à si bon marché; et assurément je n'aurai pas pris tant de peine auprÚs d'elle, pour terminer par une séduction ordinaire. Mon projet, au contraire, est qu'elle sente, qu'elle sente bien la valeur et l'étendue de chacun des sacrifices qu'elle me fera; de ne pas la conduire si vite que le remords ne puisse la suivre; de faire expirer sa vertu dans une lente agonie; de la fixer sans cesse sur ce désolant spectacle; et de ne lui accorder le bonheur de m'avoir dans ses bras, qu'aprÚs l'avoir forcée à n'en plus dissimuler le désir. Au fait, je vaux bien peu, si je ne vaux pas la peine d'ÃÂȘtre demandé. Et puis-je me venger moins d'une femme hautaine, qui semble rougir d'avouer qu'elle adore? J'ai donc refusé la précieuse amitié, et m'en suis tenu à mon titre d'Amant. Comme je ne me dissimule point que ce titre, qui ne paraÃt d'abord qu'une dispute de mots, est pourtant d'une importance réelle à obtenir, j'ai mis beaucoup de soin à ma Lettre, et j'ai tùché d'y répandre ce désordre, qui peut seul peindre le sentiment. J'ai enfin déraisonné le plus qu'il m'a été possible car sans déraisonnement, point de tendresse; et c'est, je crois, par cette raison que les femmes nous sont si supérieures dans les Lettres d'Amour. J'ai fini la mienne par une cajolerie, et c'est encore une suite de mes profondes observations. AprÚs que le cÅ“ur d'une femme a été exercé quelque temps, il a besoin de repos; et j'ai remarqué qu'une cajolerie était, pour toutes, l'oreiller le plus doux à leur offrir. Adieu, ma belle amie. Je pars demain. Si vous avez des ordres à me donner pour la Comtesse de ***, je m'arrÃÂȘterai chez elle, au moins pour dÃner. Je suis fùché de partir sans vous voir. Faites-moi passer vos sublimes instructions, et aidez-moi de vos sages conseils, dans ce moment décisif. Surtout, défendez-vous de Prévan; et puissé-je un jour vous dédommager de ce sacrifice! Adieu. De ..., ce 11 septembre 17** LETTRE LXXI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Mon étourdi de Chasseur n'a-t-il pas laissé mon portefeuille à Paris! Les lettres de ma Belle, celles de Danceny pour la petite Volanges, tout est resté, et j'ai besoin de tout. Il va partir pour réparer sa sottise; et tandis qu'il selle son cheval, je vous raconterai mon histoire de cette nuit car je vous prie de croire que je ne perds pas mon temps. L'aventure, par elle-mÃÂȘme, est bien peu de chose; ce n'est qu'un réchauffé avec la Vicomtesse de M... Mais elle m'a intéressé par les détails. Je suis bien aise d'ailleurs de vous faire voir que si j'ai le talent de perdre les femmes, je n'ai pas moins, quand je veux, celui de les sauver. Le parti le plus difficile, ou le plus gai, est toujours celui que je prends; et je ne me reproche pas une bonne action, pourvu qu'elle m'exerce ou m'amuse. J'ai donc trouvé la Vicomtesse ici, et comme elle joignait ses instances aux persécutions qu'on me faisait pour passer la nuit au chùteau " Eh bien! j'y consens, lui dis-je, à condition que je la passerai avec vous. " - " Cela m'est impossible, me répondit-elle, Vressac est ici. " Jusque-là je n'avais cru que lui dire une honnÃÂȘteté mais ce mot d'impossible, me révolta comme de coutume. Je me sentis humilié d'ÃÂȘtre sacrifié à Vressac, et je résolus de ne le pas souffrir j'insistai donc. Les circonstances ne m'étaient pas favorables. Ce Vressac a eu la gaucherie de donner de l'ombrage au Vicomte; en sorte que la Vicomtesse ne peut plus le recevoir chez elle et ce voyage chez la bonne Comtesse avait été concerté entre eux, pour tùcher d'y dérober quelques nuits. Le Vicomte avait mÃÂȘme d'abord montré de l'humeur d'y rencontrer Vressac; mais comme il est encore plus Chasseur que jaloux, il n'en est pas moins resté et la Comtesse, toujours telle que vous la connaissez, aprÚs avoir logé la femme dans le grand corridor, a mis le mari d'un cÎté et l'Amant de l'autre, et les a laissés s'arranger entre eux. Le mauvais destin de tous deux a voulu que je fusse logé vis-à -vis. Ce jour-là mÃÂȘme, c'est-à -dire hier, Vressac, qui, comme vous pouvez croire, cajole le Vicomte, chassait avec lui, malgré son peu de goût pour la chasse, et comptait bien se consoler la nuit, entre les bras de la femme, de l'ennui que le mari lui causait tout le jour mais moi, je jugeai qu'il aurait besoin de repos, et je m'occupai des moyens de décider sa MaÃtresse à lui laisser le temps d'en prendre. Je réussis, et j'obtins qu'elle lui ferait une querelle de cette mÃÂȘme partie de chasse, à laquelle, bien évidemment, il n'avait consenti que pour elle. On ne pouvait prendre un plus mauvais prétexte mais nulle femme n'a mieux que la Vicomtesse ce talent, commun à toutes, de mettre l'humeur à la place de la raison, et de n'ÃÂȘtre jamais si difficile à apaiser que quand elle a tort. Le moment d'ailleurs n'était pas commode pour les explications; et ne voulant qu'une nuit, je consentais qu'ils se raccommodassent le lendemain. Vressac fut donc boudé à son retour. Il voulut en demander la cause, on le querella. Il essaya de se justifier; le mari qui était présent, servit de prétexte pour rompre la conversation; il tenta enfin de profiter d'un moment oÃÂč le mari était absent, pour demander qu'on voulût bien l'entendre le soir ce fut alors que la Vicomtesse devint sublime. Elle s'indigna contre l'audace des hommes qui, parce qu'ils ont éprouvé les bontés d'une femme, croient avoir le droit d'en abuser encore, mÃÂȘme alors qu'elle a à se plaindre d'eux; et ayant changé de thÚse par cette adresse, elle parla si bien délicatesse et sentiment, que Vressac resta muet et confus; et que moi-mÃÂȘme je fus tenté de croire qu'elle avait raison car vous saurez que comme ami de tous deux, j'étais en tiers dans cette conversation. Enfin, elle déclara positivement qu'elle n'ajouterait pas les fatigues de l'amour à celles de la chasse, et qu'elle se reprocherait de troubler d'aussi doux plaisirs. Le mari rentra. Le désolé Vressac, qui n'avait plus la liberté de répondre, s'adressa à moi; et aprÚs m'avoir fort longuement conté ses raisons, que je savais aussi bien que lui, il me pria de parler à la Vicomtesse, et je le lui promis. Je lui parlai en effet; mais ce fut pour la remercier, et convenir avec elle de l'heure et des moyens de notre rendez-vous. Elle me dit que logée entre son mari et son Amant elle avait trouvé plus prudent d'aller chez Vressac, que de le recevoir dans son appartement; et que, puisque je logeais vis-à -vis d'elle, elle croyait plus sûr aussi de venir chez moi; qu'elle s'y rendrait aussitÎt que sa Femme de chambre l'aurait laissée seule; que je n'avais qu'à tenir ma porte entrouverte, et l'attendre. Tout s'exécuta comme nous en étions convenus; et elle arriva chez moi vers une heure du matin ... dans le simple appareil D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil [Racine. Tragédie de Britannicus]. Comme je n'ai point de vanité, je ne m'arrÃÂȘte pas aux détails de la nuit mais vous me connaissez, et j'ai été content de moi. Au point du jour, il a fallu se séparer. C'est ici que l'intérÃÂȘt commence. L'étourdie avait cru laisser sa porte entrouverte, nous la trouvùmes fermée, et la clef était restée en dedans vous n'avez pas d'idée de l'expression de désespoir avec laquelle la Vicomtesse me dit aussitÎt " Ah! je suis perdue. " Il faut convenir qu'il eût été plaisant de la laisser dans cette situation mais pouvais-je souffrir qu'une femme fût perdue pour moi, sans l'ÃÂȘtre par moi? Et devais-je, comme le commun des hommes, me laisser maÃtriser par les circonstances? Il fallait donc trouver un moyen. Qu'eussiez-vous fait, ma belle amie? Voici ma conduite, et elle a réussi. J'eus bientÎt reconnu que la porte en question pouvait s'enfoncer, en se permettant de faire beaucoup de bruit. J'obtins donc de la Vicomtesse, non sans peine, qu'elle jetterait des cris perçants et d'effroi, comme au voleur, à l'assassin, etc. Et nous convÃnmes qu'au premier cri, j'enfoncerais la porte, et qu'elle courrait à son lit. Vous ne sauriez croire combien il fallut de temps pour la décider, mÃÂȘme aprÚs qu'elle eut consenti. Il fallut pourtant finir par là , et au premier coup de pied la porte céda. La Vicomtesse fit bien de ne pas perdre de temps; car au mÃÂȘme instant, le Vicomte et Vressac furent dans le corridor; et la Femme de chambre accourut aussi à la chambre de sa MaÃtresse. J'étais seul de sang-froid, et j'en profitai pour aller éteindre une veilleuse qui brûlait encore et la renverser par terre; car jugez combien il eût été ridicule de feindre cette terreur panique, en ayant de la lumiÚre dans sa chambre. Je querellai ensuite le mari et l'Amant sur leur sommeil léthargique, en les assurant que les cris auxquels j'étais accouru, et mes efforts pour enfoncer la porte, avaient duré au moins cinq minutes. La Vicomtesse qui avait retrouvé son courage dans son lit, me seconda assez bien, et jura ses grands Dieux qu'il y avait un voleur dans son appartement; elle protesta avec plus de sincérité que de la vie elle n'avait eu tant de peur. Nous cherchions partout et nous ne trouvions rien, lorsque je fis apercevoir la veilleuse renversée, et conclus que, sans doute, un rat avait causé le dommage et la frayeur; mon avis passa tout d'une voix, et aprÚs quelques plaisanteries rebattues sur les rats, le Vicomte s'en alla le premier regagner sa chambre et son lit, en priant sa femme d'avoir à l'avenir des rats plus tranquilles. Vressac, resté seul avec nous, s'approcha de la Vicomtesse pour lui dire tendrement que c'était une vengeance de l'Amour; à quoi elle répondit en me regardant " Il était donc bien en colÚre, car il s'est beaucoup vengé, mais, ajouta-t-elle, je suis rendue de fatigue et je veux dormir. " J'étais dans un moment de bonté; en conséquence, avant de nous séparer, je plaidai la cause de Vressac, et j'amenai le raccommodement. Les deux Amants s'embrassÚrent, et je fus, à mon tour, embrassé par tous deux. Je ne me souciais plus des baisers de la Vicomtesse mais j'avoue que celui de Vressac me fit plaisir. Nous sortÃmes ensemble; et aprÚs avoir reçu ses longs remerciements, nous allùmes chacun nous remettre au lit. Si vous trouvez cette histoire plaisante, je ne vous en demande pas le secret. A présent que je m'en suis amusé, il est juste que le Public ait son tour. Pour le moment, je ne parle que de l'histoire, peut-ÃÂȘtre bientÎt en dirons-nous autant de l'héroïne? Adieu, il y a une heure que mon Chasseur attend; je ne prends plus que le moment de vous embrasser, et de vous recommander surtout de vous garder de Prévan. Du Chùteau de ..., ce 13 septembre 17** LETTRE LXXII LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES REMISE SEULEMENT LE 14. Ô ma Cécile! que j'envie le sort de Valmont! demain il vous verra. C'est lui qui vous remettra cette Lettre; et moi, languissant loin de vous, je traÃnerai ma pénible existence entre les regrets et le malheur. Mon amie, ma tendre amie, plaignez-moi de mes maux; surtout plaignez-moi des vÎtres; c'est contre eux que le courage m'abandonne. Qu'il m'est affreux de causer votre malheur! sans moi, vous seriez heureuse et tranquille. Me pardonnez-vous? dites! ah! dites que vous me pardonnez; dites-moi aussi que vous m'aimez, que vous m'aimerez toujours. J'ai besoin que vous me le répétiez. Ce n'est pas que j'en doute mais il me semble que plus on en est sûr, et plus il est doux de se l'entendre dire. Vous m'aimez, n'est-ce pas? oui, vous m'aimez de toute votre ùme. Je n'oublie pas que c'est la derniÚre parole que je vous ai entendue prononcer. Comme je l'ai recueillie dans mon cÅ“ur! comme elle s'y est profondément gravée! et avec quels transports le mien y a répondu! Hélas! dans ce moment de bonheur, j'étais loin de prévoir le sort affreux qui nous attendait. Occupons-nous, ma Cécile, des moyens de l'adoucir. Si j'en crois mon ami il suffira, pour y parvenir, que vous preniez en lui une confiance qu'il mérite. J'ai été peiné, je l'avoue, de l'idée désavantageuse que vous paraissez avoir de lui. J'y ai reconnu les préventions de votre Maman c'était pour m'y soumettre que j'avais négligé, depuis quelque temps, cet homme vraiment aimable, qui aujourd'hui fait tout pour moi; qui enfin travaille à nous réunir, lorsque votre Maman nous a séparés. Je vous en conjure, ma chÚre amie, voyez-le d'un oeil plus favorable. Songez qu'il est mon ami, qu'il veut ÃÂȘtre le vÎtre, qu'il peut me rendre le bonheur de vous voir. Si ces raisons ne vous ramÚnent pas, ma Cécile, vous ne m'aimez pas autant que je vous aime, vous ne m'aimez plus autant que vous m'aimiez. Ah! si jamais vous deviez m'aimer moins... Mais non, le cÅ“ur de ma Cécile est à moi; il y est pour la vie; et si j'ai à craindre les peines d'un amour malheureux, sa constance au moins me sauvera des tourments d'un amour trahi. Adieu, ma charmante amie; n'oubliez pas que je souffre, et qu'il ne tient qu'à vous de me rendre heureux, parfaitement heureux. Ecoutez le vÅ“u de mon cÅ“ur, et recevez les plus tendres baisers de l'amour. Paris, ce 11 septembre 17**. LETTRE LXXIII LE VICOMTE DE VALMONT A CECILE VOLANGES Jointe à la précédente. L'ami qui vous sert a su que vous n'aviez rien de ce qu'il vous fallait pour écrire, et il y a déjà pourvu. Vous trouverez dans l'antichambre de l'appartement que vous occupez, sous la grande armoire à main gauche, une provision de papier, de plumes et d'encre, qu'il renouvellera quand vous voudrez, et qu'il lui semble que vous pouvez laisser à cette mÃÂȘme place si vous n'en trouvez pas de plus sûre. Il vous demande de ne pas vous offenser, s'il a l'air de ne faire aucune attention à vous dans le cercle, et de ne vous y regarder que comme un enfant. Cette conduite lui paraÃt nécessaire pour inspirer la sécurité dont il a besoin, et pouvoir travailler plus efficacement au bonheur de son ami et au vÎtre. Il tùchera de faire naÃtre les occasions de vous parler, quand il aura quelque chose à vous apprendre ou à vous remettre; et il espÚre y parvenir, si vous mettez du zÚle à le seconder. Il vous conseille aussi de lui rendre, à mesure, les Lettres que vous aurez reçues, afin de risquer moins de vous compromettre. Il finit par vous assurer que si vous voulez lui donner votre confiance, il mettra tous ses soins à adoucir la persécution qu'une mÚre trop cruelle fait éprouver à deux personnes, dont l'une est déjà son meilleur ami et l'autre lui paraÃt mériter l'intérÃÂȘt le plus tendre. Du Chùteau de ..., ce 14 septembre 17** LETTRE LXXIV LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Eh! depuis quand, mon ami, vous effrayez-vous si facilement? ce Prévan est donc bien redoutable? Mais voyez combien je suis simple et modeste! Je l'ai rencontré souvent, ce superbe vainqueur; à peine l'avais-je regardé! Il ne fallait pas moins que votre Lettre pour m'y faire faire attention. J'ai réparé mon injustice hier. Il était à l'Opéra, presque vis-à -vis de moi, et je m'en suis occupée. Il est joli au moins, mais trÚs joli; des traits fins et délicats! il doit gagner à ÃÂȘtre vu de prÚs. Et vous dites qu'il veut m'avoir! assurément il me fera honneur et plaisir. Sérieusement, j'en ai fantaisie, et je vous confie ici que j'ai fait les premiÚres démarches. Je ne sais pas si elles réussiront. Voilà le fait. Il était à deux pas de moi, à la sortie de l'Opéra, et j'ai donné, trÚs haut, rendez-vous à la Marquise de *** pour souper le Vendredi chez la Maréchale. C'est, je crois, la seule maison oÃÂč je peux le rencontrer. Je ne doute pas qu'il m'ait entendue. Si l'ingrat allait n'y pas venir? Mais, dites-moi donc, croyez- vous qu'il vienne? Savez-vous que, s'il n'y vient pas, j'aurai de l'humeur toute la soirée? Vous voyez qu'il ne trouvera pas tant de difficulté à me suivre; et ce qui vous étonnera davantage, c'est qu'il en trouvera moins encore à me plaire. Il veut, dit-il, crever six chevaux à me faire sa cour! Oh! je sauverai la vie à ces chevaux-là . Je n'aurai jamais la patience d'attendre si longtemps. Vous savez qu'il n'est pas dans mes principes de faire languir, quand une fois je suis décidée, et je le suis pour lui. Oh! ça, convenez qu'il y a plaisir à me parler raison! Votre avis important n'a-t-il pas un grand succÚs? Mais que voulez-vous? je végÚte depuis si longtemps! il y a plus de six semaines que je ne me suis pas permis une gaieté. Celle-là se présente; puis-je me la refuser? le sujet n'en vaut-il pas la peine? en est-il de plus agréable, dans quelque sens que vous preniez ce mot? Vous-mÃÂȘme, vous ÃÂȘtes forcé de lui rendre justice; vous faites plus que le louer, vous en ÃÂȘtes jaloux. Eh bien! je m'établis juge entre vous deux mais d'abord, il faut s'instruire, et c'est ce que je veux faire. Je serai juge intÚgre, et vous serez pesés tous deux dans la mÃÂȘme balance. Pour vous, j'ai déjà vos mémoires, et votre affaire est parfaitement instruite. N'est-il pas juste que je m'occupe à présent de votre adversaire? Allons, exécutez-vous de bonne grùce; et, pour commencer, apprenez-moi je vous prie, quelle est cette triple aventure dont il est le héros. Vous m'en parlez, comme si je ne connaissais autre chose, et je n'en sais pas le premier mot. Apparemment elle se sera passée pendant mon voyage à GenÚve, et votre jalousie vous aura empÃÂȘché de me l'écrire. Réparez cette faute au plus tÎt; songez que rien de ce qui l'intéresse ne m'est étranger . Il me semble bien qu'on en parlait encore à mon retour mais j'étais occupée d'autre chose, et j'écoute rarement en ce genre tout ce qui n'est pas du jour ou de la veille. Quand ce que je vous demande vous contrarierait un peu, n'est-ce pas le moindre prix que vous deviez aux soins que je me suis donnés pour vous? ne sont-ce pas eux qui vous ont rapproché de votre Présidente, quand vos sottises vous en avaient éloigné? n'est-ce pas encore moi qui ai remis entre vos mains de quoi vous venger du zÚle amer de Madame de Volanges? Vous vous ÃÂȘtes plaint si souvent du temps que vous perdiez à aller chercher vos aventures. A présent vous les avez sous la main. L'amour, la haine, vous n'avez qu'à choisir, tout couche sous le mÃÂȘme toit; et vous pouvez, doublant, votre existence, caresser d'une main et frapper de l'autre. C'est mÃÂȘme encore à moi que vous devez l'aventure de la Vicomtesse. J'en suis assez contente mais, comme vous dites, il faut qu'on en parle car si l'occasion a pu vous engager, comme je le conçois, à préférer pour le moment le mystÚre à l'éclat, il faut convenir pourtant que cette femme ne méritait pas un procédé si honnÃÂȘte. J'ai d'ailleurs à m'en plaindre. Le Chevalier de Belleroche la trouve plus jolie que je ne voudrais; et par beaucoup de raisons, je serai bien aise d'avoir un prétexte pour rompre avec elle or, il n'en est pas de plus commode, que d'avoir à dire On ne peut plus voir cette femme-là . Adieu, Vicomte; songez que, placé oÃÂč vous ÃÂȘtes, le temps est précieux je vais employer le mien à m'occuper du bonheur de Prévan. Paris, ce 15 septembre l7**. LETTRE LXXV Nota Dans cette Lettre, Cécile Volanges rend compte avec le plus grand détail de tout ce qui est relatif à elle dans les événements que le Lecteur a vus Lettre LIX et suivantes. On a cru devoir supprimer cette répétition. Elle parle enfin du Vicomte de Valmont, et elle exprime ainsi CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je t'assure que c'est un homme bien extraordinaire. Maman en dit beaucoup de mal; mais le Chevalier Danceny en dit beaucoup de bien, et je crois que c'est lui qui a raison. Je n'ai jamais vu d'homme aussi adroit. Quand il m'a rendu la Lettre de Danceny, c'était au milieu de tout le monde, et personne n'en a rien vu; il est vrai que j'ai eu bien peur parce que je n'étais prévenue de rien mais à présent je m'y attendrai. J'ai déjà fort bien compris comment il voulait que je fisse pour lui remettre ma Réponse. Il est bien facile de s'entendre avec lui, car il a un regard qui dit tout ce qu'il veut. Je ne sais pas comment il fait il me disait dans le billet dont je t'ai parlé qu'il n'aurait pas l'air de s'occuper de moi devant Maman en effet, on dirait toujours qu'il n'y songe pas; et pourtant toutes les fois que je cherche ses yeux, je suis sûre de les rencontrer tout de suite. Il y a ici une bonne amie de Maman, que je ne connaissais pas, qui a aussi l'air de ne guÚre aimer M. de Valmont, quoiqu'il ait bien des attentions pour elle. J'ai peur qu'il ne s'ennuie bientÎt de la vie qu'on mÚne ici, et qu'il ne s'en retourne à Paris; cela serait bien fùcheux. Il faut qu'il ait bien bon cÅ“ur d'ÃÂȘtre venu exprÚs pour rendre service à son ami et à moi! Je voudrais bien lui en témoigner ma reconnaissance, mais je ne sais comment faire pour lui parler; et quand j'en trouverais l'occasion, je serais si honteuse, que je ne saurais peut-ÃÂȘtre que lui dire. Il n'y a que Madame de Merteuil avec qui je parle librement, quand je parle de mon amour. Peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme qu'avec toi, à qui je dis tout, si c'était en causant, je serais embarrassée. Avec Danceny lui-mÃÂȘme, j'ai souvent senti, comme malgré moi, une certaine crainte qui m'empÃÂȘchait de lui dire tout ce que je pensais. Je me le reproche bien à présent, et je donnerais tout au monde pour trouver le moment de lui dire une fois, une seule fois, combien je l'aime. M. de Valmont lui a promis que, si je me laissais conduire, il nous procurerait l'occasion de nous revoir. Je ferai bien assez ce qu'il voudra; mais je ne peux pas concevoir que cela soit possible. Adieu, ma bonne amie, je n'ai plus de place [Mademoiselle de Volanges ayant, peu de temps aprÚs, changé de confidente, comme on le verra par la suite de ces Lettres, on ne trouvera plus dans ce Recueil aucune de celles qu'elle a continué d'écrire à son amie du Couvent, elles n'apprendraient rien au Lecteur]. Du Chùteau de ..., ce 14 septembre 17** LETTRE LXXVI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Ou votre Lettre est un persiflage, que je n'ai pas compris; ou vous étiez, en me l'écrivant, dans un délire trÚs dangereux. Si je vous connaissais moins, ma belle amie, je serais vraiment trÚs effrayé; et quoi que vous en puissiez dire, je ne m'effraierais pas trop facilement. J'ai beau vous lire et vous relire, je n'en suis pas plus avancé; car, de prendre votre Lettre dans le sens naturel qu'elle présente, il n'y a pas moyen. Qu'avez- vous donc voulu dire? Est-ce seulement qu'il était inutile de se donner tant de soins contre un ennemi si peu redoutable? mais, dans ce cas, vous pourriez avoir tort. Prévan est réellement aimable; il l'est plus que vous ne le croyez; il a surtout le talent trÚs utile d'occuper beaucoup de son amour, par l'adresse qu'il a d'en parler dans le cercle, et devant tout le monde, en se servant de la premiÚre conversation qu'il trouve. Il est peu de femmes qui se sauvent alors du piÚge d'y répondre, parce que toutes ayant des prétentions à la finesse, aucune ne veut perdre l'occasion d'en montrer. Or, vous savez assez que femme qui consent à parler d'amour, finit bientÎt par en prendre, ou au moins par se conduire comme si elle en avait. Il gagne encore à cette méthode, qu'il a réellement perfectionnée, d'appeler souvent les femmes elles-mÃÂȘmes en témoignage de leur défaite; et cela, je vous en parle pour l'avoir vu. Je n'étais dans le secret que de la seconde main; car jamais je n'ai été lié avec Prévan mais enfin nous y étions six et la Comtesse de P***, tout en se croyant bien fine, et ayant l'air en effet, pour tout ce qui n'était pas instruit, de tenir une conversation générale, nous raconta dans le plus grand détail, et comme quoi elle s'était rendue à Prévan, et tout ce qui s'était passé entre eux. Elle faisait ce récit avec une telle sécurité, qu'elle ne fut pas mÃÂȘme troublée par un fou rire qui nous prit à tous six en mÃÂȘme temps; et je me souviendrai toujours qu'un de nous ayant voulu, pour s'excuser, feindre de douter de ce qu'elle disait, ou plutÎt de ce qu'elle avait l'air de dire, elle répondit gravement qu'à coup sûr nous n'étions aucun aussi bien instruits qu'elle; et elle ne craignit pas mÃÂȘme de s'adresser à Prévan, pour lui demander si elle s'était trompée d'un mot. J'ai donc pu croire cet homme dangereux pour tout le monde mais pour vous, Marquise, ne suffisait-il pas qu'il fût joli, trÚs joli , comme vous le dites vous-mÃÂȘme? ou qu'il vous fÃt une de ces attaques, que vous vous plaisiez quelquefois à récompenser, sans autre motif que de les trouver bien faites ? ou que vous eussiez trouvé plaisant de vous rendre par une raison quelconque? ou que sais-je? puis-je deviner les mille caprices qui gouvernent la tÃÂȘte d'une femme, et par qui seuls vous tenez encore à votre sexe? A présent que vous ÃÂȘtes avertie du danger, je ne doute pas que vous ne vous en sauviez facilement mais pourtant fallait-il vous avertir. Je reviens donc à mon texte; qu'avez-vous voulu dire? Si ce n'est qu'un persiflage sur Prévan, outre qu'il est bien long, ce n'était pas vis-à -vis de moi qu'il était utile; c'est dans le monde qu'il faut lui donner quelque bon ridicule, et je vous renouvelle ma priÚre à ce sujet. Ah! je crois tenir le mot de l'énigme! votre Lettre est une prophétie, non de ce que vous ferez, mais de ce qu'il vous croira prÃÂȘte à faire au moment de la chute que vous lui préparez. J'approuve assez ce projet; il exige pourtant de grands ménagements. Vous savez comme moi que, pour l'effet public, avoir un homme ou recevoir ses soins, est absolument la mÃÂȘme chose, à moins que cet homme ne soit un sot; et Prévan ne l'est pas, à beaucoup prÚs. S'il peut gagner seulement une apparence, il se vantera, et tout sera dit. Les sots y croiront, les méchants auront l'air d'y croire quelles seront vos ressources? Tenez, j'ai peur. Ce n'est pas que je doute de votre adresse mais ce sont les bons nageurs qui se noient. Je ne me crois pas plus bÃÂȘte qu'un autre; des moyens de déshonorer une femme, j'en ai trouvé cent, j'en ai trouvé mille mais quand je me suis occupé de chercher comment elle pourrait s'en sauver, je n'en ai jamais vu la possibilité. Vous-mÃÂȘme, ma belle amie, dont la conduite est un chef-d'Å“uvre, cent fois j'ai cru vous voir plus de bonheur que de bien joué. Mais aprÚs tout, je cherche peut-ÃÂȘtre une raison à ce qui n'en a point. J'admire comment, depuis une heure, je traite sérieusement ce qui n'est, à coup sûr, qu'une plaisanterie de votre part. Vous allez vous moquer de moi! Hé bien! soit; mais dépÃÂȘchez-vous, et parlons d'autre chose. D'autre chose! je me trompe, c'est toujours de la mÃÂȘme; toujours des femmes à avoir ou à perdre, et souvent tous les deux. J'ai ici, comme vous l'avez fort bien remarqué, de quoi m'exercer dans les deux genres, mais non pas avec la mÃÂȘme facilité. Je prévois que la vengeance ira plus vite que l'amour. La petite Volanges est rendue, j'en réponds; elle ne dépend plus que de l'occasion, et je me charge de la faire naÃtre. Mais il n'en est pas de mÃÂȘme de Madame de Tourvel cette femme est désolante, je ne la conçois pas; j'ai cent preuves de son amour, mais j'en ai mille de sa résistance; et en vérité, je crains qu'elle ne m'échappe. Le premier effet qu'avait produit mon retour me faisait espérer davantage. Vous devinez que je voulais en juger par moi-mÃÂȘme; et pour m'assurer de voir les premiers mouvements, je ne m'étais fait précéder par personne, et j'avais calculé ma route pour arriver pendant qu'on serait à table. En effet, je tombai des nues, comme une Divinité d'Opéra qui vient faire un dénouement. Ayant fait assez de bruit en entrant pour fixer les regards sur moi, je pus voir du mÃÂȘme coup d'oeil la joie de ma vieille tante, le dépit de Madame de Volanges, et le plaisir décontenancé de sa fille. Ma Belle, par la place qu'elle occupait, tournait le dos à la porte. Occupée dans ce moment à couper quelque chose, elle ne tourna seulement pas la tÃÂȘte mais j'adressai la parole à Madame de Rosemonde; et au premier mot, la sensible Dévote ayant reconnu ma voix, il lui échappa un cri dans lequel je crus reconnaÃtre plus d'amour que de surprise et d'effroi. Je m'étais alors assez avancé pour voir sa figure le tumulte de son ùme, le combat de ses idées et de ses sentiments, s'y peignirent de vingt façons différentes. Je me mis à table à cÎté d'elle; elle ne savait exactement rien de ce qu'elle faisait ni de ce qu'elle disait. Elle essaya de continuer de manger; il n'y eut pas moyen enfin, moins d'un quart d'heure aprÚs, son embarras et son plaisir devenant plus forts qu'elle, elle n'imagina rien de mieux que de demander permission de sortir de table, et elle se sauva dans le parc, sous le prétexte d'avoir besoin de prendre l'air. Madame de Volanges voulut l'accompagner; la tendre Prude ne le permit pas trop heureuse, sans doute, de trouver un prétexte pour ÃÂȘtre seule, et se livrer sans contrainte à la douce émotion de son cÅ“ur. J'abrégeai le dÃner le plus qu'il me fut possible. A peine avait-on servi le dessert, que l'infernale Volanges, pressée apparemment du besoin de me nuire, se leva de sa place pour aller trouver la charmante malade mais j'avais prévu ce projet, et je le traversai. Je feignis donc de prendre ce mouvement particulier pour le mouvement général; et m'étant levé en mÃÂȘme temps, la petite Volanges et le Curé du lieu se laissÚrent entraÃner par ce double exemple; en sorte que Madame de Rosemonde se trouva seule à table avec le vieux Commandeur de T. , et tous deux prirent aussi le parti d'en sortir. Nous allùmes donc tous rejoindre ma Belle, que nous trouvùmes dans le bosquet prÚs du Chùteau; et comme elle avait besoin de solitude et non de promenade, elle aima autant revenir avec nous, que nous faire rester avec elle. DÚs que je fus assuré que Madame de Volanges n'aurait pas l'occasion de lui parler seule, je songeai à exécuter vos ordres, et je m'occupai des intérÃÂȘts de votre pupille. AussitÎt aprÚs le café, je montai chez moi, et j'entrai aussi chez les autres, pour reconnaÃtre le terrain; je fis mes dispositions pour assurer la correspondance de la petite; et aprÚs ce premier bienfait, j'écrivis un mot pour l'en instruire et lui demander sa confiance; je joignis mon billet à la Lettre de Danceny. Je revins au salon. J'y trouvai ma Belle établie sur une chaise longue dans un abandon délicieux. Ce spectacle, en éveillant mes désirs, anima mes regards; je sentis qu'ils devaient ÃÂȘtre tendres et pressants, et je me plaçai de maniÚre à pouvoir en faire usage. Leur premier effet fut de faire baisser les grands yeux modestes de la céleste Prude. Je considérai quelque temps cette figure angélique; puis, parcourant toute sa personne je m'amusais à deviner les contours et les formes à travers un vÃÂȘtement léger, mais toujours importun. AprÚs ÃÂȘtre descendu de la tÃÂȘte aux pieds, je remontais des pieds à la tÃÂȘte. Ma belle amie, le doux regard était fixé sur moi; sur-le-champ il se baissa de nouveau, mais voulant en favoriser le retour, je détournai mes yeux. Alors s'établit entre nous cette convention tacite, premier traité de l'amour timide, qui, pour satisfaire le besoin mutuel de se voir, permet aux regards de se succéder en attendant qu'ils se confondent. Persuadé que ce nouveau plaisir occupait ma Belle tout entiÚre, je me chargeai de veiller à notre commune sûreté mais aprÚs m'ÃÂȘtre assuré qu'une conversation assez vive nous sauvait des remarques du cercle, je tùchai d'obtenir de ses yeux qu'ils parlassent franchement leur langage. Pour cela je surpris d'abord quelques regards; mais avec tant de réserve, que la modestie n'en pouvait ÃÂȘtre alarmée; et pour mettre la timide personne plus à son aise, je paraissais moi-mÃÂȘme aussi embarrassé qu'elle. Peu à peu nos yeux, accoutumés à se rencontrer, se fixÚrent plus longtemps; enfin ils ne se quittÚrent plus, et j'aperçus dans les siens cette douce langueur, signal heureux de l'amour et du désir; mais ce ne fut qu'un moment; et bientÎt revenue à elle-mÃÂȘme, elle changea, non sans quelque honte, son maintien et son regard. Ne voulant pas qu'elle pût douter que j'eusse remarqué ses divers mouvements, je me levai avec vivacité, en lui demandant, avec l'air de l'effroi, si elle se trouvait mal. AussitÎt tout le monde vint l'entourer. Je les laissai tous passer devant moi; et comme la petite Volanges, qui travaillait à la tapisserie auprÚs d'une fenÃÂȘtre, eut besoin de quelque temps pour quitter son métier, je saisis ce moment pour lui remettre la Lettre de Danceny. J'étais un peu loin d'elle; je jetai l'EpÃtre sur ses genoux. Elle ne savait en vérité qu'en faire. Vous auriez trop ri de son air de surprise et d'embarras; pourtant, je ne riais point, car je craignais que tant de gaucherie ne nous trahÃt. Mais un coup d'oeil et un geste fortement prononcés lui firent enfin comprendre qu'il fallait mettre le paquet dans sa poche. Le reste de la journée n'eut rien d'intéressant. Ce qui s'est passé depuis amÚnera peut-ÃÂȘtre des événements dont vous serez contente, au moins pour ce qui regarde votre pupille; mais il vaut mieux employer son temps à exécuter ses projets qu'à les raconter. Voilà d'ailleurs la huitiÚme page que j'écris, et j'en suis fatigué; ainsi, adieu. Vous vous doutez bien, sans que je vous le dise, que la petite a répondu à Danceny [Cette Lettre ne s'est pas retrouvée]. J'ai eu aussi une Réponse de ma Belle, à qui j'avais écrit le lendemain de mon arrivée. Je vous envoie les deux Lettres. Vous les lirez ou vous ne les lirez pas car ce perpétuel rabùchage, qui déjà ne m'amuse pas trop, doit ÃÂȘtre bien insipide, pour toute personne désintéressée. Encore une fois, adieu. Je vous aime toujours beaucoup; mais je vous en prie, si vous me reparlez de Prévan, faites en sorte que je vous entende. Du Chùteau de ..., ce 17 septembre 17** LETTRE LXXVII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL D'oÃÂč peut venir, Madame, le soin cruel que vous mettez à me fuir? comment se peut-il que l'empressement le plus tendre de ma part n'obtienne de la vÎtre que des procédés qu'on se permettrait à peine envers l'homme dont on aurait le plus à se plaindre? Quoi! l'amour me ramÚne à vos pieds; et quand un heureux hasard me place à cÎté de vous, vous aimez mieux feindre une indisposition, alarmer vos amis, que de consentir à rester prÚs de moi! Combien de fois hier n'avez-vous pas détourné vos yeux pour me priver de la faveur d'un regard? et si un seul instant j'ai pu y voir moins de sévérité, ce moment a été si court qu'il semble que vous ayez voulu moins m'en faire jouir que me faire sentir ce que je perdais à en ÃÂȘtre privé. Ce n'est là , j'ose le dire, ni le traitement que mérite l'amour, ni celui que peut se permettre l'amitié; et toutefois, de ces deux sentiments, vous savez si l'un m'anime, et j'étais, ce me semble, autorisé à croire que vous ne vous refusiez pas à l'autre. Cette amitié précieuse, dont sans doute vous m'avez cru digne, puisque vous avez bien voulu me l'offrir, qu'ai-je donc fait pour l'avoir perdue depuis? me serais-je nui par ma confiance, et me puniriez-vous de ma franchise? ne craignez-vous pas au moins d'abuser de l'une et de l'autre? En effet, n'est-ce pas dans le sein de mon amie, que j'ai déposé le secret de mon cÅ“ur? n'est-ce pas vis-à -vis d'elle seule, que j'ai pu me croire obligé de refuser des conditions qu'il me suffisait d'accepter, pour me donner la facilité de ne les pas tenir, et peut-ÃÂȘtre celle d'en abuser utilement? Voudriez-vous enfin, par une rigueur si peu méritée, me forcer à croire qu'il n'eût fallu que vous tromper pour obtenir plus d'indulgence? Je ne me repens point d'une conduite que je vous devais, que je me devais à moi-mÃÂȘme; mais par quelle fatalité, chaque action louable devient-elle pour moi le signal d'un malheur nouveau? C'est aprÚs avoir donné lieu au seul éloge que vous ayez encore daigné faire de ma conduite, que j'ai eu, pour la premiÚre fois, à gémir du malheur de vous avoir déplu. C'est aprÚs vous avoir prouvé ma soumission parfaite, en me privant du bonheur de vous voir, uniquement pour rassurer votre délicatesse, que vous avez voulu rompre toute correspondance avec moi, m'Îter ce faible dédommagement d'un sacrifice que vous aviez exigé, et me ravir jusqu'à l'amour qui seul avait pu vous en donner le droit. C'est enfin aprÚs vous avoir parlé avec une sincérité que l'intérÃÂȘt mÃÂȘme de cet amour n'a pu affaiblir, que vous me fuyez aujourd'hui comme un séducteur dangereux, dont vous auriez reconnu la perfidie. Ne vous lasserez-vous donc jamais d'ÃÂȘtre injuste? Apprenez-moi du moins quels nouveaux torts ont pu vous porter à tant de sévérité, et ne refusez pas de me dicter les ordres que vous voulez que je suive; quand je m'engage à les exécuter, est-ce trop prétendre que de demander à les connaÃtre? De ..., ce 15 septembre 17** LETTRE LXXVIII LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Vous paraissez, Monsieur, surpris de ma conduite, et peu s'en faut mÃÂȘme que vous ne m'en demandiez compte, comme ayant le droit de la blùmer. J'avoue que je me serais crue plus autorisée que vous à m'étonner et à me plaindre; mais depuis le refus contenu dans votre derniÚre réponse, j'ai pris le parti de me renfermer dans une indifférence qui ne laisse plus lieu aux remarques ni aux reproches. Cependant, comme vous me demandez des éclaircissements, et que, grùces au Ciel, je ne sens rien en moi qui puisse m'empÃÂȘcher de vous les donner, je veux bien entrer encore une fois en explication avec vous. Qui lirait vos Lettres me croirait injuste ou bizarre. Je crois mériter que personne n'ait cette idée de moi; il me semble surtout que vous étiez moins qu'un autre dans le cas de la prendre. Sans doute, vous avez senti qu'en nécessitant ma justification vous me forciez à rappeler tout ce qui s'est passé entre nous. Apparemment vous avez cru n'avoir qu'à gagner à cet examen comme, de mon cÎté, je ne crois pas avoir à y perdre, au moins à vos yeux, je ne crains pas de m'y livrer. Peut-ÃÂȘtre est-ce, en effet, le seul moyen de connaÃtre qui de nous deux a le droit de se plaindre de l'autre. A compter, Monsieur, du jour de votre arrivée dans ce Chùteau, vous avouerez, je crois, qu'au moins votre réputation m'autorisait à user de quelque réserve avec vous, et que j'aurais pu, sans craindre d'ÃÂȘtre taxée d'un excÚs de pruderie, m'en tenir aux seules expressions de la politesse la plus froide. Vous-mÃÂȘme m'eussiez traitée avec indulgence, et vous eussiez trouvé simple qu'une femme aussi peu formée n'eût pas mÃÂȘme le mérite nécessaire pour apprécier le vÎtre. C'était sûrement là le parti de la prudence; et il m'eût d'autant moins coûté à suivre, que je ne vous cacherai pas que, quand Madame de Rosemonde vint me faire part de votre arrivée, j'eus besoin de me rappeler mon amitié pour elle, et celle qu'elle a pour vous, pour ne pas lui laisser voir combien cette nouvelle me contrariait. Je conviens volontiers que vous vous ÃÂȘtes montré d'abord sous un aspect plus favorable que je ne l'avais imaginé; mais vous conviendrez à votre tour qu'il a bien peu duré, et que vous vous ÃÂȘtes bientÎt lassé d'une contrainte, dont apparemment vous ne vous ÃÂȘtes pas cru suffisamment dédommagé par l'idée avantageuse qu'elle m'avait fait prendre de vous. C'est alors qu'abusant de ma bonne foi, de ma sécurité, vous n'avez pas craint de m'entretenir d'un sentiment dont vous ne pouviez pas douter que je ne me trouvasse offensée; et moi, tandis que vous ne vous occupiez qu'à aggraver vos torts en les multipliant, je cherchais un motif pour les oublier, en vous offrant l'occasion de les réparer, au moins en partie. Ma demande était si juste que vous-mÃÂȘme ne crûtes pas devoir vous y refuser mais vous faisant un droit de mon indulgence, vous en profitùtes pour me demander une permission, que, sans doute, je n'aurais pas dû accorder, et que pourtant vous avez obtenue. Des conditions qui y furent mises, vous n'en avez tenu aucune; et votre correspondance a été telle, que chacune de vos Lettres me faisait un devoir de ne plus vous répondre. C'est dans le moment mÃÂȘme oÃÂč votre obstination me forçait à vous éloigner de moi que, par une condescendance peut-ÃÂȘtre blùmable, j'ai tenté le seul moyen qui pouvait me permettre de vous en rapprocher mais de quel prix est à vos yeux un sentiment honnÃÂȘte? Vous méprisez l'amitié; et dans votre folle ivresse, comptant pour rien les malheurs et la honte, vous ne cherchez que des plaisirs et des victimes. Aussi léger dans vos démarches qu'inconséquent dans vos reproches, vous oubliez vos promesses, ou plutÎt vous vous faites un jeu de les violer, et aprÚs avoir consenti à vous éloigner de moi, vous revenez ici sans y ÃÂȘtre rappelé; sans égard pour mes priÚres, pour mes raisons, sans avoir mÃÂȘme l'attention de m'en prévenir, vous n'avez pas craint de m'exposer à une surprise dont l'effet, quoique bien simple assurément, aurait pu ÃÂȘtre interprété défavorablement pour moi, par les personnes qui nous entouraient. Ce moment d'embarras que vous aviez fait naÃtre, loin de chercher à en distraire, ou à le dissiper, vous avez paru mettre tous vos soins à l'augmenter encore. A table, vous choisissez précisément votre place à cÎté de la mienne une légÚre indisposition me force d'en sortir avant les autres; et au lieu de respecter ma solitude, vous engagez tout le monde à venir la troubler. Rentrée au salon, si je fais un pas, je vous trouve à cÎté de moi; si je dis une parole, c'est toujours vous qui me répondez. Le mot le plus indifférent vous sert de prétexte pour ramener une conversation que je ne voulais pas entendre, qui pouvait mÃÂȘme me compromettre car enfin, Monsieur, quelque adresse que vous y mettiez, ce que je comprends, je crois que les autres peuvent aussi le comprendre. Forcée ainsi par vous à l'immobilité et au silence, vous n'en continuez pas moins de me poursuivre; je ne puis lever les yeux sans rencontrer les vÎtres. Je suis sans cesse obligée de détourner mes regards; et par une inconséquence bien incompréhensible, vous fixez sur moi ceux du cercle, dans un moment oÃÂč j'aurais voulu pouvoir mÃÂȘme me dérober aux miens. Et vous vous plaignez de mes procédés! et vous vous étonnez de mon empressement à vous fuir! Ah! blùmez-moi plutÎt de mon indulgence, étonnez-vous que je ne sois pas partie au moment de votre arrivée. Je l'aurais dû peut-ÃÂȘtre, et vous me forcerez à ce parti violent mais nécessaire, si vous ne cessez enfin des poursuites offensantes. Non, je n'oublie point, je n'oublierai jamais ce que je me dois, ce que je dois à des nÅ“uds que j'ai formés, que je respecte et que je chéris; et je vous prie de croire que, si jamais je me trouvais réduite à ce choix malheureux de les sacrifier ou de me sacrifier moi-mÃÂȘme, je ne balancerais pas un instant. Adieu, Monsieur. De ..., ce 16 septembre l7**. LETTRE LXXIX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Je comptais aller à la chasse ce matin mais il fait un temps détestable. Je n'ai pour toute lecture qu'un Roman nouveau, qui ennuierait mÃÂȘme une Pensionnaire. On déjeunera au plus tÎt dans deux heures ainsi malgré ma longue Lettre d'hier, je vais encore causer avec vous. Je suis bien sûr de ne pas vous ennuyer, car je vous parlerai du trÚs joli Prévan . Comment n'avez-vous pas su sa fameuse aventure, celle qui a séparé les inséparables . Je parie que vous vous la rappellerez au premier mot. La voici pourtant, puisque vous la désirez. Vous vous souvenez que tout Paris s'étonnait que trois femmes, toutes trois jolies, ayant toutes trois les mÃÂȘmes talents, et pouvant avoir les mÃÂȘmes prétentions, restassent intimement liées entre elles depuis le moment de leur entrée dans le monde. On crut d'abord en trouver la raison dans leur extrÃÂȘme timidité mais bientÎt, entourées d'une cour nombreuse dont elles partageaient les hommages, et éclairées sur leur valeur par l'empressement et les soins dont elles étaient l'objet, leur union n'en devint pourtant que plus forte; et l'on eût dit que le triomphe de l'une était toujours celui des deux autres. On espérait au moins que le moment de l'amour amÚnerait quelque rivalité. Nos agréables se disputaient l'honneur d'ÃÂȘtre la pomme de discorde; et moi-mÃÂȘme, je me serais mis alors sur les rangs, si la grande faveur oÃÂč la Comtesse de ... s'éleva dans ce mÃÂȘme temps, m'eût permis de lui ÃÂȘtre infidÚle avant d'avoir obtenu l'agrément que je demandais. Cependant nos trois Beautés, dans le mÃÂȘme carnaval, firent leur choix comme de concert; et loin qu'il excitùt les orages qu'on s'en était promis, il ne fit que rendre leur amitié plus intéressante, par le charme des confidences. La foule des prétendants malheureux se joignit alors à celle des femmes jalouses, et la scandaleuse constance fut soumise à la censure publique. Les uns prétendaient que dans cette société des inséparables ainsi la nommait-on alors, la loi fondamentale était la communauté de biens, et que l'amour mÃÂȘme y était soumis; d'autres assuraient que les trois Amants, exempts de rivaux, ne l'étaient pas de rivales on alla mÃÂȘme jusqu'à dire qu'ils n'avaient été admis que par décence, et n'avaient obtenu qu'un titre sans fonction. Ces bruits, vrais ou faux, n'eurent pas l'effet qu'on s'en était promis. Les trois couples, au contraire, sentirent qu'ils étaient perdus s'ils se séparaient dans ce moment; ils prirent le parti de faire tÃÂȘte à l'orage. Le public, qui se lasse de tout, se lassa bientÎt d'une satire infructueuse. Emporté par sa légÚreté naturelle, il s'occupa d'autres objets puis, revenant à celui-ci avec son inconséquence ordinaire, il changea la critique en éloge. Comme ici tout est de mode, l'enthousiasme gagna; il devenait un vrai délire, lorsque Prévan entreprit de vérifier ces prodiges, et de fixer sur eux l'opinion publique et la sienne. Il rechercha donc ces modÚles de perfection. Admis facilement dans leur société, il en tira un favorable augure. Il savait assez que les gens heureux ne sont pas d'un accÚs si facile. Il vit bientÎt, en effet, que ce bonheur si vanté était, comme celui des Rois, plus envié que désirable. Il remarqua que, parmi ces prétendus inséparables, on commençait à rechercher les plaisirs du dehors, qu'on s'y occupait mÃÂȘme de distraction; et il en conclut que les liens d'amour ou d'amitié étaient déjà relùchés ou rompus, et que ceux de l'amour- propre et de l'habitude conservaient seuls quelque force. Cependant les femmes, que le besoin rassemblait, conservaient entre elles l'apparence de la mÃÂȘme intimité mais les hommes, plus libres dans leurs démarches, retrouvaient des devoirs à remplir ou des affaires à suivre; ils s'en plaignaient encore, mais ne s'en dispensaient plus, et rarement les soirées étaient complÚtes. Cette conduite de leur part fut profitable à l'assidu Prévan, qui, placé naturellement auprÚs de la délaissée du jour, trouvait à offrir alternativement, et selon les circonstances, le mÃÂȘme hommage aux trois amies. Il sentit facilement que faire un choix entre elles, c'était se perdre; que la fausse honte de se trouver la premiÚre infidÚle effaroucherait la préférée; que la vanité blessée des deux autres les rendrait ennemies du nouvel Amant, et qu'elles ne manqueraient pas de déployer contre lui la sévérité des grands principes; enfin, que la jalousie ramÚnerait à coup sûr les soins d'un rival qui pouvait ÃÂȘtre encore à craindre. Tout fût devenu obstacle; tout devenait facile dans son triple projet; chaque femme était indulgente, parce qu'elle y était intéressée, chaque homme, parce qu'il croyait ne pas l'ÃÂȘtre. Prévan, qui n'avait alors qu'une seule femme à sacrifier, fut assez heureux pour qu'elle prÃt de la célébrité. Sa qualité d'étrangÚre et l'hommage d'un grand Prince assez adroitement, refusé avaient fixé sur elle l'attention de la Cour et de la Ville; son Amant en partageait l'honneur, et en profita auprÚs de ses nouvelles MaÃtresses. La seule difficulté était de mener de front ces trois intrigues, dont la marche devait forcément se régler sur la plus tardive; en effet, je tiens d'un de ses confidents que sa plus grande peine fut d'en arrÃÂȘter une, qui se trouva prÃÂȘte à éclore prÚs de quinze jours avant les autres. Enfin le grand jour arriva. Prévan, qui avait obtenu les trois aveux, se trouvait déjà maÃtre des démarches, et les régla comme vous allez voir. Des trois maris, l'un était absent, l'autre partait le lendemain au point du jour, le troisiÚme était à la Ville. Les inséparables amies devaient souper chez la veuve future; mais le nouveau MaÃtre n'avait pas permis que les anciens Serviteurs y fussent invités. Le matin mÃÂȘme de ce jour, il fait trois lots des Lettres de sa Belle, il accompagne l'un du portrait qu'il avait reçu d'elle le second d'un chiffre amoureux qu'elle-mÃÂȘme avait peint, le troisiÚme d'une boucle de ses cheveux; chacune reçut pour complet ce tiers de sacrifice, et consentit, en échange, à envoyer à l'Amant disgracié une Lettre éclatante de rupture. C'était beaucoup; ce n'était pas assez. Celle dont le mari était à la Ville ne pouvait disposer que de la journée; il fut convenu qu'une feinte indisposition la dispenserait d'aller souper chez son amie, et que la soirée serait toute à Prévan la nuit fut accordée par celle dont le mari fut absent et le point du jour, moment du départ du troisiÚme époux, fut marqué par la derniÚre, pour l'heure du Berger. Prévan qui ne néglige rien, court ensuite chez la belle étrangÚre, y porte et y fait naÃtre l'humeur dont il avait besoin, et n'en sort qu'aprÚs avoir établi une querelle qui lui assure vingt-quatre heures de liberté. Ses dispositions ainsi faites, il rentra chez lui, comptant prendre quelque repos; d'autres affaires l'y attendaient. Les Lettres de rupture avaient été un coup de lumiÚre pour les Amants disgraciés chacun d'eux ne pouvait douter qu'il n'eût été sacrifié à Prévan; et le dépit d'avoir été joué, se joignant à l'humeur que donne presque toujours la petite humiliation d'ÃÂȘtre quitté, tous trois, sans se communiquer, mais comme de concert, avaient résolu d'en avoir raison, et pris le parti de la demander à leur fortuné rival. Celui-ci trouva donc chez lui les trois cartels; il les accepta loyalement mais ne voulant perdre ni les plaisirs, ni l'éclat de cette aventure, il fixa les rendez- vous au lendemain matin, et les assigna tous les trois au mÃÂȘme lieu et à la mÃÂȘme heure. Ce fut à une des portes du bois de Boulogne. Le soir venu, il courut sa triple carriÚre avec un succÚs égal; au moins s'est-il vanté depuis que chacune de ses nouvelles MaÃtresses avait reçu trois fois le gage et le serment de son amour. Ici, comme vous le jugez bien, les preuves manquent à l'histoire; tout ce que peut faire l'Historien impartial, c'est de faire remarquer au Lecteur incrédule que la vanité et l'imagination exaltées peuvent enfanter des prodiges, et de plus, que la matinée qui devait suivre une si brillante nuit, paraissait devoir dispenser de ménagement pour l'avenir. Quoi qu'il en soit, les faits suivants ont plus de certitude. Prévan se rendit exactement au rendez-vous qu'il avait indiqué; il y trouva ses trois rivaux, un peu surpris de leur rencontre, et peut-ÃÂȘtre chacun d'eux déjà consolé en partie, en se voyant des compagnons d'infortune. Il les aborda d'un air affable et cavalier, et leur tint ce discours, qu'on m'a rendu fidÚlement " Messieurs, leur dit-il, en vous trouvant rassemblés ici, vous avez deviné sans doute que vous aviez tous trois le mÃÂȘme sujet de plainte contre moi. Je suis prÃÂȘt à vous rendre raison. Que le sort décide, entre vous, qui des trois tentera le premier une vengeance à laquelle vous avez tous un droit égal. Je n'ai amené ici ni second, ni témoins. Je n'en ai point pris pour l'offense; je n'en demande point pour la réparation. " Puis cédant à son caractÚre joueur " Je sais, ajouta-t-il, qu'on gagne rarement le sept et le va ; mais quel que soit le sort qui m'attend, on a toujours assez vécu, quand on a eu le temps d'acquérir l'amour des femmes et l'estime des hommes. " Pendant que ses adversaires étonnés se regardaient en silence, et que leur délicatesse calculait peut-ÃÂȘtre que ce triple combat ne laissait pas la partie égale, Prévan reprit la parole " Je ne vous cache pas, continua-t-il donc, que la nuit que je viens de passer m'a cruellement fatigué. Il serait généreux à vous de me permettre de réparer mes forces. J'ai donné mes ordres pour qu'on tÃnt ici un déjeuner prÃÂȘt; faites-moi l'honneur de l'accepter. Déjeunons ensemble, et surtout déjeunons gaiement. On peut se battre pour de semblables bagatelles; mais elles ne doivent pas, je crois, altérer notre humeur. " Le déjeuner fut accepté. Jamais, dit-on, Prévan ne fut plus aimable. Il eut l'adresse de n'humilier aucun de ses rivaux; de leur persuader que tous eussent eu facilement les mÃÂȘmes succÚs, et surtout de les faire convenir qu'ils n'en eussent pas plus que lui laissé échapper l'occasion. Ces faits une fois avoués, tout s'arrangeait de soi-mÃÂȘme. Aussi le déjeuner n'était-il pas fini, qu'on y avait déjà répété dix fois que de pareilles femmes ne méritaient pas que d'honnÃÂȘtes gens se battissent pour elles. Cette idée amena la cordialité; le vin la fortifia; si bien que peu de moments aprÚs, ce ne fut pas assez de n'avoir plus de rancune, on se jura amitié sans réserve. Prévan, qui sans doute aimait bien autant ce dénouement que l'autre, ne voulait pourtant y rien perdre de sa célébrité. En conséquence, pliant adroitement ses projets aux circonstances " En effet, dit-il aux trois offensés, ce n'est pas de moi, mais de vos infidÚles MaÃtresses que vous avez à vous venger. Je vous en offre l'occasion. Déjà je ressens, comme vous-mÃÂȘmes, une injure que bien tÎt je partagerai car si chacun de vous n'a pu parvenir à en fixer une seule, puis-je espérer de les fixer toutes trois? Votre querelle devient la mienne. Acceptez pour ce soir un souper dans ma petite maison, et j'espÚre ne pas différer plus long temps votre vengeance. " On voulut le faire expliquer mais lui, avec ce ton de supériorité que la circonstance l'autorisait à prendre " Messieurs, répondit-il, je crois vous avoir prouvé que j'avais quelque esprit de conduite; reposez-vous sur moi. " Tous consentirent; et aprÚs avoir embrassé leur nouvel ami, ils se séparÚrent jusqu'au soir, en attendant l'effet de ses promesses. Celui-ci, sans perdre de temps, retourne à Paris, et va, suivant l'usage, visiter ses nouvelles conquÃÂȘtes. Il obtint de toutes trois qu'elles viendraient le soir mÃÂȘme souper en tÃÂȘte-à -tÃÂȘte à sa petite maison. Deux d'entre elles firent bien quelques difficultés, mais que reste-t-il à refuser le lendemain? Il donna le rendez-vous à une heure de distance, temps nécessaire à ses projets. AprÚs ces préparatifs, il se retira, fit avertir les trois autres conjurés, et tous quatre allÚrent gaiement attendre leurs victimes. On entend arriver la premiÚre. Prévan se présente seul, la reçoit avec l'air de l'empressement, la conduit jusque dans le sanctuaire dont elle se croyait la Divinité; puis, disparaissant sur un léger prétexte, il se fait remplacer aussitÎt par l'Amant outragé. Vous jugez que la confusion d'une femme qui n'a point encore l'usage des aventures rendait, en ce moment, le triomphe bien facile tout reproche qui ne fut pas fait fut compté pour une grùce; et l'esclave fugitive, livrée de nouveau à son ancien maÃtre, fut trop heureuse de pouvoir espérer son pardon, en reprenant sa premiÚre chaÃne. Le traité de paix se ratifia dans un lieu plus solitaire, et la scÚne, restée vide, fut alternativement remplie par les autres Acteurs, à peu prÚs de la mÃÂȘme maniÚre, et surtout avec le mÃÂȘme dénouement. Chacune des femmes pourtant se croyait encore seule en jeu. Leur étonnement et leur embarras augmentÚrent, quand, au moment du souper, les trois couples se réunirent; mais la confusion fut au comble, quand Prévan, qui reparut au milieu de tous, eut la cruauté de faire aux trois infidÚles des excuses, qui, en livrant leur secret, leur apprenaient entiÚrement jusqu'à quel point elles avaient été jouées. Cependant on se mit à table, et peu aprÚs la contenance revint les hommes se livrÚrent, les femmes se soumirent. Tous avaient la haine dans le cÅ“ur; mais les propos n'en étaient pas moins tendres la gaieté éveilla le désir, qui, à son tour, lui prÃÂȘta de nouveaux charmes. Cette étonnante orgie dura jusqu'au matin; et quand on se sépara, les femmes durent se croire pardonnées mais les hommes, qui avaient conservé leur ressentiment, firent dÚs le lendemain une rupture qui n'eut point de retour; et non contents de quitter leurs légÚres MaÃtresses, ils achevÚrent leur vengeance, en publiant leur aventure. Depuis ce temps, une d'elles est au Couvent, et les deux autres languissent exilées dans leurs Terres. Voilà l'histoire de Prévan; c'est à vous de voir si vous voulez ajouter à sa gloire, et vous atteler à son char de triomphe. Votre Lettre m'a vraiment donné de l'inquiétude, et j'attends avec impatience une réponse plus sage et plus claire à la derniÚre que je vous ai écrite. Adieu, ma belle amie, méfiez-vous des idées plaisantes ou bizarres qui vous séduisent toujours trop facilement. Songez que, dans la carriÚre que vous courez, l'esprit ne suffit pas, qu'une seule imprudence y devient un mal sans remÚde. Souffrez enfin que la prudente amitié soit quelquefois le guide de vos plaisirs. Adieu. Je vous aime pourtant comme si vous étiez raisonnable. De ..., ce 18 septembre 17** LETTRE LXXX LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Cécile, ma chÚre Cécile, quand viendra le temps de nous revoir? qui m'apprendra à vivre loin de vous? qui m'en donnera la force et le courage? Jamais, non, jamais, je ne pourrai supporter cette fatale absence. Chaque jour ajoute à mon malheur et n'y point voir de terme! Valmont qui m'avait promis des secours, des consolations, Valmont me néglige, et peut-ÃÂȘtre m'oublie. Il est auprÚs de ce qu'il aime; il ne sait plus ce qu'on souffre quand on en est éloigné. En me faisant passer votre derniÚre Lettre, il ne m'a point écrit. C'est lui pourtant qui doit m'apprendre quand je pourrai vous voir et par quel moyen. N'a-t-il donc rien à me dire? Vous-mÃÂȘme, vous ne m'en parlez pas, serait-ce que vous n'en partagez plus le désir? Ah! Cécile, Cécile, je suis bien malheureux. Je vous aime plus que jamais mais cet amour, qui fait le charme de ma vie, en devient le tourment. Non, je ne peux plus vivre ainsi, il faut que je vous voie, il le faut, ne fût-ce qu'un moment. Quand je me lÚve, je me dis; " Je ne la verrai pas. " Je me couche en disant " Je ne l'ai point vue. " Les journées si longues n'ont pas un moment pour le bonheur. Tout est privation, tout est regret, tout est désespoir; et tous ces maux me viennent d'oÃÂč j'attendais tous mes plaisirs! Ajoutez à ces peines mortelles mon inquiétude sur les vÎtres, et vous aurez une idée de ma situation. Je pense à vous sans cesse, et n'y pense jamais sans trouble. Si je vous vois affligée, malheureuse, je souffre de tous vos chagrins; si je vous vois tranquille et consolée, ce sont les miens qui redoublent. Partout je trouve le malheur. Ah! qu'il n'en était pas ainsi, quand vous habitiez les mÃÂȘmes lieux que moi! Tout alors était plaisir. La certitude de vous voir embellissait mÃÂȘme les moments de l'absence; le temps qu'il fallait passer loin de vous m'approchait de vous en s'écoulant. L'emploi que j'en faisais ne vous était jamais étranger. Si je remplissais des devoirs, ils me rendaient plus digne de vous; si je cultivais quelque talent, j'espérais vous plaire davantage. Lors mÃÂȘme que les distractions du monde m'emportaient loin de vous, je n'en étais point séparé. Au Spectacle, je cherchais à deviner ce qui vous aurait plu; un concert me rappelait vos talents et nos si douces occupations. Dans le cercle, comme aux promenades, je saisissais la plus légÚre ressemblance. Je vous comparais à tout; partout vous aviez l'avantage. Chaque moment du jour était marqué par un hommage nouveau, et chaque soir j'en apportais le tribut à vos pieds. A présent, que me reste-t-il? des regrets douloureux, des privations éternelles, et un léger espoir que le silence de Valmont diminue, que le vÎtre change en inquiétude. Dix lieues seulement nous séparent, et cet espace si facile à franchir devient pour moi seul un obstacle insurmontable! et quand, pour m'aider à le vaincre, j'implore mon ami, ma MaÃtresse, tous deux restent froids et tranquilles! Loin de me secourir, ils ne me répondent mÃÂȘme pas. Qu'est donc devenue l'amitié active de Valmont? que sont devenus, surtout, vos sentiments si tendres, et qui vous rendaient si ingénieuse pour trouver les moyens de nous voir tous les jours? Quelquefois, je m'en souviens, sans cesser d'en avoir le désir, je me trouvais forcé de le sacrifier à des considérations, à des devoirs; que ne me disiez-vous pas alors? par combien de prétextes ne combattiez-vous pas mes raisons! Et qu'il vous en souvienne, ma Cécile, toujours mes raisons cédaient à vos désirs. Je ne m'en fais point un mérite! je n'avais pas mÃÂȘme celui du sacrifice. Ce que vous désiriez d'obtenir, je brûlais de l'accorder. Mais enfin je demande à mon tour et quelle est cette demande? de vous voir un moment, de vous renouveler et de recevoir le serment d'un amour éternel. N'est-ce donc plus votre bonheur comme le mien? Je repousse cette idée désespérante, qui mettrait le comble à mes maux. Vous m'aimez, vous m'aimerez toujours; je le crois, j'en suis sûr, je ne veux jamais en douter mais ma situation est affreuse et je ne puis la soutenir plus longtemps. Adieu, Cécile. Paris, ce 18 septembre 17** LETTRE LXXXI LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Que vos craintes me causent de pitié! Combien elles me prouvent ma supériorité sur vous! et vous voulez m'enseigner, me conduire? Ah! mon pauvre Valmont, quelle distance il y a encore de vous à moi! Non, tout l'orgueil de votre sexe ne suffirait pas pour remplir l'intervalle qui nous sépare. Parce que vous ne pourriez exécuter mes projets, vous les jugez impossibles! Etre orgueilleux et faible, il te sied bien de vouloir calculer mes moyens et juger de mes ressources! Au vrai, Vicomte, vos conseils m'ont donné de l'humeur, et je ne puis vous le cacher. Que pour masquer votre incroyable gaucherie auprÚs de votre Présidente, vous m'étaliez comme un triomphe d'avoir déconcerté un moment cette femme timide et qui vous aime, j'y consens; d'en avoir obtenu un regard, un seul regard, je souris et vous le passe. Que sentant, malgré vous, le peu de valeur de votre conduite, vous espériez la dérober à mon attention, en me flattant de l'effort sublime de rapprocher deux enfants qui, tous deux, brûlent de se voir, et qui, soit dit en passant, doivent à moi seule l'ardeur de ce désir, je le veux bien encore. Qu'enfin vous vous autorisiez de ces actions d'éclat, pour me dire d'un ton doctoral qu'il vaut mieux employer son temps à exécuter ses projets qu'à les raconter ; cette vanité ne me nuit pas, et je la pardonne. Mais que vous puissiez croire que j'aie besoin de votre prudence, que je m'égarerais en ne déférant pas à vos avis, que je dois leur sacrifier un plaisir, une fantaisie en vérité, Vicomte, c'est aussi vous trop enorgueillir de la confiance que je veux bien avoir en vous! Et qu'avez-vous donc fait que je n'aie surpassé mille fois? Vous avez séduit, perdu mÃÂȘme beaucoup de femmes mais quelles difficultés avez-vous eues à vaincre? quels obstacles à surmonter? oÃÂč est le mérite qui soit véritablement à vous? Une belle figure, pur effet du hasard; des grùces, que l'usage donne presque toujours, de l'esprit à la vérité, mais auquel du jargon suppléerait au besoin; une impudence assez louable, mais peut-ÃÂȘtre uniquement due à la facilité de vos premiers succÚs; si je ne me trompe, voilà tous vos moyens car, pour la célébrité que vous avez pu acquérir, vous n'exigerez pas, je crois, que je compte pour beaucoup l'art de faire naÃtre ou de saisir l'occasion d'un scandale. Quant à la prudence, à la finesse, je ne parle pas de moi mais quelle femme n'en aurait pas plus que vous? Eh! votre Présidente vous mÚne comme un enfant. Croyez-moi, Vicomte, on acquiert rarement les qualités dont on peut se passer. Combattant sans risque, vous devez agir sans précaution. Pour vous autres hommes, les défaites ne sont que des succÚs de moins. Dans cette partie si inégale, notre fortune est de ne pas perdre, et votre malheur de ne pas gagner. Quand je vous accorderais autant de talents qu'à nous, de combien encore ne devrions-nous pas vous surpasser, par la nécessité oÃÂč nous sommes d'en faire un continuel usage! Supposons, j'y consens, que vous mettiez autant d'adresse à nous vaincre, que nous à nous défendre ou à céder, vous conviendrez au moins qu'elle vous devient inutile aprÚs le succÚs. Uniquement occupé de votre nouveau goût, vous vous y livrez sans crainte, sans réserve ce n'est pas à vous que sa durée importe. En effet, ces liens réciproquement donnés et reçus, pour parler le jargon de l'amour, vous seul pouvez, à votre choix, les resserrer ou les rompre heureuses encore, si dans votre légÚreté, préférant le mystÚre à l'éclat, vous vous contentez d'un abandon humiliant, et ne faites pas de l'idole de la veille la victime du lendemain. Mais qu'une femme infortunée sente la premiÚre le poids de sa chaÃne, quels risques n'a-t-elle pas à courir, si elle tente de s'y soustraire, si elle ose seulement la soulever? Ce n'est qu'en tremblant qu'elle essaie d'éloigner d'elle l'homme que son cÅ“ur repousse avec effort. S'obstine-t-il à rester, ce qu'elle accordait à l'amour, il faut le livrer à la crainte Ses bras s'ouvrent encor, quand son cÅ“ur est fermé. Sa prudence doit dénouer avec adresse ces mÃÂȘmes liens que vous auriez rompus. A la merci de son ennemi, elle est sans ressource, s'il est sans générosité et comment en espérer de lui, lorsque, si quelquefois on le loue d'en avoir, jamais pourtant on ne le blùme d'en manquer? Sans doute, vous ne nierez pas ces vérités que leur évidence a rendues triviales. Si cependant vous m'avez vue, disposant des événements et des opinions, faire de ces hommes si redoutables le jouet de mes caprices ou de mes fantaisies; Îter aux uns la volonté, aux autres la puissance de me nuire; si j'ai su tour à tour, et suivant mes goûts mobiles, attacher à ma suite ou rejeter loin de moi Ces Tyrans détrÎnés devenus mes esclaves [On ne sait si ce vers, ainsi que celui qui se trouve plus haut, Ses bras s'ouvrent encor, quand son cÅ“ur est fermé , sont des citations d'Ouvrages peu connus; ou s'ils font partie de la prose de Madame de Merteuil. Ce qui le ferait croire, c'est la multitude de fautes de ce genre qui se trouvent dans toutes les Lettres de cette correspondance. Celles du Chevalier Danceny sont les seules qui en soient exemptes peut-ÃÂȘtre que, comme il s'occupait quelquefois de Poésie, son oreille plus exercée lui faisait éviter plus facilement ce défaut.] si, au milieu de ces révolutions fréquentes, ma réputation s'est pourtant conservée pure; n'avez-vous pas dû en conclure que, née pour venger mon sexe et maÃtriser le vÎtre, j'avais su me créer des moyens inconnus jusqu'à moi? Ah! gardez vos conseils et vos craintes pour ces femmes à délire, et qui se disent à sentiment; dont l'imagination exaltée ferait croire que la nature a placé leurs sens dans leur tÃÂȘte; qui, n'ayant jamais réfléchi, confondent sans cesse l'amour et l'Amant; qui, dans leur folle illusion, croient que celui-là seul avec qui elles ont cherché le plaisir en est l'unique dépositaire; et vraies superstitieuses, ont pour le PrÃÂȘtre le respect et la foi qui n'est dû qu'à la Divinité. Craignez encore pour celles qui, plus vaines que prudentes, ne savent pas au besoin consentir à se faire quitter. Tremblez surtout pour ces femmes actives dans leur oisiveté, que vous nommez sensibles, et dont l'amour s'empare si facilement et avec tant de puissance; qui sentent le besoin de s'en occuper encore, mÃÂȘme lorsqu'elles n'en jouissent pas; et s'abandonnant sans réserve à la fermentation de leurs idées, enfantent par elles ces Lettres si douces, mais si dangereuses à écrire; et ne craignent pas de confier ces preuves de leur faiblesse à l'objet qui les cause imprudentes, qui, dans leur Amant actuel, ne savent pas voir leur ennemi futur. Mais moi, qu'ai-je de commun avec ces femmes inconsidérées? quand m'avez-vous vue m'écarter des rÚgles que je me suis prescrites, et manquer à mes principes? je dis mes principes, et je le dis à dessein car ils ne sont pas comme ceux des autres femmes, donnés au hasard, reçus sans examen et suivis par habitude, ils sont le fruit de mes profondes réflexions; je les ai créés, et je puis dire que je suis mon ouvrage. Entrée dans le monde dans le temps oÃÂč, fille encore, j'étais vouée par état au silence et à l'inaction, j'ai su en profiter pour observer et réfléchir. Tandis qu'on me croyait étourdie ou distraite, écoutant peu à la vérité les discours qu'on s'empressait à me tenir, je recueillais avec soin ceux qu'on cherchait à me cacher. Cette utile curiosité, en servant à m'instruire, m'apprit encore à dissimuler forcée souvent de cacher les objets de mon attention aux yeux de ceux qui m'entouraient, j'essayai de guider les miens à mon gré; j'obtins dÚs lors de prendre à volonté ce regard distrait que vous avez loué si souvent. Encouragée par ce premier succÚs, je tùchai de régler de mÃÂȘme les divers mouvements de ma figure. Ressentais-je quelque chagrin, je m'étudiais à prendre l'air de la sérénité, mÃÂȘme celui de la joie; j'ai porté le zÚle jusqu'à me causer des douleurs volontaires, pour chercher pendant ce temps l'expression du plaisir. Je me suis travaillée avec le mÃÂȘme soin et plus de peine, pour réprimer les symptÎmes d'une joie inattendue. C'est ainsi que j'ai su prendre sur ma physionomie cette puissance dont je vous ai vu quelquefois si étonné. J'étais bien jeune encore, et presque sans intérÃÂȘt mais je n'avais à moi que ma pensée, et je m'indignais qu'on pût me la ravir ou me la surprendre contre ma volonté. Munie de ces premiÚres armes, j'en essayai l'usage non contente de ne plus me laisser pénétrer, je m'amusais à me montrer sous des formes différentes; sûre de mes gestes, j'observais mes discours; je réglai les uns et les autres, suivant les circonstances, ou mÃÂȘme seulement suivant mes fantaisies dÚs ce moment, ma façon de penser fut pour moi seule, et je ne montrai plus que celle qu'il m'était utile de laisser voir. Ce travail sur moi-mÃÂȘme avait fixé mon attention sur l'expression des figures et le caractÚre des physionomies; et j'y gagnai ce coup d'oeil pénétrant, auquel l'expérience m'a pourtant appris à ne pas me fier entiÚrement; mais qui, en tout, m'a rarement trompée. Je n'avais pas quinze ans, je possédais déjà les talents auxquels la plus grande partie de nos Politiques doivent leur réputation, et je ne me trouvais encore qu'aux premiers éléments de la science que je voulais acquérir. Vous jugez bien que, comme toutes les jeunes filles, je cherchais à deviner l'amour et ses plaisirs mais n'ayant jamais été au Couvent, n'ayant point de bonne amie, et surveillée par une mÚre vigilante, je n'avais que des idées vagues et que je ne pouvais fixer; la nature mÃÂȘme, dont assurément je n'ai eu qu'à me louer depuis, ne me donnait encore aucun indice. On eût dit qu'elle travaillait en silence à perfectionner son ouvrage. Ma tÃÂȘte seule fermentait; je ne désirais pas de jouir, je voulais savoir; le désir de m'instruire m'en suggéra les moyens. Je sentis que le seul homme avec qui je pouvais parler sur cet objet, sans me compromettre, était mon Confesseur. AussitÎt je pris mon parti; je surmontai ma petite honte; et me vantant d'une faute que je n'avais pas commise, je m'accusai d'avoir fait tout ce que font les femmes . Ce fut mon expression; mais en parlant ainsi je ne savais en vérité quelle idée j'exprimais. Mon espoir ne fut ni tout à fait trompé, ni entiÚrement rempli, la crainte de me trahir m'empÃÂȘchait de m'éclairer mais le bon PÚre me fit le mal si grand que j'en conclus que le plaisir devait ÃÂȘtre extrÃÂȘme; et au désir de le connaÃtre succéda celui de le goûter. Je ne sais oÃÂč ce désir m'aurait conduite; et alors dénuée d'expérience, peut- ÃÂȘtre une seule occasion m'eût perdue heureusement pour moi, ma mÚre m'annonça peu de jours aprÚs que j'allais me marier; sur-le-champ la certitude de savoir éteignit ma curiosité, et j'arrivai vierge entre les bras de M. de Merteuil. J'attendais avec sécurité le moment qui devait m'instruire, et j'eus besoin de réflexion pour montrer de l'embarras et de la crainte. Cette premiÚre nuit, dont on se fait pour l'ordinaire une idée si cruelle ou si douce ne me présentait qu'une occasion d'expérience douleur et plaisir, j'observai tout exactement, et ne voyais dans ces diverses sensations que des faits à recueillir et à méditer. Ce genre d'étude parvint bientÎt à me plaire mais fidÚle à mes principes, et sentant peut-ÃÂȘtre par instinct, que nul ne devait ÃÂȘtre plus loin de ma confiance que mon mari, je résolus, par cela seul que j'étais sensible, de me montrer impassible à ses yeux. Cette froideur apparente fut par la suite le fondement inébranlable de son aveugle confiance j'y joignis, par une seconde réflexion, l'air d'étourderie qu'autorisait mon ùge; et jamais il ne me jugea plus enfant que dans les moments oÃÂč je le jouais avec plus d'audace. Cependant, je l'avouerai, je me laissai d'abord entraÃner par le tourbillon du monde, et je me livrai tout entiÚre à ses distractions futiles. Mais au bout de quelques mois, M. de Merteuil m'ayant menée à sa triste campagne, la crainte de l'ennui fit revenir le goût de l'étude; et ne m'y trouvant entourée que de gens dont la distance avec moi me mettait à l'abri de tout soupçon, j'en profitai pour donner un champ plus vaste à mes expériences. Ce fut là , surtout, que je m'assurai que l'amour que l'on nous vante comme la cause de nos plaisirs n'en est au plus que le prétexte. La maladie de M. de Merteuil vint interrompre de si douces occupations; il fallut le suivre à la Ville, oÃÂč il venait chercher des secours. Il mourut, comme vous savez, peu de temps aprÚs; et quoique à tout prendre, je n'eusse pas à me plaindre de lui, je n'en sentis pas moins vivement le prix de la liberté qu'allait me donner mon veuvage, et je me promis bien d'en profiter. Ma mÚre comptait que j'entrerais au Couvent, ou reviendrais vivre avec elle. Je refusai l'un et l'autre parti; et tout ce que j'accordai à la décence fut de retourner dans cette mÃÂȘme campagne oÃÂč il me restait bien encore quelques observations à faire. Je les fortifiai par le secours de la lecture mais ne croyez pas qu'elle fût toute du genre que vous la supposez. J'étudiai nos mÅ“urs dans les Romans; nos opinions dans les Philosophes; je cherchai mÃÂȘme dans les Moralistes les plus sévÚres ce qu'ils exigeaient de nous, et je m'assurai ainsi de ce qu'on pouvait faire, de ce qu'on devait penser et de ce qu'il fallait paraÃtre. Une fois fixée sur ces trois objets, le dernier seul présentait quelques difficultés dans son exécution; j'espérai les vaincre et j'en méditai les moyens. Je commençais à m'ennuyer de mes plaisirs rustiques, trop peu variés pour ma tÃÂȘte active; je sentais un besoin de coquetterie qui me raccommoda avec l'amour; non pour le ressentir à la vérité, mais pour l'inspirer et le feindre. En vain m'avait-on dit et avais-je lu qu'on ne pouvait feindre ce sentiment, je voyais pourtant que, pour y parvenir, il suffisait de joindre à l'esprit d'un Auteur le talent d'un Comédien. Je m'exerçai dans les deux genres, et peut- ÃÂȘtre avec quelque succÚs mais au lieu de rechercher les vains applaudissements du Théùtre, je résolus d'employer à mon bonheur ce que tant d'autres sacrifiaient à la vanité. Un an se passa dans ces occupations différentes. Mon deuil me permettant alors de reparaÃtre, je revins à la Ville avec mes grands projets; je ne m'attendais pas au premier obstacle que j'y rencontrai. Cette longue solitude, cette austÚre retraite avaient jeté sur moi un vernis de pruderie qui effrayait nos plus agréables; ils se tenaient à l'écart, et me laissaient livrée à une foule d'ennuyeux, qui tous prétendaient à ma main. L'embarras n'était pas de les refuser; mais plusieurs de ces refus déplaisaient à ma famille, et je perdais dans ces tracasseries intérieures le temps dont je m'étais promis un si charmant usage. Je fus donc obligée, pour rappeler les uns et éloigner les autres, d'afficher quelques inconséquences, et d'employer à nuire à ma réputation le soin que je comptais mettre à la conserver. Je réussis facilement, comme vous pouvez croire. Mais n'étant emportée par aucune passion, je ne fis que ce que je jugeai nécessaire et mesurai avec prudence les doses de mon étourderie. DÚs que j'eus touché le but que je voulais atteindre, je revins sur mes pas, et fis honneur de mon amendement à quelques-unes de ces femmes qui, dans l'impuissance d'avoir des prétentions à l'agrément, se rejettent sur celles du mérite et de la vertu. Ce fut un coup de partie qui me valut plus que je n'avais espéré. Ces reconnaissantes DuÚgnes s'établirent mes apologistes; et leur zÚle aveugle pour ce qu'elles appelaient leur ouvrage fut porté au point qu'au moindre propos qu'on se permettait sur moi, tout le parti Prude criait au scandale et à l'injure. Le mÃÂȘme moyen me valut encore le suffrage de nos femmes à prétentions, qui, persuadées que je renonçais à courir la mÃÂȘme carriÚre qu'elles, me choisirent pour l'objet de leurs éloges, toutes les fois qu'elles voulaient prouver qu'elles ne médisaient pas de tout le monde. Cependant ma conduite précédente avait ramené les Amants; et pour me ménager entre eux et mes fidÚles protectrices, je me montrai comme une femme sensible, mais difficile, à qui l'excÚs de sa délicatesse fournissait des armes contre l'amour. Alors je commençai à déployer sur le grand Théùtre les talents que je m'étais donnés. Mon premier soin fut d'acquérir le renom d'invincible. Pour y parvenir, les hommes qui ne me plaisaient point furent toujours les seuls dont j'eus l'air d'accepter les hommages. Je les employais utilement à me procurer les honneurs de la résistance, tandis que je me livrais sans crainte à l'Amant préféré. Mais, celui-là , ma feinte timidité ne lui a jamais permis de me suivre dans le monde; et les regards du cercle ont été, ainsi, toujours fixés sur l'Amant malheureux. Vous savez combien je me décide vite c'est pour avoir observé que ce sont presque toujours les soins antérieurs qui livrent le secret des femmes. Quoi qu'on puisse faire, le ton n'est jamais le mÃÂȘme, avant ou aprÚs le succÚs. Cette différence n'échappe point à l'observateur attentif et j'ai trouvé moins dangereux de me tromper dans le choix, que de le laisser pénétrer. Je gagne encore par là d'Îter les vraisemblances, sur lesquelles seules on peut nous juger. Ces précautions et celle de ne jamais écrire, de ne livrer jamais aucune preuve de ma défaite, pouvaient paraÃtre excessives, et ne m'ont jamais paru suffisantes. Descendue dans mon cÅ“ur, j'y ai étudié celui des autres. J'y ai vu qu'il n'est personne qui n'y conserve un secret qu'il lui importe qui ne soit point dévoilé vérité que l'Antiquité paraÃt avoir mieux connue que nous, et dont l'histoire de Samson pourrait n'ÃÂȘtre qu'un ingénieux emblÚme. Nouvelle Dalila, j'ai toujours, comme elle, employé ma puissance à surprendre ce secret important. Hé! de combien de nos Samsons modernes, ne tiens-je pas la chevelure sous le ciseau! et ceux-là , j'ai cessé de les craindre; ce sont les seuls que je me sois permis d'humilier quelquefois. Plus souple avec les autres, l'art de les rendre infidÚles pour éviter de leur paraÃtre volage, une feinte amitié, une apparente confiance, quelques procédés généreux, l'idée flatteuse et que chacun conserve d'avoir été mon seul Amant, m'ont obtenu leur discrétion. Enfin, quand ces moyens m'ont manqué, j'ai su, prévoyant mes ruptures, étouffer d'avance, sous le ridicule ou la calomnie, la confiance que ces hommes dangereux auraient pu obtenir. Ce que je vous dis là , vous me le voyez pratiquer sans cesse; et vous doutez de ma prudence! Hé bien! rappelez-vous le temps oÃÂč vous me rendÃtes vos premiers soins jamais hommage ne me flatta autant; je vous désirais avant de vous avoir vu. Séduite par votre réputation, il me semblait que vous manquiez à ma gloire; je brûlais de vous combattre corps à corps. C'est le seul de mes goûts qui ait jamais pris un moment d'empire sur moi. Cependant, si vous eussiez voulu me perdre; quels moyens eussiez-vous trouvés? de vains discours qui ne laissent aucune trace aprÚs eux, que votre réputation mÃÂȘme eût aidé à rendre suspects, et une suite de faits sans vraisemblance, dont le récit sincÚre aurait eu l'air d'un Roman mal tissu. A la vérité, je vous ai depuis livré tous mes secrets mais vous savez quels intérÃÂȘts nous unissent, et si de nous deux, c'est moi qu'on doit taxer d'imprudence. [On saura dans la suite, Lettre CLII, non pas le secret de M. de Valmont à peu prÚs de quel genre il était; et le Lecteur sentira qu'on n'a pas pu l'éclaircir davantage sur cet objet] Puisque je suis en train de vous rendre compte, je veux le faire exactement. Je vous entends d'ici me dire que je suis au moins à la merci de ma Femme de chambre; en effet, si elle n'a pas le secret de mes sentiments, elle a celui de mes actions. Quand vous m'en parlùtes jadis, je vous répondis seulement que j'étais sûre d'elle; et la preuve que cette réponse suffit alors à votre tranquillité, c'est que vous lui avez confié depuis, et pour votre compte, des secrets assez dangereux. Mais à présent que Prévan vous donne de l'ombrage, et que la tÃÂȘte vous en tourne, je me doute bien que vous ne me croyez plus sur parole. Il faut donc vous édifier. PremiÚrement, cette fille est ma sÅ“ur de lait, et ce lien qui ne nous en paraÃt pas un, n'est pas sans force pour les gens de cet état de plus, j'ai son secret, et mieux encore; victime d'une folie de l'amour, elle était perdue si je ne l'eusse sauvée. Ses parents, tout hérissés d'honneur, ne voulaient pas moins que la faire enfermer. Ils s'adressÚrent à moi. Je vis, d'un coup d'oeil, combien leur courroux pouvait m'ÃÂȘtre utile. Je le secondai, et sollicitai l'ordre, que j'obtins. Puis passant tout à coup au parti de la clémence auquel j'amenai ses parents, et profitant de mon crédit auprÚs du vieux Ministre, je les fis tous consentir à me laisser dépositaire de cet ordre, et maÃtresse d'en arrÃÂȘter ou demander l'exécution, suivant que je jugerais du mérite de la conduite future de cette fille. Elle sait donc que j'ai son sort entre les mains, et quand, par impossible, ces moyens puissants ne l'arrÃÂȘteraient point, n'est-il pas évident que sa conduite dévoilée et sa punition authentique Îteraient bientÎt toute créance à ses discours? A ces précautions que j'appelle fondamentales, s'en joignent mille autres, ou locales ou d'occasion, que la réflexion et l'habitude font trouver au besoin; dont le détail serait minutieux, mais dont la pratique est importante, et qu'il faut vous donner la peine de recueillir dans l'ensemble de ma conduite, si vous voulez parvenir à les connaÃtre. Mais de prétendre que je me sois donné tant de soins pour n'en pas retirer de fruits; qu'aprÚs m'ÃÂȘtre autant élevée au-dessus des autres femmes par mes travaux pénibles, je consente à ramper comme elles dans ma marche, entre l'imprudence et la timidité; que surtout je pusse redouter un homme au point de ne plus voir mon salut que dans la fuite? Non, Vicomte; jamais. Il faut vaincre ou périr. Quant à Prévan, je veux l'avoir et je l'aurai; il veut le dire, et il ne le dira pas en deux mots, voilà notre Roman. Adieu. De ..., ce 20 septembre 17** LETTRE LXXXII CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Mon Dieu, que votre Lettre m'a fait de peine! J'avais bien besoin d'avoir tant d'impatience de la recevoir! J'espérais y trouver de la consolation, et voilà que je suis plus affligée qu'avant de l'avoir reçue. J'ai bien pleuré en la lisant ce n'est pas cela que je vous reproche; j'ai déjà bien pleuré des fois à cause de vous, sans que ça me fasse de la peine. Mais cette fois-ci, ce n'est pas la mÃÂȘme chose. Qu'est-ce donc que vous voulez dire, que votre amour devient un tourment pour vous, que vous ne pouvez plus vivre ainsi, ni soutenir plus longtemps votre situation? Est-ce que vous allez cesser de m'aimer, parce que cela n'est pas si agréable qu'autrefois? Il me semble que je ne suis pas plus heureuse que vous, bien au contraire; et pourtant je ne vous aime que davantage. Si M. de Valmont ne vous a pas écrit, ce n'est pas ma faute; je n'ai pas pu l'en prier, parce que je n'ai pas été seule avec lui, et que nous sommes convenus que nous ne nous parlerions jamais devant le monde et ça, c'est encore pour vous; afin qu'il puisse faire le plus tÎt ce que vous désirez. Je ne dis pas que je ne le désire pas aussi, et vous devez en ÃÂȘtre bien sûr mais comment voulez- vous que je fasse? Si vous croyez que c'est facile, trouvez donc le moyen, je ne demande pas mieux. Croyez-vous qu'il me soit bien agréable d'ÃÂȘtre grondée tous les jours par Maman, elle qui auparavant ne me disait jamais rien, bien au contraire? A présent, c'est pis que si j'étais au Couvent. Je m'en consolais pourtant en songeant que c'était pour vous; il y avait mÃÂȘme des moments oÃÂč je trouvais que j'en étais bien aise; mais quand je vois que vous ÃÂȘtes fùché aussi, et ça sans qu'il y ait du tout de ma faute, je deviens plus chagrine que pour tout ce qui vient de m'arriver jusqu'ici. Rien que pour recevoir vos Lettres, c'est un embarras, que si M. de Valmont n'était pas aussi complaisant et aussi adroit qu'il l'est, je ne saurais comment faire; et pour vous écrire, c'est plus difficile encore. De toute la matinée, je n'ose pas, parce que Maman est tout prÚs de moi, et qu'elle vient à tout moment dans ma chambre. Quelquefois je le peux l'aprÚs-midi; sous prétexte de chanter ou de jouer de la harpe; encore faut-il que j'interrompe à chaque ligne pour qu'on entende que j'étudie. Heureusement ma Femme de chambre s'endort quelquefois le soir, et je lui dis que je me coucherai bien toute seule, afin qu'elle s'en aille et me laisse de la lumiÚre. Et puis, il faut que je me mette sous mon rideau, pour qu'on ne puisse pas voir de clarté, et puis que j'écoute au moindre bruit pour pouvoir tout cacher dans mon lit, si on venait. Je voudrais que vous y fussiez, pour voir! Vous verriez bien qu'il faut bien aimer pour faire ça. Enfin, il est bien vrai que je fais tout ce que je peux, et que je voudrais en pouvoir faire davantage. Assurément, je ne refuse pas de vous dire que je vous aime et que je vous aimerai toujours; jamais je ne l'ai dit de meilleur cÅ“ur; et vous ÃÂȘtes fùché! Vous m'aviez pourtant bien assuré, avant que je vous l'eusse dit, que cela suffisait pour vous rendre heureux. Vous ne pouvez pas le nier c'est dans vos Lettres. Quoique je ne les aie plus, je m'en souviens comme quand je les lisais tous les jours. Et parce que nous voilà absents, vous ne pensez plus de mÃÂȘme! Mais cette absence ne durera pas toujours, peut-ÃÂȘtre? Mon Dieu, que je suis malheureuse! et c'est bien vous qui en ÃÂȘtes cause! A propos de vos Lettres, j'espÚre que vous avez gardé celles que Maman m'a prises, et qu'elle vous a renvoyées; il faudra bien qu'il vienne un temps oÃÂč je ne serai plus si gÃÂȘnée qu'à présent, et vous me les rendrez toutes. Comme je serai heureuse, quand je pourrai les garder toujours, sans que personne ait rien à y voir! A présent, je les remets à M. de Valmont, parce qu'il y aurait trop à risquer autrement malgré cela je ne lui en rends jamais, que cela ne me fasse bien de la peine. Adieu, mon cher ami. Je vous aime de tout mon cÅ“ur. Je vous aimerai toute ma vie. J'espÚre qu'à présent vous n'ÃÂȘtes plus fùché; et si j'en étais sûre, je ne le serais plus moi-mÃÂȘme. Ecrivez-moi le plus tÎt que vous pourrez, car je sens que jusque-là je serai toujours triste. Du Chùteau de ce 21 septembre 17** LETTRE LXXXIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL De grùce, Madame, renouons cet entretien si malheureusement rompu! Que je puisse achever de vous prouver combien je diffÚre de l'odieux portrait qu'on vous avait fait de moi; que je puisse, surtout, jouir encore de cette aimable confiance que vous commenciez à me témoigner! Que de charmes vous savez prÃÂȘter à la vertu! comme vous embellissez et faites chérir tous les sentiments honnÃÂȘtes! Ah! c'est là votre séduction; c'est la plus forte; c'est la seule qui soit, à la fois, puissante et respectable. Sans doute il suffit de vous voir, pour désirer de vous plaire; de vous entendre dans le cercle, pour que ce désir augmente. Mais celui qui a le bonheur de vous connaÃtre davantage, qui peut quelquefois lire dans votre ùme, cÚde bientÎt à un plus noble enthousiasme, et pénétré de vénération comme d'amour, adore en vous l'image de toutes les vertus. Plus fait qu'un autre, peut-ÃÂȘtre, pour les aimer et les suivre, entraÃné par quelques erreurs qui m'avaient éloigné d'elles, c'est vous qui m'en avez rapproché, qui m'en avez de nouveau fait sentir tout le charme me ferez-vous un crime de ce nouvel amour? blùmerez-vous votre ouvrage? Vous reprocheriez-vous mÃÂȘme l'intérÃÂȘt que vous pourriez y prendre? Quel mal peut-on craindre d'un sentiment si pur, et quelles douceurs n'y aurait-il pas à le goûter? Mon amour vous effraie, vous le trouvez violent, effréné? Tempérez-le par un amour plus doux; ne refusez pas l'empire que je vous offre, auquel je jure de ne jamais me soustraire, et qui, j'ose le croire, ne serait pas entiÚrement perdu pour la vertu. Quel sacrifice pourrait me paraÃtre pénible, sûr que votre cÅ“ur m'en garderait le prix? Quel est donc l'homme assez malheureux pour ne pas savoir jouir des privations qu'il s'impose; pour ne pas préférer un mot, un regard accordés, à toutes les jouissances qu'il pourrait ravir ou surprendre! et vous avez cru que j'étais cet homme-là ! et vous m'avez craint! Ah! pourquoi votre bonheur ne dépend-il pas de moi? comme je me vengerais de vous, en vous rendant heureuse! Mais ce doux empire, la stérile amitié ne le produit pas; il n'est dû qu'à l'amour. Ce mot vous intimide! et pourquoi? un attachement plus tendre, une union plus forte, une seule pensée; le mÃÂȘme bonheur comme les mÃÂȘmes peines, qu'y a-t-il donc là d'étranger à votre ùme? Tel est pourtant l'amour! tel est au moins celui que vous inspirez et que je ressens! C'est lui surtout, qui, calculant sans intérÃÂȘt, sait apprécier les actions sur leur mérite et non sur leur valeur; trésor inépuisable des ùmes sensibles, tout devient précieux, fait par lui ou pour lui. Ces vérités si faciles à saisir, si douces à pratiquer, qu'ont-elles donc d'effrayant? Quelles craintes peut aussi vous causer un homme sensible, à qui l'amour ne permet plus un autre bonheur que le vÎtre? C'est aujourd'hui l'unique vÅ“u que je forme je sacrifierai tout pour le remplir, excepté le sentiment qui l'inspire; et ce sentiment lui-mÃÂȘme, consentez à le partager, et vous le réglerez à votre choix. Mais ne souffrons plus qu'il nous divise, lorsqu'il devrait nous réunir. Si l'amitié que vous m'avez offerte n'est pas un vain mot; si, comme vous me le disiez hier, c'est le sentiment le plus doux que votre ùme connaisse; que ce soit elle qui stipule entre nous, je ne la récuserai point mais juge de l'amour, qu'elle consente à l'écouter; le refus de l'entendre deviendrait une injustice, et l'amitié n'est point injuste. Un second entretien n'aura pas plus d'inconvénients que le premier le hasard peut encore en fournir l'occasion; vous pourriez vous-mÃÂȘme en indiquer le moment. Je veux croire que j'ai tort; n'aimerez-vous pas mieux me ramener que me combattre, et doutez-vous de ma docilité? Si ce tiers importun ne fût pas venu nous interrompre, peut-ÃÂȘtre serais-je déjà entiÚrement revenu à votre avis; qui sait jusqu'oÃÂč peut aller votre pouvoir? Vous le dirai-je? cette puissance invincible, à laquelle je me livre sans oser la calculer, ce charme irrésistible, qui vous rend souveraine de mes pensées comme de mes actions, il m'arrive quelquefois de les craindre. Hélas! cet entretien que je vous demande, peut-ÃÂȘtre est-ce à moi à le redouter! peut-ÃÂȘtre aprÚs, enchaÃné par mes promesses, me verrai-je réduit à brûler d'un amour que je sens bien qui ne pourra s'éteindre, sans oser mÃÂȘme implorer votre secours! Ah! Madame, de grùce, n'abusez pas de votre empire! Mais quoi! si vous devez en ÃÂȘtre plus heureuse, si je dois vous en paraÃtre plus digne de vous, quelles peines ne sont pas adoucies par ces idées consolantes! Oui, je le sens; vous parler encore, c'est vous donner contre moi de plus fortes armes; c'est me soumettre plus entiÚrement à votre volonté. Il est plus aisé de se défendre contre vos Lettres; ce sont bien vos mÃÂȘmes discours, mais vous n'ÃÂȘtes pas là pour leur prÃÂȘter des forces. Cependant, le plaisir de vous entendre m'en fait braver le danger au moins aurai-je ce bonheur d'avoir tout fait pour vous, mÃÂȘme contre moi; et mes sacrifices deviendront un hommage. Trop heureux de vous prouver de mille maniÚres, comme je le sens de mille façons, que, sans m'en excepter, vous ÃÂȘtes, vous serez toujours l'objet le plus cher à mon cÅ“ur. Du Chùteau de ce 23 septembre 17** LETTRE LXXXIV LE VICOMTE DE VALMONT A CECILE VOLANGES Vous avez vu combien nous avons été contrariés hier. De toute la journée je n'ai pas pu vous remettre la Lettre que j'avais pour vous; j'ignore si j'y trouverai plus de facilité aujourd'hui. Je crains de vous compromettre, en y mettant plus de zÚle que d'adresse; et je ne me pardonnerais pas une imprudence qui vous deviendrait si fatale, et causerait le désespoir de mon ami, en vous rendant éternellement malheureuse. Cependant je connais les impatiences de l'amour; je sens combien il doit ÃÂȘtre pénible, dans votre situation, d'éprouver quelque retard à la seule consolation que vous puissiez goûter dans ce moment. A force de m'occuper des moyens d'écarter les obstacles, j'en ai trouvé un dont l'exécution sera aisée, si vous y mettez quelque soin. Je crois avoir remarqué que la clef de la porte de votre Chambre, qui donne sur le corridor, est toujours sur la cheminée de votre Maman. Tout deviendrait facile avec cette clef, vous devez bien le sentir; mais à son défaut, je vous en procurerai une semblable, et qui la suppléera. Il me suffira, pour y parvenir, d'avoir l'autre une heure ou deux à ma disposition. Vous devez trouver aisément l'occasion de la prendre, et pour qu'on ne s'aperçoive pas qu'elle manque, j'en joins ici une à moi, qui est assez semblable, pour qu'on n'en voie pas la différence, à moins qu'on ne l'essaie; ce qu'on ne tentera pas. Il faudra seulement que vous ayez soin d'y mettre un ruban, bleu et passé, comme celui qui est à la vÎtre. Il faudrait tùcher d'avoir cette clef pour demain ou aprÚs-demain, à l'heure du déjeuner; parce qu'il vous sera plus facile de me la donner alors, et qu'elle pourra ÃÂȘtre remise à sa place pour le soir, temps oÃÂč votre Maman pourrait y faire plus d'attention. Je pourrai vous la rendre au moment du dÃner, si nous nous entendons bien. Vous savez que quand on passe du salon à la salle à manger, c'est toujours Madame de Rosemonde qui marche la derniÚre. Je lui donnerai la main. Vous n'aurez qu'à quitter votre métier de tapisserie lentement, ou bien laisser tomber quelque chose, de façon à rester en arriÚre vous saurez bien alors prendre la clef, que j'aurai soin de tenir derriÚre moi. Il ne faudra pas négliger, aussitÎt aprÚs l'avoir prise, de rejoindre ma vieille tante, et de lui faire quelques caresses. Si par hasard vous laissiez tomber cette clef, n'allez pas vous déconcerter; je feindrai que c'est moi, et je vous réponds de tout. Le peu de confiance que vous témoigne votre Maman et ses procédés si durs envers vous autorisent de reste cette petite supercherie. C'est au surplus le seul moyen de continuer à recevoir les Lettres de Danceny, et à lui faire passer les vÎtres; tout autre est réellement trop dangereux, et pourrait vous perdre tous deux sans ressource aussi ma prudente amitié se reprocherait-elle de les employer davantage. Une fois maÃtres de la clef, il nous restera quelques précautions à prendre contre le bruit de la porte et de la serrure mais elles sont bien faciles. Vous trouverez, sous la mÃÂȘme armoire oÃÂč j'avais mis votre papier, de l'huile et une plume. Vous allez quelquefois chez vous à des heures oÃÂč vous y ÃÂȘtes seule il faut en profiter pour huiler la serrure et les gonds. La seule attention à avoir, est de prendre garde aux taches qui déposeraient contre vous. Il faudra aussi attendre que la nuit soit venue, parce que, si cela se fait avec l'intelligence dont vous ÃÂȘtes capable, il n'y paraÃtra plus le lendemain matin. Si pourtant on s'en aperçoit, n'hésitez pas à dire que c'est le Frotteur du Chùteau. Il faudrait, dans ce cas, spécifier le temps, mÃÂȘme les discours qu'il vous aura tenus comme par exemple, qu'il prend ce soin contre la rouille, pour toutes les serrures dont on ne fait pas usage. Car vous sentez qu'il ne serait pas vraisemblable que vous eussiez été témoin de ce tracas sans en demander la cause. Ce sont ces petits détails qui donnent la vraisemblance, et la vraisemblance rend les mensonges sans conséquence, en Îtant le désir de les vérifier. AprÚs que vous aurez lu cette Lettre, je vous prie de la relire, et mÃÂȘme de vous en occuper d'abord, c'est qu'il faut bien savoir ce qu'on veut bien faire; ensuite, pour vous assurer que je n'ai rien omis. Peu accoutumé à employer la finesse pour mon compte, je n'en ai pas grand usage; il n'a pas mÃÂȘme fallu moins que ma vive amitié pour Danceny, et l'intérÃÂȘt que vous inspirez, pour me déterminer à me servir de ces moyens, quelque innocents qu'ils soient. Je hais tout ce qui a l'air de la tromperie; c'est là mon caractÚre. Mais vos malheurs m'ont touché au point que je tenterai tout pour les adoucir. Vous pensez bien que, cette communication une fois établie entre nous, il me sera bien plus facile de vous procurer, avec Danceny, l'entretien qu'il désire. Cependant ne lui parlez pas encore de tout ceci; vous ne feriez qu'augmenter son impatience, et le moment de la satisfaire n'est pas encore tout à fait venu. Vous lui devez, je crois, de la calmer plutÎt que de l'aigrir. Je m'en rapporte là - dessus à votre délicatesse. Adieu, ma belle pupille car vous ÃÂȘtes ma pupille. Aimez un peu votre tuteur, et surtout ayez avec lui de la docilité; vous vous en trouverez bien. Je m'occupe de votre bonheur, et soyez sûre que j'y trouverai le mien. De ..., ce 24 septembre 17** LETTRE LXXXV LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Enfin vous serez tranquille et surtout vous me rendrez justice. Ecoutez, et ne me confondez plus avec les autres femmes. J'ai mis à fin mon aventure avec Prévan; à fin ! entendez-vous bien ce que cela veut dire? A présent vous allez juger qui de lui ou de moi pourra se vanter. Le récit ne sera pas si plaisant que l'action aussi ne serait-il pas juste que, tandis que vous n'avez fait que raisonner bien ou mal sur cette affaire, il vous en revÃnt autant de plaisir qu'à moi, qui y donnais mon temps et ma peine. Cependant, si vous avez quelque grand coup à faire, si vous devez tenter quelque entreprise oÃÂč ce Rival dangereux vous paraisse à craindre, arrivez. Il vous laisse le champ libre, au moins pour quelque temps; peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme ne se relÚvera-t-il jamais du coup que je lui ai porté. Que vous ÃÂȘtes heureux de m'avoir pour amie! Je suis pour vous une Fée bienfaisante. Vous languissez loin de la Beauté qui vous engage; je dis un mot, et vous vous retrouvez auprÚs d'elle. Vous voulez vous venger d'une femme qui vous nuit; je vous marque l'endroit oÃÂč vous devez frapper et la livre à votre discrétion. Enfin, pour écarter de la lice un concurrent redoutable, c'est encore moi que vous invoquez, et je vous exauce. En vérité, si vous ne passez pas votre vie à me remercier, c'est que vous ÃÂȘtes un ingrat. Je reviens à mon aventure et la reprends d'origine. Le rendez-vous, donné si haut, à la sortie de l'Opéra [Voyez la Lettre LXXIV], fut entendu comme je l'avais espéré. Prévan s'y rendit; et quand la Maréchale lui dit obligeamment qu'elle se félicitait de le voir deux fois de suite à ses jours, il eut soin de répondre que depuis Mardi soir il avait défait mille arrangements, pour pouvoir ainsi disposer de cette soirée. A bon entendeur, salut! Comme je voulais pourtant savoir, avec plus de certitude, si j'étais ou non le véritable objet de cet empressement flatteur, je voulus forcer le soupirant nouveau de choisir entre moi et son goût dominant. Je déclarai que je ne jouerais point; en effet, il trouva, de son cÎté, mille prétextes pour ne pas jouer; et mon premier triomphe fut sur le lansquenet. Je m'emparai de l'EvÃÂȘque de ... pour ma conversation; je le choisis à cause de sa liaison avec le héros du jour, à qui je voulais donner toute facilité de m'aborder. J'étais bien aise aussi d'avoir un témoin respectable qui pût, au besoin, déposer de ma conduite et de mes discours. Cet arrangement réussit. AprÚs les propos vagues et d'usage, Prévan, s'étant bientÎt rendu maÃtre de la conversation, prit tour à tour différents tons, pour essayer celui qui pourrait me plaire. Je refusai celui du sentiment, comme n'y croyant pas; j'arrÃÂȘtai par mon sérieux sa gaieté qui me parut trop légÚre pour un début; il se rabattit sur la délicate amitié; et ce fut sous ce drapeau banal que nous commençùmes notre attaque réciproque. Au moment du souper, l'EvÃÂȘque, ne descendait pas; Prévan me donna donc la main, et se trouva naturellement placé à table à cÎté de moi. Il faut ÃÂȘtre juste; il soutint avec beaucoup d'adresse notre conversation particuliÚre, en ne paraissant s'occuper que de la conversation générale, dont il eut l'air de faire tous les frais. Au dessert, on parla d'une PiÚce nouvelle qu'on devait donner le Lundi suivant aux Français. Je témoignai quelques regrets de n'avoir pas ma loge; il m'offrit la sienne que je refusai d'abord, comme cela se pratique à quoi il répondit assez plaisamment que je ne l'entendais pas, qu'à coup sûr il ne ferait pas le sacrifice de sa loge à quelqu'un qu'il ne connaissait pas, mais qu'il m'avertissait seulement que Madame la Maréchale en disposerait. Elle se prÃÂȘta à cette plaisanterie, et j'acceptai. Remonté au salon, il demanda, comme vous pouvez croire, une place dans cette loge; et comme la Maréchale, qui le traite avec beaucoup de bonté, la lui promit s'il était sage , il en prit l'occasion d'une de ces conversations à double entente, pour lesquelles vous m'avez vanté son talent. En effet, s'étant mis à ses genoux, comme un enfant soumis, disait-il, sous prétexte de lui demander ses avis et d'implorer sa raison, il dit beaucoup de choses flatteuses et assez tendres, dont il m'était facile de me faire l'application. Plusieurs personnes ne s'étant pas remises au jeu l'aprÚs-souper, la conversation fut plus générale et moins intéressante mais nos yeux parlÚrent beaucoup. Je dis nos yeux je devrais dire les siens; car les miens n'eurent qu'un langage, celui de la surprise. Il dut penser que je m'étonnais et m'occupais excessivement de l'effet prodigieux qu'il faisait sur moi. Je crois que je le laissai fort satisfait; je n'étais pas moins contente. Le Lundi suivant, je fus aux Français, comme nous en étions convenus. Malgré votre curiosité littéraire, je ne puis vous rien dire du Spectacle, sinon que Prévan a un talent merveilleux pour la cajolerie, et que la PiÚce est tombée voilà tout ce que j'y ai appris. Je voyais avec peine finir cette soirée, qui réellement me plaisait beaucoup; et pour la prolonger, j'offris à la Maréchale de venir souper chez moi ce qui me fournit le prétexte de le proposer à l'aimable Cajoleur, qui ne demanda que le temps de courir, pour se dégager, jusque chez les Comtesses de P. [Voyez la lettre LXX]. Ce nom me rendit toute ma colÚre; je vis clairement qu'il allait commencer les confidences je me rappelai vos sages conseils et me promis bien de poursuivre l'aventure; sûre que je le guérirais de cette dangereuse indiscrétion. Etranger dans ma société, qui ce soir-là était peu nombreuse, il me devait les soins d'usage; aussi, quand on alla souper, m'offrit-il la main. J'eus la malice, en l'acceptant, de mettre dans la mienne un léger frémissement, et d'avoir, pendant ma marche, les yeux baissés et la respiration haute. J'avais l'air de pressentir ma défaite, et de redouter mon vainqueur. Il le remarqua à merveille; aussi le traÃtre changea-t-il sur-le-champ de ton et de maintien. Il était galant, il devint tendre. Ce n'est pas que les propos ne fussent à peu prÚs les mÃÂȘmes; la circonstance y forçait mais son regard, devenu moins vif, était plus caressant; l'inflexion de sa voix plus douce; son sourire n'était plus celui de la finesse, mais du contentement. Enfin dans ses discours, éteignant peu à peu le feu de la saillie, l'esprit fit place à la délicatesse. Je vous le demande, qu'eussiez-vous fait de mieux? De mon cÎté, je devins rÃÂȘveuse, à tel point qu'on fut forcé de s'en apercevoir, et quand on m'en fit le reproche, j'eus l'adresse de m'en défendre maladroitement, et de jeter sur Prévan un coup d'oeil prompt, mais timide et déconcerté, et propre à lui faire croire que toute ma crainte était qu'il ne devinùt la cause de mon trouble. AprÚs souper, je profitai du temps oÃÂč la bonne Maréchale contait une de ces histoires qu'elle conte toujours, pour me placer sur mon Ottomane, dans cet abandon que donne une tendre rÃÂȘverie. Je n'étais pas fùchée que Prévan me vÃt ainsi; il m'honora, en effet, d'une attention toute particuliÚre. Vous jugez bien que mes timides regards n'osaient chercher les yeux de mon vainqueur mais dirigés vers lui d'une maniÚre plus humble, ils m'apprirent bientÎt que j'obtenais l'effet que je voulais produire. Il fallait encore lui persuader que je le partageais aussi, quand la Maréchale annonça qu'elle allait se retirer, je m'écriai d'une voix molle et tendre " Ah Dieu! j'étais si bien là ! " Je me levai pourtant mais avant de me séparer d'elle, je lui demandai ses projets, pour avoir un prétexte de dire les miens et de faire savoir que je resterais chez moi le surlendemain. Là -dessus tout le monde se sépara. Alors je me mis à réfléchir. Je ne doutais pas que Prévan ne profitùt de l'espÚce de rendez-vous que je venais de lui donner; qu'il n'y vÃnt d'assez bonne heure pour me trouver seule, et que l'attaque ne fût vive mais j'étais bien sûre aussi, d'aprÚs ma réputation, qu'il ne me traiterait pas avec cette légÚreté que, pour peu qu'on ait d'usage, on n'emploie qu'avec les femmes à aventures, ou celles qui n'ont aucune expérience; et je voyais mon succÚs certain s'il prononçait le mot d'amour, s'il avait la prétention, surtout, de l'obtenir de moi. Qu'il est commode d'avoir affaire à vous autres gens à principes ! quelquefois un brouillon d'Amoureux vous déconcerte par sa timidité ou vous embarrasse par ses fougueux transports; c'est une fiÚvre qui, comme l'autre, a ses frissons et son ardeur, et quelquefois varie dans ses symptÎmes. Mais votre marche réglée se devine si facilement! L'arrivée, le maintien, le ton, les discours, je savais tout dÚs la veille. Je ne vous rendrai donc pas notre conversation que vous suppléerez aisément. Observez seulement que, dans ma feinte défense, je l'aidais de tout mon pouvoir embarras, pour lui donner le temps de parler; mauvaises raisons, pour ÃÂȘtre combattues; crainte et méfiance, pour ramener les protestations; et ce refrain perpétuel de sa part, je ne vous demande qu'un mot ; et ce silence de la mienne, qui semble ne le laisser attendre que pour le faire désirer davantage; au travers de tout cela, une main cent fois prise, qui se retire toujours et ne se refuse jamais. On passerait ainsi tout un jour; nous y passùmes une mortelle heure nous y serions peut-ÃÂȘtre encore si nous n'avions entendu entrer un carrosse dans ma cour. Cet heureux contretemps rendit, comme de raison, ses instances plus vives; et moi, voyant le moment arrivé, oÃÂč j'étais à l'abri de toute surprise, aprÚs m'ÃÂȘtre préparée par un long soupir, j'accordai le mot précieux. On annonça, et peu de temps aprÚs, j'eus un cercle assez nombreux. Prévan me demanda de venir le lendemain matin, et j'y consentis mais soigneuse de me défendre, j'ordonnai à ma Femme de chambre de rester tout le temps de cette visite dans ma chambre à coucher, d'oÃÂč vous savez qu'on voit tout ce qui se passe dans mon cabinet de toilette, et ce fut là que je le reçus. Libres dans notre conversation, et ayant tous deux le mÃÂȘme désir, nous fûmes bientÎt d'accord mais il fallait se défaire de ce spectateur importun; c'était oÃÂč je l'attendais. Alors, lui faisant à mon gré le tableau de ma vie intérieure, je lui persuadai aisément que nous ne trouverions jamais un moment de liberté; et qu'il fallait regarder comme une espÚce de miracle, celle dont nous avions joui hier, qui mÃÂȘme laisserait encore des dangers trop grands pour m'y exposer, puisque à tout moment on pouvait entrer dans mon salon. Je ne manquai pas d'ajouter que tous ces usages s'étaient établis, parce que, jusqu'à ce jour, ils ne m'avaient jamais contrariée; et j'insistai en mÃÂȘme temps sur l'impossibilité de les changer, sans me compromettre aux yeux de mes Gens. Il essaya de s'attrister, de prendre de l'humeur, de me dire que j'avais peu d'amour; et vous devinez combien tout cela me touchait! Mais voulant frapper le coup décisif, j'appelai les larmes à mon secours. Ce fut exactement le Zaïre, vous pleurez . Cet empire qu'il se crut sur moi, et l'espoir qu'il en conçut de me perdre à son gré, lui tinrent lieu de tout l'amour d'Orosmane. Ce coup de théùtre passé, nous revÃnmes aux arrangements. Au défaut du jour, nous nous occupùmes de la nuit mais mon Suisse devenait un obstacle insurmontable, et je ne permettais pas qu'on essayùt de le gagner. Il me proposa la petite porte de mon jardin mais je l'avais prévu, et j'y créai un chien qui, tranquille et silencieux le jour, était un vrai démon la nuit. La facilité avec laquelle j'entrai dans tous ces détails était bien propre à l'enhardir; aussi vint-il à me proposer l'expédient le plus ridicule, et ce fut celui que j'acceptai. D'abord, son Domestique était sûr comme lui-mÃÂȘme en cela il ne trompait guÚre, l'un l'était bien autant que l'autre. J'aurais un grand souper chez moi; il y serait, il prendrait son temps pour sortir seul. L'adroit confident appellerait la voiture, ouvrirait la portiÚre; et lui Prévan, au lieu de monter, s'esquiverait adroitement. Son cocher ne pouvait s'en apercevoir en aucune façon; ainsi sorti pour tout le monde, et cependant resté chez moi, il s'agissait de savoir s'il pourrait parvenir à mon appartement. J'avoue que d'abord mon embarras fut de trouver, contre ce projet, d'assez mauvaises raisons pour qu'il pût avoir l'air de les détruire; il y répondit par des exemples. A l'entendre, rien n'était plus ordinaire que ce moyen; lui-mÃÂȘme s'en était beaucoup servi; c'était mÃÂȘme celui dont il faisait le plus d'usage, comme le moins dangereux. Subjuguée par ces autorités irrécusables, je convins, avec candeur, que j'avais bien un escalier dérobé qui conduisait trÚs prÚs de mon boudoir; que je pouvais y laisser la clef, et qu'il lui serait possible de s'y enfermer, et d'attendre, sans beaucoup de risques, que mes Femmes fussent retirées; et puis, pour donner plus de vraisemblance à mon consentement, le moment d'aprÚs je ne voulais plus, je ne revenais à consentir qu'à condition d'une soumission parfaite, d'une sagesse... Ah! quelle sagesse! Enfin je voulais bien lui prouver mon amour, mais non pas satisfaire le sien. La sortie, dont j'oubliais de vous parler, devait se faire par la petite porte du jardin il ne s'agissait que d'attendre le point du jour, le CerbÚre ne dirait plus mot. Pas une ùme ne passe à cette heure-là , et les gens sont dans le plus fort du sommeil. Si vous vous étonnez de ce tas de mauvais raisonnements, c'est que vous oubliez notre situation réciproque. Qu'avions-nous besoin d'en faire de meilleurs? Il ne demandait pas mieux que tout cela se sût, et moi, j'étais bien sûre qu'on ne le saurait pas. Le jour fixé fut au surlendemain. Remarquez que voilà une affaire arrangée, et que personne n'a encore vu Prévan dans ma société. Je le rencontre à souper chez une de mes amies, il lui offre sa loge pour une piÚce nouvelle, et j'y accepte une place. J'invite cette femme à souper, pendant le Spectacle et devant Prévan; je ne puis presque pas me dispenser de lui proposer d'en ÃÂȘtre. Il accepte et me fait, deux jours aprÚs, une visite que l'usage exige. Il vient, à la vérité, me voir le lendemain matin mais, outre que les visites du matin ne marquent plus, il ne tient qu'à moi de trouver celle-ci trop leste; et je le mets en effet dans la classe des gens moins liés avec moi, par une invitation écrite, pour un souper de cérémonie. Je puis bien dire comme Annette Mais voilà tout, pourtant! Le jour fatal arrivé, ce jour oÃÂč je devais perdre ma vertu et ma réputation, je donnai mes instructions à ma fidÚle Victoire, et elle les exécuta comme vous le verrez bientÎt. Cependant le soir vint. J'avais déjà beaucoup de monde chez moi, quand on y annonça Prévan. Je le reçus avec une politesse marquée, qui constatait mon peu de liaison avec lui; et je le mis à la partie de la Maréchale, comme étant celle par qui j'avais fait cette connaissance. La soirée ne produisit rien qu'un trÚs petit billet, que le discret Amoureux trouva moyen de me remettre, et que j'ai brûlé suivant ma coutume. Il m'y annonçait que je pouvais compter sur lui; et ce mot essentiel était entouré de tous les mots parasites, d'amour, de bonheur, etc., qui ne manquent jamais de se trouver à pareille fÃÂȘte. A minuit, les parties étant finies, je proposai une courte macédoine [Quelques personnes ignorent peut-ÃÂȘtre qu'une macédoine est un assemblage de plusieurs jeux de hasard, parmi lesquels chaque Coupeur a droit de choisir lorsque c'est à lui à tenir la main. C'est une des inventions du siÚcle.]. J'avais le double projet de favoriser l'évasion de Prévan, et en mÃÂȘme temps de la faire remarquer; ce qui ne pouvait pas manquer d'arriver, vu sa réputation de Joueur. J'étais bien aise aussi qu'on pût se rappeler au besoin que je n'avais pas été pressée de rester seule. Le jeu dura plus que je n'avais pensé. Le Diable me tentait, et je succombai au désir d'aller consoler l'impatient prisonnier. Je m'acheminais ainsi à ma perte, quand je réfléchis qu'une fois rendue tout à fait, je n'aurais plus sur lui l'empire de le tenir dans le costume de décence nécessaire à mes projets. J'eus la force de résister. Je rebroussai chemin, et revins, non sans humeur, reprendre place à ce jeu éternel. Il finit pourtant, et chacun s'en alla. Pour moi, je sonnai mes femmes, je me déshabillai fort vite, et les renvoyai de mÃÂȘme. Me voyez-vous, Vicomte, dans ma toilette légÚre, marcher d'un pas timide et circonspect, et d'une main mal assurée ouvrir la porte à mon vainqueur? Il m'aperçut, l'éclair n'est pas plus prompt. Que vous dirai-je? je fus vaincue, tout à fait vaincue, avant d'avoir pu dire un mot pour l'arrÃÂȘter ou me défendre. Il voulut ensuite prendre une situation plus commode et plus convenable aux circonstances. Il maudissait sa parure, qui, disait-il, l'éloignait de moi, il voulait me combattre à armes égales mais mon extrÃÂȘme timidité s'opposa à ce projet, et mes tendres caresses ne lui en laissÚrent pas le temps. Il s'occupa d'autre chose. Ses droits étaient doublés, et ses prétentions revinrent; mais alors " Ecoutez- moi, lui dis-je; vous aurez jusqu'ici un assez agréable récit à faire aux deux Comtesses de P***, et à mille autres mais je suis curieuse de savoir comment vous raconterez la fin de l'aventure. " En parlant ainsi, je sonnais de toutes mes forces. Pour le coup j'eus mon tour, et mon action fut plus vive que sa parole. Il n'avait encore que balbutié, quand j'entendis Victoire accourir, et appeler les Gens qu'elle avait gardés chez elle, comme je le lui avais ordonné. Là , prenant mon ton de Reine, et élevant la voix " Sortez, Monsieur, continuai-je, et ne reparaissez jamais devant moi. " Là -dessus, la foule de mes gens entra. Le pauvre Prévan perdit la tÃÂȘte, et croyant voir un guet-apens dans ce qui n'était au fond qu'une plaisanterie, il se jeta sur son épée. Mal lui en prit car mon Valet de chambre, brave et vigoureux, le saisit au corps et le terrassa. J'eus, je l'avoue, une frayeur mortelle. Je criai qu'on arrÃÂȘtùt, et ordonnai qu'on laissùt sa retraite libre, en s'assurant seulement qu'il sortÃt de chez moi. Mes gens m'obéirent mais la rumeur était grande parmi eux ils s'indignaient qu'on eût osé manquer à leur vertueuse MaÃtresse . Tous accompagnÚrent le malheureux Chevalier, avec bruit et scandale, comme je le souhaitais. La seule Victoire resta, et nous nous occupùmes pendant ce temps à réparer le désordre de mon lit. Mes gens remontÚrent toujours en tumulte; et moi, encore tout émue , je leur demandai par quel bonheur ils s'étaient encore trouvés levés; et Victoire me raconta qu'elle avait donné à souper à deux de ses amies, qu'on avait veillé chez elle, et enfin tout ce dont nous étions convenues ensemble. Je les remerciai tous, et les fis retirer, en ordonnant pourtant à l'un d'eux d'aller sur- le-champ chercher mon Médecin. Il me parut que j'étais autorisée à craindre l'effet de mon saisissement mortel ; et c'était un moyen sûr de donner du cours et de la célébrité à cette nouvelle. Il vint en effet, me plaignit beaucoup, et ne m'ordonna que du repos. Moi, j'ordonnai de plus à Victoire d'aller le matin de bonne heure bavarder dans le voisinage. Tout a si bien réussi qu'avant midi, et aussitÎt qu'il a été jour chez moi, ma dévote Voisine était déjà au chevet de mon lit, pour savoir la vérité et les détails de cette horrible aventure. J'ai été obligée de me désoler avec elle, pendant une heure, sur la corruption du siÚcle. Un moment aprÚs, j'ai reçu de la Maréchale le billet que je joins ici. Enfin, avant cinq heures, j'ai vu arriver, à mon grand étonnement, M... [Le Commandant du corps dans lequel M. de Prévan servait]. Il venait, m'a-t-il dit, me faire ses excuses, de ce qu'un Officier de son corps avait pu me manquer à ce point. Il ne l'avait appris qu'à dÃner chez la Maréchale, et avait sur-le-champ envoyé ordre à Prévan de se rendre en prison. J'ai demandé grùce, et il me l'a refusée. Alors j'ai pensé que, comme complice, il fallait m'exécuter de mon cÎté, et garder au moins de rigides arrÃÂȘts. J'ai fait fermer ma porte, et dire que j'étais incommodée. C'est à ma solitude que vous devez cette longue Lettre. J'en écrirai une à Madame de Volanges, dont sûrement elle fera lecture publique et oÃÂč vous verrez cette histoire telle qu'il faut la raconter. J'oubliais de vous dire que Belleroche est outré, et veut absolument se battre avec Prévan. Le pauvre garçon! heureusement j'aurai le temps de calmer sa tÃÂȘte. En attendant, je vais reposer la mienne, qui est fatiguée d'écrire. Adieu, Vicomte. Paris, ce 25 septembre 17**, au soir. LETTRE LXXXVI LA MARECHALE DE *** A LA MARQUISE DE MERTEUIL BILLET INCLUS DANS LA PRECEDENTE. Mon Dieu! qu'est-ce donc que j'apprends, ma chÚre Madame? est-il possible que ce petit Prévan fasse de pareilles abominations? et encore vis-à -vis de vous! A quoi on est exposé! on ne sera donc plus en sûreté chez soi! En vérité, ces événements-là consolent d'ÃÂȘtre vieille. Mais de quoi je ne me consolerai jamais, c'est d'avoir été en partie cause de ce que vous avez reçu un pareil monstre chez vous. Je vous promets bien que si ce qu'on m'en a dit est vrai, il ne remettra plus les pieds chez moi; c'est le parti que tous les honnÃÂȘtes gens prendront avec lui, s'ils font ce qu'ils doivent. On m'a dit que vous vous étiez trouvée bien mal, et je suis inquiÚte de votre santé. Donnez-moi, je vous prie, de vos chÚres nouvelles; ou faites-m'en donner par une de vos Femmes, si vous ne le pouvez pas vous-mÃÂȘme. Je ne vous demande qu'un mot pour me tranquilliser. Je serais accourue chez vous ce matin, sans mes bains que mon Docteur ne me permet pas d'interrompre; et il faut que j'aille cet aprÚs-midi à Versailles, toujours pour l'affaire de mon neveu. Adieu, ma chÚre Madame; comptez pour la vie sur ma sincÚre amitié. Paris, ce 25 septembre 17** LETTRE LXXXVII LA MARQUISE DE MERTEUIL A MADAME DE VOLANGES Je vous écris de mon lit, ma chÚre bonne amie. L'événement le plus désagréable et le plus impossible à prévoir, m'a rendue malade de saisissement et de chagrin. Ce n'est pas qu'assurément j'aie rien à me reprocher mais il est toujours si pénible pour une femme honnÃÂȘte et qui conserve la modestie convenable à son sexe, de fixer sur elle l'attention publique, que je donnerais tout au monde pour avoir pu éviter cette malheureuse aventure, et que je ne sais encore si je ne prendrai pas le parti d'aller à la campagne, attendre qu'elle soit oubliée. Voici ce dont il s'agit. J'ai rencontré chez la Maréchale de ... un M. de Prévan que vous connaissez sûrement de nom, et que je ne connaissais pas autrement. Mais en le trouvant dans cette maison, j'étais bien autorisée, ce me semble, à le croire bonne compagnie. Il est assez bien fait de sa personne, et m'a paru ne pas manquer d'esprit. Le hasard et l'ennui du jeu me laissÚrent seule de femme entre lui et l'EvÃÂȘque de ... , tandis que tout le monde était occupé au lansquenet. Nous causùmes tous trois jusqu'au moment du souper. A table, une nouveauté dont on parla lui donna l'occasion d'offrir sa loge à la Maréchale, qui l'accepta; et il fut convenu que j'y aurais une place. C'était pour Lundi dernier, aux Français. Comme la Maréchale venait souper chez moi au sortir du Spectacle, je proposai à ce Monsieur de l'y accompagner, et il y vint. Le surlendemain il me fit une visite qui se passa en propos d'usage, et sans qu'il y eût du tout rien de marqué. Le lendemain il vint me voir le matin, ce qui me parut bien un peu leste mais je crus qu'au lieu de le lui faire sentir par ma façon de le recevoir, il valait mieux l'avertir par une politesse, que nous n'étions pas encore aussi intimement liés qu'il paraissait le croire. Pour cela je lui envoyai, le jour mÃÂȘme, une invitation bien sÚche et bien cérémonieuse, pour un souper que je donnais avant-hier. Je ne lui adressai pas la parole quatre fois dans toute la soirée; et lui de son cÎté se retira aussitÎt sa partie finie. Vous conviendrez que jusque-là rien n'a moins l'air de conduire à une aventure on fit, aprÚs les parties, une macédoine qui nous mena jusqu'à prÚs de deux heures; et enfin je me mis au lit. Il y avait au moins une mortelle demi-heure que mes femmes étaient retirées, quand j'entendis du bruit dans mon appartement. J'ouvris mon rideau avec beaucoup de frayeur, et vis un homme entrer par la porte qui conduit à mon boudoir. Je jetai un cri perçant; et je reconnus, à la clarté de ma veilleuse, ce M. de Prévan, qui, avec une effronterie inconcevable, me dit de ne pas m'alarmer; qu'il allait m'éclaircir le mystÚre de sa conduite, et qu'il me suppliait de ne faire aucun bruit. En parlant ainsi, il allumait une bougie; j'étais saisie au point que je ne pouvais parler. Son air aisé et tranquille me pétrifiait, je crois, encore davantage. Mais il n'eut pas dit deux mots, que je vis quel était ce prétendu mystÚre; et ma seule réponse fut, comme vous pouvez le croire, de me pendre à ma sonnette. Par un bonheur incroyable, tous les Gens de l'office avaient veillé chez une de mes Femmes, et n'étaient pas encore couchés. Ma Femme de chambre, qui, en venant chez moi, m'entendit parler avec beaucoup de chaleur, fut effrayée, et appela tout ce monde-là . Vous jugez quel scandale! Mes Gens étaient furieux; je vis le moment oÃÂč mon Valet de chambre tuait Prévan. J'avoue que, pour l'instant, je fus fort aise de me voir en force en y réfléchissant aujourd'hui, j'aimerais mieux qu'il ne fût venu que ma Femme de chambre; elle aurait suffi, et j'aurais peut-ÃÂȘtre évité cet éclat qui m'afflige. Au lieu de cela, le tumulte a réveillé les voisins, les Gens ont parlé, et c'est depuis hier la nouvelle de tout Paris. M. de Prévan est en prison par ordre du Commandant de son corps, qui a eu l'honnÃÂȘteté de passer chez moi, pour me faire des excuses, m'a-t-il dit. Cette prison va encore augmenter le bruit mais je n'ai jamais pu obtenir que cela fût autrement. La Ville et la Cour se sont fait écrire à ma porte, que j'ai fermée à tout le monde. Le peu de personnes que j'ai vues m'a dit qu'on me rendait justice, et que l'indignation publique était au comble contre M. de Prévan assurément, il le mérite bien, mais cela n'Îte pas le désagrément de cette aventure. De plus, cet homme a sûrement quelques amis, et ses amis doivent ÃÂȘtre méchants qui sait, qui peut savoir ce qu'ils inventeront pour me nuire? Mon Dieu, qu'une jeune femme est malheureuse! elle n'a rien fait encore, quand elle s'est mise à l'abri de la médisance; il faut qu'elle en impose mÃÂȘme à la calomnie. Mandez-moi, je vous prie, ce que vous auriez fait, ce que vous feriez à ma place; enfin tout ce que vous pensez. C'est toujours de vous que j'ai reçu les consolations les plus douces et les avis les plus sages; c'est de vous aussi que j'aime le mieux à en recevoir. Adieu, ma chÚre et bonne amie; vous connaissez les sentiments qui m'attachent à vous pour jamais. J'embrasse votre aimable fille. Paris, ce 26 septembre 17** TROISIEME PARTIE LETTRE LXXXVIII CECILE VOLANGES AU VICOMTE DE VALMONT Malgré tout le plaisir que j'ai, Monsieur, à recevoir les Lettres de M. le Chevalier Danceny, et quoique je ne désire pas moins que lui que nous puissions nous voir encore, sans qu'on puisse nous en empÃÂȘcher, je n'ai pas osé cependant faire ce que vous me proposez. PremiÚrement, c'est trop dangereux; cette clef que vous voulez que je mette à la place de l'autre lui ressemble bien assez à la vérité mais pourtant, il ne laisse pas d'y avoir encore de la différence, et Maman regarde à tout, et s'aperçoit de tout. De plus, quoiqu'on ne s'en soit pas encore servi depuis que nous sommes ici, il ne faut qu'un malheur; et si on s'en apercevait, je serais perdue pour toujours. Et puis, il me semble aussi que ce serait bien mal; faire comme cela une double clef c'est bien fort! Il est vrai que c'est vous qui auriez la bonté de vous en charger; mais malgré cela, si on le savait, je n'en porterais pas moins le blùme et la faute, puisque ce serait pour moi que vous l'auriez faite. Enfin, j'ai voulu essayer deux fois de la prendre, et certainement cela serait bien facile, si c'était toute autre chose mais je ne sais pas pourquoi je me suis toujours mise à trembler, et n'en ai jamais eu le courage. Je crois donc qu'il vaut mieux rester comme nous sommes. Si vous avez toujours la bonté d'ÃÂȘtre aussi complaisant que jusqu'ici, vous trouverez toujours bien le moyen de me remettre une Lettre. MÃÂȘme pour la derniÚre, sans le malheur qui a voulu que vous vous retourniez tout de suite dans un certain moment, nous aurions eu bien aisé. Je sens bien que vous ne pouvez pas, comme moi, ne songer qu'à ça; mais j'aime mieux avoir plus de patience et ne pas tant risquer. Je suis sûre que M. Danceny dirait comme moi car toutes les fois qu'il voulait quelque chose qui me faisait trop de peine, il consentait toujours que cela ne fût pas. Je vous remettrai, Monsieur, en mÃÂȘme temps que cette Lettre, la vÎtre, celle de M. Danceny, et votre clef. Je n'en suis pas moins reconnaissante de toutes vos bontés et je vous prie bien de me les continuer. Il est bien vrai que je suis bien malheureuse, et que sans vous je le serais encore bien davantage mais, aprÚs tout, c'est ma mÚre; il faut bien prendre patience. Et pourvu que M. Danceny m'aime toujours, et que vous ne m'abandonniez pas, il viendra peut- ÃÂȘtre un temps plus heureux. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, Monsieur, avec bien de la reconnaissance, votre trÚs humble et trÚs obéissante servante. De ..., ce 26 septembre 17** LETTRE LXXXIX LE VICOMTE DE VALMONT AU CHEVALIER DANCENY Si vos affaires ne vont pas toujours aussi vite que vous le voudriez, mon ami, ce n'est pas tout à fait à moi qu'il faut vous en prendre. J'ai ici plus d'un obstacle à vaincre. La vigilance et la sévérité de Madame de Volanges ne sont pas les seuls; votre jeune amie m'en oppose aussi quelques-uns. Soit froideur, ou timidité, elle ne fait pas toujours ce que je lui conseille; et je crois cependant savoir mieux qu'elle ce qu'il faut faire. J'avais trouvé un moyen simple, commode et sûr de lui remettre vos Lettres, et mÃÂȘme de faciliter, par la suite, les entrevues que vous désirez mais je n'ai pu la décider à s'en servir. J'en suis d'autant plus affligé, que je n'en vois pas d'autre pour vous rapprocher d'elle; et que mÃÂȘme pour votre correspondance, je crains sans cesse de nous compromettre tous trois. Or, vous jugez que je ne veux ni courir ce risque-là , ni vous y exposer l'un et l'autre. Je serais pourtant vraiment peiné que le peu de confiance de votre petite amie m'empÃÂȘchùt de vous ÃÂȘtre utile; peut-ÃÂȘtre feriez-vous bien de lui en écrire. Voyez ce que vous voulez faire, c'est à vous seul à décider; car ce n'est pas assez de servir ses amis, il faut encore les servir à leur maniÚre. Ce pourrait ÃÂȘtre aussi une façon de plus de vous assurer de ses sentiments pour vous; car la femme qui garde une volonté à elle n'aime pas autant qu'elle le dit. Ce n'est pas que je soupçonne votre MaÃtresse d'inconstance mais elle est bien jeune elle a grand-peur de sa Maman, qui, comme vous le savez, ne cherche qu'à vous nuire; et peut-ÃÂȘtre serait-il dangereux de rester trop longtemps sans l'occuper de vous. N'allez pas cependant vous inquiéter à un certain point de ce que je vous dis là . Je n'ai dans le fond nulle raison de méfiance; c'est uniquement la sollicitude de l'amitié. Je ne vous écris pas plus longuement, parce que j'ai bien aussi quelques affaires pour mon compte. Je ne suis pas aussi avancé que vous mais j'aime autant, et cela console; et quand je ne réussirais pas pour moi, si je parviens à vous ÃÂȘtre utile, je trouverai que j'ai bien employé mon temps. Adieu, mon ami. Du Chùteau de ..., ce 26 septembre 17** LETTRE XC LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Je désire beaucoup, Monsieur, que cette Lettre ne vous fasse aucune peine; ou, si elle doit vous en causer, qu'au moins elle puisse ÃÂȘtre adoucie par celle que j'éprouve en vous l'écrivant. Vous devez me connaÃtre assez à présent pour ÃÂȘtre bien sûr que ma volonté n'est pas de vous affliger; mais vous, sans doute, vous ne voudriez pas non plus me plonger dans un désespoir éternel. Je vous conjure donc, au nom de l'amitié tendre que je vous ai promise, au nom mÃÂȘme des sentiments peut-ÃÂȘtre plus vifs, mais à coup sûr pas plus sincÚres, que vous avez pour moi, ne nous voyons plus; partez; et, jusque-là , fuyons surtout ces entretiens particuliers et trop dangereux, oÃÂč, par une inconcevable puissance, sans jamais parvenir à vous dire ce que je veux, je passe mon temps à écouter ce que je ne devrais pas entendre. Hier encore, quand vous vÃntes me joindre dans le parc, j'avais bien pour unique objet de vous dire ce que je vous écris aujourd'hui; et cependant qu'ai- je fait? que m'occuper de votre amour;... de votre amour, auquel jamais je ne dois répondre! Ah! de grùce, éloignez-vous de moi. Ne craignez pas que votre absence altÚre jamais mes sentiments pour vous; comment parviendrais-je à les vaincre, quand je n'ai plus le courage de les combattre? Vous le voyez, je vous dis tout, je crains moins d'avouer ma faiblesse, que d'y succomber mais cet empire que j'ai perdu sur mes sentiments, je le conserverai sur mes actions; oui, je le conserverai, j'y suis résolue; fût-ce aux dépens de ma vie. Hélas! le temps n'est pas loin, oÃÂč je me croyais bien sûre de n'avoir jamais de pareils combats à soutenir. Je m'en félicitais; je m'en glorifiais peut-ÃÂȘtre trop. Le Ciel a puni, cruellement puni cet orgueil mais plein de miséricorde au moment mÃÂȘme qu'il nous frappe, il m'avertit encore avant ma chute; et je serais doublement coupable, si je continuais à manquer de prudence, déjà prévenue que je n'ai plus de force. Vous m'avez dit cent fois que vous ne voudriez pas d'un bonheur acheté par mes larmes. Ah! ne parlons plus de bonheur, mais laissez-moi reprendre quelque tranquillité. En accordant ma demande, quels nouveaux droits n'acquerrez-vous pas sur mon cÅ“ur? Et ceux-là , fondés sur la vertu, je n'aurai point à m'en défendre. Combien je me plairai dans ma reconnaissance! Je vous devrai la douceur de goûter sans remords un sentiment délicieux. A présent, au contraire, effrayée de mes sentiments, de mes pensées, je crains également de m'occuper de vous et de moi; votre idée mÃÂȘme m'épouvante quand je ne peux la fuir, je la combats; je ne l'éloigne pas, mais je la repousse. Ne vaut-il pas mieux pour tous deux faire cesser cet état de trouble et d'anxiété? Ô vous, dont l'ùme toujours sensible, mÃÂȘme au milieu de ses erreurs, est restée amie de la vertu, vous aurez égard à ma situation douloureuse, vous ne rejetterez pas ma priÚre! Un intérÃÂȘt plus doux, mais non moins , ces agitations violentes alors respirant par vos bienfaits, je chérirai mon existence, et je dirai dans la joie de mon cÅ“ur " Ce calme que je ressens, je le dois à mon ami " . En vous soumettant à quelques privations légÚres, que je ne vous impose point, mais que je vous demande, croirez-vous donc acheter trop cher la fin de mes tourments? Ah! si, pour vous rendre heureux, il ne fallait que consentir à ÃÂȘtre malheureuse, vous pouvez m'en croire, je n'hésiterais pas un moment... Mais devenir coupable!... non, mon ami, non, plutÎt mourir mille fois. Déjà assaillie par la honte, à la veille des remords, je redoute et les autres et moi-mÃÂȘme; je rougis dans le cercle, et frémis dans la solitude; je n'ai plus qu'une vie de douleur; je n'aurai de tranquillité que par votre consentement. Mes résolutions les plus louables ne suffisent pas pour me rassurer; j'ai formé celle-ci dÚs hier, et cependant j'ai passé la nuit dans les larmes. Voyez votre amie, celle que vous aimez, confuse et suppliante, vous demander le repos et l'innocence. Ah Dieu! sans vous, eût-elle jamais été réduite à cette humiliante demande? Je ne vous reproche rien; je sens trop par moi-mÃÂȘme combien il est difficile de résister à un sentiment impérieux. Une plainte n'est pas un murmure. Faites par générosité ce que je fais par devoir; et à tous les sentiments que vous m'avez inspirés, je joindrai celui d'une éternelle reconnaissance. Adieu, adieu, Monsieur. De ..., ce 27 septembre 17** LETTRE XCI LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Consterné par votre Lettre, j'ignore encore, Madame, comment je pourrai y répondre. Sans doute, s'il faut choisir entre votre malheur et le mien, c'est à moi à me sacrifier, et je ne balance pas; mais de si grands intérÃÂȘts méritent bien, ce me semble, d'ÃÂȘtre avant tout discutés et éclaircis; et comment y parvenir, si nous ne devons plus nous parler ni nous voir? Quoi! tandis que les sentiments les plus doux nous unissent, une vaine terreur suffira pour nous séparer, peut-ÃÂȘtre sans retour! En vain l'amitié tendre, l'ardent amour, réclameront leurs droits; leurs voix ne seront point entendues et pourquoi? quel est donc ce danger pressant qui vous menace? Ah! croyez- moi, de pareilles craintes, et si légÚrement conçues, sont déjà , ce me semble, d'assez puissants motifs de sécurité. Permettez-moi de vous le dire, je retrouve ici la trace des impressions défavorables qu'on vous a données sur moi. On ne tremble point auprÚs de l'homme qu'on estime; on n'éloigne pas, surtout, celui qu'on a jugé digne de quelque amitié c'est l'homme dangereux qu'on redoute et qu'on fuit. Cependant, qui fut jamais plus respectueux et plus soumis que moi? Déjà , vous le voyez, je m'observe dans mon langage; je ne me permets plus ces noms si doux, si chers à mon cÅ“ur, et qu'il ne cesse de vous donner en secret. Ce n'est plus l'amant fidÚle et malheureux, recevant les conseils et les consolations d'une amie tendre et sensible; c'est l'accusé devant son juge, l'esclave devant son maÃtre. Ces nouveaux titres imposent sans doute de nouveaux devoirs; je m'engage à les remplir tous. Ecoutez-moi, et si vous me condamnez, j'y souscris et je pars. Je promets davantage; préférez-vous ce despotisme qui juge sans entendre? vous sentez-vous le courage d'ÃÂȘtre injuste? ordonnez et j'obéis encore. Mais ce jugement, ou cet ordre, que je l'entende de votre bouche. Et pourquoi? m'allez-vous dire à votre tour. Ah! que si vous faites cette question, vous connaissez peu l'amour et mon cÅ“ur! N'est-ce donc rien que de vous voir encore une fois? Eh! quand vous porterez le désespoir dans mon ùme, peut-ÃÂȘtre un regard consolateur l'empÃÂȘchera d'y succomber. Enfin s'il me faut renoncer à l'amour, à l'amitié, pour qui seuls j'existe, au moins vous verrez votre ouvrage, et votre pitié me restera cette faveur légÚre, quand mÃÂȘme je ne la mériterais pas, je me soumets, ce me semble, à la payer assez cher, pour espérer de l'obtenir. Quoi! vous allez m'éloigner de vous! Vous consentez donc à ce que nous devenions étrangers l'un à l'autre! que dis-je? vous le désirez; et tandis que vous m'assurez que mon absence n'altérera point vos sentiments, vous ne pressez mon départ que pour travailler plus facilement à les détruire. Déjà , vous me parlez de les remplacer par de la reconnaissance. Ainsi le sentiment qu'obtiendrait de vous un inconnu pour le plus léger service, votre ennemi mÃÂȘme en cessant de vous nuire, voilà ce que vous m'offrez! et vous voulez que mon cÅ“ur s'en contente! Interrogez le vÎtre si votre amant, si votre ami, venaient un jour vous parler de leur reconnaissance, ne leur diriez-vous pas avec indignation " Retirez-vous, vous ÃÂȘtes des ingrats " ? Je m'arrÃÂȘte et réclame votre indulgence. Pardonnez l'expression d'une douleur que vous faites naÃtre elle ne nuira point à ma soumission parfaite. Mais je vous en conjure à mon tour, au nom de ces sentiments si doux, que vous- mÃÂȘme vous réclamez, ne refusez pas de m'entendre; et par pitié du moins pour le trouble mortel oÃÂč vous m'avez plongé, n'en éloignez pas le moment. Adieu, Madame. De ..., ce 27 septembre 17**, au soir. LETTRE XCII LE CHEVALIER DANCENY AU VICOMTE DE VALMONT Ô mon ami! votre Lettre m'a glacé d'effroi. Cécile... Ô Dieu! est-il possible? Cécile ne m'aime plus. Oui, je vois cette affreuse vérité à travers le voile dont votre amitié l'entoure. Vous avez voulu me préparer à recevoir ce coup mortel. Je vous remercie de vos soins, mais peut-on en imposer à l'amour? Il court au-devant de ce qui l'intéresse; il n'apprend pas son sort, il le devine. Je ne doute plus du mien parlez-moi sans détour, vous le pouvez, et je vous en prie. Mandez-moi tout; ce qui a fait naÃtre vos soupçons, ce qui les a confirmés. Les moindres détails sont précieux. Tùchez, surtout, de vous rappeler ses paroles. Un mot pour l'autre peut changer toute une phrase; le mÃÂȘme a quelquefois deux sens... Vous pouvez vous ÃÂȘtre trompé hélas, je cherche à me flatter encore. Que vous a-t-elle dit? me fait-elle quelque reproche? au moins ne se défend-elle pas de ses torts? J'aurais dû prévoir ce changement, par les difficultés que, depuis un temps, elle trouve à tout. L'amour ne connaÃt pas tant d'obstacles. Quel parti dois-je prendre? que me conseillez-vous? Si je tentais de la voir? cela est-il donc impossible? L'absence est si cruelle, si funeste... et elle a refusé un moyen de me voir! Vous ne me dites pas quel il était; s'il y avait en effet trop de danger, elle sait bien que je ne veux pas qu'elle se risque trop. Mais aussi je connais votre prudence; et pour mon malheur, je ne peux pas ne pas y croire. Que vais-je faire à présent? comment lui écrire? Si je lui laisse voir mes soupçons, ils la chagrineront peut-ÃÂȘtre; et s'ils sont injustes, me pardonnerais- je de l'avoir affligée? Si je les lui cache, c'est la tromper, et je ne sais point dissimuler avec elle. Oh! si, elle pouvait savoir ce que je souffre, ma peine la toucherait. Je la connais sensible; elle a le cÅ“ur excellent et j'ai mille preuves de son amour. Trop de timidité, quelque embarras, elle est si jeune! et sa mÚre la traite avec tant de sévérité! Je vais lui écrire; je me contiendrai; je lui demanderai seulement de s'en remettre entiÚrement à vous. Quand mÃÂȘme elle refuserait encore, elle ne pourra pas au moins se fùcher de ma priÚre, et peut-ÃÂȘtre elle consentira. Vous, mon ami, je vous fais mille excuses, et pour elle et pour moi. Je vous assure qu'elle sent le prix de vos soins, qu'elle en est reconnaissante. Ce n'est pas méfiance, c'est timidité. Ayez de l'indulgence; c'est le plus beau caractÚre de l'amitié. La vÎtre m'est bien précieuse, et je ne sais comment reconnaÃtre tout ce que vous faites pour moi. Adieu, je vais écrire tout de suite. Je sens toutes mes craintes revenir; qui m'eût dit que jamais il m'en coûterait de lui écrire! Hélas! hier encore, c'était mon plaisir le plus doux. Adieu, mon ami; continuez-moi vos soins, et plaignez-moi beaucoup. Paris, ce 27 septembre 17** LETTRE XCIII LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES JOINTE A LA PRECEDENTE. Je ne puis vous dissimuler combien j'ai été affligé en apprenant de Valmont le peu de confiance que vous continuez à avoir en lui. Vous n'ignorez pas qu'il est mon ami, qu'il est la seule personne qui puisse nous rapprocher l'un de l'autre j'avais cru que ces titres seraient suffisants auprÚs de vous; je vois avec peine que je me suis trompé. Puis-je espérer qu'au moins vous m'instruirez de vos raisons? Ne trouverez-vous pas encore quelques difficultés qui vous en empÃÂȘcheront? Je ne puis cependant deviner, sans vous, le mystÚre de cette conduite. Je n'ose soupçonner votre amour, sans doute aussi vous n'oseriez trahir le mien. Ah! Cécile!... Il est donc vrai que vous avez refusé un moyen de me voir? un moyen simple, commode et sûr [Danceny ne sait pas quel était ce moyen; il répÚte seulement l'expression de Valmont]? Et c'est ainsi que vous m'aimez! Une si courte absence a bien changé vos sentiments. Mais pourquoi me tromper? pourquoi me dire que vous m'aimez toujours, que vous m'aimez davantage? Votre Maman, en détruisant votre amour, a-t-elle aussi détruit votre candeur? Si au moins elle vous a laissé quelque pitié, vous n'apprendrez pas sans peine les tourments affreux que vous me causez. Ah! je souffrirais moins pour mourir. Dites-moi donc, votre cÅ“ur m'est-il fermé sans retour? m'avez-vous entiÚrement oublié? Grùce à vos refus, je ne sais, ni quand vous entendrez mes plaintes, ni quand vous y répondrez. L'amitié de Valmont avait assuré notre correspondance mais vous, vous n'avez pas voulu; vous la trouviez pénible, vous avez préféré qu'elle fût rare. Non, je ne croirai plus à l'amour, à la bonne foi. Eh! qui peut-on croire, si Cécile m'a trompé? Répondez-moi donc est-il vrai que vous ne m'aimez plus? Non cela n'est pas possible; vous vous faites illusion; vous calomniez votre cÅ“ur. Une crainte passagÚre, un moment de découragement, mais que l'amour a bientÎt fait disparaÃtre; n'est-il pas vrai, ma Cécile? ah! sans doute, et j'ai tort de vous accuser. Que je serais heureux d'avoir tort! que j'aimerais à vous faire de tendres excuses, à réparer ce moment d'injustice par une éternité d'amour! Cécile, Cécile, ayez pitié de moi! Consentez à me voir, prenez-en tous les moyens! Voyez ce que produit l'absence! des craintes, des soupçons, peut- ÃÂȘtre de la froideur! un seul regard, un seul mot et nous serons heureux. Mais quoi! puis-je encore parler de bonheur? peut-ÃÂȘtre est-il perdu pour moi, perdu pour jamais. Tourmenté par la crainte, cruellement pressé entre les soupçons injustes et la vérité plus cruelle, je ne puis m'arrÃÂȘter à aucune pensée; je ne conserve d'existence que pour souffrir et vous aimer. Ah! Cécile! vous seule avez le droit de me la rendre chÚre; et j'attends du premier mot que vous prononcerez le retour du bonheur ou la certitude d'un désespoir éternel. Paris, ce 27 septembre 17** LETTRE XCIV CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Je ne conçois rien à votre Lettre, sinon la peine qu'elle me cause. Qu'est-ce que M. de Valmont vous a donc mandé, et qu'est-ce qui a pu vous faire croire que je ne vous aimais plus? Cela serait peut-ÃÂȘtre bien heureux pour moi, car sûrement j'en serais moins tourmentée; et il est bien dur, quand je vous aime comme je fais, de voir que vous croyez toujours que j'ai tort, et qu'au lieu de me consoler, ce soit de vous que me viennent toujours les peines qui me font le plus de chagrin. Vous croyez que je vous trompe, et que je vous dis ce qui n'est pas! vous avez là une jolie idée de moi! Mais quand je serais menteuse comme vous me le reprochez, quel intérÃÂȘt y aurais-je? Assurément, si je ne vous aimais plus je n'aurais qu'à le dire, et tout le monde m'en louerait; mais, par malheur, c'est plus fort que moi; et il faut que ce soit pour quelqu'un qui ne m'en a pas d'obligation du tout! Qu'est-ce que j'ai donc fait pour vous tant fùcher? Je n'ai pas osé prendre une clef, parce que je craignais que Maman ne s'en aperçût, et que cela ne me causùt encore du chagrin, et à vous aussi à cause de moi; et puis encore, parce qu'il me semble que c'est mal fait. Mais ce n'était que M. de Valmont qui m'en avait parlé; je ne pouvais pas savoir si vous le vouliez ou non, puisque vous n'en saviez rien. A présent que je sais que vous le désirez, est-ce que je refuse de la prendre, cette clef? je la prendrai dÚs demain; et puis nous verrons ce que vous aurez, encore à dire. M. de Valmont a beau ÃÂȘtre votre ami, je crois que je vous aime bien autant qu'il peut vous aimer, pour le moins; et cependant c'est toujours lui qui a raison, et moi j'ai toujours tort. Je vous assure que je suis bien fùchée. Ça vous est bien égal, parce que vous savez que je m'apaise tout de suite mais à présent que j'aurai la clef, je pourrai vous voir quand je voudrai; et je vous assure que je ne voudrai pas quand vous agirez comme ça. J'aime mieux avoir du chagrin qui me vienne de moi, que s'il me venait de vous voyez ce que vous voulez faire. Si vous vouliez, nous nous aimerions tant! et au moins n'aurions-nous de peines que celles qu'on nous fait! Je vous assure bien que si j'étais maÃtresse, vous n'auriez jamais à vous plaindre de moi mais si vous ne me croyez pas, nous serons toujours bien malheureux, et ce ne sera pas ma faute. J'espÚre que bientÎt nous pourrons nous voir, et qu'alors nous n'aurons plus d'occasions de nous chagriner comme à présent. Si j'avais pu prévoir ça, j'aurais pris cette clef tout de suite mais, en vérité, je croyais bien faire. Ne m'en voulez donc pas, je vous en prie. Ne soyez plus triste, et aimez-moi toujours autant que je vous aime; alors je serai bien contente. Adieu, mon cher ami. Du Chùteau de ..., ce 28 septembre 17** LETTRE XCV CECILE VOLANGES AU VICOMTE DE VALMONT Je vous prie, Monsieur, de vouloir bien avoir la bonté de me remettre cette clef que vous m'aviez donnée pour mettre à la place de l'autre; puisque tout le monde le veut, il faut bien que j'y consente aussi. Je ne sais pas pourquoi vous avez mandé à M. Danceny que je ne l'aimais plus je ne crois pas vous avoir jamais donné lieu de le penser; et cela lui a fait bien de la peine, et à moi aussi. Je sais bien que vous ÃÂȘtes son ami; mais ce n'est pas une raison pour le chagriner, ni moi non plus. Vous me feriez bien plaisir de lui mander le contraire, la premiÚre fois que vous lui écrirez, et que vous en ÃÂȘtes sûr car c'est en vous qu'il a le plus confiance; et moi, quand j'ai dit une chose, et qu'on ne la croit pas, je ne sais plus comment faire. Pour ce qui est de la clef, vous pouvez ÃÂȘtre tranquille; j'ai bien retenu tout ce que vous me recommandiez dans votre Lettre. Cependant, si vous l'avez encore, et que vous vouliez me la donner en mÃÂȘme temps, je vous promets que j'y ferai bien attention. Si ce pouvait ÃÂȘtre demain en allant dÃner, je vous donnerais l'autre clef aprÚs-demain à déjeuner, et vous me la remettriez de la mÃÂȘme façon que la premiÚre. Je voudrais bien que cela ne fût pas long, parce qu'il y aurait moins de temps à risquer que Maman ne s'en aperçût. Et puis, quand une fois vous aurez cette clef-là , vous aurez bien la bonté de vous en servir aussi pour prendre mes Lettres; et comme cela, M. Danceny aura plus souvent de mes nouvelles. Il est vrai que ce sera bien plus commode qu'à présent; mais c'est que d'abord, cela m'a fait trop peur je vous prie de m'excuser, et j'espÚre que vous n'en continuerez pas moins d'ÃÂȘtre aussi complaisant que par le passé. J'en serai aussi toujours bien reconnaissante. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, Monsieur, votre trÚs humble et trÚs obéissante servante. De ..., ce 28 septembre 17**LETTRE XCVI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Je parie bien que, depuis votre aventure, vous attendez chaque jour mes compliments et mes éloges; je ne doute mÃÂȘme pas que vous n'ayez pris un peu d'humeur de mon long silence mais que voulez-vous? j'ai toujours pensé que quand il n'y avait plus que des louanges à donner à une femme, on pouvait s'en reposer sur elle, et s'occuper d'autre chose. Cependant je vous remercie pour mon compte, et vous félicite pour le vÎtre. Je veux bien mÃÂȘme, pour vous rendre parfaitement heureuse, convenir que pour cette fois vous avez surpassé mon attente. AprÚs cela, voyons si de mon cÎté j'aurai du moins rempli la vÎtre en partie. Ce n'est pas de Madame de Tourvel dont je veux vous parler; sa marche trop lente vous déplaÃt. Vous n'aimez que les affaires faites. Les scÚnes filées vous ennuient; et moi, jamais je n'avais goûté le plaisir que j'éprouve dans ces lenteurs prétendues. Oui, j'aime à voir, à considérer cette femme prudente, engagée, sans s'en ÃÂȘtre aperçue, dans un sentier qui ne permet plus de retour, et dont la pente rapide et dangereuse l'entraÃne malgré elle, et la force à me suivre. Là , effrayée du péril qu'elle court, elle voudrait s'arrÃÂȘter et ne peut se retenir. Ses soins et son adresse peuvent bien rendre ses pas moins grands; mais il faut qu'ils se succÚdent. Quelquefois, n'osant fixer le danger, elle ferme les yeux, et se laissant aller, s'abandonne à mes soins. Plus souvent, une nouvelle crainte ranime ses efforts dans son effroi mortel, elle veut tenter encore de retourner en arriÚre; elle épuise ses forces pour gravir péniblement un court espace; et bientÎt un magique pouvoir la replace plus prÚs de ce danger, que vainement elle avait voulu fuir. Alors n'ayant plus que moi pour guide et pour appui, sans songer à me reprocher davantage une chute inévitable, elle m'implore pour la retarder. Les ferventes priÚres, les humbles supplications, tout ce que les mortels, dans leur crainte, offrent à la Divinité, c'est moi qui les reçois d'elle; et vous voulez que, sourd à ses vÅ“ux, et détruisant moi-mÃÂȘme le culte qu'elle me rend, j'emploie à la précipiter la puissance qu'elle invoque pour la soutenir! Ah! laissez-moi du moins le temps d'observer ces touchants combats entre l'amour et la vertu. Eh quoi! ce mÃÂȘme spectacle qui vous fait courir au Théùtre avec empressement, que vous y applaudissez avec fureur, le croyez-vous moins attachant dans la réalité? Ces sentiments d'une ùme pure et tendre, qui redoute le bonheur qu'elle désire, et ne cesse pas de se défendre, mÃÂȘme alors qu'elle cesse de résister, vous les écoutez avec enthousiasme ne seraient-ils sans prix que pour celui qui les fait naÃtre? Voilà pourtant, voilà les délicieuses jouissances que cette femme céleste m'offre chaque jour; et vous me reprochez d'en savourer les douceurs! Ah! le temps ne viendra que trop tÎt, oÃÂč, dégradée par sa chute, elle ne sera plus pour moi qu'une femme ordinaire. Mais j'oublie, en vous parlant d'elle, que je ne voulais pas vous en parler. Je ne sais quelle puissance m'y attache, m'y ramÚne sans cesse, mÃÂȘme alors que je l'outrage. Ecartons sa dangereuse idée; que je redevienne moi-mÃÂȘme pour traiter un sujet plus gai. Il s'agit de votre pupille, à présent devenue la mienne, et j'espÚre qu'ici vous allez me reconnaÃtre. Depuis quelques jours, mieux traité par ma tendre Dévote, et par conséquent moins occupé d'elle, j'avais remarqué que la petite Volanges était en effet fort jolie; et que s'il y avait de la sottise à en ÃÂȘtre amoureux comme Danceny, peut-ÃÂȘtre n'y en avait-il pas moins de ma part à ne pas chercher auprÚs d'elle une distraction que ma solitude me rendait nécessaire. Il me parut juste aussi de me payer des soins que je me donnais pour elle je me rappelais en outre que vous me l'aviez offerte, avant que Danceny eût rien à y prétendre; et je me trouvais fondé à réclamer quelques droits sur un bien qu'il ne possédait qu'à mon refus et par mon abandon. La jolie mine de la petite personne, sa bouche si fraÃche, son air enfantin, sa gaucherie mÃÂȘme fortifiaient ces sages réflexions; je résolus d'agir en conséquence, et le succÚs a couronné l'entreprise. Déjà vous cherchez par quel moyen j'ai supplanté si tÎt l'amant chéri; quelle séduction convient à cet ùge, à cette inexpérience. Epargnez-vous tant de peine, je n'en ai employé aucune. Tandis que, maniant avec adresse les armes de votre sexe, vous triomphiez par la finesse; moi, rendant à l'homme ses droits imprescriptibles, je subjuguais par l'autorité. Sûr de saisir ma proie si je pouvais la joindre, je n'avais besoin de ruse que pour m'en approcher, et mÃÂȘme celle dont je me suis servi ne mérite presque pas ce nom. Je profitai de la premiÚre lettre que je reçus de Danceny pour sa Belle, et aprÚs l'en avoir avertie par le signal convenu entre nous, au lieu de mettre mon adresse à la lui rendre, je la mis à n'en pas trouver le moyen cette impatience que je faisais naÃtre, je feignais de la partager, et aprÚs avoir causé le mal, j'indiquai le remÚde. La jeune personne habite une chambre dont une porte donne sur le corridor; mais comme de raison, la mÚre en avait pris la clef. Il ne s'agissait que de s'en rendre maÃtre. Rien de plus facile dans l'exécution; je ne demandais que d'en disposer deux heures, et je répondais d'en avoir une semblable. Alors correspondances, entrevues, rendez-vous nocturnes; tout devenait commode et sûr cependant, le croiriez-vous? l'enfant timide prit peur et refusa. Un autre s'en serait désolé; moi, je n'y vis que l'occasion d'un plaisir plus piquant. J'écrivis à Danceny pour me plaindre de ce refus, et je fis si bien que notre étourdi n'eut de cesse qu'il n'eût obtenu, exigé mÃÂȘme de sa craintive MaÃtresse, qu'elle accordùt ma demande et se livrùt toute à ma discrétion. J'étais bien aise, je l'avoue, d'avoir ainsi changé de rÎle, et que le jeune homme fÃt pour moi ce qu'il comptait que je ferais pour lui. Cette idée doublait, à mes yeux, le prix de l'aventure aussi dÚs que j'ai eu la précieuse clef, me suis-je hùté d'en faire usage, c'était la nuit derniÚre. AprÚs m'ÃÂȘtre assuré que tout était tranquille dans le Chùteau; armé de ma lanterne sourde, et dans la toilette que comportait l'heure et qu'exigeait la circonstance, j'ai rendu ma premiÚre visite à votre pupille. J'avais tout fait préparer et cela par elle-mÃÂȘme, pour pouvoir entrer sans bruit. Elle était dans son premier sommeil, et dans celui de son ùge; de façon que je suis arrivé jusqu'à son lit, sans qu'elle se soit réveillée. J'ai d'abord été tenté d'aller plus avant, et d'essayer de passer pour un songe; mais craignant l'effet de la surprise et le bruit qu'elle entraÃne, j'ai préféré d'éveiller avec précaution la jolie dormeuse, et suis en effet parvenu à prévenir le cri que je redoutais. AprÚs avoir calmé ses premiÚres craintes, comme je n'étais pas venu là pour causer, j'ai risqué quelques libertés. Sans doute on ne lui a pas bien appris dans son Couvent à combien de périls divers est exposée la timide innocence, et tout ce qu'elle a à garder pour n'ÃÂȘtre pas surprise car, portant toute son attention, toutes ses forces à se défendre d'un baiser, qui n'était qu'une fausse attaque, tout le reste était laissé sans défense; le moyen de n'en pas profiter! J'ai donc changé ma marche, et sur le champ j'ai pris poste. Ici nous avons pensé ÃÂȘtre perdus tous deux la petite fille, tout effarouchée, a voulu crier de bonne foi; heureusement sa voix s'est éteinte dans les pleurs. Elle s'était jetée aussi au cordon de sa sonnette, mais mon adresse a retenu son bras à temps. " Que voulez-vous faire lui ai-je dit alors, vous perdre pour toujours? Qu'on vienne, et que m'importe? à qui persuaderez-vous que je ne sois pas ici de votre aveu? Quel autre que vous m'aura fourni le moyen de m'y introduire? et cette clef que je tiens de vous, que je n'ai pu avoir que par vous, vous chargerez-vous d'en indiquer l'usage? " Cette courte harangue n'a calmé ni la douleur, ni la colÚre, mais elle a amené la soumission. Je ne sais si j'avais le ton de l'éloquence; au moins est-il vrai que je n'en avais pas le geste. Une main occupée pour la force, l'autre pour l'amour, quel Orateur pourrait prétendre à la grùce en pareille situation? Si vous vous la peignez bien, vous conviendrez qu'au moins elle était favorable à l'attaque mais moi, je n'entends rien à rien, et comme vous dites, la femme la plus simple, une pensionnaire, me mÚne comme un enfant. Celle-ci, tout en se désolant, sentait qu'il fallait prendre un parti, et entrer en composition. Les priÚres me trouvant inexorable, il a fallu passer aux offres. Vous croyez que j'ai vendu bien cher ce poste important non, j'ai tout promis pour un baiser. Il est vrai que, le baiser pris, je n'ai pas tenu ma promesse mais j'avais de bonnes raisons. Etions-nous convenus qu'il serait pris ou donné? A force de marchander, nous sommes tombés d'accord pour un second, et celui-là , il était dit qu'il serait reçu. Alors ayant guidé ses bras timides autour de mon corps, et la pressant de l'un des miens plus amoureusement, le doux baiser a été reçu en effet; mais bien, mais parfaitement reçu tellement enfin que l'Amour n'aurait pas pu mieux faire. Tant de bonne foi méritait récompense, aussi ai-je aussitÎt accordé la demande. La main s'est retirée; mais je ne sais par quel hasard je me suis trouvé moi-mÃÂȘme à sa place. Vous me supposez là bien empressé, bien actif, n'est-il pas vrai? point du tout. J'ai pris goût aux lenteurs, vous dis-je. Une fois sûr d'arriver, pourquoi tant presser le voyage? Sérieusement, j'étais bien aise d'observer une fois la puissance de l'occasion, et je la trouvais ici dénuée de tout secours étranger. Elle avait pourtant à combattre l'amour, et l'amour soutenu par la pudeur ou la honte, et fortifié surtout par l'humeur que j'avais donnée, et dont on avait beaucoup pris. L'occasion était seule; mais elle était là , toujours offerte, toujours présente, et l'Amour était absent. Pour assurer mes observations, j'avais la malice de n'employer de force que ce qu'on en pouvait combattre. Seulement si ma charmante ennemie, abusant de ma facilité, se trouvait prÃÂȘte à m'échapper, je la contenais par cette mÃÂȘme crainte, dont j'avais déjà éprouvé les heureux effets. Hé bien! sans autre soin, la tendre amoureuse, oubliant ses serments, a cédé d'abord et fini par consentir non pas qu'aprÚs ce premier moment les reproches et les larmes ne soient revenus de concert; j'ignore s'ils étaient vrais ou feints mais, comme il arrive toujours, ils ont cessé, dÚs que je me suis occupé à y donner lieu de nouveau. Enfin, de faiblesse en reproche, et de reproche en faiblesse, nous ne nous sommes séparés que satisfaits l'un de l'autre, et également d'accord pour le rendez-vous de ce soir. Je ne me suis retiré chez moi qu'au point du jour, et j'étais rendu de fatigue et de sommeil cependant j'ai sacrifié l'un et l'autre au désir de me trouver ce matin au déjeuner j'aime, de passion, les mines de lendemain. Vous n'avez pas d'idée de celle-ci. C'était un embarras dans le maintien! une difficulté dans la marche! des yeux toujours baissés, et si gros et si battus! Cette figure si ronde s'était tant allongée! rien n'était si plaisant. Et pour la premiÚre fois, sa mÚre, alarmée de ce changement extrÃÂȘme, lui témoignait un intérÃÂȘt assez tendre! et la Présidente aussi, qui s'empressait autour d'elle! Oh! pour ces soins-là ils ne sont que prÃÂȘtés; un jour viendra oÃÂč on pourra les lui rendre, et ce jour n'est pas loin. Adieu, ma belle amie. Du Chùteau de ..., ce 1er octobre 17** LETTRE XCVII CECILE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Ah! mon Dieu, Madame, que je suis affligée! que je suis malheureuse! Qui me consolera dans mes peines? qui me conseillera dans l'embarras oÃÂč je me trouve? Ce M. de Valmont... et Danceny! non, l'idée de Danceny me met au désespoir... Comment vous raconter? comment vous dire?... Je ne sais comment faire. Cependant mon cÅ“ur est plein... Il faut que je parle à quelqu'un, et vous ÃÂȘtes la seule à qui je puisse, à qui j'ose me confier. Vous avez tant de bonté pour moi! Mais n'en ayez pas dans ce moment-ci; je n'en suis pas digne que vous dirai-je? je ne le désire point. Tout le monde ici m'a témoigné de l'intérÃÂȘt aujourd'hui... ils ont tous augmenté ma peine. Je sentais tant que je ne le méritais pas! Grondez-moi au contraire; grondez-moi bien, car je suis bien coupable mais aprÚs, sauvez-moi; si vous n'avez pas la bonté de me conseiller, je mourrai de chagrin. Apprenez donc... ma main tremble, comme vous voyez, je ne peux presque pas écrire, je me sens le visage tout en feu... Ah! c'est bien le rouge de la honte. Hé bien! je la souffrirai; ce sera la premiÚre punition de ma faute. Oui, je vous dirai tout. Vous saurez donc que M. de Valmont, qui m'a remis jusqu'ici les Lettres de M. Danceny, a trouvé tout d'un coup que c'était trop difficile; il a voulu avoir une clef de ma chambre. Je puis bien vous assurer que je ne voulais pas; mais il a été en écrire à Danceny, et Danceny l'a voulu aussi; et moi, ça me fait tant de peine quand je lui refuse quelque chose, surtout depuis mon absence qui le rend si malheureux, que j'ai fini par y consentir. Je ne prévoyais pas le malheur qui en arriverait. Hier, M. de Valmont s'est servi de cette clef pour venir dans ma chambre, comme j'étais endormie; je m'y attendais si peu, qu'il m'a fait bien peur en me réveillant; mais comme il m'a parlé tout de suite, je l'ai reconnu, et je n'ai pas crié; et puis l'idée m'est venue d'abord qu'il venait peut-ÃÂȘtre m'apporter une Lettre de Danceny. C'en était bien loin. Un petit moment aprÚs, il a voulu m'embrasser; et pendant que je me défendais, comme c'est naturel, il a si bien fait, que je n'aurais pas voulu pour toute chose au monde... mais, lui voulait un baiser auparavant. Il a bien fallu, car comment faire? d'autant que j'avais essayé d'appeler, mais outre que je n'ai pas pu, il a bien su me dire que, s'il venait quelqu'un, il saurait bien rejeter toute la faute sur moi; et, en effet, c'était bien facile, à cause de cette clef. Ensuite il ne s'est pas retiré davantage. Il en a voulu un second; et celui-là , je ne savais pas ce qui en était, mais il m'a toute troublée; et aprÚs, c'était encore pis qu'auparavant. Oh! par exemple, c'est bien mal ça. Enfin aprÚs... , vous m'exempterez bien de dire le reste; mais je suis malheureuse autant qu'on puisse l'ÃÂȘtre. Ce que je me reproche le plus, et dont pourtant il faut que je vous parle, c'est que j'ai peur de ne pas m'ÃÂȘtre défendue autant que je le pouvais. Je ne sais pas comment cela se faisait sûrement, je n'aime pas M. de Valmont, bien au contraire; et il y avait des moments oÃÂč j'étais comme si je l'aimais... Vous jugez bien que ça ne m'empÃÂȘchait pas de lui dire toujours que non mais je sentais bien que je ne faisais pas comme je disais; et ça, c'était comme malgré moi; et puis aussi, j'étais bien troublée! S'il est toujours aussi difficile que ça de se défendre, il faut y ÃÂȘtre bien accoutumée! Il est vrai que M. de Valmont a des façons de dire, qu'on ne sait pas comment faire pour lui répondre enfin, croiriez-vous que quand il s'en est allé, j'en étais comme fùchée, et que j'ai eu la faiblesse de consentir qu'il revÃnt ce soir ça me désole encore plus que tout le reste. Oh! malgré ça, je vous promets bien que je l'empÃÂȘcherai d'y venir. Il n'a pas été sorti, que j'ai bien senti que j'avais eu bien tort de lui promettre. Aussi, j'ai pleuré tout le reste du temps. C'est surtout Danceny qui me faisait de la peine! toutes les fois que je songeais à lui, mes pleurs redoublaient que j'en étais suffoquée, et j'y songeais toujours... et à présent encore, vous en voyez l'effet; voilà mon papier tout trempé. Non, je ne me consolerai jamais, ne fût-ce qu'à cause de lui... Enfin, je n'en pouvais plus, et pourtant je n'ai pas pu dormir une minute. Et ce matin en me levant, quand je me suis regardée au miroir, je faisais peur, tant j'étais changée. Maman s'en est aperçue dÚs qu'elle m'a vue et elle m'a demandé ce que j'avais. Moi, je me suis mise à pleurer tout de suite. Je croyais qu'elle m'allait gronder, et peut-ÃÂȘtre ça m'aurait fait moins de peine mais, au contraire. Elle m'a parlé avec douceur! Je ne le méritais guÚre. Elle m'a dit de ne pas m'affliger comme ça. Elle ne savait pas le sujet de mon affliction. Que je me rendrais malade! Il y a des moments oÃÂč je voudrais ÃÂȘtre morte. Je n'ai pas pu y tenir. Je me suis jetée dans ses bras en sanglotant, et en lui disant " Ah! Maman, votre fille est bien malheureuse! " Maman n'a pu s'empÃÂȘcher de pleurer un peu; et tout cela n'a fait qu'augmenter mon chagrin heureusement elle ne m'a pas demandé pourquoi j'étais si malheureuse, car je n'aurais su que lui dire. Je vous en supplie, Madame, écrivez-moi le plus tÎt que vous pourrez, et dites-moi ce que je dois faire, car je n'ai le courage de songer à rien, et je ne fais que m'affliger. Vous voudrez bien m'adresser votre Lettre par M. de Valmont; mais je vous en prie, si vous lui écrivez en mÃÂȘme temps, ne lui parlez pas que je vous aie rien dit. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, Madame, avec toujours bien de l'amitié, votre trÚs humble et trÚs obéissante servante... Je n'ose pas signer cette Lettre. Du Chùteau de ..., ce 1er octobre 17**. LETTRE XCVIII MADAME DE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Il y a bien peu de jours, ma charmante amie, que c'était vous qui me demandiez des consolations et des conseils aujourd'hui, c'est mon tour; et je vous fais pour moi la mÃÂȘme demande que vous me faisiez pour vous. Je suis bien réellement affligée, et je crains de n'avoir pas pris les meilleurs moyens pour éviter les chagrins que j'éprouve. C'est ma fille qui cause mon inquiétude. Depuis mon départ je l'avais bien vue toujours triste et chagrine; mais je m'y attendais, et j'avais armé mon cÅ“ur d'une sévérité que je jugeais nécessaire. J'espérais que l'absence, les distractions détruiraient bientÎt un amour que je regardais plutÎt comme une erreur de l'enfance que comme une véritable passion. Cependant, loin d'avoir rien gagné depuis mon séjour ici, je m'aperçois que cet enfant se livre de plus en plus à une mélancolie dangereuse; et je crains, tout de bon, que sa santé ne s'altÚre. ParticuliÚrement depuis quelques jours elle change à vue d'oeil. Hier, surtout, elle me frappa, et tout le monde ici en fut vraiment alarmé. Ce qui me prouve encore combien elle est affectée vivement, c'est que je la vois prÃÂȘte à surmonter la timidité qu'elle a toujours eue avec moi. Hier matin, sur la simple demande que je lui fis si elle était malade, elle se précipita dans mes bras en me disant qu'elle était bien malheureuse; et elle pleura aux sanglots. Je ne puis vous rendre la peine qu'elle m'a faite; les larmes me sont venues aux yeux tout de suite et je n'ai eu que le temps de me détourner, pour empÃÂȘcher qu'elle ne me vÃt. Heureusement j'ai eu la prudence de ne lui faire aucune question, et elle n'a pas osé m'en dire davantage mais il n'en est pas moins clair que c'est cette malheureuse passion qui la tourmente. Quel parti prendre pourtant, si cela dure? ferai-je le malheur de ma fille? tournerai-je contre elle les qualités les plus précieuses de l'ùme, la sensibilité et la constance? est-ce pour cela que je suis sa mÚre? et quand j'étoufferais ce sentiment si naturel qui nous fait vouloir le bonheur de nos enfants; quand je regarderais comme une faiblesse ce que je crois, au contraire, le premier, le plus sacré de nos devoirs; si je force son choix, n'aurai-je pas à répondre des suites funestes qu'il peut avoir? Quel usage à faire de l'autorité maternelle que de placer sa fille entre le crime et le malheur! Mon amie, je n'imiterai pas ce que j'ai blùmé si souvent. J'ai pu, sans doute, tenter de faire un choix pour ma fille; je ne faisais en cela que l'aider de mon expérience ce n'était pas un droit que j'exerçais, je remplissais un devoir. J'en trahirais un, au contraire, en disposant d'elle au mépris d'un penchant que je n'ai pas su empÃÂȘcher de naÃtre et dont ni elle, ni moi ne pouvons connaÃtre ni l'étendue ni la durée. Non, je ne souffrirai point qu'elle épouse celui-ci pour aimer celui-là , et j'aime mieux compromettre mon autorité que sa vertu. Je crois donc que je vais prendre le parti le plus sage de retirer la parole que j'ai donnée à M. de Gercourt. Vous venez d'en voir les raisons; elles me paraissent devoir l'emporter sur mes promesses. Je dis plus dans l'état oÃÂč sont les choses, remplir mon engagement, ce serait véritablement le violer. Car enfin, si je dois à ma fille de ne pas livrer son secret à M. de Gercourt, je dois au moins à celui-ci de ne pas abuser de l'ignorance oÃÂč je le laisse, et de faire pour lui tout ce que je crois qu'il ferait lui-mÃÂȘme, s'il était instruit. Irai-je, au contraire, le trahir indignement, quand il se livre à ma foi, et, tandis qu'il m'honore en me choisissant pour sa seconde mÚre, le tromper dans le choix qu'il veut faire de la mÚre de ses enfants? Ces réflexions si vraies et auxquelles je ne peux me refuser m'alarment plus que je ne puis vous dire. Aux malheurs qu'elles me font redouter, je compare ma fille, heureuse avec l'époux que son cÅ“ur a choisi, ne connaissant ses devoirs que par la douceur qu'elle trouve à les remplir; mon gendre également satisfait et se félicitant, chaque jour, de son choix; chacun d'eux ne trouvant de bonheur que dans le bonheur de l'autre, et celui de tous deux se réunissant pour augmenter le mien. L'espoir d'un avenir si doux doit-il ÃÂȘtre sacrifié à de vaines considérations? Et quelles sont celles qui me retiennent? uniquement des vues d'intérÃÂȘt. De quel avantage sera-t-il donc pour ma fille d'ÃÂȘtre née riche, si elle n'en doit pas moins ÃÂȘtre esclave de la fortune? Je conviens que M. de Gercourt est un parti meilleur, peut-ÃÂȘtre, que je ne devais l'espérer pour ma fille; j'avoue mÃÂȘme que j'ai été extrÃÂȘmement flattée du choix qu'il a fait d'elle. Mais enfin, Danceny est d'une aussi bonne maison que lui; il ne lui cÚde en rien pour les qualités personnelles; il a sur M. de Gercourt l'avantage d'aimer et d'ÃÂȘtre aimé il n'est pas riche à la vérité; mais ma fille ne l'est-elle pas assez pour eux deux? Ah! pourquoi lui ravir la satisfaction si douce d'enrichir ce qu'elle aime! Ces mariages qu'on calcule au lieu de les assortir, qu'on appelle de convenance, et oÃÂč tout se convient en effet, hors les goûts et les caractÚres, ne sont-ils pas la source la plus féconde de ces éclats scandaleux qui deviennent tous les jours plus fréquents? J'aime mieux différer au moins j'aurai le temps d'étudier ma fille que je ne connais pas. Je me sens bien le courage de lui causer un chagrin passager, si elle en doit recueillir un bonheur plus solide mais de risquer de la livrer à un désespoir éternel, cela n'est pas dans mon cÅ“ur. Voilà , ma chÚre amie, les idées qui me tourmentent, et sur quoi je réclame vos conseils. Ces objets sévÚres contrastent beaucoup avec votre aimable gaieté, et ne paraissent guÚre de votre ùge mais votre raison l'a tant devancé! Votre amitié d'ailleurs aidera votre prudence; et je ne crains point que l'une ou l'autre se refusent à la sollicitude maternelle qui les implore. Adieu, ma charmante amie; ne doutez jamais de la sincérité de mes sentiments. Du Chùteau de ..., ce 2 octobre 17**. LETTRE XCIX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Encore de petits événements, ma belle amie; mais des scÚnes seulement, point d'actions. Ainsi, armez-vous de patience; prenez-en mÃÂȘme beaucoup car tandis que ma Présidente marche à si petits pas, votre pupille recule, et c'est bien pis encore. Hé bien! j'ai le bon esprit de m'amuser de ces misÚres-là . Véritablement je m'accoutume fort bien à mon séjour ici; et je puis dire que dans le triste Chùteau de ma vieille tante, je n'ai pas éprouvé un moment d'ennui. Au fait, n'y ai-je pas jouissances, privations, espoir, incertitude? Qu'a- t-on de plus sur un plus grand théùtre? des spectateurs? Hé! laissez faire, ils ne me manqueront pas. S'ils ne me voient pas à l'ouvrage, je leur montrerai ma besogne faite; ils n'auront plus qu'à admirer et applaudir. Oui, ils applaudiront; car je puis enfin prédire, avec certitude, le moment de la chute de mon austÚre Dévote. J'ai assisté ce soir à l'agonie de la vertu. La douce faiblesse va régner à sa place. Je n'en fixe pas l'époque plus tard qu'à notre premiÚre entrevue mais déjà je vous entends crier à l'orgueil. Annoncer sa victoire, se vanter à l'avance. Hé, là , là , calmez-vous! Pour vous prouver ma modestie, je vais commencer par l'histoire de ma défaite. En vérité, votre pupille est une petite personne bien ridicule! C'est bien un enfant qu'il faudrait traiter comme tel, et à qui on ferait grùce en ne le mettant qu'en pénitence! Croiriez-vous qu'aprÚs ce qui s'est passé avant-hier entre elle et moi, aprÚs la façon amicale dont nous nous sommes quittés hier matin; lorsque j'ai voulu y retourner le soir, comme elle en était convenue, j'ai trouvé sa porte fermée en dedans? Qu'en dites-vous? on éprouve quelquefois de ces enfantillages-là la veille mais le lendemain! cela n'est-il pas plaisant? Je n'en ai pourtant pas ri d'abord, jamais je n'avais autant senti l'empire de mon caractÚre. Assurément j'allais à ce rendez-vous sans plaisir, et uniquement par procédé. Mon lit, dont j'avais grand besoin, me semblait, pour le moment, préférable à celui de tout autre, et je ne m'en étais éloigné qu'à regret. Cependant je n'ai pas eu plutÎt trouvé un obstacle que je brûlais de le franchir; j'étais humilié, surtout, qu'un enfant m'eût joué. Je me retirai donc avec beaucoup d'humeur et dans le projet de ne plus me mÃÂȘler de ce sot enfant, ni de ses affaires, je lui avais écrit, sur-le-champ, un billet que je comptais lui remettre aujourd'hui, et oÃÂč je l'évaluais à son juste prix. Mais, comme on dit, la nuit porte conseil; j'ai trouvé ce matin que, n'ayant pas ici le choix des distractions, il fallait garder celle-là ; j'ai donc supprimé le sévÚre billet. Depuis que j'y ai réfléchi, je ne reviens pas d'avoir eu l'idée de finir une aventure, avant d'avoir en main de quoi en perdre l'Héroïne. OÃÂč nous mÚne pourtant un premier mouvement! Heureux, ma belle amie, qui a su, comme vous, s'accoutumer à n'y jamais céder. Enfin j'ai différé ma vengeance; j'ai fait ce sacrifice à vos vues sur Gercourt. A présent que je ne suis plus en colÚre, je ne vois plus que du ridicule dans la conduite de votre pupille. En effet, je voudrais bien savoir ce qu'elle espÚre gagner par là ! pour moi je m'y perds si ce n'est que pour se défendre, il faut convenir qu'elle s'y prend un peu tard. Il faudra bien qu'un jour elle me dise le mot de cette énigme! J'ai grande envie de le savoir. C'est peut-ÃÂȘtre seulement qu'elle se trouvait fatiguée? franchement cela se pourrait; car sans doute elle ignore encore que les flÚches de l'Amour, comme la lance d'Achille, portent avec elles le remÚde aux blessures qu'elles font. Mais non, à sa petite grimace de toute la journée, je parierais qu'il entre là -dedans du repentir... là ... quelque chose... comme de la vertu... De la vertu!... c'est bien à elle qu'il convient d'en avoir! Ah! qu'elle la laisse à la femme véritablement née pour elle, la seule qui sache l'embellir, qui la ferait aimer!... Pardon, ma belle amie mais c'est ce soir mÃÂȘme que s'est passée, entre Madame de Tourvel et moi, la scÚne dont j'ai à vous rendre compte, et j'en conserve encore quelque émotion. J'ai besoin de me faire violence pour me distraire de l'impression qu'elle m'a faite, c'est mÃÂȘme pour m'y aider, que je me suis mis à vous écrire. Il faut pardonner quelque chose à ce premier moment. Il y a déjà quelques jours que nous sommes d'accord, Madame de Tourvel et moi, sur nos sentiments; nous ne disputons plus que sur les mots. C'était toujours, à la vérité, son amitié qui répondait à mon amour mais ce langage de convention ne changeait pas le fond des choses; et quand nous serions restés ainsi, j'en aurais peut-ÃÂȘtre été moins vite, mais non pas moins sûrement. Déjà mÃÂȘme il n'était plus question de m'éloigner, comme elle le voulait d'abord; et pour les entretiens que nous avons journellement, si je mets mes soins à lui en offrir l'occasion, elle met les siens à la saisir. Comme c'est ordinairement à la promenade que se passent nos petits rendez- vous, le temps affreux qu'il a fait tout aujourd'hui ne me laissait rien espérer j'en étais mÃÂȘme vraiment contrarié; je ne prévoyais pas combien je devais gagner à ce contretemps. Ne pouvant se promener, on s'est mis à jouer en sortant de table; et comme je joue peu, et que je ne suis plus nécessaire, j'ai pris ce temps pour monter chez moi, sans autre projet que d'y attendre, à peu prÚs, la fin de la partie. Je retournais joindre le cercle, quand j'ai trouvé la charmante femme qui entrait dans son appartement, et qui, soit imprudence ou faiblesse, m'a dit de sa douce voix " OÃÂč allez-vous donc? Il n'y a personne au salon. " Il ne m'en a pas fallu davantage, comme vous pouvez croire, pour essayer d'entrer chez elle; j'y ai trouvé moins de résistance que je ne m'y attendais. Il est vrai que j'avais eu la précaution de commencer la conversation à la porte, et de la commencer indifférente; mais à peine avons-nous été établis, que j'ai ramené la véritable, et que j'ai parlé de mon amour à mon amie . Sa premiÚre réponse, quoique simple, m'a paru assez expressive " Oh! tenez, m'a-t-elle dit, ne parlons pas de cela ici " , et elle tremblait. La pauvre femme! elle se voit mourir. Pourtant elle avait tort de craindre. Depuis quelque temps, assuré du succÚs un jour ou l'autre, et la voyant user tant de force dans d'inutiles combats, j'avais résolu de ménager les miennes, et d'attendre sans effort qu'elle se rendÃt de lassitude. Vous sentez bien qu'ici il faut un triomphe complet, et que je ne veux rien devoir à l'occasion. C'était mÃÂȘme d'aprÚs ce plan formé, et pour pouvoir ÃÂȘtre pressant, sans m'engager trop, que je suis revenu à ce mot d'amour, si obstinément refusé; sûr qu'on me croyait assez d'ardeur, j'ai essayé un ton plus tendre. Ce refus ne me fùchait plus, il m'affligeait; ma sensible amie ne me devait-elle pas quelques consolations? Tout en me consolant, une main était restée dans la mienne; le joli corps était appuyé sur mon bras, et nous étions extrÃÂȘmement rapprochés. Vous avez sûrement remarqué combien, dans cette situation, à mesure que la défense mollit, les demandes et les refus se passent de plus prÚs; comment la tÃÂȘte se détourne et les regards se baissent, tandis que les discours, toujours prononcés d'une voix faible, deviennent rares et entrecoupés. Ces symptÎmes précieux annoncent, d'une maniÚre non équivoque, le consentement de l'ùme mais rarement a-t-il encore passé jusqu'aux sens; je crois mÃÂȘme qu'il est toujours dangereux de tenter alors quelque entreprise trop marquée; parce que cet état d'abandon n'étant jamais sans un plaisir trÚs doux, on ne saurait forcer d'en sortir, sans causer une humeur qui tourne infailliblement au profit de la défense. Mais, dans le cas présent, la prudence m'était d'autant plus nécessaire, que j'avais surtout à redouter l'effroi que cet oubli d'elle-mÃÂȘme ne manquerait pas de causer à ma tendre rÃÂȘveuse. Aussi cet aveu que je demandais, je n'exigeais pas mÃÂȘme qu'il fût prononcé; un regard pouvait suffire; un seul regard, et j'étais heureux. Ma belle amie, les beaux yeux se sont en effet levés sur moi, la bouche céleste a mÃÂȘme prononcé " Eh bien! oui, je... " Mais tout à coup le regard s'est éteint, la voix a manqué, et cette femme adorable est tombée dans mes bras. A peine avais-je eu le temps de l'y recevoir, que se dégageant avec une force convulsive, la vue égarée, et les mains élevées vers le Ciel... " Dieu... Î mon Dieu, sauvez-moi " , s'est-elle écriée; et sur-le-champ, plus prompte que l'éclair, elle était à genoux à dix pas de moi. Je l'entendais prÃÂȘte à suffoquer. Je me suis avancé pour la secourir; mais elle, prenant mes mains qu'elle baignait de pleurs, quelquefois mÃÂȘme embrassant mes genoux " Oui, ce sera vous, disait-elle, ce sera vous qui me sauverez! Vous ne voulez pas ma mort, laissez-moi; sauvez-moi; laissez-moi; au nom de Dieu, laissez-moi! " Et ces discours peu suivis s'échappaient à peine à travers des sanglots redoublés. Cependant elle me tenait avec une force qui ne m'aurait pas permis de m'éloigner; alors rassemblant les miennes, je l'ai soulevée dans mes bras. Au mÃÂȘme instant les pleurs ont cessé; elle ne parlait plus; tous ses membres se sont roidis, et de violentes convulsions ont succédé à cet orage. J'étais, je l'avoue, vivement ému, et je crois que j'aurais consenti à sa demande, quand les circonstances ne m'y auraient pas forcé. Ce qu'il y a de vrai, c'est qu'aprÚs lui avoir donné quelques secours, je l'ai laissée comme elle m'en priait, et que je m'en félicite. Déjà j'en ai presque reçu le prix. Je m'attendais qu'ainsi que le jour de ma premiÚre déclaration, elle ne se montrerait pas de la soirée. Mais vers les huit heures, elle est descendue au salon, et a seulement annoncé au cercle qu'elle s'était trouvée fort incommodée. Sa figure était abattue, sa voix faible, et son maintien composé; mais son regard était doux, et souvent il s'est fixé sur moi. Son refus de jouer m'ayant mÃÂȘme obligé de prendre sa place, elle a pris la sienne à mon cÎté. Pendant le souper, elle est restée seule dans le salon. Quand on y est revenu, j'ai cru m'apercevoir qu'elle avait pleuré pour m'en éclaircir, je lui ai dit qu'il me semblait qu'elle s'était encore ressentie de son incommodité; à quoi elle m'a obligeamment répondu " Ce mal-là ne s'en va pas si vite qu'il vient! " Enfin quand on s'est retiré, je lui ai donné la main; et à la porte de son appartement elle a serré la mienne avec force. Il est vrai que ce mouvement m'a paru avoir quelque chose d'involontaire mais tant mieux; c'est une preuve de plus de mon empire. Je parierais qu'à présent elle est enchantée d'en ÃÂȘtre là tous les frais sont faits; il ne reste plus qu'à jouir. Peut-ÃÂȘtre, pendant que je vous écris, s'occupe-t-elle déjà de cette douce idée! et quand mÃÂȘme elle s'occuperait, au contraire, d'un nouveau projet de défense, ne savons-nous pas bien ce que deviennent tous ces projets-là ? Je vous le demande, cela peut-il aller plus loin que notre prochaine entrevue? Je m'attends bien, par exemple, qu'il y aura quelques façons pour l'accorder, mais bon! le premier pas franchi, ces Prudes austÚres savent-elles s'arrÃÂȘter? leur amour est une véritable explosion; la résistance y donne plus de force. Ma farouche Dévote courrait aprÚs moi, si je cessais de courir aprÚs elle. Enfin, ma belle amie, incessamment j'arriverai chez vous, pour vous sommer de votre parole. Vous n'avez pas oublié sans doute ce que vous m'avez promis aprÚs le succÚs; cette infidélité à votre Chevalier? ÃÂȘtes-vous prÃÂȘte? pour moi je le désire comme si nous ne nous étions jamais connus. Au reste, vous connaÃtre est peut-ÃÂȘtre une raison pour le désirer davantage Je suis juste, et ne suis point galant [VOLTAIRE, Comédie de Nanine]. Aussi ce sera la premiÚre infidélité que je ferai à ma grave conquÃÂȘte; et je vous promets de profiter du premier prétexte pour m'absenter vingt-quatre heures d'auprÚs d'elle. Ce sera sa punition, de m'avoir tenu si longtemps éloigné de vous. Savez-vous que voilà plus de deux mois que cette aventure m'occupe? oui, deux mois et trois jours; il est vrai que je compte demain, puisqu'elle ne sera véritablement consommée qu'alors. Cela me rappelle que Mademoiselle de B*** a résisté les trois mois complets. Je suis bien aise de voir que la franche coquetterie a plus de défense que l'austÚre vertu. Adieu, ma belle amie; il faut vous quitter, car il est fort tard. Cette Lettre m'a mené plus loin que je ne comptais; mais comme j'envoie demain matin à Paris, j'ai voulu en profiter, pour vous faire partager un jour plus tÎt la joie de votre ami. Du Chùteau de ..., ce 2 octobre 17**, au soir. LETTRE C LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Mon amie, je suis joué, trahi, perdu; je suis au désespoir Madame de Tourvel est partie. Elle est partie, et je ne l'ai pas su! et je n'étais pas là pour m'opposer à son départ, pour lui reprocher son indigne trahison! Ah! ne croyez pas que je l'eusse laissée partir, elle serait restée; oui, elle serait restée, eussé-je dû employer la violence. Mais quoi! dans ma crédule sécurité, je dormais tranquillement; je dormais, et la foudre est tombée sur moi. Non, je ne conçois rien à ce départ il faut renoncer à connaÃtre les femmes. Quand je me rappelle la journée d'hier! que dis-je? la soirée mÃÂȘme! Ce regard si doux, cette voix si tendre! et cette main serrée! et pendant ce temps, elle projetait de me fuir! Ô femmes, femmes! Plaignez-vous donc, si l'on vous trompe! Mais oui, toute perfidie qu'on emploie est un vol qu'on vous fait. Quel plaisir j'aurai à me venger! je la retrouverai, cette femme perfide; je reprendrai mon empire sur elle. Si l'amour m'a suffi pour en trouver les moyens, que ne fera-t-il pas, aidé de la vengeance? Je la verrai encore à mes genoux, tremblante et baignée de pleurs, me criant merci de sa trompeuse voix; et moi, je serai sans pitié. Que fait-elle à présent? que pense-t-elle? Peut-ÃÂȘtre elle s'applaudit de m'avoir trompé; et fidÚle aux goûts de son sexe, ce plaisir lui paraÃt le plus doux. Ce que n'a pu la vertu tant vantée, l'esprit de ruse l'a produit sans effort. Insensé! je redoutais sa sagesse; c'était sa mauvaise foi que je devais craindre. Et ÃÂȘtre obligé de dévorer mon ressentiment! n'oser montrer qu'une tendre douleur, quand j'ai le cÅ“ur rempli de rage! me voir réduit à supplier encore une femme rebelle, qui s'est soustraite à mon empire! devais-je donc ÃÂȘtre humilié à ce point? et par qui? par une femme timide, et qui jamais ne s'est exercée à combattre. A quoi me sert de m'ÃÂȘtre établi dans son cÅ“ur, de l'avoir embrasé de tous les feux de l'amour, d'avoir porté jusqu'au délire le trouble de ses sens; si tranquille dans sa retraite, elle peut aujourd'hui s'enorgueillir de sa fuite plus que moi de mes victoires? Et je le souffrirais? mon amie, vous ne le croyez pas; vous n'avez pas de moi cette humiliante idée! Mais quelle fatalité m'attache à cette femme? cent autres ne désirent-elles pas mes soins? ne s'empresseront-elles pas d'y répondre? quand mÃÂȘme aucune ne vaudrait celle-ci, l'attrait de la variété, le charme des nouvelles conquÃÂȘtes, l'éclat de leur nombre, n'offrent-ils pas des plaisirs assez doux? Pourquoi courir aprÚs celui qui nous fuit, et négliger ceux qui se présentent? Ah! pourquoi?... Je l'ignore, mais je l'éprouve fortement. Il n'est plus pour moi de bonheur, de repos, que par la possession de cette femme que je hais et que j'aime avec une égale fureur. Je ne supporterai mon sort que du moment oÃÂč je disposerai du sien. Alors tranquille et satisfait, je la verrai, à son tour, livrée aux orages que j'éprouve en ce moment, j'en exciterai mille autres encore. L'espoir et la crainte, la méfiance et la sécurité, tous les maux inventés par la haine, tous les biens accordés par l'amour, je veux qu'ils remplissent son cÅ“ur, qu'ils s'y succÚdent à ma volonté. Ce temps viendra... Mais que de travaux encore! que j'en étais prÚs hier, et qu'aujourd'hui je m'en vois éloigné! Comment m'en rapprocher? je n'ose tenter aucune démarche; je sens que pour prendre un parti il faudrait ÃÂȘtre plus calme, et mon sang bout dans mes veines. Ce qui redouble mon tourment, c'est le sang-froid avec lequel chacun répond ici à mes questions sur cet événement, sur sa cause, sur tout ce qu'il offre d'extraordinaire. Personne ne sait rien, personne ne désire de rien savoir à peine en aurait-on parlé, si j'avais consenti qu'on parlùt d'autre chose. Madame de Rosemonde, chez qui j'ai couru ce matin quand j'ai appris cette nouvelle, m'a répondu avec le froid de son ùge que c'était la suite naturelle de l'indisposition que Madame de Tourvel avait eue hier; qu'elle avait craint une maladie, et qu'elle avait préféré d'ÃÂȘtre chez elle elle trouve cela tout simple, elle en aurait fait autant, m'a-t-elle dit, comme s'il pouvait y avoir quelque chose de commun entre elles deux! entre elle, qui n'a plus qu'à mourir; et l'autre, qui fait le charme et le tourment de ma vie! Madame de Volanges, que d'abord j'avais soupçonnée d'ÃÂȘtre complice, ne paraÃt affectée que de n'avoir pas été consultée sur cette démarche. Je suis bien aise, je l'avoue, qu'elle n'ait pas eu le plaisir de me nuire. Cela me prouve encore qu'elle n'a pas, autant que je le craignais, la confiance de cette femme; c'est toujours une ennemie de moins. Comme elle se féliciterait, si elle savait que c'est moi qu'on a fui! comme elle se serait gonflée d'orgueil, si c'eût été par ses conseils! comme son importance en aurait redoublé! Mon Dieu! que je la hais! Oh! je renouerai avec sa fille; je veux la travailler à ma fantaisie aussi bien, je crois que je resterai ici quelque temps; au moins, le peu de réflexions que j'ai pu faire me porte à ce parti. Ne croyez-vous pas, en effet, qu'aprÚs une démarche aussi marquée, mon ingrate doit redouter ma présence? Si donc l'idée lui est venue que je pourrais la suivre, elle n'aura pas manqué de me fermer sa porte; et je ne veux pas plus l'accoutumer à ce moyen, qu'en souffrir l'humiliation. J'aime mieux lui annoncer au contraire que je reste ici; je lui ferai mÃÂȘme des instances pour qu'elle y revienne; et quand elle sera bien persuadée de mon absence, j'arriverai chez elle nous verrons comment elle supportera cette entrevue. Mais il faut la différer pour en augmenter l'effet, et je ne sais encore si j'en aurai la patience j'ai eu, vingt fois dans la journée, la bouche ouverte pour demander mes chevaux. Cependant je prendrai sur moi; je m'engage à recevoir votre réponse ici; je vous demande seulement, ma belle amie, de ne pas me la faire attendre. Ce qui me contrarierait le plus serait de ne pas savoir ce qui se passe mais mon Chasseur, qui est à Paris, a des droits à quelque accÚs auprÚs de la Femme de chambre il pourra me servir. Je lui envoie une instruction et de l'argent. Je vous prie de trouver bon que je joigne l'un et l'autre à cette Lettre, et aussi d'avoir soin de les lui envoyer par un de vos gens, avec ordre de les lui remettre à lui-mÃÂȘme. Je prends cette précaution, parce que le drÎle a l'habitude de n'avoir jamais reçu les Lettres que je lui écris, quand elles lui prescrivent quelque chose qui le gÃÂȘne; et que, pour le moment, il ne me paraÃt pas aussi épris de sa conquÃÂȘte que je voudrais qu'il le fût. Adieu, ma belle amie; s'il vous vient quelque idée heureuse, quelque moyen de hùter ma marche, faites-m'en part. J'ai éprouvé plus d'une fois combien votre amitié pouvait ÃÂȘtre utile; je l'éprouve encore en ce moment; car je me sens plus calme depuis que je vous écris; au moins, je parle à quelqu'un qui m'entend, et non aux automates prÚs de qui je végÚte depuis ce matin. En vérité, plus je vais, et plus je suis tenté de croire qu'il n'y a que vous et moi dans le monde, qui valions quelque chose. Du Chùteau de ..., ce 3 octobre 17**. LETTRE CI LE VICOMTE DE VALMONT A AZOLAN, SON CHASSEUR. JOINTE A LA PRECEDENTE. Il faut que vous soyez bien imbécile, vous qui ÃÂȘtes parti d'ici ce matin, de n'avoir pas su que Madame de Tourvel en partait aussi; ou, si vous l'avez su, de n'ÃÂȘtre pas venu m'en avertir. A quoi sert-il donc que vous dépensiez mon argent à vous enivrer avec les Valets; que le temps que vous devriez employer à me servir, vous le passiez à faire l'agréable auprÚs des Femmes de chambre, si je n'en suis pas mieux informé de ce qui se passe? Voilà pourtant de vos négligences! Mais je vous préviens que s'il vous en arrive une seule dans cette affaire-ci, ce sera la derniÚre que vous aurez à mon service. Il faut que vous m'instruisiez de tout ce qui se passe chez Madame de Tourvel de sa santé, si elle dort; si elle est triste ou gaie; si elle sort souvent, et chez qui elle va; si elle reçoit du monde chez elle, et qui y vient; à quoi elle passe son temps, si elle a de l'humeur avec ses Femmes, particuliÚrement avec celle qu'elle avait amenée ici; ce qu'elle fait, quand elle est seule; si, quand elle lit, elle lit de suite, ou si elle interrompt sa lecture pour rÃÂȘver; de mÃÂȘme quand elle écrit. Songez aussi à vous rendre l'ami de celui qui porte ses Lettres à la Poste. Offrez-vous souvent à lui pour faire cette commission à sa place et quand il acceptera, ne faites partir que celles qui vous paraÃtront indifférentes, et envoyez-moi les autres, surtout celles à Madame de Volanges, si vous en rencontrez. Arrangez-vous pour ÃÂȘtre encore quelque temps l'amant heureux de votre Julie. Si elle en a un autre, comme vous l'avez cru, faites-la consentir à se partager; et n'allez pas vous piquer d'une ridicule délicatesse vous serez dans le cas de bien d'autres, qui valent mieux que vous. Si pourtant votre second se rendait trop importun; si vous vous aperceviez, par exemple, qu'il occupùt trop Julie pendant la journée, et qu'elle en fût moins souvent auprÚs de sa MaÃtresse, écartez-le par quelque moyen, ou cherchez-lui querelle n'en craignez pas les suites, je vous soutiendrai. Surtout ne quittez pas cette maison. C'est par l'assiduité qu'on voit tout, et qu'on voit bien. Si mÃÂȘme le hasard faisait renvoyer quelqu'un des Gens, présentez-vous pour le remplacer, comme n'étant plus à moi. Dites, dans ce cas, que vous m'avez quitté pour chercher une maison plus tranquille et plus réglée. Tùchez enfin de vous faire accepter. Je ne vous en garderai pas moins à mon service pendant ce temps; ce sera comme chez la Duchesse de ***; et par la suite, Madame de Tourvel vous en récompensera de mÃÂȘme. Si vous aviez assez d'adresse et de zÚle, cette instruction devrait suffire; mais pour suppléer à l'un et à l'autre, je vous envoie de l'argent. Le billet ci-joint vous autorise, comme vous verrez, à toucher vingt-cinq louis chez mon homme d'affaires; car je ne doute pas que vous ne soyez sans le sou. Vous emploierez de cette somme ce qui sera nécessaire pour décider Julie à établir une correspondance avec moi. Le reste servira à faire boire les Gens. Ayez soin, autant que cela se pourra, que ce soit chez le Suisse de la maison, afin qu'il aime à vous y voir venir. Mais n'oubliez pas que ce ne sont pas vos plaisirs que je veux payer, mais vos services. Accoutumez Julie à observer tout et à tout rapporter, mÃÂȘme ce qui lui paraÃtrait minutieux. Il vaut mieux qu'elle écrive dix phrases inutiles, que d'en omettre une intéressante; et souvent ce qui paraÃt indifférent ne l'est pas. Comme il faut que je puisse ÃÂȘtre instruit sur-le-champ, s'il arrivait quelque chose qui vous parût mériter attention, aussitÎt cette Lettre reçue, vous enverrez Philippe, sur le cheval de commission, s'établir à ... [Village à moitié chemin de Paris au chùteau de Madame de Rosemonde]; il y restera jusqu'à nouvel ordre; ce sera un relais en cas de besoin. Pour la correspondance courante, la Poste suffira. Prenez garde de perdre cette Lettre. Relisez-la tous les jours, tant pour vous assurer de ne rien oublier, que pour ÃÂȘtre sûr de l'avoir encore. Faites enfin tout ce qu'il faut faire, quand on est honoré de ma confiance. Vous savez que, si je suis content de vous, vous le serez de moi. Du Chùteau de ..., ce 3 octobre 17**. LETTRE CII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE ROSEMONDE Vous serez bien étonnée, Madame, en apprenant que je pars de chez vous aussi précipitamment. Cette démarche va vous paraÃtre bien extraordinaire mais que votre surprise va redoubler encore quand vous en saurez les raisons! Peut-ÃÂȘtre trouverez-vous qu'en vous les confiant, je ne respecte pas assez la tranquillité nécessaire à votre ùge; que je m'écarte mÃÂȘme des sentiments de vénération qui vous sont dus à tant de titres? Ah! Madame, pardon mais mon cÅ“ur est oppressé; il a besoin d'épancher sa douleur dans le sein d'une amie également douce et prudente quelle autre que vous pouvait-il choisir? Regardez-moi comme votre enfant. Ayez pour moi les bontés maternelles; je les implore. J'y ai peut-ÃÂȘtre quelques droits par mes sentiments pour vous. OÃÂč est le temps oÃÂč, tout entiÚre à ces sentiments louables, je ne connaissais point ceux qui, portant dans l'ùme le trouble mortel que j'éprouve, Îtent la force de les combattre en mÃÂȘme temps qu'ils en imposent le devoir? Ah! ce fatal voyage m'a perdue... Que vous dirai-je enfin? j'aime, oui, j'aime éperdument. Hélas! ce mot que j'écris pour la premiÚre fois, ce mot si souvent demandé sans ÃÂȘtre obtenu, je payerais de ma vie la douceur de pouvoir une fois seulement le faire entendre à celui qui l'inspire; et pourtant il faut le refuser sans cesse! Il va douter encore de mes sentiments; il croira avoir à s'en plaindre. Je suis bien malheureuse! Que ne lui est-il aussi facile de lire dans mon cÅ“ur que d'y régner? Oui, je souffrirais moins, s'il savait tout ce que je souffre; mais vous-mÃÂȘme, à qui je le dis, vous n'en aurez encore qu'une faible idée. Dans peu de moments, je vais le fuir et l'affliger. Tandis qu'il se croira encore prÚs de moi, je serai déjà loin de lui à l'heure oÃÂč j'avais coutume de le voir chaque jour, je serai dans des lieux oÃÂč il n'est jamais venu, oÃÂč je ne dois pas permettre qu'il vienne. Déjà tous mes préparatifs sont faits; tout est là , sous mes yeux; je ne puis les reposer sur rien qui ne m'annonce ce cruel départ. Tout est prÃÂȘt, excepté moi!... et plus mon cÅ“ur s'y refuse, plus il me prouve la nécessité de m'y soumettre. Je m'y soumettrai sans doute, il vaut mieux mourir que de vivre coupable. Déjà , je le sens, je ne le suis que trop; je n'ai sauvé que ma sagesse, la vertu s'est évanouie. Faut-il vous l'avouer, ce qui me reste encore, je le dois à sa générosité. Enivrée du plaisir de le voir, de l'entendre, de la douceur de le sentir auprÚs de moi, du bonheur plus grand de pouvoir faire le sien, j'étais sans puissance et sans force; à peine m'en restait-il pour combattre, je n'en avais plus pour résister; je frémissais de mon danger, sans pouvoir le fuir. Hé bien! il a vu ma peine, et il a eu pitié de moi. Comment ne le chérirais-je pas? Je lui dois bien plus que la vie. Ah! si en restant auprÚs de lui je n'avais à trembler que pour elle, ne croyez pas que jamais je consentisse à m'éloigner. Que m'est-elle sans lui, ne serais-je pas trop heureuse de la perdre? Condamnée à faire éternellement son malheur et le mien; à n'oser ni me plaindre, ni le consoler; à me défendre chaque jour contre lui, contre moi-mÃÂȘme; à mettre mes soins à causer sa peine, quand je voudrais les consacrer tous à son bonheur. Vivre ainsi n'est-ce pas mourir mille fois? Voilà pourtant quel va ÃÂȘtre mon sort. Je le supporterai cependant, j'en aurai le courage. Ô vous, que je choisis pour ma mÚre, recevez-en le serment! Recevez aussi celui que je fais de ne vous dérober aucune de mes actions; recevez-le, je vous en conjure; je vous le demande comme un secours dont j'ai besoin ainsi, engagée à vous dire tout, je m'accoutumerai à me croire toujours en votre présence. Votre vertu remplacera la mienne. Jamais, sans doute, je ne consentirai à rougir à vos yeux; et retenue par ce frein puissant, tandis que je chérirai en vous l'indulgente amie, confidente de ma faiblesse, j'y honorerai encore l'Ange tutélaire qui me sauvera de la honte. C'est bien en éprouver assez que d'avoir à faire cette demande. Fatal effet d'une présomptueuse confiance! pourquoi n'ai-je pas redouté plus tÎt ce penchant que j'ai senti naÃtre? Pourquoi me suis-je flattée de pouvoir à mon gré le maÃtriser ou le vaincre? Insensée! je connaissais bien peu l'amour! Ah! si je l'avais combattu avec plus de soin, peut-ÃÂȘtre eût-il pris moins d'empire! peut-ÃÂȘtre alors ce départ n'eût pas été nécessaire; ou mÃÂȘme, en me soumettant à ce parti douloureux, j'aurais pu ne pas rompre entiÚrement une liaison qu'il eût suffi de rendre moins fréquente! Mais tout perdre à la fois! et pour jamais! Ô mon amie!... Mais quoi! mÃÂȘme en vous écrivant, je m'égare encore dans des vÅ“ux criminels. Ah! partons, partons, et que du moins ces torts involontaires soient expiés par mes sacrifices. Adieu, ma respectable amie; aimez-moi comme votre fille, adoptez-moi pour telle; et soyez sûre que, malgré ma faiblesse, j'aimerais mieux mourir que de me rendre indigne de votre choix. De ..., ce 3 octobre 17**, à une heure du matin. LETTRE CIII MADAME DE ROSEMONDE A LA PRESIDENTE DE TOURVEL J'ai été, ma chÚre Belle, plus affligée de votre départ que surprise de sa cause; une longue expérience et l'intérÃÂȘt que vous inspirez avaient suffi pour m'éclairer sur l'état de votre cÅ“ur; et s'il faut tout dire, vous ne m'avez rien ou presque rien appris par votre Lettre. Si je n'avais été instruite que par elle, j'ignorerais encore quel est celui que vous aimez; car en me parlant de lui tout le temps, vous n'avez pas écrit son nom une seule fois. Je n'en avais pas besoin; je sais bien qui c'est. Mais je le remarque, parce que je me suis rappelé que c'est toujours là le style de l'amour. Je vois qu'il en est encore comme au temps passé. Je ne croyais guÚre ÃÂȘtre jamais dans le cas de revenir sur des souvenirs si éloignés de moi, et si étrangers à mon ùge. Pourtant, depuis hier, je m'en suis vraiment beaucoup occupée, par le désir que j'avais d'y trouver quelque chose qui pût vous ÃÂȘtre utile. Mais que puis-je faire, que vous admirer et vous plaindre? Je loue le parti sage que vous avez pris mais il m'effraie, parce que j'en conclus que vous l'avez jugé nécessaire; et quand on en est là , il est bien difficile de se tenir toujours éloignée de celui dont notre cÅ“ur nous rapproche sans cesse. Cependant ne vous découragez pas. Rien ne doit ÃÂȘtre impossible à votre belle ùme; et quand vous devriez un jour avoir le malheur de succomber ce qu'à Dieu ne plaise!, croyez-moi, ma chÚre Belle, réservez-vous au moins la consolation d'avoir combattu de toute votre puissance. Et puis, ce que ne peut la sagesse humaine, la grùce divine l'opÚre quand il lui plaÃt. Peut-ÃÂȘtre ÃÂȘtes- vous à la veille de ses secours; et votre vertu, éprouvée dans ces combats terribles, en sortira plus pure, et plus brillante. La force que vous n'avez pas aujourd'hui, espérez que vous la recevrez demain. N'y comptez pas pour vous en reposer sur elle, mais pour vous encourager à user de toutes les vÎtres. En laissant à la Providence le soin de vous secourir dans un danger contre lequel je ne peux rien, je me réserve de vous soutenir et vous consoler autant qu'il sera en moi. Je ne soulagerai pas vos peines, mais je les partagerai. C'est à ce titre que je recevrai volontiers vos confidences. Je sens que votre cÅ“ur doit avoir besoin de s'épancher. Je vous ouvre le mien; l'ùge ne l'a pas encore refroidi au point d'ÃÂȘtre insensible à l'amitié. Vous le trouverez toujours prÃÂȘt à vous recevoir. Ce sera un faible soulagement à vos douleurs, mais au moins vous ne pleurerez pas seule et quand ce malheureux amour, prenant trop d'empire sur vous, vous forcera d'en parler, il vaut mieux que ce soit avec moi qu'avec lui . Voilà que je parle comme vous; et je crois qu'à nous deux nous ne parviendrons pas à le nommer; au reste, nous nous entendons. Je ne sais si je fais bien de vous dire qu'il m'a paru vivement affecté de votre départ; il serait peut-ÃÂȘtre plus sage de ne vous en pas parler mais je n'aime pas cette sagesse qui afflige ses amis. Je suis pourtant forcée de n'en pas parler plus longtemps. Ma vue débile et ma main tremblante ne me permettent pas de longues Lettres, quand il faut les écrire moi-mÃÂȘme. Adieu donc, ma chÚre Belle; adieu, mon aimable enfant; oui, je vous adopte volontiers pour ma fille, et vous avez bien tout ce qu'il faut pour faire l'orgueil et le plaisir d'une mÚre. Du Chùteau de ..., ce 3 octobre 17**. LETTRE CIV LA MARQUISE DE MERTEUIL A MADAME DE VOLANGES En vérité, ma chÚre et bonne amie, j'ai eu peine à me défendre d'un mouvement d'orgueil, en lisant votre Lettre. Quoi! vous m'honorez de votre entiÚre confiance! vous allez mÃÂȘme jusqu'à me demander des conseils! Ah! je suis bien heureuse, si je mérite cette opinion favorable de votre part si je ne la dois pas seulement à la prévention de l'amitié. Au reste, quel qu'en soit le motif, elle n'en est pas moins précieuse à mon cÅ“ur; et l'avoir obtenue n'est à mes yeux qu'une raison de plus pour travailler davantage à la mériter. Je vais donc mais sans prétendre vous donner un avis vous dire librement ma façon de penser. Je m'en méfie, parce qu'elle diffÚre de la vÎtre; mais quand je vous aurai exposé mes raisons, vous les jugerez; et si vous les condamnez, je souscris d'avance à votre jugement. J'aurai au moins cette sagesse de ne pas me croire plus sage que vous. Si pourtant, et pour cette seule fois, mon avis se trouvait préférable, il faudrait en chercher la cause dans les illusions de l'amour maternel. Puisque ce sentiment est louable, il doit se trouver en vous. Qu'il se reconnaÃt bien en effet dans le parti que vous ÃÂȘtes tentée de prendre! c'est ainsi que, s'il vous arrive d'errer quelquefois, ce n'est jamais que dans le choix des vertus. La prudence est, à ce qu'il me semble, celle qu'il faut préférer, quand on dispose du sort des autres, et surtout quand il s'agit de le fixer par un lien indissoluble et sacré, tel que celui du mariage. C'est alors qu'une mÚre, également sage et tendre, doit comme vous le dites si bien, aider sa fille de son expérience . Or, je vous le demande, qu'a-t-elle à faire pour y parvenir? sinon de distinguer pour elle, entre ce qui plaÃt et ce qui convient. Ne serait-ce donc pas avilir l'autorité maternelle, ne serait-ce pas l'anéantir, que de la subordonner à un goût frivole dont la puissance illusoire ne se fait sentir qu'à ceux qui la redoutent, et disparaÃt sitÎt qu'on la méprise? Pour moi, je l'avoue, je n'ai jamais cru à ces passions entraÃnantes et irrésistibles, dont il semble qu'on soit convenu de faire l'excuse générale de nos dérÚglements. Je ne conçois point comment un goût, qu'un moment voit naÃtre et qu'un autre voit mourir, peut avoir plus de force que les principes inaltérables de pudeur, d'honnÃÂȘteté et de modestie; et je n'entends pas plus qu'une femme qui les trahit puisse ÃÂȘtre justifiée par sa passion prétendue, qu'un voleur ne le serait par la passion de l'argent, ou un assassin par celle de la vengeance. Eh! qui peut dire n'avoir jamais eu à combattre? Mais j'ai toujours cherché à me persuader que, pour résister, il suffisait de le vouloir, et jusqu'alors au moins, mon expérience a confirmé mon opinion. Que serait la vertu, sans les devoirs qu'elle impose? son culte est dans nos sacrifices, sa récompense dans nos cÅ“urs. Ces vérités ne peuvent ÃÂȘtre niées que par ceux qui ont intérÃÂȘt de les méconnaÃtre; et qui, déjà dépravés, espÚrent faire un moment illusion, en essayant de justifier leur mauvaise conduite par de mauvaises raisons. Mais pourrait-on le craindre d'un enfant simple et timide; d'un enfant né de vous, et dont l'éducation modeste et pure n'a pu que fortifier l'heureux naturel? C'est pourtant à cette crainte, que j'ose dire humiliante pour votre fille, que vous voulez sacrifier le mariage avantageux que votre prudence avait ménagé pour elle! J'aime beaucoup Danceny; et depuis longtemps, comme vous savez, je vois peu M. de Gercourt; mais mon amitié pour l'un, mon indifférence pour l'autre, ne m'empÃÂȘchent point de sentir l'énorme différence qui se trouve entre ces deux partis. Leur naissance est égale, j'en conviens; mais l'un est sans fortune, et celle de l'autre est telle que, mÃÂȘme sans naissance, elle aurait suffi pour le mener à tout. J'avoue bien que l'argent ne fait pas le bonheur; mais il faut avouer aussi qu'il le facilite beaucoup. Mademoiselle de Volanges est, comme vous le dites, assez riche pour deux cependant, soixante mille livres de rente dont elle va jouir ne sont pas déjà tant quand on porte le nom de Danceny, quand il faut monter et soutenir une maison qui y réponde. Nous ne sommes plus au temps de Madame de Sévigné. Le luxe absorbe tout on le blùme, mais il faut l'imiter, et le superflu finit par priver du nécessaire. Quant aux qualités personnelles que vous comptez pour beaucoup, et avec beaucoup de raison, assurément M. de Gercourt est sans reproche de ce cÎté; et à lui, ses preuves sont faites. J'aime à croire, et je crois qu'en effet Danceny ne lui cÚde en rien; mais en sommes-nous aussi sûres? Il est vrai qu'il a paru jusqu'ici exempt des défauts de son ùge, et que malgré le ton du jour il montre un goût pour la bonne compagnie qui fait augurer favorablement de lui mais qui sait si cette sagesse apparente, il ne la doit pas à la médiocrité de sa fortune? Pour peu qu'on craigne d'ÃÂȘtre fripon ou crapuleux, il faut de l'argent pour ÃÂȘtre joueur et libertin, et l'on peut encore aimer les défauts dont on redoute les excÚs. Enfin il ne serait pas le milliÚme qui aurait vu la bonne compagnie uniquement faute de pouvoir mieux faire. Je ne dis pas à Dieu ne plaise! que je croie tout cela de lui mais ce serait toujours un risque à courir; et quels reproches n'auriez-vous pas à vous faire, si l'événement n'était pas heureux! Que répondriez-vous à votre fille, qui vous dirait " Ma mÚre, j'étais jeune et sans expérience; j'étais mÃÂȘme séduite par une erreur pardonnable à mon ùge mais le Ciel, qui avait prévu ma faiblesse, m'avait accordé une mÚre sage, pour y remédier et m'en garantir. Pourquoi donc, oubliant votre prudence, avez-vous consenti à mon malheur? était-ce à moi à me choisir un époux, quand je ne connaissais rien de l'état du mariage? Quand je l'aurais voulu, n'était-ce pas à vous à vous y opposer? Mais je n'ai jamais eu cette folle volonté. Décidée à vous obéir, j'ai attendu votre choix avec une respectueuse résignation; jamais je ne me suis écartée de la soumission que je vous devais, et cependant je porte aujourd'hui la peine qui n'est due qu'aux enfants rebelles. Ah! votre faiblesse m'a perdue ... " Peut-ÃÂȘtre son respect étoufferait-il ces plaintes; mais l'amour maternel les devinerait et les larmes de votre fille, pour ÃÂȘtre dérobées, n'en couleraient pas moins sur votre cÅ“ur. OÃÂč chercherez-vous alors vos consolations? Sera-ce dans ce fol amour, contre lequel vous auriez dû l'armer, et par qui au contraire vous vous serez laissé séduire? J'ignore, ma chÚre amie, si j'ai contre cette passion une prévention trop forte; mais je la crois redoutable, mÃÂȘme dans le mariage. Ce n'est pas que je désapprouve qu'un sentiment honnÃÂȘte et doux vienne embellir le lien conjugal, et adoucir en quelque sorte les devoirs qu'il impose; mais ce n'est pas à lui qu'il appartient de le former; ce n'est pas à l'illusion d'un moment à régler le choix de notre vie. En effet, pour choisir, il faut comparer; et comment le pouvoir, quand un seul objet nous occupe; quand celui-là mÃÂȘme on ne peut le connaÃtre, plongé que l'on est dans l'ivresse et l'aveuglement? J'ai rencontré, comme vous pouvez croire, plusieurs femmes atteintes de ce mal dangereux; j'ai reçu les confidences de quelques-unes. A les entendre, il n'en est point dont l'Amant ne soit un ÃÂȘtre parfait mais ces perfections chimériques n'existent que dans leur imagination. Leur tÃÂȘte exaltée ne rÃÂȘve qu'agréments et vertus; elles en parent à plaisir celui qu'elles préfÚrent c'est la draperie d'un Dieu, portée souvent par un modÚle abject mais quel qu'il soit, à peine l'en ont-elles revÃÂȘtu, que, dupes de leur propre ouvrage, elles se prosternent pour l'adorer. Ou votre fille n'aime pas Danceny, ou elle éprouve cette mÃÂȘme illusion; elle est commune à tous deux, si leur amour est réciproque. Ainsi votre raison pour les unir à jamais se réduit à la certitude qu'ils ne se connaissent pas, qu'ils ne peuvent se connaÃtre. Mais me direz-vous, M. de Gercourt et ma fille se connaissent-ils davantage? Non, sans doute; mais au moins ne s'abusent-ils pas, ils s'ignorent seulement. Qu'arrive-t-il dans ce cas entre deux époux que je suppose honnÃÂȘtes? c'est que chacun d'eux étudie l'autre, s'observe vis-à -vis de lui, cherche et reconnaÃt bientÎt ce qu'il faut qu'il cÚde de ses goûts et de ses volontés, pour la tranquillité commune. Ces légers sacrifices se font sans peine, parce qu'ils sont réciproques et qu'on les a prévus bientÎt ils font naÃtre une bienveillance mutuelle; et l'habitude, qui fortifie tous les penchants qu'elle ne détruit pas, amÚne peu à peu cette douce amitié, cette tendre confiance, qui, jointes à l'estime, forment, ce me semble, le véritable, le solide bonheur des mariages. Les illusions de l'amour peuvent ÃÂȘtre plus douces; mais qui ne sait aussi qu'elles sont moins durables? et quels dangers n'amÚne pas le moment qui les détruit! C'est alors que les moindres défauts paraissent choquants et insupportables, par le contraste qu'ils forment avec l'idée de perfection qui nous avait séduits. Chacun des deux époux croit cependant que l'autre seul a changé, et que lui vaut toujours ce qu'un moment d'erreur l'avait fait apprécier. Le charme qu'il n'éprouve plus, il s'étonne de ne le plus faire naÃtre; il en est humilié la vanité blessée aigrit les esprits, augmente les torts, produit l'humeur, enfante la haine; et de frivoles plaisirs sont payés enfin par de longues infortunes. Voilà , ma chÚre amie, ma façon de penser sur l'objet qui nous occupe; je ne la défends pas, je l'expose seulement; c'est à vous à décider. Mais si vous persistez dans votre avis, je vous demande de me faire connaÃtre les raisons qui auront combattu les miennes je serai bien aise de m'éclairer auprÚs de vous, et surtout d'ÃÂȘtre rassurée sur le sort de votre aimable enfant, dont je désire bien ardemment le bonheur, et par mon amitié pour elle, et par celle qui m'unit à vous pour la vie. Paris, ce 4 octobre 17**. LETTRE CV LA MARQUISE DE MERTEUIL A CECILE VOLANGES Hé bien! Petite, vous voilà donc bien fùchée, bien honteuse, et ce M. de Valmont est un méchant homme, n'est-ce pas? Comment! il ose vous traiter comme la femme qu'il aimerait le mieux! Il vous apprend ce que vous mouriez d'envie de savoir! En vérité, ces procédés-là sont impardonnables. Et vous, de votre cÎté, vous voulez garder votre sagesse pour votre Amant qui n'en abuse pas; vous ne chérissez de l'amour que les peines, et non les plaisirs! Rien de mieux, et vous figurerez à merveille dans un Roman. De la passion, de l'infortune, de la vertu par-dessus tout, que de belles choses! Au milieu de ce brillant cortÚge, on s'ennuie quelquefois à la vérité, mais on le rend bien. Voyez donc, la pauvre enfant, comme elle est à plaindre! Elle avait les yeux battus le lendemain! Et que diriez-vous donc, quand ce seront ceux de votre Amant? Allez, mon bel Ange, vous ne les aurez pas toujours ainsi; tous les hommes ne sont pas des Valmont. Et puis, ne plus oser lever ces yeux-là ! Oh! par exemple, vous avez eu bien raison; tout le monde y aurait lu votre aventure. Croyez-moi cependant, s'il en était ainsi, nos Femmes et mÃÂȘme nos Demoiselles auraient le regard plus modeste. Malgré les louanges que je suis forcée de vous donner, comme vous voyez, il faut convenir pourtant que vous avez manqué votre chef-d'Å“uvre; c'était de tout dire à votre Maman. Vous aviez si bien commencé! déjà vous vous étiez jetée dans ses bras, vous sanglotiez, elle pleurait aussi; quelle scÚne pathétique! et quel dommage de ne l'avoir pas achevée! Votre tendre mÚre, toute ravie d'aise, et pour aider à votre vertu, vous aurait cloÃtrée, pour toute votre vie; et là vous auriez aimé Danceny tant que vous auriez voulu, sans rivaux et sans péché; vous vous seriez désolée tout à votre aise; et Valmont, à coup sûr, n'aurait pas été troubler votre douleur par de contrariants plaisirs. Sérieusement peut-on, à quinze ans passés, ÃÂȘtre enfant comme vous l'ÃÂȘtes? Vous avez bien raison de dire que vous ne méritez pas mes bontés. Je voulais pourtant ÃÂȘtre votre amie vous en avez besoin peut-ÃÂȘtre avec la mÚre que vous avez, et le mari qu'elle veut vous donner! Mais si vous ne vous formez pas davantage, que voulez-vous qu'on fasse de vous? Que peut-on espérer, si ce qui fait venir l'esprit aux filles semble au contraire vous l'Îter? Si vous pouviez prendre sur vous de raisonner un moment, vous trouveriez bientÎt que vous devez vous féliciter au lieu de vous plaindre. Mais vous ÃÂȘtes honteuse, et cela vous gÃÂȘne! Hé! tranquillisez-vous; la honte que cause l'amour est comme sa douleur on ne l'éprouve qu'une fois. On peut encore la feindre aprÚs; mais on ne la sent plus. Cependant le plaisir reste, et c'est bien quelque chose. Je crois mÃÂȘme avoir démÃÂȘlé, à travers votre petit bavardage, que vous pourriez le compter pour beaucoup. Allons, un peu de bonne foi. Là , ce trouble qui vous empÃÂȘchait de faire comme vous disiez , qui vous faisait trouver si difficile de se défendre , qui vous rendait comme fùchée , quand Valmont s'en est allé, était-ce bien la honte qui le causait? ou si c'était le plaisir? et ses façons de dire auxquelles on ne sait comment répondre , cela ne viendrait-il pas de ses façons de faire? Ah! petite fille, vous mentez, et vous mentez à votre amie! Cela n'est pas bien. Mais brisons là . Ce qui pour tout le monde serait un plaisir, et pourrait n'ÃÂȘtre que cela, devient dans votre situation un véritable bonheur. En effet, placée entre une mÚre dont il vous importe d'ÃÂȘtre aimée, et un Amant dont vous désirez de l'ÃÂȘtre toujours, comment ne voyez-vous pas que le seul moyen d'obtenir ces succÚs opposés est de vous occuper d'un tiers? Distraite par cette nouvelle aventure, tandis que vis-à -vis de votre Maman vous aurez l'air de sacrifier à votre soumission pour elle un goût qui lui déplaÃt, vous acquerrez vis-à -vis de votre Amant l'honneur d'une belle défense. En l'assurant sans cesse de votre amour, vous ne lui en accorderez pas les derniÚres preuves. Ces refus, si peu pénibles dans le cas oÃÂč vous serez, il ne manquera pas de les mettre sur le compte de votre vertu; il s'en plaindra peut-ÃÂȘtre, mais il vous en aimera davantage, et pour avoir le double mérite, aux yeux de l'un de sacrifier l'amour, à ceux de l'autre, d'y résister, il ne vous en coûtera que d'en goûter les plaisirs. Oh! combien de femmes ont perdu leur réputation, qui l'eussent conservée avec soin, si elles avaient pu la soutenir par de pareils moyens! Ce parti que je vous propose, ne vous paraÃt-il pas le plus raisonnable, comme le plus doux? Savez-vous ce que vous avez gagné à celui que vous avez pris? c'est que votre Maman a attribué votre redoublement de tristesse à un redoublement d'amour, qu'elle en est outrée, et que pour vous en punir elle n'attend que d'en ÃÂȘtre plus sûre. Elle vient de m'en écrire; elle tentera tout pour obtenir cet aveu de vous-mÃÂȘme. Elle ira, peut-ÃÂȘtre, me dit-elle, jusqu'à vous proposer Danceny pour époux; et cela pour vous engager à parler. Et si, vous laissant séduire par cette trompeuse tendresse, vous répondiez, selon votre cÅ“ur, bientÎt renfermée pour longtemps, peut-ÃÂȘtre pour toujours, vous pleureriez à loisir votre aveugle crédulité. Cette ruse qu'elle veut employer contre vous, il faut la combattre par une autre. Commencez donc, en lui montrant moins de tristesse, à lui faire croire que vous songez moins à Danceny. Elle se le persuadera d'autant plus facilement, que c'est l'effet ordinaire de l'absence; et elle vous en saura d'autant plus de gré, qu'elle y trouvera une occasion de s'applaudir de sa prudence, qui lui a suggéré ce moyen. Mais si, conservant quelque doute, elle persistait pourtant à vous éprouver, et qu'elle vÃnt à vous parler de mariage, renfermez-vous, en fille bien née, dans une parfaite soumission. Au fait, qu'y risquez-vous? Pour ce qu'on fait d'un mari, l'un vaut toujours bien l'autre; et le plus incommode est encore moins gÃÂȘnant qu'une mÚre. Une fois plus contente de vous, votre Maman vous mariera enfin; et alors, plus libre dans vos démarches, vous pourrez, à votre choix, quitter Valmont pour prendre Danceny, ou mÃÂȘme les garder tous deux. Car, prenez-y garde, votre Danceny est gentil mais c'est un de ces hommes qu'on a quand on veut et tant qu'on veut; on peut donc se mettre à l'aise avec lui. Il n'en est pas de mÃÂȘme de Valmont on le garde difficilement; et il est dangereux de le quitter. Il faut avec lui beaucoup d'adresse, ou, quand on n'en a pas, beaucoup de docilité. Mais, aussi, si vous pouviez parvenir à vous l'attacher comme ami, ce serait là un bonheur! il vous mettrait tout de suite au premier rang de nos femmes à la mode. C'est comme cela qu'on acquiert une consistance dans le monde, et non pas à rougir et à pleurer, comme quand vos Religieuses vous faisaient dÃner à genoux. Vous tùcherez donc, si vous ÃÂȘtes sage, de vous raccommoder avec Valmont, qui doit ÃÂȘtre trÚs en colÚre contre vous; et comme il faut savoir réparer ses sottises, ne craignez pas de lui faire quelques avances; aussi bien apprendrez- vous bientÎt, que si les hommes nous font les premiÚres, nous sommes presque toujours obligées de faire les secondes. Vous avez un prétexte pour celles-ci car il ne faut pas que vous gardiez cette Lettre; et j'exige de vous de la remettre à Valmont aussitÎt que vous l'aurez lue. N'oubliez pas pourtant de la recacheter auparavant. D'abord, c'est qu'il faut vous laisser le mérite de la démarche que vous ferez vis-à -vis de lui, et qu'elle n'ait pas l'air de vous avoir été conseillée; et puis, c'est qu'il n'y a que vous au monde dont je sois assez l'amie pour vous parler comme je fais. Adieu, bel Ange, suivez mes conseils, et vous me manderez si vous vous en trouvez bien. A propos, j'oubliais... un mot encore. Voyez donc à soigner davantage votre style. Vous écrivez toujours comme un enfant. Je vois bien d'oÃÂč cela vient; c'est que vous dites tout ce que vous pensez, et rien de ce que vous ne pensez pas. Cela peut passer ainsi de vous à moi, qui devons n'avoir rien de caché l'une pour l'autre mais avec tout le monde! avec votre Amant surtout! vous auriez toujours l'air d'une petite sotte. Vous voyez bien que, quand vous écrivez à quelqu'un, c'est pour lui et non pas pour vous vous devez donc moins chercher à lui dire ce que vous pensez, que ce qui lui plaÃt davantage. Adieu, mon cÅ“ur je vous embrasse au lieu de vous gronder dans l'espérance que vous serez plus raisonnable. Paris, ce 4 octobre 17**. LETTRE CVI LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT A merveille, Vicomte, et pour le coup, je vous aime à la fureur! Au reste, aprÚs la premiÚre de vos deux Lettres, on pouvait s'attendre à la seconde aussi ne m'a-t-elle point étonnée; et tandis que déjà fier de vos succÚs à venir, vous en sollicitiez la récompense, et que vous me demandiez si j'étais prÃÂȘte, je voyais bien que je n'avais pas tant besoin de me presser. Oui, d'honneur, en lisant le beau récit de cette scÚne tendre, et qui vous avait si vivement ému ; en voyant votre retenue, digne des plus beaux temps de notre Chevalerie, j'ai dit vingt fois " Voilà une affaire manquée! " Mais c'est que cela ne pouvait pas ÃÂȘtre autrement. Que voulez-vous que fasse une pauvre femme qui se rend et qu'on ne prend pas? Ma foi, dans ce cas-là , il faut au moins sauver l'honneur; et c'est ce qu'a fait votre Présidente. Je sais bien que pour moi, qui ai senti que la marche qu'elle a prise n'est vraiment pas sans quelque effet, je me propose d'en faire usage, pour mon compte, à la premiÚre occasion un peu sérieuse qui se présentera mais je promets bien que si celui pour qui j'en ferai les frais n'en profite pas mieux que vous, il peut assurément renoncer à moi pour toujours. Vous voilà donc absolument réduit à rien et cela entre deux femmes, dont l'une était déjà au lendemain, et l'autre ne demandait pas mieux que d'y ÃÂȘtre! Hé bien! vous allez croire que je me vante, et dire qu'il est facile de prophétiser aprÚs l'événement; mais je peux vous jurer que je m'y attendais. C'est que réellement vous n'avez pas le génie de votre état; vous n'en savez que ce que vous en avez appris, et vous n'inventez rien. Aussi, dÚs que les circonstances ne se prÃÂȘtent plus à vos formules d'usage, et qu'il vous faut sortir de la route ordinaire, vous restez court comme un Ecolier. Enfin, un enfantillage, d'une part; de l'autre, un retour de pruderie, parce qu'on ne les éprouve pas tous les jours suffisent pour vous déconcerter et vous ne savez ni les prévenir, ni y remédier. Ah! Vicomte! Vicomte! vous m'apprenez à ne pas juger les hommes par leurs succÚs; et bientÎt, il faudra dire de vous; " Il fut brave un tel jour. " Et quand vous avez fait sottises sur sottises, vous recourez à moi! Il semble que je n'aie rien autre chose à faire que de les réparer. Il est vrai que ce serait bien assez d'ouvrage. Quoi qu'il en soit, de ces deux aventures, l'une est entreprise contre mon gré, et je ne m'en mÃÂȘle point; pour l'autre, comme vous y avez mis quelque complaisance pour moi, j'en fais mon affaire. La Lettre que je joins ici, que vous lirez d'abord, et que vous remettrez ensuite à la petite Volanges, est plus que suffisante pour vous la ramener mais, je vous en prie, donnez quelques soins à cet enfant, et faisons-en, de concert, le désespoir de sa mÚre et de Gercourt. Il n'y a pas à craindre de forcer les doses. Je vois clairement que la petite personne n'en sera point effrayée; et nos vues sur elle une fois remplies, elle deviendra ce qu'elle pourra. Je me désintéresse entiÚrement sur son compte. J'avais eu quelque envie d'en faire au moins une intrigante subalterne, et de la prendre pour jouer les seconds sous moi mais je vois qu'il n'y a pas d'étoffe; elle a une sotte ingénuité qui n'a pas cédé mÃÂȘme au spécifique que vous avez employé, lequel pourtant n'en manque guÚre; et c'est selon moi la maladie la plus dangereuse que femme puisse avoir. Elle dénote, surtout, une faiblesse de caractÚre presque toujours incurable et qui s'oppose à tout; de sorte que, tandis que nous nous occuperions à former cette petite fille pour l'intrigue, nous n'en ferions qu'une femme facile. Or, je ne connais rien de si plat que cette facilité de bÃÂȘtise, qui se rend sans savoir ni comment ni pourquoi, uniquement parce qu'on l'attaque et qu'elle ne sait pas résister. Ces sortes de femmes ne sont absolument que des machines à plaisir. Vous me direz qu'il n'y a qu'à n'en faire que cela, et que c'est assez pour nos projets. A la bonne heure! mais n'oublions pas que de ces machines-là , tout le monde parvient bientÎt à en connaÃtre les ressorts et les moteurs; ainsi, que pour se servir de celle-ci sans danger, il faut se dépÃÂȘcher, s'arrÃÂȘter de bonne heure, et la briser ensuite. A la vérité, les moyens ne nous manqueront pas pour nous en défaire, et Gercourt la fera toujours bien enfermer quand nous voudrons. Au fait, quand il ne pourra plus douter de sa déconvenue, quand elle sera bien publique et bien notoire, que nous importe qu'il se venge, pourvu qu'il ne se console pas? Ce que je dis du mari, vous le pensez sans doute de la mÚre; ainsi cela vaut fait. Ce parti que je crois le meilleur, et auquel je me suis arrÃÂȘtée, m'a décidée à mener la jeune personne un peu vite, comme vous verrez par ma Lettre; cela rend aussi trÚs important de ne rien laisser entre ses mains qui puisse nous compromettre, et je vous prie d'y avoir attention. Cette précaution une fois prise, je me charge du moral, le reste vous regarde. Si pourtant nous voyons par la suite que l'ingénuité se corrige, nous serons toujours à temps de changer de projet. Il n'en aurait pas moins fallu, un jour ou l'autre, nous occuper de ce que nous allons faire dans aucun cas, nos soins ne seront perdus. Savez-vous que les miens ont risqué de l'ÃÂȘtre, et que l'étoile de Gercourt a pensé l'emporter sur ma prudence? Madame de Volanges n'a-t-elle pas eu un moment de faiblesse maternelle? ne voulait-elle pas donner sa fille à Danceny? C'était là ce qu'annonçait cet intérÃÂȘt plus tendre, que vous aviez remarqué le lendemain . C'est encore vous qui auriez été cause de ce beau chef-d'Å“uvre! Heureusement la tendre mÚre m'en a écrit, et j'espÚre que ma réponse l'en dégoûtera. J'y parle tant de vertu, et surtout je la cajole tant, qu'elle doit trouver que j'ai raison. Je suis fùchée de n'avoir pas eu le temps de prendre copie de ma Lettre, pour vous édifier sur l'austérité de ma morale. Vous verriez comme je méprise les femmes assez dépravées pour avoir un Amant! Il est si commode d'ÃÂȘtre rigoriste dans ses discours! cela ne nuit jamais qu'aux autres, et ne nous gÃÂȘne aucunement... Et puis je n'ignore pas que la bonne Dame a eu ses petites faiblesses comme une autre, dans son jeune temps, et je n'étais pas fùchée de l'humilier au moins dans sa conscience; cela me consolait un peu des louanges que je lui donnais contre la mienne. C'est ainsi que dans la mÃÂȘme Lettre, l'idée de nuire à Gercourt m'a donné le courage d'en dire du bien. Adieu, Vicomte; j'approuve beaucoup le parti que vous prenez de rester quelque temps oÃÂč vous ÃÂȘtes. Je n'ai point de moyens pour hùter votre marche; mais je vous invite à vous désennuyer avec notre commune Pupille. Pour ce qui est de moi, malgré votre citation polie, vous voyez bien qu'il faut encore attendre; et vous conviendrez, sans doute, que ce n'est pas ma faute. Paris, ce 4 octobre 17**. LETTRE CVII AZOLAN AU VICOMTE DE VALMONT Monsieur, Conformément à vos ordres, j'ai été, aussitÎt la réception de votre Lettre, chez M. Bertrand, qui m'a remis les vingt-cinq louis, comme vous lui aviez ordonné. Je lui en avais demandé deux de plus pour Philippe, à qui j'avais dit de partir sur-le-champ, comme Monsieur me l'avait mandé, et qui n'avait pas d'argent; mais Monsieur votre homme d'affaires n'a pas voulu, en disant qu'il n'avait pas d'ordre de ça de vous. J'ai donc été obligé de les donner de moi et Monsieur m'en tiendra compte, si c'est sa bonté. Philippe est parti hier au soir. Je lui ai bien recommandé de ne pas quitter le cabaret, afin qu'on puisse ÃÂȘtre sûr de le trouver si on en a besoin. J'ai été tout de suite aprÚs chez Madame la Présidente pour voir Mademoiselle Julie mais elle était sortie, et je n'ai parlé qu'à La Fleur, de qui je n'ai pu rien savoir, parce que depuis son arrivée il n'avait été à l'hÎtel qu'à l'heure des repas. C'est le second qui a fait tout le service, et Monsieur sait bien que je ne connaissais pas celui-là . Mais j'ai commencé aujourd'hui. Je suis retourné ce matin chez Mademoiselle Julie, et elle a paru bien aise de me voir. Je l'ai interrogée sur la cause du retour de sa MaÃtresse; mais elle m'a dit n'en rien savoir, et je crois qu'elle a dit vrai. Je lui ai reproché de ne pas m'avoir averti de son départ, et elle m'a assuré qu'elle ne l'avait su que le soir mÃÂȘme en allant coucher Madame si bien qu'elle a passé toute la nuit à ranger, et que la pauvre fille n'a pas dormi deux heures. Elle n'est sortie ce soir-là de la chambre de sa MaÃtresse qu'à une heure passée, et elle l'a laissée qui se mettait seulement à écrire. Le matin, Madame de Tourvel, en partant, a remis une Lettre au Concierge du Chùteau. Mademoiselle Julie ne sait pas pour qui elle dit que c'était peut-ÃÂȘtre pour Monsieur; mais Monsieur ne m'en parle pas. Pendant tout le voyage, Madame a eu un grand capuchon sur sa figure, ce qui faisait qu'on ne pouvait la voir; mais Mademoiselle Julie croit ÃÂȘtre sûre qu'elle a pleuré souvent. Elle n'a pas dit une parole pendant la route, et elle n'a pas voulu s'arrÃÂȘter à ... [Toujours le mÃÂȘme village, à moitié chemin de la route], comme elle avait fait en allant, ce qui n'a pas fait trop de plaisir à Mademoiselle Julie, qui n'avait pas déjeuné. Mais, comme je lui ai dit, les MaÃtres sont les MaÃtres. En arrivant, Madame s'est couchée; mais elle n'est restée au lit que deux heures. En se levant, elle a fait venir son Suisse, et lui a donné ordre de ne laisser entrer personne. Elle n'a point fait de toilette du tout. Elle s'est mise à table pour dÃner; mais elle n'a mangé qu'un peu de potage, et elle en est sortie tout de suite. On lui a porté son café chez elle et Mademoiselle Julie est entrée en mÃÂȘme temps. Elle a trouvé sa MaÃtresse qui rangeait des papiers dans son secrétaire, et elle a vu que c'était des Lettres. Je parierais bien que ce sont celles de Monsieur; et des trois qui lui sont arrivées dans l'aprÚs-midi, il y en a une qu'elle avait encore devant elle tout au soir! Je suis bien sûr que c'est encore une de Monsieur. Mais pourquoi donc est-ce qu'elle s'en est allée comme ça? ça m'étonne, moi! au reste, sûrement que Monsieur le sait bien? Et ce ne sont pas mes affaires. Madame la Présidente est allée l'aprÚs-midi dans la BibliothÚque, et elle y a pris deux Livres qu'elle a emportés dans son boudoir mais Mademoiselle Julie assure qu'elle n'a pas lu dedans un quart d'heure dans toute la journée, et qu'elle n'a fait que lire cette Lettre, rÃÂȘver et ÃÂȘtre appuyée sur sa main. Comme j'ai imaginé que Monsieur serait bien aise de savoir quels sont ces Livres-là , et que Mademoiselle Julie ne le savait pas, je me suis fait mener aujourd'hui dans la BibliothÚque, sous prétexte de la voir. Il n'y a de vide que pour deux livres l'un est le second volume des Pensées chrétiennes et l'autre le premier d'un Livre qui a pour titre Clarisse . J'écris bien comme il y a Monsieur saura peut-ÃÂȘtre ce que c'est. Hier au soir, Madame n'a pas soupé; elle n'a pris que du thé. Elle a sonné de bonne heure ce matin; elle a demandé ses chevaux tout de suite, et elle a été avant neuf heures aux Feuillants, oÃÂč elle a entendu la Messe. Elle a voulu se confesser; mais son Confesseur était absent, et il ne reviendra pas de huit à dix jours. J'ai cru qu'il était bon de mander cela à Monsieur. Elle est rentrée ensuite, elle a déjeuné, et puis s'est mise à écrire, et elle y est restée jusqu'à prÚs d'une heure. J'ai trouvé occasion de faire bientÎt ce que Monsieur désirait le plus car c'est moi qui ai porté les Lettres à la poste. Il n'y en avait pas pour Madame de Volanges; mais j'en envoie une à Monsieur, qui était pour M. le Président il m'a paru que ça devait ÃÂȘtre la plus intéressante. Il y en avait une aussi pour Madame de Rosemonde; mais j'ai imaginé que Monsieur la verrait toujours bien quand il voudrait, et je l'ai laissée partir. Au reste, Monsieur saura bien tout, puisque Madame la Présidente lui écrit aussi. J'aurai par la suite toutes celles qu'il voudra; car c'est presque toujours Mademoiselle Julie qui les remet aux Gens, et elle m'a assuré que, par amitié pour moi, et puis aussi pour Monsieur, elle ferait volontiers ce que je voudrais. Elle n'a pas mÃÂȘme voulu de l'argent que je lui ai offert mais je pense bien que Monsieur voudra lui faire quelque petit présent; et si c'est sa volonté, et qu'il veuille m'en charger, je saurai aisément ce qui lui fera plaisir. J'espÚre que Monsieur ne trouvera pas que j'aie mis de la négligence à le servir, et j'ai bien à cÅ“ur de me justifier des reproches qu'il me fait. Si je n'ai pas su le départ de Madame la Présidente, c'est au contraire mon zÚle pour le service de Monsieur qui en est cause, puisque c'est lui qui m'a fait partir à trois heures du matin; ce qui fait que je n'ai pas vu Mademoiselle Julie la veille, au soir, comme de coutume, ayant été coucher au Tournebride, pour ne pas réveiller dans le Chùteau. Quant à ce que Monsieur me reproche d'ÃÂȘtre souvent sans argent, d'abord c'est que j'aime à me tenir proprement, comme Monsieur peut voir; et puis, il faut bien soutenir l'honneur de l'habit qu'on porte; je sais bien que je devrais peut-ÃÂȘtre un peu épargner pour la suite; mais je me confie entiÚrement dans la générosité de Monsieur, qui est si bon MaÃtre. Pour ce qui est d'entrer au service de Madame de Tourvel, en restant à celui de Monsieur, j'espÚre que Monsieur ne l'exigera pas de moi. C'était bien différent chez Madame la Duchesse; mais assurément je n'irai pas porter la livrée, et encore une livrée de Robe, aprÚs avoir eu l'honneur d'ÃÂȘtre Chasseur de Monsieur. Pour tout ce qui est du reste, Monsieur peut disposer de celui qui a l'honneur d'ÃÂȘtre, avec autant de respect que d'affection, son trÚs humble. Serviteur. Roux Azolan, Chasseur. Paris, ce 5 octobre 17**, à onze heures du soir. LETTRE CVIII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE ROSEMONDE Ô mon indulgente mÚre! que j'ai de grùces à vous rendre, et que j'avais besoin de votre Lettre! Je l'ai lue et relue sans cesse; je ne pouvais pas m'en détacher. Je lui dois les seuls moments moins pénibles que j'aie passés depuis mon départ. Comme vous ÃÂȘtes bonne! la sagesse, la vertu savent donc compatir à la faiblesse! vous avez pitié de mes maux! ah! si vous les connaissiez... ils sont affreux. Je croyais avoir éprouvé les peines de l'amour, mais le tourment inexprimable, celui qu'il faut avoir senti pour en avoir l'idée, c'est de se séparer de ce qu'on aime, de s'en séparer pour toujours!... Oui, la peine qui m'accable aujourd'hui reviendra demain, aprÚs-demain, toute ma vie! Mon Dieu, que je suis jeune encore, et qu'il me reste de temps à souffrir! Etre soi-mÃÂȘme l'artisan de son malheur; se déchirer le cÅ“ur de ses propres mains; et tandis qu'on souffre ces douleurs insupportables, sentir à chaque instant qu'on peut les faire cesser d'un mot et que ce mot soit un crime! ah! mon amie!... Quand j'ai pris ce parti si pénible de m'éloigner de lui, j'espérais que l'absence augmenterait mon courage et mes forces combien je me suis trompée! il semble au contraire qu'elle ait achevé de les détruire. J'avais plus à combattre, il est vrai mais mÃÂȘme en résistant, tout n'était pas privation; au moins je le voyais quelquefois; souvent mÃÂȘme, sans oser porter mes regards sur lui, je sentais les siens fixés sur moi oui, mon amie, je les sentais, il semblait qu'ils réchauffassent mon ùme; et sans passer par mes yeux, ils n'en arrivaient pas moins à mon cÅ“ur. A présent, dans ma pénible solitude, isolée de tout ce qui m'est cher, tÃÂȘte à tÃÂȘte avec mon infortune, tous les moments de ma triste existence sont marqués par mes larmes, et rien n'en adoucit l'amertume, nulle consolation ne se mÃÂȘle à mes sacrifices; et ceux que j'ai faits jusqu'à présent n'ont servi qu'à me rendre plus douloureux ceux qui me restent à faire. Hier encore, je l'ai bien vivement senti. Dans les Lettres qu'on m'a remises, il y en avait une de lui; on était encore à deux pas de moi, que je l'avais reconnue entre les autres. Je me suis levée involontairement je tremblais, j'avais peine à cacher mon émotion; et cet état n'était pas sans plaisir. Restée seule le moment d'aprÚs, cette trompeuse douceur s'est bientÎt évanouie, et ne m'a laissé qu'un sacrifice de plus à faire. En effet, pouvais-je ouvrir cette Lettre, que pourtant je brûlais de lire? Par la fatalité qui me poursuit, les consolations qui paraissent se présenter à moi ne font, au contraire, que m'imposer de nouvelles privations; et celles-ci deviennent plus cruelles encore, par l'idée que M. de Valmont les partage. Le voilà enfin, ce nom qui m'occupe sans cesse, et que j'ai eu tant de peine à écrire; l'espÚce de reproche que vous m'en faites m'a véritablement alarmée. Je vous supplie de croire qu'une fausse honte n'a point altéré ma confiance en vous; et pourquoi craindrais-je de le nommer? ah! je rougis de mes sentiments, et non de l'objet qui les cause. Quel autre que lui est plus digne de les inspirer! Cependant je ne sais pourquoi ce nom ne se présente point naturellement sous ma plume; et cette fois encore, j'ai eu besoin de réflexion pour le placer. Je reviens à lui. Vous me mandez qu'il vous a paru vivement affecté de mon départ . Qu'a- t-il donc fait? qu'a-t-il dit? a-t-il parlé de revenir à Paris? Je vous prie de l'en détourner autant que vous pourrez. S'il m'a bien jugée, il ne doit pas m'en vouloir de cette démarche mais il doit sentir aussi que c'est un parti pris sans retour. Un de mes plus grands tourments est de ne pas savoir ce qu'il pense. J'ai bien encore là sa Lettre... , mais vous ÃÂȘtes sûrement de mon avis, je ne dois pas l'ouvrir. Ce n'est que par vous, mon indulgente amie, que je puis ne pas ÃÂȘtre entiÚrement séparée de lui. Je ne veux pas abuser de vos bontés; je sens à merveille que vos Lettres ne peuvent pas ÃÂȘtre longues mais vous ne refuserez pas deux mots à votre enfant; un pour soutenir son courage, et l'autre pour l'en consoler. Adieu, ma respectable amie. Paris, ce 5 octobre 17**. LETTRE CIX CECILE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Ce n'est que d'aujourd'hui, Madame, que j'ai remis à M. de Valmont la Lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire. Je l'ai gardée quatre jours, malgré les frayeurs que j'avais souvent qu'on ne la trouvùt, mais je la cachais avec bien du soin; et quand le chagrin me reprenait, je m'enfermais pour la relire. Je vois bien que ce que je croyais un si grand malheur n'en est presque pas un; et il faut avouer qu'il y a bien du plaisir; de façon que je ne m'afflige presque plus. Il n'y a que l'idée de M. Danceny qui me tourmente toujours quelquefois. Mais il y a déjà tout plein de moments oÃÂč je n'y songe pas du tout! aussi c'est que M. de Valmont est bien aimable! Je me suis raccommodée avec lui depuis deux jours ça m'a été bien facile; car je ne lui avais encore dit que deux paroles, qu'il m'a dit que si j'avais quelque chose à lui dire, il viendrait le soir dans ma chambre, et je n'ai eu qu'à répondre que je le voulais bien. Et puis, dÚs qu'il y a été, il n'a pas paru plus fùché que si je ne lui avais jamais rien fait. Il ne m'a grondée qu'aprÚs, et encore bien doucement, et c'était d'une maniÚre... Tout comme vous; ce qui m'a prouvé qu'il avait aussi bien de l'amitié pour moi. Je ne saurais vous dire combien il m'a raconté de drÎles de choses et que je n'aurais jamais crues, particuliÚrement sur Maman. Vous me feriez bien plaisir de me mander si tout cela est vrai. Ce qui est bien sûr, c'est que je ne pouvais pas me retenir de rire; si bien qu'une fois j'ai ri aux éclats, ce qui nous a fait bien peur; car Maman aurait pu entendre; et si elle était venue voir, qu'est-ce que je serais devenue? C'est bien pour le coup qu'elle m'aurait remise au Couvent! Comme il faut ÃÂȘtre prudent, et que, comme M. de Valmont m'a dit lui-mÃÂȘme, pour rien au monde il ne voudrait risquer de me compromettre, nous sommes convenus que dorénavant il viendrait seulement ouvrir la porte, et que nous irions dans sa chambre. Pour là , il n'y a rien à craindre; j'y ai déjà été hier, et actuellement que je vous écris, j'attends encore qu'il vienne. A présent, Madame, j'espÚre que vous ne me gronderez plus. Il y a pourtant une chose qui m'a bien surprise dans votre Lettre; c'est ce que vous me mandez pour quand je serai mariée, au sujet de Danceny et de M. de Valmont. Il me semble qu'un jour à l'Opéra vous me disiez au contraire qu'une fois mariée, je ne pourrais plus aimer que mon mari, et qu'il me faudrait mÃÂȘme oublier Danceny au reste, peut-ÃÂȘtre que j'avais mal entendu, et j'aime bien mieux que cela soit autrement, parce qu'à présent je ne craindrai plus tant le moment de mon mariage. Je le désire mÃÂȘme, puisque j'aurai plus de liberté; et j'espÚre qu'alors je pourrai m'arranger de façon à ne plus songer qu'à Danceny. Je sens bien que je ne serai véritablement heureuse qu'avec lui; car à présent son idée me tourmente toujours et je n'ai de bonheur que quand je peux ne pas penser à lui, ce qui est bien difficile; et dÚs que j'y pense, je redeviens chagrine tout de suite. Ce qui me console un peu c'est que vous m'assurez que Danceny m'en aimera davantage; mais en ÃÂȘtes-vous bien sûre?... Oh! oui, vous ne voudriez pas me tromper. C'est pourtant plaisant que ce soit Danceny que j'aime et que M. de Valmont... Mais, comme vous dites, c'est peut-ÃÂȘtre un bonheur! Enfin, nous verrons. Je n'ai pas trop entendu ce que vous me marquez au sujet de ma façon d'écrire. Il me semble que Danceny trouve mes Lettres bien comme elles sont. Je sens pourtant bien que je ne dois rien lui dire de tout ce qui se passe avec M. de Valmont; ainsi vous n'avez que faire de craindre. Maman ne m'a point encore parlé de mon mariage mais laissez faire; quand elle m'en parlera, puisque c'est pour m'attraper, je vous promets que je saurai mentir. Adieu, ma bien bonne amie; je vous remercie bien, et je vous promets que je n'oublierai jamais toutes vos bontés pour moi. Il faut que je finisse, car il est prÚs d'une heure; ainsi M. de Valmont ne doit pas tarder. Du Chùteau de .. , ce 10 octobre 17**. LETTRE CX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Puissances du Ciel, j'avais une ùme pour la douleur donnez-m'en une pour la félicité [Nouvelle Héloïse]! C'est, je crois, le tendre Saint-Preux qui s'exprime ainsi. Mieux partagé que lui, je possÚde à la fois les deux existences. Oui, mon amie, je suis, en mÃÂȘme temps, trÚs heureux et trÚs malheureux; et puisque vous avez mon entiÚre confiance, je vous dois le double récit de mes peines et de mes plaisirs. Sachez donc que mon ingrate Dévote me tient toujours rigueur. J'en suis à ma quatriÚme Lettre renvoyée. J'ai peut-ÃÂȘtre tort de dire la quatriÚme; car ayant bien deviné dÚs le premier renvoi qu'il serait suivi de beaucoup d'autres, et ne voulant pas perdre ainsi mon temps, j'ai pris le parti de mettre mes doléances en lieux communs, et de ne point dater et depuis le second Courrier, c'est toujours la mÃÂȘme Lettre qui va et vient; je ne fais que changer d'enveloppe. Si ma Belle finit comme finissent ordinairement les Belles, et s'attendrit un jour, au moins de lassitude, elle gardera enfin la missive, et il sera temps alors de me remettre au courant. Vous voyez qu'avec ce nouveau genre de correspondance, je ne peux pas ÃÂȘtre parfaitement instruit. J'ai découvert pourtant que la légÚre personne a changé de Confidente, au moins me suis-je assuré que, depuis son départ du Chùteau, il n'y est venu aucune Lettre d'elle pour Madame de Volanges, tandis qu'il en est venu deux pour la vieille Rosemonde; et comme celle-ci ne nous en a rien dit, comme elle n'ouvre plus la bouche de sa chÚre Belle , dont auparavant elle parlait sans cesse, j'en ai conclu que c'était elle qui avait la confidence. Je présume que d'une part, le besoin de parler de moi, et de l'autre, la petite honte de revenir vis-à -vis de Madame de Volanges sur un sentiment si longtemps désavoué, ont produit cette grande révolution. Je crains d'avoir encore perdu au change car plus les femmes vieillissent, et plus elles deviennent rÃÂȘches et sévÚres. La premiÚre lui aurait dit bien plus de mal de moi; mais celle-ci lui en dira plus de l'amour; et la sensible Prude a bien plus de frayeur du sentiment que de la personne. Le seul moyen de me mettre au fait, est, comme vous voyez, d'intercepter le commerce clandestin. J'en ai déjà envoyé l'ordre à mon Chasseur; et j'en attends l'exécution de jour en jour. Jusque-là , je ne puis rien faire qu'au hasard aussi, depuis huit jours, je repasse inutilement tous les moyens connus, tous ceux des Romans et de mes Mémoires secrets; je n'en trouve aucun qui convienne, ni aux circonstances de l'aventure, ni au caractÚre de l'Héroïne. La difficulté ne serait pas de m'introduire chez elle, mÃÂȘme la nuit, mÃÂȘme encore de l'endormir, et d'en faire une nouvelle Clarisse mais aprÚs plus de deux mois de soins et de peines, recourir à des moyens qui me soient étrangers! me traÃner servilement sur la trace des autres, et triompher sans gloire!... Non, elle n'aura pas les plaisirs du vice et les honneurs de la vertu [Nouvelle Héloïse]. Ce n'est pas assez pour moi de la posséder, je veux qu'elle se livre. Or, il faut pour cela non seulement pénétrer jusqu'à elle, mais y arriver de son aveu; la trouver seule et dans l'intention de m'écouter; surtout, lui fermer les yeux sur le danger, car si elle le voit, elle saura le surmonter ou mourir. Mais mieux je sais ce qu'il faut faire, plus j'en trouve l'exécution difficile; et dussiez-vous encore vous moquer de moi, je vous avouerai que mon embarras redouble à mesure que je m'en occupe davantage. La tÃÂȘte m'en tournerait, je crois, sans les heureuses distractions que me donne notre commune Pupille; c'est à elle que je dois d'avoir encore à faire autre chose que des Elégies. Croiriez-vous que cette petite fille était tellement effarouchée, qu'il s'est passé trois grands jours avant que votre Lettre ait produit tout son effet? Voilà comme une seule idée fausse peut gùter le plus heureux naturel! Enfin, ce n'est que Samedi qu'on est venu tourner autour de moi et me balbutier quelques mots; encore prononcés si bas et tellement étouffés par la honte, qu'il était impossible de les entendre. Mais la rougeur qu'ils causÚrent m'en fit deviner le sens. Jusque-là , je m'étais tenu fier mais fléchi par un si plaisant repentir je voulus bien promettre d'aller trouver le soir mÃÂȘme la jolie Pénitente; et cette grùce de ma part fut reçue avec toute la reconnaissance due à un si grand bienfait. Comme je ne perds jamais de vue ni vos projets ni les miens, j'ai résolu de profiter de cette occasion pour connaÃtre au juste la valeur de cette enfant, et aussi pour accélérer son éducation. Mais pour suivre ce travail avec plus de liberté j'avais besoin de changer le lieu de nos rendez-vous; car un simple cabinet, qui sépare la chambre de votre Pupille de celle de sa mÚre, ne pouvait lui inspirer assez de sécurité, pour la laisser se déployer à l'aise. Je m'étais donc promis de faire innocemment quelque bruit, qui pût lui causer assez de crainte pour la décider à prendre, à l'avenir, un asile plus sûr; elle m'a encore épargné ce soin. La petite personne est rieuse; et, pour favoriser sa gaieté, je m'avisai, dans nos entractes, de lui raconter toutes les aventures scandaleuses qui me passaient par la tÃÂȘte; et pour les rendre plus piquantes et fixer davantage son attention, je les mettais toutes sur le compte de sa Maman, que je me plaisais à chamarrer ainsi de vices et de ridicules. Ce n'était pas sans motif que j'avais fait ce choix; il encourageait mieux que tout autre ma timide écoliÚre, et je lui inspirais en mÃÂȘme temps le plus profond mépris pour sa mÚre. J'ai remarqué depuis longtemps, que si ce moyen n'est pas toujours nécessaire à employer pour séduire une jeune fille, il est indispensable, et souvent mÃÂȘme le plus efficace, quand on veut la dépraver; car celle qui ne respecte pas sa mÚre ne se respectera pas elle-mÃÂȘme vérité morale que je crois si utile que j'ai été bien aise de fournir un exemple à l'appui du précepte. Cependant votre Pupille, qui ne songeait pas à la morale, étouffait de rire à chaque instant; et enfin, une fois, elle pensa éclater. Je n'eus pas de peine à lui faire croire qu'elle avait fait un bruit affreux . Je feignis une grande frayeur, qu'elle partagea facilement. Pour qu'elle s'en ressouvÃnt mieux, je ne permis plus au plaisir de reparaÃtre, et la laissai seule trois heures plus tÎt que de coutume aussi convÃnmes-nous, en nous séparant, que dÚs le lendemain ce serait dans ma chambre que nous nous rassemblerions. Je l'y ai déjà reçue deux fois, et dans ce court intervalle l'écoliÚre est devenue presque aussi savante que le maÃtre. Oui, en vérité, je lui ai tout appris, jusqu'aux complaisances! je n'ai excepté que les précautions. Ainsi occupé toute la nuit, j'y gagne de dormir une grande partie du jour; et, comme la société actuelle du Chùteau n'a rien qui m'attire, à peine parais-je une heure au salon dans la journée. J'ai mÃÂȘme, d'aujourd'hui, pris le parti de manger dans ma chambre, et je ne compte plus la quitter que pour de courtes promenades. Ces bizarreries passent sur le compte de ma santé. J'ai déclaré que j'étais perdu de vapeurs ; j'ai annoncé aussi un peu de fiÚvre. Il ne m'en coûte que de parler d'une voix lente et éteinte. Quant au changement de ma figure, fiez-vous-en à votre Pupille. L'amour y pourvoira . [Regnard, Folies amoureuses] J'occupe mon loisir en rÃÂȘvant aux moyens de reprendre sur mon ingrate les avantages que j'ai perdus, et aussi à composer une espÚce de catéchisme de débauche, à l'usage de mon écoliÚre. Je m'amuse à n'y rien nommer que par le mot technique; et je ris d'avance de l'intéressante conversation que cela doit fournir entre elle et Gercourt la premiÚre nuit de leur mariage. Rien n'est plus plaisant que l'ingénuité avec laquelle elle se sert déjà du peu qu'elle sait de cette langue! elle n'imagine pas qu'on puisse parler autrement. Cette enfant est réellement séduisante! Ce contraste de la candeur naïve avec le langage de l'effronterie ne laisse pas de faire de l'effet; et, je ne sais pourquoi, il n'y a plus que les choses bizarres qui me plaisent. Peut-ÃÂȘtre je me livre trop à celle-ci, puisque j'y compromets mon temps et ma santé mais j'espÚre que ma feinte maladie, outre qu'elle me sauvera de l'ennui du salon, pourra m'ÃÂȘtre encore de quelque utilité auprÚs de l'austÚre Dévote, dont la vertu tigresse s'allie pourtant avec la douce sensibilité! Je ne doute pas qu'elle ne soit déjà instruite de ce grand événement, et j'ai beaucoup d'envie de savoir ce qu'elle en pense; d'autant plus que je parierais bien qu'elle ne manquera pas de s'en attribuer l'honneur. Je réglerai l'état de ma santé sur l'impression qu'il fera sur elle. Vous voilà , ma belle amie, au courant de mes affaires comme moi-mÃÂȘme. Je désire avoir bientÎt des nouvelles plus intéressantes à vous apprendre; et je vous prie de croire que, dans le plaisir que je m'en promets, je compte pour beaucoup la récompense que j'attends de vous. Du Chùteau de .. , ce 11 octobre 17**. LETTRE CXI LE COMTE DE GERCOURT A MADAME DE VOLANGES Tout paraÃt, Madame, devoir ÃÂȘtre tranquille dans ce pays; et nous attendons, de jour en jour, la permission de rentrer en France. J'espÚre que vous ne douterez pas que je n'aie toujours le mÃÂȘme empressement à m'y rendre, et à y former les nÅ“uds qui doivent m'unir à vous et à Mademoiselle de Volanges. Cependant M. le Duc de ***, mon cousin, et à qui vous savez que j'ai tant d'obligations, vient de me faire part de son rappel de Naples. Il me mande qu'il compte passer par Rome, et voir, dans sa route, la partie d'Italie qui lui reste à connaÃtre. Il m'engage à l'accompagner dans ce voyage, qui sera environ de six semaines ou deux mois. Je ne vous cache pas qu'il me serait agréable de profiter de cette occasion; sentant bien qu'une fois marié, je prendrai difficilement le temps de faire d'autres absences que celles que mon service exigera. Peut-ÃÂȘtre aussi serait-il plus convenable d'attendre l'hiver pour ce mariage; puisque ce ne peut ÃÂȘtre qu'alors que tous mes parents seront rassemblés à Paris; et nommément M. le Marquis de *** à qui je dois l'espoir de vous appartenir. Malgré ces considérations, mes projets à cet égard seront absolument subordonnés aux vÎtres; et pour peu que vous préfériez vos premiers arrangements, je suis prÃÂȘt à renoncer aux miens. Je vous prie seulement de me faire savoir le plus tÎt possible vos intentions à ce sujet. J'attendrai votre réponse ici, et elle seule réglera ma conduite. Je suis avec respect, Madame, et avec tous les sentiments qui conviennent à un fils, votre trÚs humble, etc, Le Comte de Gercourt. Bastia, ce 10 octobre 17**. LETTRE CXII MADAME DE ROSEMONDE A LA PRESIDENTE DE TOURVEL DICTEE SEULEMENT. Je ne reçois qu'à l'instant mÃÂȘme, ma chÚre Belle, votre Lettre du 11 [Cette Lettre ne s'est pas retrouvée] et les doux reproches qu'elle contient. Convenez que vous aviez bien envie de m'en faire davantage; et que si vous ne vous étiez pas ressouvenue que vous étiez ma fille , vous m'auriez réellement grondée. Vous auriez été pourtant bien injuste! C'était le désir et l'espoir de pouvoir vous répondre moi-mÃÂȘme, qui me faisait différer chaque jour, et vous voyez qu'encore aujourd'hui, je suis obligée d'emprunter la main de ma Femme de chambre. Mon malheureux rhumatisme m'a reprise, il, s'est niché cette fois sur le bras droit, et je suis absolument manchote. Voilà ce que c'est, jeune et fraÃche comme vous ÃÂȘtes, d'avoir une si vieille amie! on souffre de ses incommodités. AussitÎt que mes douleurs me donneront un peu de relùche, je me promets bien de causer longuement avec vous. En attendant, sachez seulement que j'ai reçu vos deux Lettres; qu'elles auraient redoublé, s'il était possible, ma tendre amitié pour vous; et que je ne cesserai jamais de prendre part, bien vivement, à tout ce qui vous intéresse. Mon neveu est aussi un peu indisposé, mais sans aucun danger et sans qu'il faille en prendre aucune inquiétude; c'est une incommodité légÚre, qui, à ce qu'il me semble, affecte plus son humeur que sa santé. Nous ne le voyons presque plus. Sa retraite et votre départ ne rendent pas notre petit cercle plus gai. La petite Volanges, surtout, vous trouve furieusement à dire, et baille, tant que la journée dure, à avaler ses poings. ParticuliÚrement depuis quelques jours, elle nous fait l'honneur de s'endormir profondément toutes les aprÚs-dÃners. Adieu, ma chÚre Belle; je suis pour toujours votre bien bonne amie, votre maman, votre sÅ“ur mÃÂȘme, si mon grand ùge me permettait ce titre. Enfin je vous suis attachée par tous les plus tendres sentiments. Signé Adélaïde, pour Madame de Rosemonde. Du Chùteau de .. , ce 14 octobre 17**. LETTRE CXIII LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Je crois devoir vous prévenir, Vicomte, qu'on commence à s'occuper de vous à Paris; qu'on y remarque votre absence, et que déjà on en devine la cause. J'étais hier à un souper fort nombreux; il y fut dit positivement que vous étiez retenu au Village par un amour romanesque et malheureux aussitÎt la joie se peignit sur le visage de tous les envieux de vos succÚs et de toutes les femmes que vous avez négligées. Si vous m'en croyez, vous ne laisserez pas prendre consistance à ces bruits dangereux, et vous viendrez sur-le-champ les détruire par votre présence. Songez que si une fois vous laissez perdre l'idée qu'on ne vous résiste pas, vous éprouverez bientÎt qu'on vous résistera en effet plus facilement; que vos rivaux vont aussi perdre de leur respect pour vous, et oser vous combattre car lequel d'entre eux ne se croit pas plus fort que la vertu? Songez surtout que dans la multitude des femmes que vous avez affichées, toutes celles que vous n'avez pas eues vont tenter de détromper le Public, tandis que les autres s'efforceront de l'abuser. Enfin, il faut vous attendre à ÃÂȘtre apprécié peut-ÃÂȘtre autant au-dessous de votre valeur, que vous l'avez été au-dessus jusqu'à présent. Revenez donc, Vicomte, et ne sacrifiez pas votre réputation à un caprice puéril. Vous avez fait tout ce que nous voulions de la petite Volanges; et pour votre Présidente, ce ne sera pas apparemment en restant à dix lieues d'elle, que vous vous en passerez la fantaisie. Croyez-vous qu'elle ira vous chercher? Peut-ÃÂȘtre ne songe-t-elle déjà plus à vous, ou ne s'en occupe-t-elle encore que pour se féliciter de vous avoir humilié. Au moins ici, pourrez-vous trouver quelque occasion de reparaÃtre avec éclat, et vous en avez besoin; et quand vous vous obstineriez à votre ridicule aventure, je ne vois pas que votre retour y puisse nuire... ; au contraire. En effet, si votre Présidente vous adore , comme vous me l'avez tant dit et si peu prouvé, son unique consolation, son seul plaisir, doivent ÃÂȘtre à présent de parler de vous, et de savoir ce que vous faites, ce que vous dites, ce que vous pensez, et jusqu'à la moindre des choses qui vous intéressent. Ces misÚres-là prennent du prix, en raison des privations qu'on éprouve. Ce sont les miettes de pain tombantes de la table du riche celui-ci les dédaigne; mais le pauvre les recueille avidement et s'en nourrit. Or, la pauvre Présidente reçoit à présent toutes ces miettes-là et plus elle en aura, moins elle sera pressée de se livrer à l'appétit du reste. De plus, depuis que vous connaissez sa Confidente, vous ne doutez pas que chaque Lettre d'elle ne contienne au moins un petit sermon, et tout ce qu'elle croit propre à corroborer sa sagesse et fortifier sa vertu [On ne s'avise jamais de tout! Comédie]. Pourquoi donc laisser à l'une des ressources pour se défendre, et à l'autre pour vous nuire? Ce n'est pas que je sois du tout de votre avis sur la perte que vous croyez avoir faite au changement de Confidente. D'abord, Madame de Volanges vous hait, et la haine est toujours plus clairvoyante et plus ingénieuse que l'amitié. Toute la vertu de votre vieille tante ne l'engagera pas à médire un seul instant de son cher neveu; car la vertu a aussi ses faiblesses. Ensuite vos craintes portent sur une remarque absolument fausse. Il n'est pas vrai que plus les femmes vieillissent, et plus elles deviennent rÃÂȘches et sévÚres . C'est de quarante à cinquante ans que le désespoir de voir leur figure se flétrir, la rage de se sentir obligées d'abandonner des prétentions et des plaisirs auxquels elles tiennent encore, rendent presque toutes les femmes bégueules et acariùtres. Il leur faut ce long intervalle pour faire en entier ce grand sacrifice mais dÚs qu'il est consommé, toutes se partagent en deux classes. La plus nombreuse, celle des femmes qui n'ont eu pour elles que leur figure et leur jeunesse, tombe dans une imbécile apathie, et n'en sort plus que pour le jeu et pour quelques pratiques de dévotion; celle-là est toujours ennuyeuse, souvent grondeuse, quelquefois un peu tracassiÚre, mais rarement méchante. On ne peut pas dire non plus que ces femmes soient ou ne soient pas sévÚres sans idées et sans existence, elles répÚtent, sans le comprendre et indifféremment, tout ce qu'elles entendent dire, et restent par elles-mÃÂȘmes absolument nulles. L'autre classe, beaucoup plus rare, mais véritablement précieuse, est celle des femmes qui, ayant eu un caractÚre et n'ayant pas négligé de nourrir leur raison, savent se créer une existence, quand celle de la nature leur manque, et prennent le parti de mettre à leur esprit les parures qu'elles employaient avant pour leur figure. Celles-ci ont pour l'ordinaire le jugement trÚs sain, et l'esprit à la fois solide, gai et gracieux. Elles remplacent les charmes séduisants par l'attachante bonté, et encore par l'enjouement dont le charme augmente en proportion de l'ùge c'est ainsi qu'elles parviennent en quelque sorte à se rapprocher de la jeunesse en s'en faisant aimer. Mais alors, loin d'ÃÂȘtre, comme vous le dites, rÃÂȘches et sévÚres , l'habitude de l'indulgence, leurs longues réflexions sur la faiblesse humaine, et surtout les souvenirs de leur jeunesse, par lesquels seuls elles tiennent encore à la vie, les placeraient plutÎt peut-ÃÂȘtre trop prÚs de la facilité. Ce que je peux vous dire enfin, c'est qu'ayant toujours recherché les vieilles femmes, dont j'ai reconnu de bonne heure l'utilité des suffrages, j'ai rencontré plusieurs d'entre elles auprÚs de qui l'inclination me ramenait autant que l'intérÃÂȘt. Je m'arrÃÂȘte là ; car à présent que vous vous enflammez si vite et si moralement, j'aurais peur que vous ne devinssiez subitement amoureux de votre vieille tante, et que vous ne vous enterrassiez avec elle dans le tombeau oÃÂč vous vivez déjà depuis si longtemps. Je reviens donc. Malgré l'enchantement oÃÂč vous me paraissez ÃÂȘtre de votre petite écoliÚre, je ne peux pas croire qu'elle entre pour quelque chose dans vos projets. Vous l'avez trouvée sous la main, vous l'avez prise à la bonne heure! mais ce ne peut pas ÃÂȘtre là un goût. Ce n'est mÃÂȘme pas, à vrai dire, une entiÚre jouissance vous ne possédez absolument que sa personne! je ne parle pas de son cÅ“ur, dont je me doute bien que vous ne vous souciez guÚre mais vous n'occupez seulement pas sa tÃÂȘte. Je ne sais pas si vous vous en ÃÂȘtes aperçu, mais moi j'en ai la preuve dans la derniÚre Lettre qu'elle m'a écrite [Voyez la Lettre CIX]; je vous l'envoie pour que vous en jugiez. Voyez donc que quand elle y parle de vous, c'est toujours M. de Valmont ; que toutes ses idées, mÃÂȘme celles que vous lui faites naÃtre, n'aboutissent jamais qu'à Danceny; et lui, elle ne l'appelle pas Monsieur, c'est bien toujours Danceny seulement. Par là , elle le distingue de tous les autres; et mÃÂȘme en se livrant à vous, elle ne se familiarise qu'avec lui. Si une telle conquÃÂȘte vous paraÃt séduisante , si les plaisirs qu'elle donne vous attachent , assurément vous ÃÂȘtes modeste et peu difficile! Que vous la gardiez, j'y consens; cela entre mÃÂȘme dans mes projets. Mais il me semble que cela ne vaut pas de se déranger un quart d'heure; qu'il faudrait aussi avoir quelque empire, et ne lui permettre, par exemple, de se rapprocher de Danceny qu'aprÚs le lui avoir fait un peu plus oublier. Avant de cesser de m'occuper de vous, pour venir à moi, je veux encore vous dire que ce moyen de maladie que vous m'annoncez vouloir prendre est bien connu et bien usé. En vérité, Vicomte, vous n'ÃÂȘtes pas inventif! Moi, je me répÚte aussi quelquefois, comme vous allez voir; mais je tùche de me sauver par les détails, et surtout le succÚs me justifie. Je vais encore en tenter un, et courir une nouvelle aventure. Je conviens qu'elle n'aura pas le mérite de la difficulté; mais au moins sera-ce une distraction, et je m'ennuie à périr. Je ne sais pourquoi, depuis l'aventure de Prévan, Belleroche m'est devenu insupportable. Il a tellement redoublé d'attention, de tendresse, de vénération , que je n'y peux plus tenir. Sa colÚre, dans le premier moment, m'avait paru plaisante; il a pourtant bien fallu la calmer, car c'eût été me compromettre que de le laisser faire; et il n'y avait pas moyen de lui faire entendre raison. J'ai donc pris le parti de lui montrer plus d'amour, pour en venir à bout plus facilement mais lui a pris cela au sérieux; et depuis ce temps il m'excÚde par son enchantement éternel. Je remarque surtout l'insultante confiance qu'il prend en moi, et la sécurité avec laquelle il me regarde comme à lui pour toujours. J'en suis vraiment humiliée. Il me prise donc bien peu, s'il croit valoir assez pour me fixer! Ne me disait-il pas derniÚrement que je n'aurais jamais aimé un autre que lui? Oh! pour le coup, j'ai eu besoin de toute ma prudence, pour ne pas le détromper sur-le-champ, en lui disant ce qui en était. Voilà , certes, un plaisant Monsieur, pour avoir un droit exclusif! Je conviens qu'il est bien fait et d'une assez belle figure mais, à tout prendre, ce n'est, au fait, qu'un ManÅ“uvre d'amour. Enfin le moment est venu, il faut nous séparer. J'essaie déjà depuis quinze jours, et j'ai employé, tour à tour, la froideur, le caprice, l'humeur, les querelles; mais le tenace personnage ne quitte pas prise ainsi il faut donc prendre un parti plus violent; en conséquence je l'emmÚne à ma campagne. Nous partons aprÚs-demain. Il n'y aura avec nous que quelques personnes désintéressées et peu clairvoyantes, et nous y aurons presque autant de liberté que si nous y étions seuls. Là , je le surchargerai à tel point d'amour et de caresses, nous y vivrons si bien l'un pour l'autre uniquement, que je parie bien qu'il désirera plus que moi la fin de ce voyage, dont il se fait un si grand bonheur; et s'il n'en revient pas plus ennuyé de moi que je ne le suis de lui, dites, j'y consens, que je n'en sais pas plus que vous. Le prétexte de cette espÚce de retraite est de m'occuper sérieusement de mon grand procÚs, qui en effet se jugera enfin au commencement de l'hiver. J'en suis bien aise; car il est vraiment désagréable d'avoir ainsi toute sa fortune en l'air. Ce n'est pas que je sois inquiÚte de l'événement; d'abord j'ai raison, tous mes Avocats me l'assurent; et quand je ne l'aurais pas! je serais donc bien maladroite, si je ne savais pas gagner un procÚs, oÃÂč je n'ai pour adversaires que des mineures encore en bas ùge, et leur vieux tuteur! Comme il ne faut pourtant rien négliger dans une affaire si importante, j'aurai effectivement avec moi deux Avocats. Ce voyage ne vous paraÃt-il pas gai? cependant s'il me fait gagner mon procÚs et perdre Belleroche, je ne regretterai pas mon temps. A présent, Vicomte, devinez le successeur; je vous le donne en cent. Mais bon! ne sais-je pas que vous ne devinez jamais rien? hé bien, c'est Danceny. Vous ÃÂȘtes étonné, n'est-ce pas? car enfin je ne suis pas encore réduite à l'éducation des enfants! Mais celui-ci mérite d'ÃÂȘtre excepté; il n'a que les grùces de la jeunesse, et non la frivolité. Sa grande réserve dans le cercle est trÚs propre à éloigner tous les soupçons, et on ne l'en trouve que plus aimable, quand il se livre, dans le tÃÂȘte-à -tÃÂȘte. Ce n'est pas que j'en aie déjà eu avec lui pour mon compte, je ne suis encore que sa confidente; mais sous ce voile de l'amitié, je crois lui voir un goût trÚs vif pour moi, et je sens que j'en prends beaucoup pour lui. Ce serait bien dommage que tant d'esprit et de délicatesse allassent se sacrifier et s'abrutir auprÚs de cette petite imbécile de Volanges! J'espÚre qu'il se trompe en croyant l'aimer elle est si loin de le mériter! Ce n'est pas que je sois jalouse d'elle; mais c'est que ce serait un meurtre, et je veux en sauver Danceny. Je vous prie donc, Vicomte, de mettre vos soins à ce qu'il ne puisse se rapprocher de sa Cécile comme il a encore la mauvaise habitude de la nommer. Un premier goût a toujours plus d'empire qu'on ne croit et je ne serais sûre de rien s'il la revoyait à présent; surtout pendant mon absence. A mon retour, je me charge de tout et j'en réponds. J'ai bien songé à emmener le jeune homme avec moi mais j'en ai fait le sacrifice à ma prudence ordinaire; et puis, j'aurais craint qu'il ne s'aperçût de quelque chose entre Belleroche et moi, et je serais au désespoir qu'il eût la moindre idée de ce qui se passe. Je veux au moins m'offrir à son imagination, pure et sans tache; telle enfin qu'il faudrait ÃÂȘtre, pour ÃÂȘtre vraiment digne de lui. Paris, ce 15 octobre 17**. LETTRE CXIV LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE ROSEMONDE Ma chÚre amie, je cÚde à ma vive inquiétude; et sans savoir si vous serez en état de me répondre, je ne puis m'empÃÂȘcher de vous interroger. L'état de M. de Valmont, que vous me dites sans danger , ne me laisse pas autant de sécurité que vous paraissez en avoir. Il n'est pas rare que la mélancolie et le dégoût du monde soient des symptÎmes avant-coureurs de quelque maladie grave; les souffrances du corps, comme celles de l'esprit, font désirer la solitude; et souvent on reproche de l'humeur à celui dont on devrait seulement plaindre les maux. Il me semble qu'il devrait au moins consulter quelqu'un. Comment, étant malade vous-mÃÂȘme, n'avez-vous pas un Médecin auprÚs de vous? Le mien, que j'ai vu ce matin, et que je ne vous cache pas que j'ai consulté indirectement, est d'avis que, dans les personnes naturellement actives, cette espÚce d'apathie subite n'est jamais à négliger; et, comme il me disait encore, les maladies ne cÚdent plus au traitement, quand elles n'ont pas été prises à temps. Pourquoi faire courir ce risque à quelqu'un qui vous est si cher? Ce qui redouble mon inquiétude, c'est que, depuis quatre jours, je ne reçois plus de nouvelles de lui. Mon Dieu! ne me trompez-vous point sur son état? Pourquoi aurait-il cessé de m'écrire tout à coup? Si c'était seulement l'effet de mon obstination à lui renvoyer ses Lettres, je crois qu'il aurait pris ce parti plus tÎt. Enfin, sans croire aux pressentiments, je suis depuis quelques jours d'une tristesse qui m'effraie. Ah! peut-ÃÂȘtre suis-je à la veille du plus grand des malheurs! Vous ne sauriez croire, et j'ai honte de vous dire, combien je suis peinée de ne plus recevoir ces mÃÂȘmes Lettres, que pourtant je refuserais encore de lire. J'étais sûre au moins qu'il était occupé de moi! et je voyais quelque chose qui venait de lui. Je ne les ouvrais pas, ces Lettres, mais je pleurais en les regardant mes larmes étaient plus douces et plus faciles; et celles-là seules dissipaient en partie l'oppression habituelle que j'éprouve depuis mon retour. Je vous en conjure, mon indulgente amie, écrivez-moi, vous-mÃÂȘme, aussitÎt que vous le pourrez, et en attendant, faites-moi donner chaque jour de vos nouvelles et des siennes. Je m'aperçois qu'à peine je vous ai dit un mot pour vous mais vous connaissez mes sentiments, mon attachement sans réserve, ma tendre reconnaissance pour votre sensible amitié; vous pardonnerez au trouble oÃÂč je suis, à mes peines mortelles, au tourment affreux d'avoir à redouter des maux dont peut-ÃÂȘtre je suis la cause. Grand Dieu! cette idée désespérante me poursuit et déchire mon cÅ“ur; ce malheur me manquait, et je sens que je suis née pour les éprouver tous. Adieu, ma chÚre amie, aimez-moi, plaignez-moi. Aurai-je une Lettre de vous aujourd'hui? Paris, ce 16 octobre 17**. LETTRE CXV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL C'est une chose inconcevable, ma belle amie, comme aussitÎt qu'on s'éloigne, on cesse facilement de s'entendre. Tant que j'étais auprÚs de vous, nous n'avions jamais qu'un mÃÂȘme sentiment, une mÃÂȘme façon de voir; et parce que, depuis prÚs de trois mois, je ne vous vois plus, nous ne sommes plus du mÃÂȘme avis sur rien. Qui de nous deux a tort? sûrement vous n'hésiteriez pas sur la réponse mais moi, plus sage, ou plus poli, je ne décide pas. Je vais seulement répondre à votre Lettre, et continuer de vous exposer ma conduite. D'abord, je vous remercie de l'avis que vous me donnez des bruits qui courent sur mon compte; mais je ne m'en inquiÚte pas encore je me crois sûr d'avoir bientÎt de quoi les faire cesser. Soyez tranquille, je ne reparaÃtrai dans le monde que plus célÚbre que jamais, et toujours plus digne de vous. J'espÚre qu'on me comptera mÃÂȘme pour quelque chose l'aventure de la petite Volanges, dont vous paraissez faire si peu de cas comme si ce n'était rien que d'enlever en une soirée une jeune fille à son Amant aimé, d'en user ensuite tant qu'on le veut et absolument comme de son bien, et sans plus d'embarras; d'en obtenir ce qu'on n'ose pas mÃÂȘme exiger de toutes les filles dont c'est le métier; et cela, sans la déranger en rien de son tendre amour; sans la rendre inconstante, pas mÃÂȘme infidÚle car, en effet, je n'occupe seulement pas sa tÃÂȘte! en sorte qu'aprÚs ma fantaisie passée, je la remettrai entre les bras de son Amant, pour ainsi dire, sans qu'elle se soit aperçue de rien. Est-ce donc là une marche si ordinaire? et puis croyez-moi, une fois sortie de mes mains, les principes que je lui donne ne s'en développeront pas moins; et je prédis que la timide écoliÚre prendra bientÎt un essor propre à faire honneur à son maÃtre. Si pourtant on aime mieux le genre héroïque, je montrerai la Présidente, ce modÚle cité de toutes les vertus! respectée mÃÂȘme de nos plus libertins! telle enfin qu'on avait perdu jusqu'à l'idée de l'attaquer! je la montrerai, dis-je, oubliant ses devoirs et sa vertu, sacrifiant sa réputation et deux ans de sagesse, pour courir aprÚs le bonheur de me plaire, pour s'enivrer de celui de m'aimer, se trouvant suffisamment dédommagée de tant de sacrifices, par un mot, par un regard qu'encore elle n'obtiendra pas toujours. Je ferai plus, je la quitterai; et je ne connais pas cette femme, ou je n'aurai point de successeur. Elle résistera au besoin de consolation, à l'habitude du plaisir, au désir mÃÂȘme de la vengeance. Enfin, elle n'aura existé que pour moi; et que sa carriÚre soit plus ou moins longue, j'en aurai seul ouvert et fermé la barriÚre. Une fois parvenu à ce triomphe, je dirai à mes rivaux " Voyez mon ouvrage, et cherchez-en dans le siÚcle un second exemple! " Vous allez me demander d'oÃÂč vient aujourd'hui cet excÚs de confiance? c'est que depuis huit jours je suis dans la confidence de ma Belle; elle ne me dit pas ses secrets, mais je les surprends. Deux Lettres d'elle à Madame de Rosemonde m'ont suffisamment instruit, et je ne lirai plus les autres que par curiosité. Je n'ai absolument besoin, pour réussir, que de me rapprocher d'elle, et mes moyens sont trouvés. Je vais incessamment les mettre en usage. Vous ÃÂȘtes curieuse, je crois?... Mais non, pour vous punir de ne pas croire à mes inventions, vous ne les saurez pas. Tout de bon, vous mériteriez que je vous retirasse ma confiance, au moins pour cette aventure; en effet, sans le doux prix attaché par vous à ce succÚs, je ne vous en parlerais plus. Vous voyez que je suis fùché. Cependant, dans l'espoir que vous vous corrigerez, je veux bien m'en tenir à cette punition légÚre; et revenant à l'indulgence, j'oublie un moment mes grands projets, pour raisonner des vÎtres avec vous. Vous voilà donc à la campagne, ennuyeuse comme le sentiment, et triste comme la fidélité! Et ce pauvre Belleroche! vous ne vous contentez pas de lui faire boire l'eau d'oubli, vous lui en donnez la question! Comment s'en trouve- t-il? supporte-t-il bien les nausées de l'amour? Je voudrais pour beaucoup qu'il ne vous en devÃnt que plus attaché; je suis curieux de voir quel remÚde plus efficace vous parviendriez à employer. Je vous plains, en vérité, d'avoir été obligée de recourir à celui-là . Je n'ai fait qu'une fois, dans ma vie, l'amour par procédé. J'avais certainement un grand motif, puisque c'était à la Comtesse de ***; et vingt fois, entre ses bras, j'ai été tenté de lui dire " Madame, je renonce à la place que je sollicite, et permettez-moi de quitter celle que j'occupe. " Aussi, de toutes les femmes que j'ai eues, c'est la seule dont j'ai vraiment plaisir à dire du mal. Pour votre motif à vous, je le trouve, à vrai dire, d'un ridicule rare; et vous aviez raison de croire que je ne devinerais pas le successeur. Quoi! c'est pour Danceny que vous vous donnez toute cette peine-là ! Eh! ma chÚre amie, laissez-le adorer sa vertueuse Cécile , et ne vous compromettez pas dans ces jeux d'enfants. Laissez les écoliers se former auprÚs des Bonnes , ou jouer avec les pensionnaires à de petits jeux innocents . Comment allez- vous vous charger d'un novice qui ne saura ni vous prendre, ni vous quitter, et avec qui il vous faudra tout faire? Je vous le dis sérieusement, je désapprouve ce choix, et quelque secret qu'il restùt, il vous humilierait au moins à mes yeux et dans votre conscience. Vous prenez, dites-vous, beaucoup de goût pour lui allons donc, vous vous trompez sûrement, et je crois mÃÂȘme avoir trouvé la cause de votre erreur. Ce beau dégoût de Belleroche vous est venu dans un temps de disette, et Paris ne vous offrant pas de choix, vos idées, toujours trop vives, se sont portées sur le premier objet que vous avez rencontré. Mais songez qu'à votre retour, vous pourrez choisir entre mille; et si enfin vous redoutez l'inaction dans laquelle vous risquez de tomber en différant, je m'offre à vous pour amuser vos loisirs. D'ici à votre arrivée, mes grandes affaires seront terminées de maniÚre ou d'autre; et sûrement, ni la petite Volanges, ni la Présidente elle-mÃÂȘme, ne m'occuperont pas assez alors pour que je ne sois pas à vous autant que vous le désiriez. Peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme, d'ici là , aurai-je déjà remis la petite fille aux mains de son discret Amant. Sans convenir, quoi que vous en disiez, que ce ne soit pas une jouissance attachante , comme j'ai le projet qu'elle garde de moi toute sa vie une idée supérieure à celle de tous les autres hommes, je me suis mis, avec elle, sur un ton que je ne pourrais soutenir longtemps sans altérer ma santé; et dÚs ce moment, je ne tiens plus à elle que par le soin qu'on doit aux affaires de famille... Vous ne m'entendez pas? C'est que j'attends une seconde époque pour confirmer mon espoir, et m'assurer que j'ai pleinement réussi dans mes projets. Oui, ma belle amie, j'ai déjà un premier indice que le mari de mon écoliÚre ne courra pas le risque de mourir sans postérité; et que le Chef de la maison de Gercourt ne sera à l'avenir qu'un Cadet de celle de Valmont. Mais laissez-moi finir, à ma fantaisie, cette aventure que je n'ai entreprise qu'à votre priÚre. Songez que si vous rendez Danceny inconstant, vous Îtez tout le piquant de cette histoire. Considérez enfin que, m'offrant pour le représenter auprÚs de vous, j'ai, ce me semble, quelques droits à la préférence. J'y compte si bien, que je n'ai pas craint de contrarier vos vues, en concourant moi-mÃÂȘme à augmenter la tendre passion du discret Amoureux, pour le premier et digne objet de son choix. Ayant donc trouvé hier votre Pupille occupée à lui écrire, et l'ayant dérangée d'abord de cette douce occupation pour une autre plus douce encore, je lui ai demandé, aprÚs, de voir sa Lettre; et comme je l'ai trouvée froide et contrainte, je lui ai fait sentir que ce n'était pas ainsi qu'elle consolerait son Amant, et je l'ai décidée à en écrire une autre sous ma dictée; oÃÂč, en imitant du mieux que j'ai pu son petit radotage, j'ai tùché de nourrir l'amour du jeune homme par un espoir plus certain. La petite personne était toute ravie, me disait-elle, de se trouver parler si bien; et dorénavant, je serai chargé de la correspondance. Que n'aurai-je pas fait pour ce Danceny? J'aurai été à la fois son ami, son confident, son rival et sa maÃtresse! Encore, en ce moment, je lui rends le service de le sauver de vos liens dangereux; oui, sans doute, dangereux, car vous posséder et vous perdre, c'est acheter un moment de bonheur par une éternité de regrets. Adieu, ma belle amie; ayez le courage de dépÃÂȘcher Belleroche le plus que vous pourrez. Laissez là Danceny, et préparez-vous à retrouver, et à me rendre, les délicieux plaisirs de notre premiÚre liaison. Je vous fais compliment sur le jugement prochain du grand procÚs. Je serai fort aise que cet heureux événement arrive sous mon rÚgne. Du Chùteau de ..., ce 19 octobre 17**. LETTRE CXVI LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Madame de Merteuil est partie ce matin pour la campagne; ainsi, ma charmante Cécile, me voilà privé du seul plaisir qui me restait en votre absence, celui de parler de vous à votre amie et à la mienne. Depuis quelque temps, elle m'a permis de lui donner ce titre; et j'en ai profité avec d'autant plus d'empressement, qu'il me semblait, par là , me rapprocher de vous davantage. Mon Dieu! que cette femme est aimable et quel charme flatteur elle sait donner à l'amitié! Il semble que ce doux sentiment s'embellisse et se fortifie chez elle de tout ce qu'elle refuse à l'amour. Si vous saviez comme elle vous aime, comme elle se plaÃt à m'entendre lui parler de vous!... C'est là sans doute ce qui m'attache autant à elle. Quel bonheur de pouvoir vivre uniquement pour vous deux, de passer sans cesse des délices de l'amour aux douceurs de l'amitié, d'y consacrer toute mon existence, d'ÃÂȘtre en quelque sorte le point de réunion de votre attachement réciproque; et de sentir toujours que, m'occupant du bonheur de l'une, je travaillerais également à celui de l'autre! Aimez, aimez beaucoup, ma charmante amie, cette femme adorable. L'attachement que j'ai pour elle, donnez-y plus de prix encore, en le partageant. Depuis que j'ai goûté le charme de l'amitié, je désire que vous l'éprouviez à votre tour. Les plaisirs que je ne partage pas avec vous, il me semble n'en jouir qu'à moitié. Oui, ma Cécile, je voudrais entourer votre cÅ“ur de tous les sentiments les plus doux; que chacun de ses mouvements vous fÃt éprouver une sensation de bonheur; et je croirais encore ne pouvoir jamais vous rendre qu'une partie de la félicité que je tiendrais de vous. Pourquoi faut-il que ces projets charmants ne soient qu'une chimÚre de mon imagination, et que la réalité ne m'offre au contraire que des privations douloureuses et indéfinies? L'espoir que vous m'aviez donné de vous voir à cette campagne, je m'aperçois bien qu'il faut y renoncer. Je n'ai plus de consolation que celle de me persuader qu'en effet cela ne vous est pas possible. Et vous négligez de me le dire, de vous en affliger avec moi! Déjà , deux fois, mes plaintes à ce sujet sont restées sans réponse. Ah! Cécile! Cécile, je crois bien que vous m'aimez de toutes les facultés de votre ùme, mais votre ùme n'est pas brûlante comme la mienne! Que n'est-ce à moi à lever les obstacles? Pourquoi ne sont-ce pas mes intérÃÂȘts qu'il me faille ménager, au lieu des vÎtres? je saurais bientÎt vous prouver que rien n'est impossible à l'amour. Vous ne me mandez pas non plus quand doit finir cette absence cruelle au moins, ici, peut-ÃÂȘtre vous verrais-je. Vos charmants regards ranimeraient mon ùme abattue; leur touchante expression rassurerait mon cÅ“ur, qui quelquefois en a besoin. Pardon, ma Cécile; cette crainte n'est pas un soupçon. Je crois à votre amour, à votre constance. Ah! je serais trop malheureux, si j'en doutais. Mais tant d'obstacles! et toujours renouvelés! Mon amie, je suis triste, bien triste. Il semble que ce départ de Madame de Merteuil ait renouvelé en moi le sentiment de tous mes malheurs. Adieu, ma Cécile; adieu, ma bien-aimée. Songez que votre Amant s'afflige, et que vous pouvez seule lui rendre le bonheur. Paris, ce 17 octobre 17**. LETTRE CXVII CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY DICTEE PAR VALMONT. Croyez-vous donc, mon bon ami, que j'aie besoin d'ÃÂȘtre grondée pour ÃÂȘtre triste, quand je sais que vous vous affligez? et doutez-vous que je ne souffre autant que vous de toutes vos peines? Je partage mÃÂȘme celles que je vous cause volontairement; et j'ai de plus que vous, de voir que vous ne me rendez pas justice. Oh! cela n'est pas bien. Je vois bien ce qui vous fùche; c'est que les deux derniÚres fois que vous m'avez demandé de venir ici je ne vous ai pas répondu à cela mais cette réponse est-elle donc si aisée à faire? Croyez-vous que je ne sache pas que ce que vous voulez est bien mal? Et pourtant, si j'ai déjà tant de peine à vous refuser de loin, que serait-ce donc si vous étiez là ? Et puis pour avoir voulu vous consoler un moment, je resterais affligée toute ma vie. Tenez, je n'ai rien de caché pour vous, moi voilà mes raisons, jugez vous- mÃÂȘme. J'aurais peut-ÃÂȘtre fait ce que vous voulez, sans ce que je vous ai mandé, que ce M. de Gercourt, qui cause tout notre chagrin, n'arrivera pas encore de sitÎt; et comme, depuis quelque temps, Maman me témoigne beaucoup plus d'amitié; comme, de mon cÎté, je la caresse le plus que je peux; qui sait ce que je pourrai obtenir d'elle? Et si nous pouvions ÃÂȘtre heureux sans que j'aie rien à me reprocher, est-ce que cela ne vaudrait pas bien mieux? Si j'en crois ce qu'on m'a dit souvent, les hommes mÃÂȘme n'aiment plus tant leurs femmes, quand elles les ont trop aimés avant de l'ÃÂȘtre. Cette crainte-là me retient encore plus que tout le reste. Mon ami, n'ÃÂȘtes-vous pas sûr de mon cÅ“ur, et ne sera-t-il pas toujours temps? Ecoutez, je vous promets que, si je ne peux pas éviter le malheur d'épouser M. de Gercourt, que je hais déjà tant avant de le connaÃtre, rien ne me retiendra plus pour ÃÂȘtre à vous autant que je pourrai, et mÃÂȘme avant tout. Comme je ne me soucie d'ÃÂȘtre aimée que de vous, et que vous verrez bien si je fais mal, il n'y aura pas de ma faute, le reste me sera bien égal; pourvu que vous me promettiez de m'aimer toujours autant que vous faites. Mais, mon ami, jusque-là , laissez-moi continuer comme je fais; et ne me demandez plus une chose que j'ai de bonnes raisons pour ne pas faire, et que pourtant il me fùche de vous refuser. Je voudrais bien aussi que M. de Valmont ne fût pas si pressant pour vous; cela ne sert qu'à me rendre plus chagrine encore. Oh! vous avez là un bien bon ami, je vous assure! Il fait tout comme vous feriez vous-mÃÂȘme. Mais adieu, mon cher ami; j'ai commencé bien tard à vous écrire, et j'y ai passé une partie de la nuit. Je vas me coucher et réparer le temps perdu. Je vous embrasse, mais ne me grondez plus. Du Chùteau de ..., ce 18 octobre 17**. LETTRE CXVIII LE CHEVALIER DANCENY A LA MARQUISE DE MERTEUIL Si j'en crois mon Almanach, il n'y a, mon adorable amie, que deux jours que vous ÃÂȘtes absente; mais si j'en crois mon cÅ“ur, il y a deux siÚcles. Or, je le tiens de vous-mÃÂȘme, c'est toujours son cÅ“ur qu'il faut croire; il est donc bien temps que vous reveniez, et toutes vos affaires doivent ÃÂȘtre plus que finies. Comment voulez-vous que je m'intéresse à votre procÚs, si, perte ou gain, j'en dois également payer les frais par l'ennui de votre absence? Oh! que j'aurais envie de quereller! et qu'il est triste, avec un si beau sujet d'avoir de l'humeur, de n'avoir pas le droit d'en montrer! N'est-ce pas cependant une véritable infidélité, une noire trahison, que de laisser votre ami loin de vous, aprÚs l'avoir accoutumé à ne pouvoir plus se passer de votre présence? Vous aurez beau consulter vos Avocats, ils ne vous trouveront pas de justification pour ce mauvais procédé et puis, ces gens-là ne disent que des raisons, et des raisons ne suffisent pas pour répondre à des sentiments. Pour moi, vous m'avez tant dit que c'était par raison que vous faisiez ce voyage, que vous m'avez tout à fait brouillé avec elle. Je ne veux plus du tout l'entendre; pas mÃÂȘme quand elle me dit de vous oublier. Cette raison-là est pourtant bien raisonnable; et au fait, cela ne serait pas si difficile que vous pourriez le croire. Il suffirait seulement de perdre l'habitude de penser toujours à vous, et rien ici, je vous assure, ne vous rappellerait à moi. Nos plus jolies femmes, celles qu'on dit les plus aimables, sont encore si loin de vous qu'elles ne pourraient en donner qu'une bien faible idée. Je crois mÃÂȘme qu'avec des yeux exercés, plus on a cru d'abord qu'elles vous ressemblaient, plus on y trouve aprÚs de différence elles ont beau faire, beau y mettre tout ce qu'elles savent, il leur manque toujours d'ÃÂȘtre vous, et c'est positivement là qu'est le charme. Malheureusement, quand les journées sont si longues, et qu'on est désoccupé, on rÃÂȘve, on fait des chùteaux en Espagne, on se crée sa chimÚre; peu à peu l'imagination s'exalte on veut embellir son ouvrage, on rassemble tout ce qui peut plaire, on arrive enfin à la perfection; et dÚs qu'on en est là , le portrait ramÚne au modÚle, et on est tout étonné de voir qu'on n'a fait que songer à vous. Dans ce moment mÃÂȘme, je suis encore la dupe d'une erreur à peu prÚs semblable. Vous croyez peut-ÃÂȘtre que c'était pour m'occuper de vous, que je me suis mis à vous écrire? point du tout c'était pour m'en distraire. J'avais cent choses à vous dire dont vous n'étiez pas l'objet, qui, comme vous savez, m'intéressent bien vivement; et ce sont celles-là pourtant dont j'ai été distrait. Et depuis quand le charme de l'amitié distrait-il donc de celui de l'amour? Ah! si j'y regardais de bien prÚs, peut-ÃÂȘtre aurais-je un petit reproche à me faire! Mais chut! oublions cette légÚre faute de peur d'y retomber; et que mon amie elle-mÃÂȘme l'ignore. Aussi pourquoi n'ÃÂȘtes-vous pas là pour me répondre, pour me ramener si je m'égare; pour me parler de ma Cécile, pour augmenter, s'il est possible, le bonheur que je goûte à l'aimer, par l'idée si douce que c'est votre amie que j'aime? Oui, je l'avoue, l'amour qu'elle m'inspire m'est devenu plus précieux encore, depuis que vous avez bien voulu en recevoir la confidence. J'aime tant à vous ouvrir mon cÅ“ur, à occuper le vÎtre de mes sentiments, à les y déposer sans réserve! il me semble que je les chéris davantage, à mesure que vous daignez les recueillir; et puis, je vous regarde et je me dis C'est en elle qu'est renfermé tout mon bonheur. Je n'ai rien de nouveau à vous apprendre sur ma situation. La derniÚre Lettre que j'ai reçue d'elle augmente et assure mon espoir, mais le retarde encore. Cependant ses motifs sont si tendres et si honnÃÂȘtes que je ne puis l'en blùmer ni m'en plaindre. Peut-ÃÂȘtre n'entendrez-vous pas trop bien ce que je vous dis là ; mais pourquoi n'ÃÂȘtes-vous pas ici? Quoiqu'on dise tout à son amie, on n'ose pas tout écrire. Les secrets de l'amour, surtout, sont si délicats qu'on ne peut les laisser aller ainsi sur leur bonne foi. Si quelquefois on leur permet de sortir, il ne faut pas au moins les perdre de vue; il faut en quelque sorte les voir entrer dans leur nouvel asile. Ah! revenez donc, mon adorable amie; vous voyez bien que votre retour est nécessaire. Oubliez enfin les mille raisons qui vous retiennent oÃÂč vous ÃÂȘtes, ou apprenez-moi à vivre oÃÂč vous n'ÃÂȘtes pas. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, etc. Paris, ce 19 octobre 17**. LETTRE CXIX MADAME DE ROSEMONDE A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Quoique je souffre encore beaucoup, ma chÚre Belle, j'essaie de vous écrire moi-mÃÂȘme, afin de pouvoir vous parler de ce qui vous intéresse. Mon neveu garde toujours sa misanthropie. Il envoie fort réguliÚrement savoir de mes nouvelles tous les jours; mais il n'est pas venu une fois s'en informer lui- mÃÂȘme, quoique je l'en aie fait prier en sorte que je ne le vois pas plus que s'il était à Paris. Je l'ai pourtant rencontré ce matin, oÃÂč je ne l'attendais guÚre. C'est dans ma Chapelle, oÃÂč je suis descendue pour la premiÚre fois depuis ma douloureuse incommodité. J'ai appris aujourd'hui que depuis quatre jours il y va réguliÚrement entendre la Messe. Dieu veuille que cela dure! Quand je suis entrée, il est venu à moi, et m'a félicitée fort affectueusement sur le meilleur état de ma santé. Comme la Messe commençait, j'ai abrégé la conversation, que je comptais bien reprendre aprÚs; mais il a disparu avant que j'aie pu le joindre. Je ne vous cacherai pas que je l'ai trouvé un peu changé. Mais, ma chÚre Belle, ne me faites pas repentir de ma confiance en votre raison, par des inquiétudes trop vives; et surtout soyez sûre que j'aimerais encore mieux vous affliger, que vous tromper. Si mon neveu continue à me tenir rigueur, je prendrai le parti, aussitÎt que je serai mieux, de l'aller voir dans sa chambre; et je tùcherai de pénétrer la cause de cette singuliÚre manie, dans laquelle je crois bien que vous ÃÂȘtes pour quelque chose. Je vous manderai ce que j'aurai appris. Je vous quitte, ne pouvant plus remuer les doigts et puis, si Adélaïde savait que j'ai écrit, elle me gronderait toute la soirée. Adieu, ma chÚre Belle. Du Chùteau de ..., ce 20 octobre 17**. LETTRE CXX LE VICOMTE DE VALMONT AU PERE ANSELME FEUILLANT DU COUVENT DE LA RUE SAINT-HONORE. Je n'ai pas l'honneur d'ÃÂȘtre connu de vous, Monsieur mais je sais la confiance entiÚre qu'a en vous Madame la Présidente de Tourvel, et je sais de plus combien cette confiance est dignement placée. Je crois donc pouvoir sans indiscrétion m'adresser à vous, pour en obtenir un service bien essentiel, vraiment digne de votre saint ministÚre, et oÃÂč l'intérÃÂȘt de Madame de Tourvel se trouve joint au mien. J'ai entre les mains des papiers importants qui la concernent, qui ne peuvent ÃÂȘtre confiés à personne, et que je ne dois ni ne veux remettre qu'entre ses mains. Je n'ai aucun moyen de l'en instruire, parce que des raisons, que peut- ÃÂȘtre vous aurez sues d'elle, mais dont je ne crois pas qu'il me soit permis de vous instruire, lui ont fait prendre le parti de refuser toute correspondance avec moi parti que j'avoue volontiers aujourd'hui ne pouvoir blùmer, puisqu'elle ne pouvait prévoir des événements auxquels j'étais moi-mÃÂȘme bien loin de m'attendre, et qui n'étaient possibles qu'à la force plus qu'humaine qu'on est forcé d'y reconnaÃtre. Je vous prie donc, Monsieur, de vouloir bien l'informer de mes nouvelles résolutions, et de lui demander pour moi une entrevue particuliÚre, oÃÂč je puisse au moins réparer, en partie, mes torts par mes excuses; et, pour dernier sacrifice, anéantir à ses yeux les seules traces existantes d'une erreur ou d'une faute qui m'avait rendu coupable envers elle. Ce ne sera qu'aprÚs cette expiation préliminaire, que j'oserai déposer à vos pieds l'humiliant aveu de mes longs égarements; et implorer votre médiation pour une réconciliation bien plus importante encore, et malheureusement plus difficile. Puis-je espérer, Monsieur, que vous ne me refuserez pas des soins si nécessaires et si précieux? et que vous daignerez soutenir ma faiblesse, et guider mes pas dans un sentier nouveau, que je désire bien ardemment de suivre, mais que j'avoue en rougissant ne pas connaÃtre encore? J'attends votre réponse avec l'impatience du repentir qui désire de réparer, et je vous prie de me croire avec autant de reconnaissance que de vénération. Votre trÚs humble, etc. Je vous autorise, Monsieur, au cas que vous le jugiez convenable, à communiquer cette Lettre en entier à Madame de Tourvel, que je me ferai toute ma vie un devoir de respecter, et en qui je ne cesserai jamais d'honorer celle dont le Ciel s'est servi pour ramener mon ùme à la vertu, par le touchant spectacle de la sienne. Du Chùteau de ..., ce 22 octobre 17** LETTRE CXXI LA MARQUISE DE MERTEUIL AU CHEVALIER DANCENY J'ai reçu votre Lettre, mon trop jeune ami; mais avant de vous remercier, il faut que je vous gronde, et je vous préviens que si vous ne vous corrigez pas, vous n'aurez plus de réponse de moi. Quittez donc, si vous m'en croyez, ce ton de cajolerie, qui n'est plus que du jargon, dÚs qu'il n'est pas l'expression de l'amour. Est-ce donc là le style de l'amitié? non, mon ami, chaque sentiment a son langage qui lui convient; et se servir d'un autre, c'est déguiser la pensée que l'on exprime. Je sais bien que nos petites femmes n'entendent rien de ce qu'on peut leur dire, s'il n'est traduit, en quelque sorte, dans ce jargon d'usage; mais je croyais mériter, je l'avoue, que vous me distinguassiez d'elles. Je suis vraiment fùchée, et peut-ÃÂȘtre plus que je ne devrais l'ÃÂȘtre, que vous m'ayez si mal jugée. Vous ne trouverez donc dans ma Lettre que ce qui manque à la vÎtre, franchise et simplesse. Je vous dirai bien, par exemple, que j'aurais grand plaisir à vous voir, et que je suis contrariée de n'avoir auprÚs de moi que des gens qui m'ennuient, au lieu de gens qui me plaisent; mais vous, cette mÃÂȘme phrase, vous la traduisez ainsi Apprenez-moi à vivre oÃÂč vous n'ÃÂȘtes pas ; en sorte que quand vous serez, je suppose, auprÚs de votre MaÃtresse, vous ne sauriez pas y vivre que je n'y sois en tiers. Quelle pitié! et ces femmes, à qui il manque toujours d'ÃÂȘtre moi , vous trouvez peut-ÃÂȘtre aussi que cela manque à votre Cécile! voilà pourtant oÃÂč conduit un langage qui, par l'abus qu'on en fait aujourd'hui, est encore au-dessous du jargon des compliments, et ne devient plus qu'un simple protocole, auquel on ne croit pas davantage qu'au trÚs humble serviteur! Mon ami, quand vous m'écrivez, que ce soit pour me dire votre façon de penser et de sentir, et non pour m'envoyer des phrases que je trouverai, sans vous, plus ou moins bien dites dans le premier Roman du jour. J'espÚre que vous ne vous fùcherez pas de ce que je vous dis là , quand mÃÂȘme vous y verriez un peu d'humeur; car je ne nie pas d'en avoir mais pour éviter jusqu'à l'air du défaut que je vous reproche, je ne vous dirai pas que cette humeur est peut-ÃÂȘtre un peu augmentée par l'éloignement oÃÂč je suis de vous. Il me semble qu'à tout prendre vous valez mieux qu'un procÚs et deux Avocats, et peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme encore que l'attentif Belleroche. Vous voyez qu'au lieu de vous désoler de mon absence, vous devriez vous en féliciter; car jamais je ne vous avais fait un aussi beau compliment. Je crois que l'exemple me gagne, et que je veux vous dire aussi des cajoleries mais non, j'aime mieux m'en tenir à ma franchise; c'est donc elle seule qui vous assure de ma tendre amitié, et de l'intérÃÂȘt qu'elle m'inspire. Il est fort doux d'avoir un jeune ami, dont le cÅ“ur est occupé ailleurs. Ce n'est pas là le systÚme de toutes les femmes; mais c'est le mien. Il me semble qu'on se livre, avec plus de plaisir, à un sentiment dont on ne peut rien avoir à craindre aussi j'ai passé pour vous, d'assez bonne heure peut-ÃÂȘtre, au rÎle de confidente. Mais vous choisissez vos MaÃtresses si jeunes, que vous m'avez fait apercevoir pour la premiÚre fois que je commence à ÃÂȘtre vieille! C'est bien fait à vous de vous préparer ainsi une longue carriÚre de constance, et je vous souhaite de tout mon cÅ“ur qu'elle soit réciproque. Vous avez raison de vous rendre aux motifs tendres et honnÃÂȘtes qui, à ce que vous me mandez, retardent votre bonheur . La longue défense est le seul mérite qui reste à celles qui ne résistent pas toujours; et ce que je trouverais impardonnable à toute autre qu'à un enfant comme la petite Volanges, serait de ne pas savoir fuir un danger dont elle a été suffisamment avertie par l'aveu qu'elle a fait de son amour. Vous autres hommes, vous n'avez pas d'idées de ce qu'est la vertu, et de ce qu'il en coûte pour la sacrifier! Mais pour peu qu'une femme raisonne, elle doit savoir qu'indépendamment de la faute qu'elle commet, une faiblesse est pour elle le plus grand des malheurs; et je ne conçois pas qu'aucune s'y laisse jamais prendre, quand elle peut avoir un moment pour y réfléchir. N'allez pas combattre cette idée, car c'est elle qui m'attache principalement à vous. Vous me sauverez des dangers de l'amour; et quoique j'aie bien su sans vous m'en défendre jusqu'à présent, je consens à en avoir de la reconnaissance, et je vous en aimerai mieux et davantage. Sur ce, mon cher Chevalier, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde. Du Chùteau de ..., ce 22 octobre 17**. LETTRE CXXII MADAME DE ROSEMONDE A LA PRESIDENTE DE TOURVEL J'espérais, mon aimable fille, pouvoir enfin calmer vos inquiétudes, et je vois au contraire avec chagrin que je vais les augmenter encore! Calmez-vous cependant; mon neveu n'est pas en danger on ne peut pas mÃÂȘme dire qu'il soit réellement malade. Mais il se passe sûrement en lui quelque chose d'extraordinaire. Je n'y comprends rien; mais je suis sortie de sa chambre avec un sentiment de tristesse, peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme d'effroi, que je me reproche de vous faire partager, et dont cependant je ne puis m'empÃÂȘcher de causer avec vous. Voici le récit de ce qui s'est passé vous pouvez ÃÂȘtre sûre qu'il est fidÚle; car je vivrais quatre-vingts autres années, que je n'oublierais pas l'impression que m'a faite cette triste scÚne. J'ai donc été ce matin chez mon neveu; je l'ai trouvé écrivant, et entouré de différents tas de papiers, qui avaient l'air d'ÃÂȘtre l'objet de son travail. Il s'en occupait au point que j'étais déjà au milieu de sa chambre qu'il n'avait pas encore tourné la tÃÂȘte pour savoir qui entrait. AussitÎt qu'il m'a aperçue, j'ai trÚs bien remarqué qu'en se levant, il s'efforçait de composer sa figure, et peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme est-ce là ce qui m'y a fait faire plus d'attention. Il était, à la vérité, sans toilette et sans poudre; mais je l'ai trouvé pùle et défait, et ayant surtout la physionomie altérée. Son regard que nous avons vu si vif et si gai, était triste et abattu; enfin, soit dit entre nous, je n'aurais pas voulu que vous le vissiez ainsi car il avait l'air trÚs touchant et trÚs propre, à ce que je crois, à inspirer cette tendre pitié qui est un des plus dangereux piÚges de l'amour. Quoique frappée de mes remarques, j'ai pourtant commencé la conversation comme si je ne m'étais aperçue de rien. Je lui ai d'abord parlé de sa santé, et sans me dire qu'elle soit bonne, il ne m'a point articulé pourtant qu'elle fût mauvaise. Alors je me suis plainte de sa retraite, qui avait un peu l'air d'une manie, et je tùchais de mÃÂȘler un peu de gaieté à ma petite réprimande; mais lui m'a répondu seulement, d'un ton pénétré " C'est un tort de plus, je l'avoue; mais il sera réparé avec les autres. " Son air, plus encore que ses discours, a un peu dérangé mon enjouement, et je me suis hùtée de lui dire qu'il mettait trop d'importance à un simple reproche de l'amitié. Nous nous sommes donc remis à causer tranquillement. Il m'a dit, peu de temps aprÚs, que peut-ÃÂȘtre une affaire, la plus grande affaire de sa vie, le rappellerait bientÎt à Paris mais comme j'avais peur de la deviner, ma chÚre Belle, et que ce début ne me menùt à une confidence dont je ne voulais pas, je ne lui ai fait aucune question, et je me suis contentée de lui répondre que plus de dissipation serait utile à sa santé. J'ai ajouté que, pour cette fois, je ne lui ferais aucune instance, aimant mes amis pour eux-mÃÂȘmes; c'est à cette phrase si simple, que serrant mes mains, et parlant avec une véhémence que je ne puis vous rendre " Oui, ma tante, m'a-t-il dit, aimez, aimez beaucoup un neveu qui vous respecte et vous chérit; et, comme vous dites, aimez-le pour lui-mÃÂȘme. Ne vous affligez pas de son bonheur, et ne troublez, par aucun regret, l'éternelle tranquillité dont il espÚre jouir bientÎt. Répétez-moi que vous m'aimez, que vous me pardonnez; oui, vous me pardonnerez; je connais votre bonté mais comment espérer la mÃÂȘme indulgence de ceux que j'ai tant offensés? " Alors il s'est baissé sur moi, pour me cacher, je crois, des marques de douleur, que le son de sa voix me décelait malgré lui. Emue plus que je ne puis vous dire, je me suis levée précipitamment; et sans doute il a remarqué mon effroi; car sur-le-champ, se composant davantage " Pardon, a-t-il repris; pardon, Madame, je sens que je m'égare malgré moi. Je vous prie d'oublier mes discours, et de vous souvenir seulement de mon profond respect. Je ne manquerai pas, a-t-il ajouté, d'aller vous en renouveler l'hommage avant mon départ. " Il m'a semblé que cette derniÚre phrase m'engageait à terminer ma visite; et je me suis en allée, en effet. Mais plus j'y réfléchis, et moins je devine ce qu'il a voulu dire. Quelle est cette affaire, la plus grande de sa vie ? à quel sujet me demande-t-il pardon? d'oÃÂč lui est venu cet attendrissement, involontaire en me parlant? Je me suis déjà fait ces questions mille fois, sans pouvoir y répondre. Je ne vois mÃÂȘme rien là qui ait rapport à vous cependant, comme les yeux de l'amour sont plus clairvoyants que ceux de l'amitié, je n'ai voulu vous laisser rien ignorer de ce qui s'est passé entre mon neveu et moi. Je me suis reprise à quatre fois pour écrire cette longue Lettre, que je ferais plus longue encore, sans la fatigue que je ressens. Adieu, ma chÚre Belle. Du Chùteau de ..., ce 25 octobre 17**. LETTRE CXXIII LE PERE ANSELME AU VICOMTE DE VALMONT J'ai reçu, Monsieur le Vicomte, la Lettre dont vous m'avez honoré; et dÚs hier, je me suis transporté, suivant vos désirs, chez la personne en question. Je lui ai exposé l'objet et les motifs de la démarche que vous demandiez de faire auprÚs d'elle. Quelque attachée que je l'aie trouvée au parti sage qu'elle avait pris d'abord, sur ce que je lui ai remontré qu'elle risquait peut-ÃÂȘtre par son refus de mettre obstacle à votre heureux retour, et de s'opposer ainsi, en quelque sorte, aux vues miséricordieuses de la Providence, elle a consenti à recevoir votre visite, à condition toutefois que ce sera la derniÚre, et m'a chargé de vous annoncer qu'elle serait chez elle Jeudi prochain, 28. Si ce jour ne pouvait pas vous convenir, vous voudrez bien l'en informer et lui en indiquer un autre. Votre Lettre sera reçue. Cependant, Monsieur le Vicomte, permettez-moi de vous inviter à ne pas différer sans de fortes raisons, afin de pouvoir vous livrer plus tÎt et plus entiÚrement aux dispositions louables que vous me témoignez. Songez que celui qui tarde à profiter du moment de la grùce s'expose à ce qu'elle lui soit retirée; que si la bonté divine est infinie, l'usage en est pourtant réglé par la justice; et qu'il peut venir un moment oÃÂč le Dieu de miséricorde se change en un Dieu de vengeance. Si vous continuez à m'honorer de votre confiance, je vous prie de croire que tous mes soins vous seront acquis, aussitÎt que vous le désirerez quelques grandes que soient mes occupations, mon affaire la plus importante sera toujours de remplir les devoirs du saint MinistÚre, auquel je me suis particuliÚrement dévoué; et le moment le plus beau de ma vie, celui oÃÂč je verrai mes efforts prospérer par la bénédiction du Tout-Puissant. Faibles pécheurs que nous sommes, nous ne pouvons rien par nous-mÃÂȘmes! Mais le Dieu qui vous rappelle peut tout; et nous devrons également à sa bonté, vous, le désir constant de vous rejoindre à lui, et moi, les moyens de vous y conduire. C'est avec son secours que j'espÚre vous convaincre bientÎt que la Religion sainte peut donner seule, mÃÂȘme en ce monde, le bonheur solide et durable qu'on cherche vainement dans l'aveuglement des passions humaines. J'ai l'honneur d'ÃÂȘtre, avec une respectueuse considération, etc. Paris, ce 25 octobre 17**. LETTRE CXXIV LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE ROSEMONDE Au milieu de l'étonnement oÃÂč m'a jetée, Madame, la nouvelle que j'ai apprise hier, je n'oublie pas la satisfaction qu'elle doit vous causer, et je me hùte de vous en faire part. M. de Valmont ne s'occupe plus ni de moi ni de son amour; et ne veut plus que réparer, par une vie plus édifiante, les fautes ou plutÎt les erreurs de sa jeunesse. J'ai été informée de ce grand événement par le PÚre Anselme, auquel il s'est adressé pour le diriger à l'avenir, et aussi pour lui ménager une entrevue avec moi, dont je juge que l'objet principal est de me rendre mes Lettres qu'il avait gardées jusqu'ici, malgré la demande contraire que je lui en avais faite. Je ne puis, sans doute, qu'applaudir à cet heureux changement, et m'en féliciter, si, comme il le dit, j'ai pu y concourir en quelque chose. Mais pourquoi fallait-il que j'en fusse l'instrument, et qu'il m'en coûtùt le repos de ma vie? Le bonheur de M. de Valmont ne pouvait-il arriver jamais que par mon infortune? Oh! mon indulgente amie, pardonnez-moi cette plainte. Je sais qu'il ne m'appartient pas de sonder les décrets de Dieu; mais tandis que je lui demande sans cesse, et toujours vainement, la force de vaincre mon malheureux amour, il la prodigue à celui qui ne la lui demandait pas, et me laisse, sans secours, entiÚrement livrée à ma faiblesse. Mais étouffons ce coupable murmure. Ne sais-je pas que l'Enfant prodigue, à son retour, obtint plus de grùces de son pÚre que le fils qui ne s'était jamais absenté? Quel compte avons-nous à demander à celui qui ne nous doit rien? Et quand il serait possible que nous eussions quelques droits auprÚs de lui, quels pourraient ÃÂȘtre les miens? Me vanterais-je d'une sagesse que déjà je ne dois qu'à Valmont? Il m'a sauvée, et j'oserais me plaindre en souffrant pour lui! Non mes souffrances me seront chÚres, si son bonheur en est le prix. Sans doute il fallait qu'il revÃnt à son tour au PÚre commun. Le Dieu qui l'a formé devait chérir son ouvrage. Il n'avait point créé cet ÃÂȘtre charmant, pour n'en faire qu'un réprouvé. C'est à moi de porter la peine de mon audacieuse imprudence; ne devais-je pas sentir que, puisqu'il m'était défendu de l'aimer, je ne devais pas me permettre de le voir? Ma faute ou mon malheur est de m'ÃÂȘtre refusée trop longtemps à cette vérité. Vous m'ÃÂȘtes témoin, ma chÚre et digne amie, que je me suis soumise à ce sacrifice, aussitÎt que j'en ai reconnu la nécessité mais, pour qu'il fût entier, il y manquait que M. de Valmont ne le partageùt point. Vous avouerai-je que cette idée est à présent ce qui me tourmente le plus? Insupportable orgueil, qui adoucit les maux que nous éprouvons par ceux que nous faisons souffrir! Ah! je vaincrai ce cÅ“ur rebelle, je l'accoutumerai aux humiliations. C'est surtout pour y parvenir que j'ai enfin consenti à recevoir Jeudi prochain la pénible visite de M. de Valmont. Là , je l'entendrai me dire lui-mÃÂȘme que je ne lui suis plus rien, que l'impression faible et passagÚre que j'avais faite sur lui est entiÚrement effacée! Je verrai ses regards se porter sur moi, sans émotion, tandis que la crainte de déceler la mienne me fera baisser les yeux. Ces mÃÂȘmes Lettres qu'il refusa si longtemps à mes demandes réitérées, je les recevrai de son indifférence; il me les remettra comme des objets inutiles, et qui ne l'intéressent plus; et mes mains tremblantes, en recevant ce dépÎt honteux, sentiront qu'il leur est remis d'une main ferme et tranquille! Enfin, je le verrai s'éloigner... s'éloigner pour jamais, et mes regards, qui le suivront ne verront pas les siens se retourner sur moi! Et j'étais réservée à tant d'humiliations! Ah! que du moins je me la rende utile, en me pénétrant par elle du sentiment de ma faiblesse. Oui, ces Lettres qu'il ne se soucie plus de garder, je les conserverai précieusement. Je m'imposerai la honte de les relire chaque jour, jusqu'à ce que mes larmes en aient effacé les derniÚres traces; et les siennes, je les brûlerai comme infectées du poison dangereux qui a corrompu mon ùme. Oh! qu'est-ce donc que l'amour, s'il nous fait regretter jusqu'aux dangers auxquels il nous expose; si surtout on peut craindre de le ressentir encore, mÃÂȘme alors qu'on ne l'inspire plus! Fuyons cette passion funeste, qui ne laisse de choix qu'entre la honte et le malheur, et souvent mÃÂȘme les réunit tous deux, et qu'au moins la prudence remplace la vertu. Que ce Jeudi est encore loin! que ne puis-je consommer à l'instant ce douloureux sacrifice, et en oublier à la fois et la cause et l'objet! Cette visite m'importune; je me repens d'avoir promis. Hé! qu'a-t-il besoin de me revoir encore? que sommes-nous à présent l'un à l'autre? S'il m'a offensée, je le lui pardonne. Je le félicite mÃÂȘme de vouloir réparer ses torts; je l'en loue. Je ferai plus, je l'imiterai; et séduite par les mÃÂȘmes erreurs, son exemple me ramÚnera. Mais quand son projet est de me fuir, pourquoi commencer par me chercher? Le plus pressé pour chacun de nous n'est-il pas d'oublier l'autre? Ah! sans doute, et ce sera dorénavant mon unique soin. Si vous le permettez, mon aimable amie, ce sera auprÚs de vous que j'irai m'occuper de ce travail difficile. Si j'ai besoin de secours, peut-ÃÂȘtre mÃÂȘme de consolation, je n'en veux recevoir que de vous. Vous seule savez m'entendre et parler à mon cÅ“ur. Votre précieuse amitié remplira toute mon existence. Rien ne me paraÃtra difficile pour seconder les soins que vous voudrez bien vous donner. Je vous devrai ma tranquillité, mon bonheur, ma vertu; et le fruit de vos bontés pour moi sera de m'en avoir enfin rendue digne. Je me suis, je crois, beaucoup égarée dans cette Lettre; je le présume au moins par le trouble oÃÂč je n'ai pas cessé d'ÃÂȘtre en vous écrivant. S'il s'y trouvait quelques sentiments dont j'aie à rougir, couvrez-les de votre indulgente amitié. Je m'en remets entiÚrement à elle. Ce n'est pas à vous que je veux dérober aucun des mouvements de mon cÅ“ur. Adieu, ma respectable amie. J'espÚre, sous peu de jours, vous annoncer celui de mon arrivée. Paris, ce 25 octobre 17**. QUATRIEME PARTIE LETTRE CXXV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL La voilà donc vaincue, cette femme superbe qui avait osé croire qu'elle pourrait me résister! Oui, mon amie, elle est à moi, entiÚrement à moi; et depuis hier, elle n'a plus rien à m'accorder. Je suis encore trop plein de mon bonheur, pour pouvoir l'apprécier, mais je m'étonne du charme inconnu que j'ai ressenti. Serait-il donc vrai que la vertu augmentùt le prix d'une femme, jusque dans le moment mÃÂȘme de sa faiblesse? Mais reléguons cette idée puérile avec les contes de bonnes femmes. Ne rencontre-t-on pas presque partout une résistance plus ou moins bien feinte au premier triomphe? et ai-je trouvé nulle part le charme dont je parle? ce n'est pourtant pas non plus celui de l'amour; car enfin, si j'ai eu quelquefois auprÚs de cette femme étonnante des moments de faiblesse qui ressemblaient à cette passion pusillanime, j'ai toujours su les vaincre et revenir à mes principes. Quand mÃÂȘme la scÚne d'hier m'aurait, comme je le crois, emporté un peu plus loin que je ne comptais; quand j'aurais, un moment, partagé le trouble et l'ivresse que je faisais naÃtre cette illusion passagÚre serait dissipée à présent; et cependant le mÃÂȘme charme subsiste. J'aurais mÃÂȘme, je l'avoue, un plaisir assez doux à m'y livrer, s'il ne me causait quelque inquiétude. Serai-je donc, à mon ùge, maÃtrisé comme un écolier, par un sentiment involontaire et inconnu? Non il faut, avant tout, le combattre et l'approfondir. Peut-ÃÂȘtre, au reste, en ai-je déjà entrevu la cause! Je me plais au moins dans cette idée, et je voudrais qu'elle fût vraie. Dans la foule des femmes auprÚs desquelles j'ai rempli jusqu'à ce jour le rÎle et les fonctions d'Amant, je n'en avais encore rencontré aucune qui n'eût, au moins, autant d'envie de se rendre que j'en avais de l'y déterminer; je m'étais mÃÂȘme accoutumé à appeler prudes celles qui ne faisaient que la moitié du chemin, par opposition à tant d'autres, dont la défense provocante ne couvre jamais qu'imparfaitement les premiÚres avances qu'elles ont faites. Ici, au contraire, j'ai trouvé une premiÚre prévention défavorable et fondée depuis sur les conseils et les rapports d'une femme haineuse, mais clairvoyante; une timidité naturelle et extrÃÂȘme, que fortifiait une pudeur éclairée; un attachement à la vertu, que la Religion dirigeait, et qui comptait déjà deux années de triomphe, enfin des démarches éclatantes, inspirées par ces différents motifs et qui toutes n'avaient pour but que de se soustraire à mes poursuites. Ce n'est donc pas, comme dans mes autres aventures, une simple capitulation plus ou moins avantageuse, et dont il est plus facile de profiter que de s'enorgueillir; c'est une victoire complÚte, achetée par une campagne pénible, et décidée par de savantes manÅ“uvres. Il n'est donc pas surprenant que ce succÚs, dû à moi seul, m'en devienne plus précieux; et le surcroÃt de plaisir que j'ai éprouvé dans mon triomphe, et que je ressens encore, n'est que la douce impression du sentiment de la gloire. Je chéris cette façon de voir, qui me sauve l'humiliation de penser que je puisse dépendre en quelque maniÚre de l'esclave mÃÂȘme que je me serais asservie; que je n'aie pas en moi seul la plénitude de mon bonheur; et que la faculté de m'en faire jouir dans toute son énergie soit réservée à telle ou telle femme, exclusivement à toute autre. Ces réflexions sensées régleront ma conduite dans cette importante occasion; et vous pouvez ÃÂȘtre sûre que je ne me laisserai pas tellement enchaÃner, que je ne puisse toujours briser ces nouveaux liens, en me jouant et à ma volonté. Mais déjà je vous parle de ma rupture; et vous ignorez encore par quels moyens j'en ai acquis le droit; lisez donc, et voyez à quoi s'expose la sagesse, en essayant de secourir la folie. J'étudiais si attentivement mes discours et les réponses que j'obtenais, que j'espÚre vous rendre les uns et les autres avec une exactitude dont vous serez contente. Vous verrez par les deux copies des Lettres ci-jointes, quel médiateur j'avais choisi pour me rapprocher de ma Belle, et avec quel zÚle le saint personnage s'est employé pour nous réunir. Ce qu'il faut vous dire encore, et que j'avais appris par une Lettre interceptée suivant l'usage, c'est que la crainte et la petite humiliation d'ÃÂȘtre quittée avaient un peu dérangé la pruderie de l'austÚre Dévote; et avaient rempli son cÅ“ur et sa tÃÂȘte de sentiments et d'idées, qui, pour n'avoir pas le sens commun, n'en étaient pas moins intéressants. C'est aprÚs ces préliminaires, nécessaires à savoir, qu'hier Jeudi 28, jour préfix et donné par l'ingrate, je me suis présenté chez elle en esclave timide et repentant, pour en sortir en vainqueur couronné. Il était six heures du soir quand j'arrivai chez la belle Recluse, car depuis son retour, sa porte était restée fermée à tout le monde. Elle essaya de se lever quand on m'annonça; mais ses genoux tremblants ne lui permirent pas de rester dans cette situation elle se rassit sur-le-champ. Comme le Domestique qui m'avait introduit eut quelque service à faire dans l'appartement, elle en parut impatientée. Nous remplÃmes cet intervalle par les compliments d'usage. Mais pour ne rien perdre d'un temps dont tous les moments étaient précieux, j'examinais soigneusement le local; et dÚs lors, je marquai de l'oeil le théùtre de ma victoire. J'aurais pu en choisir un plus commode car, dans cette mÃÂȘme chambre, il se trouvait une ottomane. Mais je remarquai qu'en face d'elle était un portrait du mari; et j'eus peur, je l'avoue, qu'avec une femme si singuliÚre, un seul regard que le hasard dirigerait de ce cÎté ne détruisÃt en un moment l'ouvrage de tant de soins. Enfin, nous restùmes seuls et j'entrai en matiÚre. AprÚs avoir exposé, en peu de mots, que le PÚre Anselme l'avait dû informer des motifs de ma visite, je me suis plaint du traitement rigoureux que j'avais éprouvé; et j'ai particuliÚrement appuyé sur le mépris qu'on m'avait témoigné. On s'en est défendu, comme je m'y attendais; et, comme vous vous y attendiez bien aussi, j'en ai fondé la preuve sur la méfiance et l'effroi que j'avais inspirés, sur la fuite scandaleuse qui s'en était suivie, le refus de répondre à mes Lettres, celui mÃÂȘme de les recevoir, etc. Comme on commençait une justification qui aurait été bien facile, j'ai cru devoir l'interrompre; et pour me faire pardonner cette maniÚre brusque je l'ai couverte aussitÎt par une cajolerie. - " Si tant de charmes, ai-je donc repris, ont fait sur mon cÅ“ur une impression si profonde, tant de vertus n'en ont pas moins fait sur mon ùme. Séduit, sans doute, par le désir de m'en rapprocher, j'avais osé m'en croire digne. Je ne vous reproche point d'en avoir jugé autrement; mais je me punis de mon erreur. " Comme on gardait le silence de l'embarras, j'ai continué. - " J ai désiré, Madame, ou de me justifier à vos yeux, ou d'obtenir de vous le pardon des torts que vous me supposez; afin de pouvoir au moins terminer, avec quelque tranquillité, des jours auxquels je n'attache plus de prix, depuis que vous avez refusé de les embellir. " Ici, on a pourtant essayé de répondre. - " Mon devoir ne me permettait pas... " - Et la difficulté d'achever le mensonge que le devoir exigeait n'a pas permis de finir la phrase. J'ai donc repris du ton le plus tendre - " Il est donc vrai que c'est moi que vous avez fui? - Ce départ était nécessaire. - Et que vous m'éloignez de vous? - Il le faut. - Et pour toujours? - Je le dois. " Je n'ai pas besoin de vous dire que pendant ce court dialogue, la voix de la tendre Prude était oppressée, et que ses yeux ne s'élevaient pas jusqu'à moi. Je jugeai devoir animer un peu cette scÚne languissante; ainsi, me levant avec l'air du dépit " Votre fermeté, dis-je alors, me rend toute la mienne. Hé bien! oui, Madame, nous serons séparés, séparés mÃÂȘme plus que vous ne pensez et vous vous féliciterez à loisir de votre ouvrage. " Un peu surprise de ce ton de reproche, elle voulut répliquer. - " La résolution que vous avez prise... , dit- elle, - n'est que l'effet de mon désespoir, repris-je avec emportement. Vous avez voulu que je sois malheureux; je vous prouverai que vous avez réussi au-delà de vos souhaits. - Je désire votre bonheur " , répondit-elle. Et le son de sa voix commençait à annoncer une émotion assez forte. Aussi me précipitant à ses genoux, et du ton dramatique que vous me connaissez - " Ah! cruelle, me suis-je écrié, peut-il exister pour moi un bonheur que vous ne partagiez pas? OÃÂč donc le trouver loin de vous? Ah! jamais! jamais! " J'avoue qu'en me livrant à ce point j'avais beaucoup compté sur le secours des larmes mais soit mauvaise disposition, soit peut-ÃÂȘtre seulement l'effet de l'attention pénible et continuelle que je mettais à tout, il me fut impossible de pleurer. Par bonheur je me ressouvins que pour subjuguer une femme tout moyen était également bon; et qu'il suffisait de l'étonner par un grand mouvement, pour que l'impression en restùt profonde et favorable. Je suppléai donc, par la terreur, à la sensibilité qui se trouvait en défaut; et pour cela, changeant seulement l'inflexion de ma voix, et gardant la mÃÂȘme posture - " Oui, continuai-je, j'en fais le serment à vos pieds, vous posséder ou mourir. " En prononçant ces derniÚres paroles, nos regards se rencontrÚrent. Je ne sais ce que la timide personne vit ou crut voir dans les miens, mais elle se leva d'un air effrayé, et s'échappa de mes bras dont je l'avais entourée. Il est vrai que je ne fis rien pour la retenir; car j'avais remarqué plusieurs fois que les scÚnes de désespoir menées trop vivement tombaient dans le ridicule dÚs qu'elles devenaient longues, ou ne laissaient que des ressources vraiment tragiques et que j'étais fort éloigné de vouloir prendre. Cependant, tandis qu'elle se dérobait à moi, j'ajoutai d'un ton bas et sinistre, mais de façon qu'elle pût m'entendre - " Hé bien! la mort! " Je me relevai alors; et gardant un moment le silence, je jetais sur elle, comme au hasard, des regards farouches qui, pour avoir l'air d'ÃÂȘtre égarés, n'en étaient pas moins clairvoyants et observateurs. Le maintien mal assuré, la respiration haute, la contraction de tous les muscles, les bras tremblants, et à demi élevés, tout me prouvait assez que l'effet était tel que j'avais voulu le produire; mais, comme en amour rien ne se finit que de trÚs prÚs, et que nous étions alors assez loin l'un de l'autre, il fallait avant tout se rapprocher. Ce fut pour y parvenir que je passai le plus tÎt possible à une apparente tranquillité, propre à calmer les effets de cet état violent, sans en affaiblir l'impression. Ma transition fut " Je suis bien malheureux. J'ai voulu vivre pour votre bonheur, et je l'ai troublé. Je me dévoue pour votre tranquillité, et je la trouble encore. " Ensuite d'un air composé, mais contraint - " Pardon, Madame; peu accoutumé aux orages des passions, je sais mal en réprimer les mouvements. Si j'ai eu tort de m'y livrer, songez au moins que c'est pour la derniÚre fois. Ah! calmez-vous, calmez-vous, je vous en conjure. " Et pendant ce long discours je me rapprochais insensiblement. - " Si vous voulez que je me calme, répondit la Belle effarouchée, vous-mÃÂȘme soyez donc plus tranquille. - Hé bien! oui, je vous le promets " , lui dis-je. J'ajoutai d'une voix plus faible - " Si l'effort est grand, au moins ne doit-il pas ÃÂȘtre long. Mais, repris-je aussitÎt d'un air égaré, je suis venu, n'est-il pas vrai, pour vous rendre vos Lettres? De grùce, daignez les reprendre. Ce douloureux sacrifice me reste à faire ne me laissez rien qui puisse affaiblir mon courage. " Et tirant de ma poche le précieux recueil - " Le voilà , dis-je, ce dépÎt trompeur des assurances de votre amitié! Il m'attachait à la vie, reprenez-le. Donnez ainsi vous-mÃÂȘme le signal qui doit me séparer de vous pour jamais. " Ici l'Amante craintive céda entiÚrement à sa tendre inquiétude. - " Mais, Monsieur de Valmont, qu'avez-vous, et que voulez-vous dire? la démarche que vous faites aujourd'hui n'est-elle pas volontaire? n'est-ce pas le fruit de vos propres réflexions? et ne sont-ce pas elles qui vous ont fait approuver vous-mÃÂȘme le parti nécessaire que j'ai suivi par devoir? - Hé bien, ai-je repris, ce parti a décidé le mien. - Et quel est-il? - Le seul qui puisse, en me séparant de vous, mettre un terme à mes peines. - Mais, répondez-moi, quel est-il? " Là , je la pressai de mes bras, sans qu'elle se défendÃt aucunement; et jugeant par cet oubli des bienséances combien l'émotion était forte et puissante - " Femme adorable, lui dis-je en risquant l'enthousiasme, vous n'avez pas d'idée de l'amour que vous inspirez; vous ne saurez jamais jusqu'à quel point vous fûtes adorée, et de combien ce sentiment m'était plus cher que l'existence! Puissent tous vos jours ÃÂȘtre fortunés et tranquilles; puissent-ils s'embellir de tout le bonheur dont vous m'avez privé! Payez au moins ce vÅ“u sincÚre par un regret, par une larme; et croyez que le dernier de mes sacrifices ne sera pas le plus pénible à mon cÅ“ur. Adieu. " Tandis que je parlais ainsi, je sentais son cÅ“ur palpiter avec violence; j'observais l'altération de sa figure; je voyais, surtout, les larmes la suffoquer, et ne couler cependant que rares et pénibles. Ce ne fut qu'alors que je pris le parti de feindre de m'éloigner; aussi, me retenant avec force - " Non, écoutez- moi, dit-elle vivement. - Laissez-moi, répondis-je. - Vous m'écouterez, je le veux. - Il faut vous fuir, il le faut! - Non! " s'écria-t-elle... A ce dernier mot, elle se précipita ou plutÎt tomba évanouie entre mes bras. Comme je doutais encore d'un si heureux succÚs, je feignis un grand effroi; mais tout en m'effrayant, je la conduisais, ou la portais vers le lieu précédemment désigné pour le champ de ma gloire; et en effet elle ne revint à elle que soumise et déjà livrée à son heureux vainqueur. Jusque-là , ma belle amie, vous me trouverez, je cro

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